La pensée créationniste et l’œuvre apologétique de Jean-Marc Berthoud

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La pensée créationniste et l’œuvre apologétique de Jean-Marc Berthoud [1]

La découverte des écrits théologiques fondamentaux de Jean-Marc Berthoud aura un impact toujours plus important sur mon discernement spirituel et théologique sur la création, l’Écriture et l’histoire de la rédemption.

Gérald Pech [2]

Mon parcours lors de la controverse au sujet de la création fut l’oc­casion de découvrir l’œuvre magistrale et la théologie de Jean-Marc Berthoud et qui, plus tard, aura une influence décisive dans tous les aspects de mon travail en tant que créationniste. Pour préparer le terrain, je voudrais retracer mon expérience personnelle.

Quand j’étais encore un étudiant, je ne connaissais que peu le débat sur la création. Afin de mieux approfondir l’évolutionnisme, j’ai acheté un livre sur le sujet, d’un biologiste français, Jean Humbert [3].

Humbert avait adopté la théorie du cadre, d’Henri Blocher [4], et la théorie de l’évolution. Par conséquent, après la lecture du livre d’Humbert (qui me semblait très convaincant), j’ai commencé de croire à l’évolution. J’étais déjà chrétien et j’avais environ 20 ans.

Plusieurs années après, je pris connaissance des ouvrages de Hugh Ross, que mon pasteur américain me conseilla de lire. Je suis reconnaissant pour de tels travaux, j’étais heureux et stupéfait de voir qu’il y avait une base scientifique raisonnable pour rejeter la théorie de l’évolution. Je suis donc devenu progressivement créationniste. Cependant, je restais embarrassé par l’affirmation de Hugh Ross selon laquelle la mort aurait été présente avant la chute d’Adam.

C’est seulement quelques années plus tard que j’ai acquis une con­naissance théologique et exégétique plus importante, d’abord par la dé­couverte des écrits classiques des réveils, et ensuite, à travers les œuvres de théologiens réformés. Parmi ceux-ci, Jean Calvin, Iain Murray, John Piper, Douglas Kelly et surtout Jean-Marc Berthoud, un Réformé suisse, érudit et indépendant.

En particulier, la découverte des écrits théologiques fondamentaux de Jean-Marc Berthoud aura un impact toujours plus important sur mon discernement spirituel et théologique sur la création, l’Écriture et l’histoire de la rédemption.

Ces dernières années, Jean-Marc et moi avons eu des échanges riches et stimulants, par courriel, dans lesquels il partageait avec moi ses réflexions toujours perspicaces et rigoureuses. C’est alors que je réalisai l’importance fondamentale de la doctrine biblique de la création en six jours et de ses vastes implications pour toutes les autres doctrines bibliques.

De plus, je découvris les œuvres de scientifiques créationnistes de haut niveau tels que Henry Morris, Guy Berthault, Walter Brown, Robert Gentry, John Hartnett, etc. Ce fut réellement décisif et changea, réorganisa complète-ment ma pensée. J’ai pleinement adopté le récit de la création de la Genèse, en six jours ordinaires, qui fut le point de vue prédominant de l’Église jusqu’au siècle de Darwin.

Apologétique et fausses dichotomies

Mon expérience personnelle m’a assurément convaincu que nous ne pouvions pas nous contenter d’une approche présuppositionnelle classi-que : il nous fallait aussi une approche fondée sur des évidences. Pourquoi les deux ? Parce que les deux, le cœur et la raison, coopèrent en nous per­mettant de saisir pleinement les vérités de Dieu concernant soit le domaine spirituel ou le domaine physique. Fait encore plus pertinent (comme j’allais le découvrir plus tard), la Parole de Dieu et les faits de Sa création sont inséparables.

Malheureusement, une des raisons pour laquelle beaucoup de chrétiens sincères rejettent l’apologétique fondée sur des évidences pourrait venir de leur orientation implicite pour un hypercalvinisme extrême et déséquilibré comme système théologique. L’extrait suivant du pamphlet de Mark Duncan « The Five Points of Christian Reconstruction from the Lips of Our Lord [5] « (Les cinq points de la reconstruction chrétienne selon les paroles de notre Seigneur) est assurément significatif en rapport avec cette question :

Jésus a employé une méthode apologétique présuppositionnelle. Les apologètes chrétiens d’aujourd’hui feraient bien de suivre l’exemple de notre Seigneur. Le Sauveur était parfaitement consistant dans son enseignement. Comme exposé plus haut, Christ a enseigné les doctri-nes qui ont été connues plus tard sous le nom des Cinq points du cal­vinisme. Ces doctrines enseignent que l’homme est un pécheur totale­ment corrompu et que par conséquent, le salut est entièrement l’œuvre de la grâce de Dieu. Une méthode apologétique basée sur des éviden-ces n’est pas cohérente avec cette doctrine calviniste, tandis qu’elle l’est entièrement avec la doctrine arminienne du libre arbitre. Les arminiens, avec leur apologétique, croient que l’homme, avec suffisamment de faits irréfutables, comprendra que la Bible est la Parole de Dieu et que Jésus est celui qu’il affirmait être. Il emploiera donc son libre arbitre pour « accepter Christ ».

Cette déclaration schématise trop le point de vue calviniste historique et vraiment biblique sur l’apologétique. Mais son mérite réside dans le fait de décrire correctement les convictions de beaucoup de chrétiens sur l’apologé­tique. D’ailleurs, comme l’explique remarquablement Jean-Marc Berthoud dans son livre Pierre Viret, Un géant oublié de la Réforme. Apologétique, éthique et économie selon la Bible [6], une approche présuppositionnelle devrait être sensible­ment associée avec une approche fondée sur l’évidence et n’a pas besoin d’avoir la Bible comme point de départ exclusif quand elle communique les vérités de Dieu aux incroyants :

Pour atteindre son but, Pierre Viret ne se limite pas, comme le font souvent les tenants d’une apologétique présuppositionnelle van tilienne, à raisonner déductivement à partir de textes bibliques uniquement. Ce n’est pas qu’il croie qu’il existerait un terrain philosophique imagi­naire commun à la pensée chrétienne et à la pensée païenne…

