Alertée au sujet du manque total de liberté religieuse en Arabie Saoudite, la Commission des Droits de l’Homme de l’Organisation des Nations Unies s’est à plusieurs reprises penchée sur cette question et, dans un communiqué relatif à sa séance du 5 mars 1987 à Genève, elle a déclaré : « Les membres de la communauté chrétienne d’Arabie Saoudite ne peuvent exercer leur culte. » D’autres séances ont eu lieu au cours des années suivantes et, lors de celle de mars 1989, un des intervenants a rappelé qu’en guise de réponse au Rapporteur spécial de l’O.N.U. sur l’intolérance religieuse, les autorités saoudiennes avaient simplement affirmé que « l’Islam est fondé sur l’amour de l’humanité et la tolérance absolue » et ajouté : « En tant que musulmans nous respectons toutes les religions ». Bel exemple de « langue de bois islamique » ! Il n’existe dans ce pays aucune Église chrétienne, autochtone ou autre, et les chrétiens qui y vivent sont tous des étrangers, surtout travailleurs immigrés, mais ils ne disposent d’aucun lieu de prière ; aucun prêtre chrétien ne peut y séjourner officiellement en tant que tel, et les rares prêtres qui s’y trouvent parfois (au titre de travailleurs) ne peuvent exercer leur ministère qu’en secret, au risque d’être arrêtés et expulsés.
Pourtant l’Arabie Saoudite est membre de l’O.N.U. et, de ce fait, elle ne peut ignorer la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, dont l’article 18 proclame la liberté religieuse. Bien plus, elle a signé la Déclaration des Droits de l’Homme dans les pays d’Islam, proclamée à Paris le 19.12.1981, qui reconnaît que « toute personne dispose de la liberté de croyance, et de la liberté de pratiquer le culte conformément à sa croyance » (art. 13).
Pourquoi ?
1) La raison principale de cette intolérance est le fait que tout le territoire de l’Arabie Saoudite, qui est le berceau du Prophète et de l’Islam et qui abrite les deux grandes villes saintes de La Mecque et Médine, est considéré comme une « terre sainte », comme une « grande mosquée où on ne peut célébrer d’autre culte ».
C’est ce qui a été exposé, tout à fait officiellement, dans un communiqué publié dans Le Monde du 20.08.1987, par le Cheikh Abou Makr Djabir, président de la section de propagation de l’Islam à l’Université de Médine :
« Le pasteur Georges Tartar[1] qui a fondé un Comité d’Action contre l’intolérance et pour la liberté religieuse, s’indigne de l’interdiction de célébrer des services non musulmans à l’intérieur du Royaume d’Arabie Saoudite… Le Royaume saoudite est, il est vrai, de tous les pays musulmans, le seul où l’ouverture de lieux de culte aux « gens du Livre » (N. de R. : chrétiens et juifs) est interdite… Loin d’être le signe d’une profonde intolérance de la part des autorités royales saoudiennes, cette interdiction résulte en fait d’une conception islamique selon laquelle l’ensemble du Royaume est considéré par l’Islam comme une mosquée où deux religions ne peuvent cœxister.
De même qu’il est inconcevable de construire une mosquée à l’intérieur d’une église, il est inconcevable d’ériger une église dans un pays qui, à lui seul, constitue une mosquée. »
Pour notre part, nous pourrions ajouter que ce docte personnage aurait pu également se référer à deux Hadith (paroles attribuées au Prophète et ayant force de loi), tels que les a rapportés au milieu du 14ᵉ siècle le prêcheur égyptien Ibn An Naqqash, le premier déclarant : « On ne bâtira pas d’église en pays musulman… » et le second : « Point d’église en terre d’Islam ».
