Les causes profondes du déclin de cette autorité sont nombreuses. Je n’en mentionnerai que deux.
L’une est la puissance de l’habitude, du précédent et de la tradition à l’intérieur des groupements religieux les plus anciens. Ces influences-là sont comme la gravitation : elles affectent les pratiques religieuses dans tous leurs éléments, à l’intérieur de chaque groupement, exerçant une pression ferme et continue, toujours dans la même direction. Naturellement cette direction tend à la conformité au statu quo. Dans cette situation, ce n’est pas Christ qui est Seigneur, c’est la coutume. […]
La seconde cause, c’est le réveil de l’intellectualisme parmi les évangéliques. Cette tendance, si mon appréciation de la situation est correcte, n’est pas tant une soif de connaissance qu’un désir de posséder la réputation que confère la culture. A cause de cette inclination, des hommes qui devraient pourtant savoir à quoi s’en tenir se trouvent impliqués dans une position de collaboration avec l’ennemi. Je m’explique. Notre foi évangélique (que je crois être la vraie foi de Christ et de ses apôtres) se trouve aujourd’hui attaquée de plusieurs directions différentes. Dans notre monde occidental, l’ennemi a abjuré la violence. Il ne marche plus contre nous avec l’épée et le fagot. Il vient maintenant avec le sourire, et des cadeaux dans la main. Il lève les yeux au ciel et jure que, lui aussi, il croit à la foi de nos pères. Mais son vrai dessein c’est de détruire cette foi ; ou du moins de la modifier dans une mesure suffisante pour qu’elle ne soit plus cette chose surnaturelle qu’elle était jadis. Il vient au nom de la philosophie et de la psychologie ou de l’anthropologie et, avec toute la douceur qu’on peut mettre dans quelque chose de plausible, il nous invite avec insistance à repenser notre position historique, à être moins rigide, plus tolérant, plus largement compréhensif.
Il parle le saint jargon des écoles, et nombreux sont nos évangéliques demi-cultivés qui accourent pour le couvrir de compliments. Sur ces fils de prophètes avides de grimper, il fait cascader des titres académiques, comme Rockefeller faisait cascader les pièces de dix sous sur les enfants des paysans. Les évangéliques qui ont été accusés, non sans quelque raison, de manquer de vraie culture, se jettent à l’envi sur ces symboles d’un statut supérieur, et quand ils les ont obtenus, ils peuvent à peine en croire leurs yeux. Ils vont et viennent dans une sorte d’incrédulité extatique, un peu comme ferait le soprano de la chorale de l’église voisine, si elle était invitée à chanter à la Scala. « L’autorité déclinante de Christ dans les Églises », The Alliance Witness, 18 mai 1963.
Alors que nous avons tant besoin de conducteurs ayant du discernement […] ils nous font défaut et nous sommes contraints de nous rabattre sur les techniques du monde. Nous vivons des temps qui réclament impérieusement des hommes doués de sens prophétique et non des enquêteurs, des statisticiens et des animateurs de débats. Nous avons besoin d’hommes possédant le don de connaissance, et non pas seulement des érudits.
Nous pourrions nous acheminer nous-mêmes vers le moment tragique où Dieu nous mettra de côté en tant que soi-disant évangéliques et où il suscitera un autre mouvement qui conservera le Christianisme néo-testamentaire sur la terre. Ne dites pas : « Nous sommes enfants d’Abraham ! De ces pierres, Dieu peut susciter des enfants à Abraham » (Matthieu 3:9).
A.W. Tozer, La vie plus profonde, Cahiers de Croire et Servir, Paris, 1974, p. 43.