Viret, tout en gardant constamment sa pensée sur le terrain de la présupposition fondamentale de l’autorité conceptuelle absolue de la Bible, n’hésite cependant pas à se servir de la réalité créée et culturelle qu’il partage avec ses contemporains pour exposer les vérités divines. Il est donc, en même temps, présuppositionnel et évidentiel dans son apologétique…

Pierre Viret a donc l’immense avantage sur nous d’avoir vécu avant l’instauration du climat épistémologique post-rationaliste, post-idéaliste, post-dialectique et post-moderne que nous connaissons, où les obsta-cles philosophiques à la compréhension du sens donné par Dieu à la réalité sont infiniment plus grands qu’ils ne l’étaient au milieu du 16e siècle. Il lui était donc plus aisé qu’à nous de se servir des réalités de son temps pour amener ses auditeurs et ses lecteurs à comprendre que l’Écriture, en fin de compte, contient les réponses divines à toutes les questions que l’homme pourrait se poser. Car si la connaissance de toute réalité ne se trouve évidemment pas contenue dans l’Écriture seule, mais est propre aux faits donnés par Dieu dans l’ordre de la création et dans l’histoire humaine, leur sens ne peut cependant être discerné de manière véritable qu’à travers la réflexion, fondée sur la révélation biblique, d’un apologète et historien chrétien tel Pierre Viret. Permettez-moi d’insister : je parle d’abord de « connaissance » humai-ne et non du sens véritable de cette connaissance, car celle-ci provient, en fin de compte, de la seule révélation écrite de Dieu, illuminant toutes choses par sa clarté divine.

La terminologie dont use parfois Viret peut donner parfois l’impres­sion au lecteur que sa position a un caractère essentiellement rationnel. C’est que, pour lui, la raison humaine et la Bible ne constituent pas deux pôles opposés, en guerre l’un avec l’autre. Non, pour lui, comme pour Van Til, la Parole de Dieu constitue le fondement même d’une raison humaine fonctionnant correctement.

Donc pour lui, le fait d’être bien enseigné dans la Parole de Dieu et de la recevoir de tout cœur ne représente rien de moins que la garantie d’un bon usage de ce don précieux de Dieu que sont nos facultés rationnelles. Ce que nous appelons apologétique, dans notre jargon mo­derne, était pour Viret et pour tous les Réformateurs, fondamental à la prédication claire et efficace de l’Évangile. Ce n’était rien d’autre que mettre à l’œuvre une raison restaurée dans ses fonctions créationnelles normales. Car un tel usage sanctifié de nos facultés rationnelles n’im­plique rien de moins que la volonté de travailler à rendre toutes les pensées dévoyées des hommes captives à l’obéissance à Christ afin de les amener à se soumettre à sa Parole souveraine et absolue, en bref à les rétablir dans leur fonctionnement originel normal. De quelle façon Viret procède-t-il donc ? … En fait, Viret a une telle confiance en la Vérité de l’Écriture appliquée à tous les aspects de la réalité et il est si pleinement rempli de la sagesse de Dieu, qu’il n’hésite pas à se servir de n’importe quel domaine de l’activité humaine, intellectuelle ou culturelle, pour aller à la rencontre, de façon concrète et pratique, des intérêts de ses contemporains. Mais son point de départ est tou­jours parfaitement biblique et créationnel. Il ne se place jamais sur le terrain imaginaire d’une possible entente intellectuelle partagée, et donc en dialogue, avec les adversaires de la foi chrétienne. Il travaille ainsi à ramener toute pensée humaine, égarée et déformée (il dit difformée), à l’obéissance au Christ.

Je ne peux pas surestimer l’influence de Jean-Marc Berthoud sur mon ministère de créationniste. C’est véritablement à travers la perspicacité théo­logique et l’amitié de Jean-Marc que j’ai pleinement réalisé que la vision du monde d’un point de vue créationniste biblique est extraordinairement pro­fonde. J’aimerais maintenant avancer quelques-unes des raisons qui me font croire que l’Église en général et le mouvement créationniste en particulier, ont besoin de découvrir et de construire sur ses travaux.

L’Écriture nous conduit à une compréhension métaphysique littérale de la création en six jours

Toute la pensée de Berthoud est celle d’un créationniste fondé sur l’ordre créationnel de Dieu, qui à son tour, s’épanouit en une véritable méta­physique biblique. L’entier de son œuvre se reflète dans son brillant magnum opus (maintenant disponible en cinq volumes) : L’Histoire alliancielle de l’Église dans le Monde [7] où l’on peut pleinement saisir la nécessité d’une juste compré­hension (et intégration dans le mouvement créationniste actuel) d’une forme de pensée scientifique qualitative. Cette pensée scientifique qualitative est tota­lement différente de l’actuelle pensée scientifique quantitative si fortement influencée par l’empirisme de Francis Bacon et le rationalisme mathématique de René Descartes [8].

Berthoud nous offre une critique nette et fondamentale de la nature nominaliste de l’évolutionnisme théiste proposée par des intellectuels influents, tels que le théologien français Henri Blocher et le philosophe analytique amé­ricain Alvin Plantinga (voyez les chapitres pertinents du cinquième Tome de L’Histoire alliancielle, de Jean-Marc Berthoud) [9] Concernant le nominalisme, nous avons ici l’essence de l’analyse de Berthoud, selon les mots du Dr Douglas Kelly :

Berthoud pense que la philosophie sous-jacente de cette déconnexion entre « littéraire » et « littéral » (ou selon Jordan, « théologique » et « littéral ») est une sorte de nominalisme remis à la mode, celui qui était pratiqué par l’érudit du Moyen Âge Guillaume d’Occam. Com­mentant sur le genre d’exégèse dont les écrits de Blocher sont un exemple, Berthoud déclare :

Ce que nous avons ici est en fait de l’exégèse nominaliste… Pour Occam, la forme ou le nom [d’où « nominalisme »] n’a pas de vraie ou réelle [noétique] relation avec la chose nommée ou signifiée. D’une façon similaire [ici dans « l’hypothèse du cadre »] la forme littéraire n’a pas de relation actuelle avec la réalité temporelle de la création…