2) D’autre part la dynastie saoudienne est issue, depuis le début du 19ᵉ siècle, du mouvement wahabite, certes sunnite, mais basé sur les idées réformistes de Mohammed ben Abd El Wahab, qui voulait instaurer en Arabie (et éventuellement ailleurs) un Islam purifié semblable à celui du Prophète. Imposé dans toute l’Arabie, le wahabisme applique les principes les plus intransigeants de l’Islam et interprète le Coran dans un sens restrictif. Cela au point que le Roi Ibn Seoud, fondateur du royaume actuel, a dû parfois biaiser avec les chefs religieux pour introduire divers changements dans ce pays alors arriéré (venue de prospecteurs pétroliers étrangers, admission du téléphone et de la radio). Ainsi la rigueur wahabite permet-elle de comprendre le raisonnement quelque peu fallacieux du cheikh Djabir et l’interdiction des cultes publics des religions étrangères à l’Islam.
Et l’on voit mal comment cela pourrait changer, car le Roi Fahd tient à affirmer que sa légitimité est d’abord religieuse. En effet, il a demandé le 27 octobre 1986 que son titre de Majesté soit remplacé par celui de « Serviteur des deux saintes mosquées de l’Islam » (La Mecque et Médine). « C’est un titre que j’aime et qui m’honore », a-t-il déclaré.
3) D’ailleurs, au printemps 1982, l’ambassadeur américain, qui intervenait pour empêcher l’expulsion de prêtres, s’est entendu dire, dans une atmosphère tendue, par le Prince Nayef, ministre de l’Intérieur : « Le gouvernement saoudien préfère être accusé par le monde libre de nier aux chrétiens toute liberté de culte, plutôt que d’être soupçonné par les musulmans de faillir à sa responsabilité de gardien des lieux saints. » Plus tard, un diplomate français en poste en Arabie saoudite en 1987 a attiré l’attention sur le fait que les Saoudiens craignaient les réactions des autres pays musulmans et tout particulièrement des intégristes, si on concédait quelque chose aux chrétiens.
4) Or la Guerre du golfe, marquée par les imprécations de Saddam Hussein, qui accusait précisément l’Arabie saoudite de trahir la cause de l’Islam et appelait à la guerre sainte l’ensemble du monde musulman, a posé des problèmes au roi Fahd, gardien des lieux saints. Selon le pasteur Richard Wurmbrand[2] celui-ci aurait consulté pas moins de 350 théologiens musulmans pour examiner s’il était licite que des musulmans acceptent d’être défendus par des infidèles. Ce à quoi un uléma égyptien aurait répondu : « Si un musulman est attaqué par un assassin, il peut être défendu par un chien, pourtant bête impure, alors pourquoi pas également par un étranger infidèle ? » Merci pour l’assimilation de nos soldats à des chiens impurs ! Le pasteur Wurmbrand signale également que dans certaines mosquées les imams ont excité les croyants contre les soldats occidentaux et contre le roi Fahd, qui les a fait venir en Arabie Saoudite. Ces messages édifiants auraient été enregistrés sur cassettes, qui furent diffusées par la suite.
Rigueur islamique
Pour garantir une stricte application de la loi islamique sur tout le territoire, il existe une institution dénommée Organisme du commandement du bien et de l’interdiction du mal, qui donne des ordres aux différents services de l’ordre public, et qui, par exemple, précisait en décembre 1989 dans une ordonnance officielle :
« Tous savent que grâce à Dieu, ce pays est gouverné par une politique qui émane du Livre de Dieu (Coran) et de la Tradition de son Prophète. Cette politique interdit tout ce qui est contraire aux engagements de l’Islam, en paroles, en actes ou en credo… »[3]
Le Royaume saoudien est donc régi par la charia, loi islamique élaborée par les juristes musulmans des trois premiers siècles de l’Islam et qui est considérée comme ayant une autorité divine. C’est à la foi un code civil et un code pénal et certaines de ses prescriptions sont des plus rigoureuses : mains tranchées, fustigation en public, décapitation, lapidation… C’est ainsi qu’en 1989 des dizaines de voleurs ont eu la main tranchée. « Cette sévérité n’est pas seulement destinée à faire régresser le crime dans le pays, mais aussi à montrer que celui-ci applique à la lettre les châtiments islamiques, et qu’à cet égard il n’a de leçon à recevoir de personne », estime un diplomate occidental en poste dans le Golfe.