Le nominalisme est évidemment une fuite du « réalisme » (qui repose sur la supposition d’une réelle relation entre un texte littéraire et des faits, des évènements et des personnes historiques désignés dans ce texte). Comme Berthoud l’écrit ailleurs : « Dans l’esthétique de la Bible (et dans la grande littérature basée sur elle), la forme est unie à la vérité et la vérité ordonne toujours la forme [10]. »

En ce qui concerne les erreurs évolutionnistes de Plantinga exprimées dans son livre, Where the Conflict Really Lies [11], Jean-Marc Berthoud nous dit ceci :

Il considère que le problème essentiel auquel nous avons à faire est le naturalisme, c’est-à-dire l’exclusion de Dieu du Cosmos scientifique moderne. En cela il n’a pas tort. Il développe dans ce livre une défense très vigoureuse de l’évolution théiste comme réponse à ce naturalisme, réponse qu’il considère comme adéquate aux exigences tant de la vraie science que de la Bible. L’ennemi mortel pour lui est le matérialisme ; le conflit évolution-création est à ses yeux d’importance secondaire, ce qui le conduira à utiliser l’enfant bâtard de l’évolutionnisme matérialiste (ou naturaliste), l’évolutionniste théiste, pour chercher à contrer l’évolu-tionnisme matérialiste, mais surtout le naturalisme scientifique.

Berthoud ajoute :

Pour lui [Plantinga] la science classique, newtonienne et einsteinienne, ne pose pas de vrai problème pour la foi chrétienne ; ce qui pose un problème est le matérialisme ou le naturalisme, l’exclusion d’une réalité spirituelle de l’étude de la nature. Il ne comprend pas du tout le fait bien attesté que la science moderne – qui prit naissance au XVIIe siècle – a de manière méthodologique exclut tout sens métaphysique et théologique (le sens du monde et la finalité surnaturelle) de sa démarche scientifique en éliminant de sa réflexion la causalité finale (Dieu) et la causalité formelle (le sens du monde). Plantinga écrit :

Ma thèse générale est qu’il y a un conflit superficiel, mais en fait un accord profond entre la science et la religion, et un accord su­perficiel, mais un conflit profond entre la science et le naturalisme. (p. 307)

Berthoud continue :

Ainsi, pour Plantinga la science quantitative est au fond en accord avec la religion théiste, mais pas avec une vision matérialiste, ou purement naturaliste, c’est-à-dire immanente, de l’univers.

Il semble n’avoir aucune idée de ce que pourrait être une vision méta­physique biblique de la nature, ouverte au sens sensible et spirituel de la réalité créée par Dieu. Il ne semble pas non plus voir qu’il existait avant le XVIIe siècle une science qualitative (aristotélicienne ou autre) où la vision de l’univers était ordonnée par les quatre causes [d’Aristote], matérielle, efficiente, formelle et finale. Là, le sens symbolique création­nel du monde avait sa place et autorisait l’usage d’un langage parabo­lique et symbolique réaliste pour parler des réalités morales et spiritu-elles en des termes naturels, créationnels. Les choses de la terre étaient créées matériellement de telle sorte qu’elles puissent nous parler aussi des choses du ciel. Plantinga ne semble pas du tout voir qu’il est par­faitement impossible de parvenir à une telle compréhension qualitative du monde par l’usage d’une vision uniquement quantitative et mathé­matisante de l’ordre de l’univers.

Plantinga établit ensuite une distinction qui est fondamentale pour lui, celle entre un évolutionnisme purement matérialiste, « naturaliste », tota­lement incompatible avec la religion chrétienne (ainsi qu’avec la science telle qu’il la comprend), et un évolutionnisme théiste qui serait, à ses yeux, pleine­ment compatible avec le Christianisme. Berthoud ajoute :

Le problème central pour Plantinga réside uniquement dans le maté­rialisme, le naturalisme, l’exclusion d’une vision théiste, et ne se trouve aucunement dans le prétendu processus évolutif lui-même. Voici ce qu’écrit Plantinga :

Il existe une confusion essentielle entre une évolution dirigée et une évolution non dirigée ; entre une science sobre et les adjonctions philosophiques et théologiques à la science.

Cette phrase manifeste (et en particulier le mot « adjonction ») l’éton­nante faiblesse de Plantinga comme philosophe et comme théologien et son ignorance très surprenante de la nature, tout à la fois métaphy­sique et théologique, de l’entreprise scientifique elle-même. En fait, comme cela a été maintes fois démontré (voyez en particulier les tra­vaux de E. A. Burtt, d’Alexandre Koyré et d’Amos Funkenstein) [12], la science moderne se fonde sur une conception de la réalité qui est à la fois platonicienne (en ce qui concerne sa mathématisation) et nomi­naliste (en ce qui concerne son atomisme). Dans ce sens on ne peut pas simplement parler d’« adjonctions » philosophiques ou théologi-ques à la science, car de tels éléments lui sont organiquement inhérents. La structure même de la science contient des éléments théologiques et philosophiques. Ce sont des présupposés en général non formulés explicitement.

Pour Berthoud c’est précisément ici que la plupart des chrétiens scien­tifiques créationnistes (même parmi les plus fidèles et les plus convaincus par la véracité de l’Écriture dans la ligne de l’approche van tilienne) déforment l’approche chrétienne de la nature en adoptant une vision philosophique faus­sée de la réalité. Comme Jean-Marc Berthoud nous l’explique :

Ce nominalisme « atomiste » concerne la méthode résolutive, puis compositive de la science moderne, méthode qui cherche à résoudre (réduire) la réalité mesurable en ses éléments les plus simples ; puis à recomposer (reconstruire) les éléments disparates de cette réalité ato­misée en un ensemble hypothétique cohérent, cela à l’aide des lois scientifiques connues.

Pour ce qui concerne les bases théologiques de la science, il est égale­ment bien connu que la science moderne, mathématique et expérimentale, commence par le refus des causes finales et formelles d’Aristote et de la Bible, causes qui sont propres à la nature stable et à la finalité organique des créatures de Dieu telles qu’on peut les observer par nos sens et notre intelligence. La réflexion métaphysique sur le sens, sens qui donne à chaque nature son être stable (c’est-à-dire les universaux qui les ordonnent) ne fait plus partie de la réflexion scientifique mo­derne, ayant totalement atomisé l’ordre de la nature par sa méthode résolutive. Dans cette perspective la nature qu’étudie la science mo­derne est dépourvue de la moindre finalité ; tout y est fonctionnel, sans ordonnance interne propre. Dieu en est a priori exclu, c’est-à-dire écar-té, cela de principe, méthodologiquement. Il en va de même pour l’idée d’une nature spécifique aux diverses créatures.

Métaphysique biblique contre cosmologie raccourcie

Dans son beau livre, Création, Bible et Science [13], qui illustre sa recherche d’une métaphysique vraiment biblique, Berthoud expose une vue métaphy­sique de la réalité qui est totalement et assurément fondée sur l’Écriture. Une telle perspective lui permet de défendre la cosmologie géocentrique qui avait prévalu en tant que point de vue scientifique de l’univers au cours des quinze siècles avant la « révolution copernicienne » et, surtout, le procès de Galilée. C’est assez remarquable et démontre sa liberté de pensée par rapport à la sagesse mondaine conventionnelle, et ce d’autant plus qu’il n’y a que quelques théologiens et scientifiques créationnistes protestants (dans le monde entier, à travers les siècles depuis Galilée) qui ont soutenu le géocentrisme ou la géocentricité [14].

Dans l’avant-dernier chapitre de son livre L’Alliance de Dieu à travers l’Écriture sainte[15] Berthoud démontre à quel point le géocentrisme fait inté­gra­lement partie d’une cosmologie véritablement biblique dans laquelle la résur­rection corporelle et l’ascension de Jésus-Christ ont un sens, en contraste avec la cosmologie raccourcie de la science moderne qui traite le cosmos comme étant restreint à l’atmosphère et aux astres. Ces deux réalités dans la vie terrestre de Christ sont des faits qui appartiennent à la fois à notre monde, mais aussi à ce qui se situe au-delà du cours normal des évènements de notre univers. La cosmologie biblique est à trois niveaux, où le troisième ciel – l’endroit où se trouve le Créateur – et le cosmos qu’il a créé sont dans une relation de continuité partielle.

Jean-Marc Berthoud compare l’attitude d’humble passivité et de sages-se dans l’ancienne cosmologie (où une attitude contemplative et donc récep­tive prévalait concernant la nature) avec la volonté de l’homme moderne de dominer, contrôler et transformer l’ordre de la nature (en agissant sur elle comme un maître conquérant ses possessions). Cet état d’esprit (qui repré­sente une cruauté active et violente envers l’ordre créé) à son origine chez Francis Bacon et René Descartes et donne la direction fondamentale prise par les sociétés technocratiques et scientifiques modernes.

La pensée antique en contraste avec la pensée moderne

Autrefois, la pensée concentrait beaucoup son attention sur les formes substantielles visibles, c’est-à-dire, celles de l’ordre créé, et non celles décou­vertes dans les structures scientifiques dissimulées dans la nature. Cette pen-sée n’aurait jamais pu imaginer un univers uniforme, homogène, illimité et informe, auquel la science moderne est parvenue. Ce modèle de l’univers est exactement ce qu’Alexandre Koyré a déploré. Dans ses nombreux ouvrages, Koyré démontre comment l’utopie (un vide avec des formes purement géo­métriques) a remplacé l’univers significatif, limité, fermé et ordonné de l’an­cienne cosmologie. Dans cette vision de l’univers, il y avait des formes subs­tantielles visibles, concrètes, et sa motivation (son mobile) allait subir d’innom­brables contraintes extérieures en tout temps, ce qui évita toute investigation utopique de la nature dans son état mathématique pur. Jean-Marc Berthoud affirme que la science moderne a pu apparaître uniquement parce qu’un certain nombre de ces obstacles ont pu être éliminés. Résumons la description que donne Berthoud des obstacles, qui caractérisaient l’ancienne cosmologie, et qui durent être éliminés pour que paraissent, au tournant du XVIIe siècle, sciences mathématico-expérimentales nouvelles :

– Le monde ancien étudiait la flexibilité stable et la malléabilité du changement, et non pas une uniformité rigide des lois mathématiques.

– Le monde était ordonné selon une hiérarchie des êtres, ceux-ci étant objec­tivement (substantiellement) différents les uns des autres, d’un point de vue qualitatif (matière, vie végétale, animale, humaine, angélique et divine).

– Seules les formes substantielles concrètes étaient connues, par exemple, ce chat, ce chien, desquels des universaux pouvaient être directement dérivés, à travers leur observation méticuleuse : les espèces, les familles, les catégories, les éléments, etc. [16]

– Ces différences qualitatives avaient un caractère objectif, car elles apparte­naient à l’objet étudié lui-même, ne lui étant aucunement imposées de l’exté­rieur par la pensée humaine.

– Afin de connaître de manière exacte tous ces êtres aux formes multiples, il est nécessaire de les aborder avec des méthodes diverses, chacune étant appropriée à l’objet spécifique étudié.

– L’idée d’une seule méthode qui s’appliquerait de manière uniforme à toute la réalité était alors mentalement impensable, car l’on percevait et admirait alors le caractère multiple des créatures divines.

– Ces êtres si variés et d’une telle multiplicité se trouvaient cependant dans une relation de dépendance les uns avec les autres, cela au sein d’une hiérar­chie à la fois assez complexe et pleinement unifiée, celle d’un tout constitué par l’univers harmonieux et bien ordonné de Dieu.

– Les Anciens considéraient les mathématiques comme constituant une science trop pure et par trop détachée d’un univers si varié, complexe, riche et, surtout si mutable, pour l’étudier de manière utile. Les mathématiques ne pouvaient, à leurs yeux, correctement appréhender le but et le sens de l’uni­vers sublunaire. Ce dernier, en contraste avec celui des étoiles fixes aux mou­vements réguliers immuables, était le monde du changement, cela au sein de la stabilité des formes substantielles si multiples, chacune étant caractérisée par son propre principe universel.

Tout, dans ce bas monde, était mû par un but et par une fin qui lui était spécifique. Le but ultime de tous les êtres se trouvait en Celui, qui leur avait accordé à tous, l’existence, la vie et l’être.