Une police religieuse très active veille au respect des heures de prière et des mœurs en général. Ses membres, les zélés moutawa’in, patrouillent dans les rues, toujours prêts à rosser le boutiquier qui n’aurait pas fermé son magasin à l’heure de la prière, et ils veillent bien entendu à ce que les femmes se plient à la rigueur islamique.
En ce qui concerne les chrétiens, nous rappellerons d’abord l’interdiction de célébrer leur culte. Cela concerne également en particulier les grandes fêtes chrétiennes, bien qu’en 1984 les ambassades aient demandé l’autorisation de célébrer ces fêtes dans la capitale. La célébration de Noël est en particulier expressément défendue par des textes de l’Organisme du commandement du bien et de l’interdiction du mal (mentionné plus haut). C’est ainsi qu’en décembre 1989 une ordonnance officielle de l’Inspecteur Général de la Zone Est de cet organisme a ordonné ce qui suit à « toutes les sociétés, institutions et hôtels de la zone » :
« À l’occasion de la prochaine année chrétienne 1990, nous faisons observer que le régime de ce pays ne permet pas l’organisation de fêtes pour Noël et le Nouvel An, ou autres fêtes contraires aux enseignements de la religion musulmane vraie, ni l’organisation, en ces circonstances, de n’importe quelle propagande (décoration extérieure des vitrines, etc.…). Nous souhaitons que vous suiviez strictement cet ordre, et que vous le communiquiez à tous ceux qui travaillent dans votre institution et le leur fassiez comprendre en l’expliquant dans leur langue.… Le contrevenant sera traduit devant les autorités compétentes, qui lui appliqueront le châtiment sévère. Que Dieu nous guide sur le droit chemin… »[4]
D’autre part une loi interdit depuis quelques années les images religieuses chrétiennes… au même titre que la vente d’alcool et de revues pornographiques. Bien entendu, aucun symbole chrétien ne peut être arboré, et il arrive qu’à la douane les penditifs cruciformes, les Bibles, livres chrétiens et images de piété soient saisis sur les voyageurs et martelés ou déchirés, de même que les petits sapins en plastique !
Pratique chrétienne : le temps des catacombes
Comme nous l’avons déjà indiqué, il n’existe en Arabie Saoudite aucune Église chrétienne autochtone, et les chrétiens qui y vivent sont tous des étrangers, surtout des travailleurs immigrés et des cadres, ainsi que des diplomates.
L’effectif total de ces chrétiens est mal connu ; selon les sources il variait entre 250 000 et 350 000 avant la Guerre du Golfe. On devrait considérer comme le plus sûr le chiffre de 350 000 catholiques indiqué alors par le Vicariat Apostolique de la Péninsule Arabique, dont le siège est à Abu Dhabi (Émirats Arabes Unis). Il y aurait en outre environ 60 000 protestants.
Ces chrétiens sont originaires de divers pays du Tiers Monde : Égypte et Proche-Orient, Soudan, Philippinies, Sri Lanka (Ceylan), Inde, Pakistan, mais aussi de pays occidentaux (environ 50 000 ?).
Bien entendu, aucun prêtre ou pasteur n’est autorisé à séjourner en tant que tel en Arabie Saoudite, toutefois il en existe parfois quelques-uns, au titre de salariés ou employés de diverses compagnies, notamment la compagnie pétrolière ARAMCO (5 en 1986, 3 en 1987)
Les services religieux, qui sont clandestins, sont célébrés dans les camps des travailleurs ou dans des maisons privées, avec tout un luxe de précautions. C’est ainsi qu’un catholique laïc français qui avait, selon son expression, enduré deux séjours de six mois en Arabie Saoudite, signalait qu’il avait connu des messes clandestines à Riyad, pour lesquelles on devait observer des consignes très strictes : ne garez pas votre voiture à proximité de l’appartement où doit se tenir la réunion, arrivez en ordre dispersé, et pas à l’heure H, etc.…
Les prêtres et les pasteurs doivent donc observer la plus grande discrétion, faute de quoi ils sont expulsés. Certes les autorités n’ignorent pas leur existence, comme le montre une remarque faite en 1982 à l’Ambassadeur américain par le Prince Nayef, ministre de l’Intérieur, qui invite les prêtres demeurant dans le Royaume à être le plus discrets possible et qui les mit en garde contre le moindre agissement suspect.