– L’ordre du langage humain reçu par les hommes – qui n’est aucunement celui des constructions pseudo-scientifiques de la linguistique – détenait, dans ses diverses formes, une autorité durable. Cet ordre normatif était plus spéci­fiquement (et par-dessus tout) celui de la Parole de Dieu écrite, la Bible. Car cet ordre verbal correspond à l’ordre créé de l’univers, vu que chacun prend sa source dans l’action bienveillante, à la fois créatrice et révélatrice, du seul Dieu Trinitaire, Créateur, Providence, Révélateur et Rédempteur.

– Jean-Marc Berthoud considère que l’apogée de cette synthèse de l’univers ancien doit être trouvée dans le système imposant de la pensée thomiste, qui unit la nature – l’ordre du monde uni et varié, tel qu’il était à sa création, en tout très bon, de la main de Dieu – et la théologie, basée sur l’ordre plus élevé de l’Écriture, vraie révélation donnée par Dieu à l’homme, lumière divine éclairant les ténèbres du péché de l’homme, adapté à ses capacités, en tant que créature sensible et rationnelle.

– Berthoud est convaincu qu’un des derniers théologiens qui s’efforça (d’une manière plus biblique que Thomas d’Aquin) d’accorder les deux royaumes (nature et révélation) n’est autre que le Réformateur suisse, Pierre Viret (1511-1571). En effet, le titre du chef-d’œuvre de Viret, Instruction chrétienne en la doctrine de la Loi et de l’Évangile et en la vraie philosophie et théologie tant naturelle que supernaturelle des Chrétiens ; et en la contemplation du temple et des images et œuvres de la providence de Dieu en tout l’univers ; et en l’histoire de la création et chute et réparation du genre humain[17] exprime la vision du monde et le dessein scientifique, philosophique et théologique du christianisme ancien dans son intégralité.

Berthoud sur l’histoire des idées, de la philosophie et de la théologie

Pendant la période entre cette ancienne métaphysique biblique tradi­tionnelle et la découverte de la science mathématique expérimentale moderne, une révolution phénoménale s’est produite concernant la pensée, les senti­ments et la foi. Jean-Marc Berthoud soutient que l’ancienne métaphysique a progressivement disparu à mesure que de nouvelles philosophies et théo­logies sont apparues.

Il y eut d’abord Francis Bacon, qui basait la connaissance et l’épisté­mologie sur l’expérimentation. Ensuite, nous avons René Descartes avec son dualisme des substances. Néanmoins, le dualisme cartésien laissait encore de la place pour le royaume « spirituel », celui de l’âme à côté de la matière et de l’étendue (l’espace).

Mais en réalité, ce dualisme a rapidement donné la priorité au monisme cosmique de Spinoza. Ce monisme évacua l’ancienne opinion sur l’univers qui avait maintenu à la fois son unité et sa diversité, son universalité et son caractère concret, le tout ancré dans la Trinité. En 1632, le nouveau modèle du monde, baconien, cartésien, copernicien et galiléen a gagné la bataille cos­mologique. Le résultat fut la propagation d’une vision nouvelle du monde parmi les personnes instruites : un cosmos totalement coupé de toute trans­cendance.

Jean-Marc Berthoud nous mène dans les coulisses de cette révolution cosmologique, identifiant l’origine des attaques de Satan contre « la foi qui a été transmise aux saints une fois pour toutes », jusqu’à Bacon et Descartes. Avec celui-ci, bientôt, la signification en tiendrait exclusivement à ce qui pour­rait être mesuré.

Avec la Réforme, la Parole de Dieu a fait une avancée extraordinaire en Europe (plaçant de nouveau la vision de Dieu sur l’univers au centre).

Mais avec les nouvelles sciences, à la suite de Copernic, Galilée, Descartes et Newton, Dieu et le sens, la cause finale et la cause formelle seraient exclues de la science, n’y ayant pas de place de principio.

Ce nouveau principe déterminant est au cœur d’une modernité émer­gente, une nouvelle religion, dont les prophètes furent Bacon et Descartes. Depuis lors, la nouvelle science mathématique expérimentale prévaudrait comme modèle pour toutes les disciplines intellectuelles. Les mathématiques allaient devenir maintenant le nouveau langage universel, le seul langage à qui on accordera une légitimité pour décoder le cosmos.

À la lumière des découvertes archéologiques récentes de milliers de tablettes d’argile, datant de trois mille sept cents ans, nous éclairant sur les compétences mathématiques des Babyloniens (y compris la trigonométrie, les fonctions sinus et cosinus, les fonctions logarithmes, les racines cubiques, les valeurs des fonctions exponentielles), nous voyons le lien spirituel entre la science basée sur les mathématiques modernes et la religion babylonienne. Le philosophe français des sciences, Roger Caratini, a conclu que : « Le calcul était institutionnellement partie intégrante de la culture babylonienne des nombres ainsi que l’apprentissage de l’écriture, de même que l’était la religion chez les Égyptiens [18]. »

La déconstruction métaphysique s’éloigne encore plus de la réalité

Jean-Marc Berthoud précise que, dans le même esprit, Duns Scot, entre la fin du XIIIème siècle et le début du XIVème siècle, sépara les universaux de l’ordre de la création [19], et fit de même concernant la relation entre la théologie et les Saintes Écritures. Comme saint Thomas d’Aquin l’a souvent enseigné, le seul fondement de la théologie doit être trouvé dans le principe « Sola Scriptura », non dans quelque spéculation logique à propos des « vérités de la foi [20]. »

Malheureusement, Scot, non seulement ouvrit la porte à une spécu­lation philosophique débridée (en partant d’universaux dès lors séparés de leur dépendance étroite et contraignante à l’ordre des formes substantielles créées), mais il permit d’ouvrir les vannes à une spéculation théologique bien plus dangereuse. Scot a ouvert la voie à un développement logique sans limites, en partant de « principes de foi » maintenant séparés de la pensée précise de Dieu, telle que révélée dans l’Écriture seule. Par conséquent, Duns Scot fut le seul théologien catholique du haut Moyen Âge à défendre, d’une façon purement spéculative, la doctrine non biblique de la conception immaculée de la sainte Vierge.