Témoignages
Deux textes publiés dans la presse catholique française permettent, par des exemples concrets, de comprendre les difficultés rencontrées par les chrétiens pour vivre leur foi en Arabie Saoudite.
Le premier de ces témoignages est une lettre écrite par un laïc travaillant en Arabie Saoudite et publiée dans Le Journal de la Grotte (Lourdes) du 15 mars 1987, dont nous donnons les extraits suivants :
« Depuis notre retour ici, fin août 1986, nous avons trouvé notre communauté privée de son prêtre. En effet, pendant notre absence, le Père (Pascal) a été arrêté dans l’exercice de son sacerdoce. Il disait la messe dans un compound devant une communauté philippine, lorsqu’il a été dénoncé par un Saoudien.
Il a donc été arrêté par la police religieuse. Mis au secret pendant trois semaines, il a été ensuite conduit dans sa villa, où il a assisté impuissant au saccage de son oratoire, du tabernacle, des hosties, consacrées ou non, et de tous les objets de culte. Ont été saisis aussi tous les missels, livres de catéchisme, etc.…
Emmené ensuite en prison religieuse, il y est resté pendant trois semaines environ… Mise au courant par les Philippins, l’Ambassade des États-Unis a réussi à le faire prendre en main par les autorités politiques légales. À partir de là l’expulsion a été relativement rapide (une semaine).
Nous voici donc sans prêtre à Riyad. Pour le moment il existe trois prêtres en Arabie Saoudite, tous à l’ARAMCO… mais ils n’ont pas le droit de sortir de l’enceinte des camps. Grâce à eux et par l’intermédiaire d’Américains courageux, qui chaque semaine font la liaison entre Riyad et le Golfe, nous parviennent les hosties consacrées. Ainsi chaque jeudi soir, nous pouvons nous réunir pour prier ensemble, chez les uns ou les autres, jamais deux fois de suite au même endroit, et communier au corps du Christ. »
Le second texte, dont nous donnons un résumé, est un document détaillé rédigé par des chrétiens ayant vécu en Arabie Saoudite et publié par l’hebdomadaire France Catholique le 28.07.1987.
On y relève tout d’abord qu’en 1977 il avait été possible d’obtenir des prêtres, après avoir surmonté d’innombrables obstacles. La messe était célébrée dans les compagnies et les ambassades, et les prêtres s’occupaient aussi des catholiques disséminés sur la côte de la Mer Rouge. Mais en 1982, une semaine après une visite pastorale effectuée en mai (sans doute par le Vicaire Apostolique d’Abu Dhabi mentionné plus haut), le Prince Khaled (aujourd’hui prince héritier) intervint avec irritation et véhémence auprès de la compagnie (ARAMCO ?) et exigea l’expulsion des prêtres et d’un pasteur, ainsi que la cessation de toute activité religieuse dans le hall de l’école de cette compagnie. C’est à cette occasion que le Prince Nayef, ministre de l’Intérieur, déclara à l’ambassadeur américain que son gouvernement ne voulait pas être soupçonné par le monde musulman de faillir à sa responsabilité de gardien des lieux saints.
Lors de la fête de Noël 1982 la police de Riyad arrêta pour interrogatoire un pasteur protestant et ses collaborateurs, que furent remis en liberté quelques jours après, sur intervention décisive des ambassadeurs anglais et américains. À Pâques 1983 ce pasteur demanda la permission de célébrer des cultes à l’école américaine, mais cela lui fut refusé et, bien plus, la police soumit aussitôt à son contrôle les deux ou trois appartements où des protestants se réunissaient pour leurs prières. Et le 7 mai 1983 ce pasteur fut à nouveau interrogé sur son activité religieuse, et deux jours plus tard les autorités lui signifièrent son expulsion dans un délai de 24 heures. Sa femme et les cinq familles ayant des responsabilités dans les cultes subirent le même sort.
Le document en question signale qu’à l’époque de sa rédaction (1987) la situation des catholiques était devenu mauvaise. Certes il y avait des prêtres, qui faisaient partie du personnel des compagnies pétrolières, mais celles-ci ne leur procuraient plus la même protection que jadis. En ce qui concerne les messes en dehors des camps, les prêtres devaient agir avec une extrême prudence pour trouver des lieux propices, ce qui leur posait de graves problèmes, car « tout le monde craint d’accueillir un prêtre chez lui », est-il précisé. Une fois trouvés, ces lieux devaient être perpétuellement changés pour ne pas attirer l’attention. D’ailleurs les fidèles ne pouvaient se réunir qu’en petits groupes, car les autorités intervenaient rapidement dès qu’elles flairaient quelque chose, ou qu’une plainte avait été déposée contre eux.
Le document décrit ainsi la situation des prêtres :
« Ils vivent dans une tension perpétuelle et dans une terrible frustration… Ils ne peuvent tenir, dans le meilleur des cas, plus de deux ou trois ans… La dispersion de leurs forces est énorme… Ainsi tel prêtre célèbre-t-il quelque 23 messes durant la semaine, dans des endroits étranges, distants l’un de l’autre d’une dizaine de kilomètres, et cela à des heures peu commodes. Et un gardien surveille les entrées pour prévenir à temps des arrivées indiscrètes et importunes susceptibles de tout dénoncer à la police… »
Communautés clandestines
Malgré l’ambiance générale que nous venons de décrire, des chrétiens philippins (travailleurs immigrés) ont réussi à créer en Arabie Saoudite, notamment à Riyad, de petites communautés clandestines qui toutefois n’échappent pas toujours au zèle de la police religieuse. C’est ainsi que le bulletin Portes Ouvertes[5] mentionne quelques informations fournies par l’un d’eux, ouvrier à Riyad, au journal philippin Monde des Affaires. Ces communautés se réunissent en général le vendredi (jour de repos musulman) pour des cultes, de réunions de prière ou des études bibliques, dans des appartements privés ou des villas. L’une d’elles a même enregistré des conversions, notamment celle d’un musulman philippin, un boulanger, qui à son tour a converti au Christ les deux tiers des membres… d’une école coranique. Mais le tiers restant l’a dénoncé, il aurait dû être expulsé, mais son employeur a accepté de le cacher.
Cependant l’organisation allemande Fonds de solidarité Singen a appris qu’environ 80 chrétiens philippins ont été arrêtés fin 1991 à Riyad pendant une réunion de prière, puis relâchés après interrogatoire, à l’exception de quatre[6].
En rapportant cette information, Portes Ouvertes ajoute que d’autres sources ont parlé de l’arrestation de six chrétiens philippins, dont quatre auraient été relâchés[7].
Guerre du Golfe
Dès l’envoi de troupes occidentales en Arabie Saoudite, certains journaux, notamment en France ont énuméré tous les interdits qui auraient été imposés par les autorités saoudiennes : pas de croix rouge sur les ambulances, pas de Bibles, selon certains pas d’aumôniers militaires, pas de services religieux, etc.…
Il est certain qu’il y a eu au début quelques difficultés, par exemple pour les ambulances, mais les Saoudiens ont fini par céder et à renoncer à l’interdiction imposée au début, et en janvier 1991 un journaliste français a vu près de l’hôpital de Riyad des ambulances françaises avec la croix rouge.