Depuis le XIVème siècle, jusqu’au XVIème siècle, s’est développée une école de pensée spéculative. Elle était libérée des limites de la réalité dans les domaines de la physique (une discipline de plus en plus dominée par des constructions mathématiques abstraites), de la philosophie et de la théologie. Des mondes imaginaires furent construits. Toutes sortes de systèmes spéculatifs, coupés des formes substantielles individuelles réelles, furent imaginés. Petit à petit, l’espace et le temps ont été conceptualisés en dehors des paramètres du monde concret et réel 1..

Par exemple, des scientifiques s’efforceraient de considérer le mou­vement en dehors des limitations, des obstacles et des contraintes du monde réel. Leur but était d’arriver à une conceptualisation décrivant la réalité de toutes les puissances de fonctionnement en mouvement sans les limitations créées du monde ordinaire. Par conséquent, le modèle qu’ils recherchaient était inévitablement destiné à être dans un endroit non existant (un espace uniforme, homogène, basé sur le principe copernicien, qui était temporellement spontané, stable et infini) qui concordait avec la cosmologie moderne du Big Bang. Ce genre de modèle est évidemment utopique et n’existe nulle part, sinon dans les esprits des scientifiques qui l’ont élaboré.

Jean-Marc Berthoud nous embarque dans un pèlerinage intellectuel à travers l’histoire, et explore beaucoup plus profondément le domaine de la philosophie, de la science et de la théologie, à la différence de ce qui se fait habituellement par les théologiens orthodoxes contemporains, les historiens et philosophes des sciences et les scientifiques créationnistes. Il a démontré d’une façon convaincante que les répercussions de la modernité sont bien plus dévastatrices que ce qu’ont imaginé jusqu’ici les partisans du mouvement créationniste moderne 2. Ce dernier a tendance à attribuer l’origine de tous les maux sociaux à Charles Darwin, mais Berthoud a mis en lumière la révolution plus profonde de cette vision cosmologique, une révolution dont l’importance n’a pas encore été considérée, c’est une nouvelle vision du monde qui allait bouleverser complètement la réalité et l’unité certaine de la bonne création de Dieu.

La relation de la loi dans la restauration d’une métaphysique biblique créationnelle

Enfin et surtout, nous pouvons nous demander quel sont précisément le principe et la structure scripturaire et théologique qui justifient un retour à la métaphysique créationnelle exigé par Jean-Marc Berthoud, comme décrit ci-dessus ? En d’autres termes, comment peut-on justifier, d’après les Écritures, la correspondance harmonieuse entre la Parole de Dieu et le monde réel ? Plus spécifiquement, qu’est-ce que l’Écriture enseigne à propos de la relation appropriée entre la création, la Parole de Dieu et sa loi ? D’un point de vue philosophique, nous pouvons nous demander si l’Écriture atteste la philosophie du langage ordinaire et la théorie de la vérité-correspondance.

La réponse nous est suggérée par Jérémie 31 : 35-36 qui dit :

Ainsi parle l’Éternel, qui donne le soleil pour éclairer le jour, les phases de la lune et des étoiles pour éclairer la nuit, qui soulève la mer et fait mugir ses flots, Lui dont le nom est l’Éternel des armées : Si ces lois viennent à cesser devant moi – Oracle de l’Éternel –, la descendance d’Israël aussi cessera pour toujours d’être une nation devant moi.

Ici, l’Écriture associe et relie clairement la création de Dieu et l’ordre créationnel (révélation générale) d’un côté, et ses lois morales ainsi que son plan rédempteur pour Israël (la révélation spéciale à travers l’Écriture) — et à travers Israël, la nation élue, toute l’humanité — de l’autre.

Berthoud est vraiment convaincu et travaille à nous faire comprendre que la découverte des lois cachées de la nature, à partir de Descartes et Bacon (et même de Jeremy Bentham [21], qui chercha à appliquer son utilitarisme scientifique à toute la réalité), avec leur application arbitraire à tous les domaines de la vie humaine, est une remarquable erreur historique, erreur qui conduira inévitablement notre monde soi-disant scientifique à une impasse.

Notre science moderne a refusé de s’humilier humblement dans ses travaux scientifiques, dans un esprit de vraie piété, devant le Créateur de toutes choses. D’un point de vue méthodologique, elle en est arrivée à cette vision en substituant une petite partie de la réalité (ses aspects mathématiquement mesurables) pour le tout.

En effet, la science devrait chercher à modifier sa raison d’être pour se conformer à l’entier de l’ordre de la création. C’est le mandat créationnel ou culturel que Dieu donna à l’humanité à travers Adam, dans la Genèse. Jusqu’à la fin des temps, les relations de Dieu avec l’humanité et avec le monde ont été (et seront toujours) gouvernées dans le respect de sa Loi. L’homme ne peut pas éviter de se situer dans une relation d’alliance avec son Créateur.

Le mandat créationnel et la théonomie

C’est pourquoi la doctrine de la création est si fondamentale pour nos sociétés. L’homme rebelle recherche l’autonomie d’avec Dieu. L’auto­nomie fut premièrement le péché d’Adam, qui transgressa ensuite sa Loi et ainsi son alliance.

Pour le peuple élu de Dieu en particulier, le mandat créationnel est toujours en vigueur aujourd’hui. Il devrait être appliqué par une humble obéissance de la foi, respectant les limites imposées par les exigences de la Parole-loi de Dieu sur les ambitions non contenues d’une humanité techno­cratique et transhumaniste. Ces exigences sont celles de l’ordre visible de la bonne et généreuse création de Dieu.

Nous comprenons par là que c’est aussi le premier pas pour se remettre de l’infortune apportée par une foi piétiste qui assimile trop facilement une pensée humaniste, donne la priorité à la retraite spirituelle, et ainsi, prive l’Église de son mandat créationnel.

Les différentes formes du langage humain manifestent admirablement cet ordre, d’autant plus avec la sagesse suprême de Dieu qui s’exprime et se révèle dans l’Écriture. La vision de Jean-Marc Berthoud sur la théonomie peut donc être résumée comme suit [22] :

Les dix Paroles données à Moïse par Jésus-Christ au Mont Sinaï peuvent être considérées comme constituant les premiers principes de toute pensée éthique et juridique, tout comme les premiers chapitres de la Genèse contiennent les premiers principes de la métaphysique, de l’ontologie et de l’épistémologie.

Ces principes éthiques existaient bien avant leur première formulation explicite au Mont Sinaï, et sont l’expression de ce qui se trouve au cœur du caractère juste et saint de Dieu et, par conséquent, de la loi naturelle (créationnelle), exprimant l’ordre de la création. Cette vision était soutenue autrefois unanimement par les réformés et les puritains [23].

Leur application est précisée par l’enseignement casuistique des cinq livres de la Torah.

Ils doivent être lus à la lumière de la littérature sapientiale biblique.

Leur compréhension est rendue plus explicite par l’enseignement des Prophètes.

Ils doivent être compris à la lumière de l’enseignement de Jésus-Christ (leur Auteur) tel que nous le trouvons dans les Évangiles.

Il faut soigneusement considérer l’enseignement des Apôtres pour avoir une compréhension correcte du Décalogue.

Une telle ligne de conduite nous permet de comprendre très précisément les exigences de la Loi de Dieu et nous éclaire sur ses applications actuelles pour tous les temps et en tous lieux.

Pour résumer la pensée de Berthoud : le Décalogue devrait, a) être lu à la lumière des lois de la casuistique biblique ; b) être appliqué avec sagesse à des cas précis ; c) être compris à la lumière plus complète des enseigne­ments du Nouveau Testament, tant celui que nous donne l’Auteur de la Loi et de l’Évangile, Jésus-Christ, que ceux accordés par Lui aux apôtres ; et d) être lu en harmonie avec l’ordre naturel, l’ordre de la création.

Toutes ces lois sont pleines d’un sens venant de Dieu Lui-même. Quelle est leur signification ? Plus nous les étudions, et y réfléchissons, plus nous nous rendons compte de leur sagesse considérable, non seulement dans leurs termes moraux, sociaux et légaux, mais aussi sur le plan spirituel et cosmologique.

Du point de vue de Berthoud, Thomas d’Aquin et Calvin, bien qu’ayant élaboré une description détaillée et méticuleuse sur la loi de Dieu, ne rendent pas suffisamment justice aux données bibliques ou ne les expliquent pas pleinement. Pour Berthoud, il est bien dommage que tant de théologiens réformés n’explorent pas de manière plus approfondie le sens exact des différents aspects de la loi de Dieu.

Cependant, des hommes comme Jean Chrysostome, Thomas d’Aquin, Pierre Viret, Jean Calvin, Henri Bullinger, Jérôme Zanchi, Lancelot Andrewes, Thomas Watson, Bénédict Pictet, Friedrich-Julius Stahl, Cornelius Van Til, Francis Nigel Lee, Rousas John Rushdoony, Greg Bahnsen, Gary North et Pierre Courthial (pour n’en nommer que quelques-uns) – avec bien d’autres figures, de moindres envergures nous ont rendu un service considérable en examinant minutieusement le sens de beaucoup d’aspects de la loi de Dieu, qu’elle soit d’ordre moral, légal ou cérémoniel.

L’impressionnant travail de Berthoud est inestimable en ce qu’il est un rappel très opportun à l’Église et au monde – comme une voix pro­phétique en ces temps troublés – que Dieu est effectivement le Créateur souverain qui demande à tous les hommes l’obéissance à sa loi, et que le rejet de celle-ci résultera toujours dans des jugements allant en s’intensifiant jusqu’à ce qu’Il accomplisse ses desseins rédempteurs à travers eux afin d’amener les nations à bénéficier de Sa gloire et de Sa grâce et d’en prendre part.

Je suis profondément reconnaissant envers Dieu pour un tel messager et ami, comme Jean-Marc Berthoud, énergique, fidèle, perspicace et cependant, humble.

Gérald Pech

[1]. Faith for All of Life, (traduit de l’anglais par François Stauffer), Chalcedon, Vallecito, Mai/Juin 2018, pp. 15-22, https://chalcedon-edu-web.s3-us-west-2.amazonaws. com /documents/Magazine-Issues/FFAOL_May-June_-2018.pdf.

[2]. Gérald Pech est marié à Jade et est le père de quatre enfants. Il a travaillé dans la recher-che scientifique, dans le domaine de l’espace, de façon académique et dans l’industrie, à Toulouse, la capitale de l’aéronautique et de l’espace. Il est actuellement ingénieur res­ponsable (R&D) dans une compagnie de haute technologie qui conçoit, développe et produit des équipements électroniques de compression vidéo et de traitement d’image. Il a les diplômes BSEE et MSEE de l’ENAC et un Ph. D. dans les communications et le réseau satellite de ISAE-Supareo, une des Universités françaises d’ingénierie les plus réputées.

Pech est un éminent spécialiste des communications par satellite et un créationniste biblique, de conviction postmillénariste et théonomiste, bien que non réformé dans sa sotériologie. Il est président de l’organisation française et francophone Plateforme scientifique Bible et Science et a développé des liens étroits avec Creation Ministries International. Il a aussi participé à la traduction en français de plusieurs ouvrages théo­logiques, scientifiques et apologétiques, dont William Lane Craig, Foi raisonnable, 2012 ; Nancy Pearcy, Vérité totale, 2015 ; Vern Poythress, Racheter la Science, 2016 ; Douglas Kelly, La doctrine biblique de la création ; John Betz, Au lendemain des Lumières. La vision post laïque de J. G. Hamann, 2017. Tous ces ouvrages ont été publiés aux Éditions La Lumière et sont disponibles sur Lulu.com.

[3]. Jean Humbert, Création, évolution : faut-il trancher ?, Sator, lieu, 1990.

[4]. Henri Blocher, Révélation des origines, Presses Bibliques Universitaires, Lausanne, 1988 [1979].

[5]. Mark Duncan, The Five Points of Christian Reconstruction from the Lips of Our Lord, Still Waters Revival Books, Edmonton, 1990.

[6]. Jean-Marc Berthoud, Pierre Viret. Un géant oublié de la Réforme. Apologétique, éthique et écono­mie selon la Bible, Kerygma, Aix-en-Provence, 2011. Pour la version anglaise : Pierre Viret. A Forgotten Giant of the Reformation. The Apologetics, Ethics and Economics of the Bible, Zurich Publishing, Tallahassee, 2010. Pour la version italienne : Pierre Viret. Un gigante dimenticato della Riforma, Alfa & Omega, Caltanissetta, 2021. Pour la version portugaise : Pierre Viret, O gigante esquecido da Reforma. Apologética, ética e economia segundo a Bíblia, Monergismo, Brasilia, 2017.

[7]. Jean-Marc Berthoud, L’Histoire alliancielle de l’Église dans le Monde, Messages, Lausanne, 2018-2020, 5 Tomes.

[8]. Voyez : Cameron Wybrow, The Bible, Baconianism, and Mastery over Nature : The Old Testa­ment and its Modern Misreading, Peter Lang, International Academic Publishers, 1992.

[9]. Jean-Marc Berthoud, « L’évolution théiste, ses racines et ses conséquences » (pp. 370-398) et « Alvin Plantinga : adversaire du naturalisme scientiste naturaliste ; apologète d’un évolutionnisme imaginaire » (pp. 353-369) dans : L’Histoire alliancielle de l’Église dans le Monde, op. cit., Tome 5.

[10]. Douglas F. Kelly, Creation and Change. Genesis 1 : 1–2 : 4 in the Light of Changing Scientific Paradigms, Mentor/Christian Focus Publications, 2008 [1997], p. 103.

[11]. Alvin Plantinga, Where the Conflict Really Lies. Science, Religion and Naturalism, Oxford University Press, 2011.

[12]. Edwin Arthur Burtt, The Metaphysical Foundations of Modern Physical Science : a Historical and Critical Essay, London : Kegan Paul, Trench, Trubner & Co. First edition, 1925. Alexandre Koyré, Du monde clos à l’univers infini, Presses Universitaires de France, Paris, 1962 ; Études d’Histoire de la Pensée scientifique, Presses Universitaires de France, Paris, 1966 ; Études d’histoire de la pensée philosophique, Armand Colin, Paris, 1961. Amos Funkenstein, Théologie et imagination scientifique : Du Moyen Âge au XVIIe siècle, Presses Universitaires France, Paris, 1995 [1985].

[13]. Jean-Marc Berthoud, Création, Bible et Science. Les fondements de la métaphysique, l’œuvre créatrice divine et l’ordre cosmique, L’Âge d’Homme, Lausanne, 2008.

[14]. Pour nommer quelques défenseurs du géocentrisme moderne, voyez : John Byl (Ph.D in astronomy), Gerardus Bouw (Ph.D in astronomy), Martin G. Selbrede, Philip Stott (M.Sc. in Civil Engineering), Robert Sungenis (Masters Degree in religion), and Wolfgang Smith (Ph.D. in mathematics).

[15]. Jean-Marc Berthoud, L’Alliance de Dieu à travers l’Écriture sainte. Une théologie biblique, Chapitre XIX, « Les suites de la victoire du Christ à la croix : sa Résurrection et son Ascension au ciel », L’Âge d’Homme, Lausanne, 2012, pp. 523-570.

[16]. Sur la stabilité des formes substantielles, voyez : Olivier N’Guyen, Stabilité des espèces, Éditions du Jubilé, 2014 ; A. C. Cotter, Natural Species, The Weston College Press, 1947 ; David S. Oderberg, Real Essentialism, Routledge, 2007 ; David S. Oderberg (editor), Clas­sifying Reality, Wiley-Blackwell, 2013.

[17]. Pierre Viret, Instruction chrétienne en la doctrine de la Loi et de l’Évangile et en la vraie philosophie et théologie tant naturelle que supernaturelle des Chrétiens ; et en la contemplation du temple et des images et œuvres de la providence de Dieu en tout l’univers ; et en l’histoire de la création et chute et réparation du genre humain, Éditeur Arthur-Louis Hofer (1931-2019), L’Âge d’Homme, Lausanne, 2004-2021, 4 Volumes. Le philosophe et théologien sud-africain, Hendrik Stoker (1899-1992) rejoint, sur de nombreux points, la plénitude de la vision de la création de Dieu que défendent, de manière diverse, tant Thomas d’Aquin que Pierre Viret.

Voyez de Hendrik Stoker, Philosophy of the Creation Idea.

https ://vcho.co.za/wp-content/uploads/2017/12/Philosophy-of-the-Creation-Idea.pdf

[18]. https ://www.franceculture.fr/emissions/college-de-france-40-lecons-inaugurales/bernard -chazelle-l-algorithmique-et-les-sciences

Cité dans : Eric Lemaître et al., La déconstruction de l’homme ?, Éditions La Lumière, 2019.

[19]. Voyez : André de Muralt, L’Enjeu de la philosophie médiévale : Études thomistes, scotistes, occa­miennes et grégoriennes, Brill, Leiden, 1993.

[20]. Florent Gaboriau, L’Écriture seule ?, Fac-Éditions, Paris, 1997 ; Augusto Del Noce, The Crisis of Modernity, McGill-Queens University Press, Montreal, 2014.

  1. Voyez les travaux du philosophe aristotélicien de confession anglicane, Henry Babcox Veatch, Two Logics : The Conflict Between Classical and Neo-analytic Philosophy, Editiones Scholasticae, 2019 [1969].
  2. Voyez l’ouvrage poignant de Jan Marejko, Dix méditations sur l’espace et le mouvement, L’Âge d’Homme, Lausanne, 1994.

[21]. Mohamed El Shakankiri, La philosophie juridique de Jeremy Bentham, L. G. D. J., Paris, 1970.

[22]. Jean-Marc Berthoud, L’Alliance de Dieu à travers l’Écriture sainte. Une théologie biblique, L’Âge d’Homme, Lausanne, 2012. Chapter VI, « L’Alliance de Dieu avec Israël au Sinaï ». Conclusion : « Brève note sur la théonomie et les trois aspects de la Loi. » pp. 185–188.

[23]. Voyez, par exemple, Ernest F. Kevan, The Grace of Law. A Study of Puritan Theology. Baker House Books, Grand Rapids, Michigan, [1973] 1976.