Quant aux aumôniers militaires, il n’y a eu aucune interdiction, et leur présence, loin d’être clandestine comme on a pu l’affirmer, était admise par les autorités. Il y avait par exemple dix aumôniers français : quatre protestants et six catholiques, et l’un des protestants est arrivé en octobre 1990 avec les premiers détachements français. Du côté américain le nombre était évidemment bien plus élevé. Toutefois, comme l’Ambassade saoudienne l’a expliqué à l’Aumônerie Protestante française, le gouvernement de Riyad recommandait une grande discrétion, cela « pour ne pas donner d’arguments à Saddam Hussein et aux intégristes musulmans ». En conséquence les services religieux ont pu être célébrés dans les camps, cantonnements et dépôts des alliés. Comme l’a précisé un aumônier protestant français, la présence discrète des aumôniers français n’a pas soulevé de problèmes, et il a pu procéder lui-même à deux baptêmes de soldats.
Certes, comme des journaux l’ont signalé, les aumôniers américains présents à Riyad ont effectivement enlevé dans la rue les petites croix portées normalement au col de leur uniforme, mais par ailleurs la Bible a pénétré en territoire saoudien. C’est ainsi que l’Association des Gédéons a fait savoir en février 1991 qu’elle diffusait alors 67 500 Nouveaux Testaments dans les forces américaines, et de son côté l’Aumônerie Protestante française a envoyé environ 500 Bibles.
Finalement, la situation faite aux soldats chrétiens fut en gros analogue à celle que nous avons décrite dans cette étude au sujet des travailleurs civils chrétiens, de leurs prêtres et de leurs pasteurs, et les autorités saoudiennes, soucieuses de leur image de marque en Islam, n’ont pas fait de cadeaux à leurs alliés.
Quid du dialogue islamo-chrétien ?
À l’attention des tenants de ce dialogue, nous croyons devoir faire quelques brèves remarques :
- Actuellement l’Islam s’installe en Occident (tout particulièrement en France) où les musulmans pratiquent leur culte en toute liberté, sans aucune restriction de la part des autorités, et où ils construisent et aménagent des mosquées, des salles de prière, des centres islamiques, etc.… Dans ces conditions les chrétiens d’Occident ne seraient-ils pas en droit d’exiger la réciprocité pour les chrétiens en terre d’Islam ?
- Cette réciprocité devrait être exigée avant tout avec l’Arabie Saoudite, qui, tout en interdisant chez elle le culte chrétien, ne se gêne pas pour financer en Occident, totalement ou partiellement, la construction de mosquées et de centres islamiques. L’exemple le plus récent est fourni par la mosquée ostentatoire de Rome, dont la première pierre a été posée en 1984 et qui, avec son Centre Islamique, doit être inaugurée en 1992, en présence du Roi Fahd, protecteur et bailleur de fonds nᵒ 1 du projet[8]. Coût : 200 millions de francs français.
- Les musulmans proclament que l’Islam est une religion de tolérance, de fraternité, de justice et de paix. Il appartient aux chrétiens d’Occident de leur demander d’en fournir la preuve, non par des discours ou raisonnements creux, mais par des actes concrets et en vérité.
Frédéric Goguel
Février 1991
[1] Pasteur Georges TARTAR. Fondateur et animateur de Centre Évangélique de Témoignage, à Combs-la-Ville. Licencié d’Arabe, docteur ès Sciences religieuses, grand spécialiste de l’Islam. Publie notamment les Bulletins Évangile-Islam.
[2] Dans le bulletin allemand Stimme der Märtyrer (La Voix des Martyrs), de la mission Hilfsaction Märtyrerkirche (1991)
[3] Texte intégral de l’ordonnance dans la revue Chrétiens de l’Est, nᵒ 68 (1990), p. 126
[4] Idem.
[5] Portes Ouvertes nᵒ 164 de Février 1990
[6] Le tout dernier bulletin de Portes Ouvertes signale que 3 de ces 5 chrétiens philippins ont été libérés (no février 1992) mais que par ailleurs un autre philippin a été arrêté et torturé, puis fouetté à plusieurs reprises…
[7] Portes Ouvertes, nᵒ 185 de décembre 1991.
[8] Corriere della sera, Milan, 23.10.1991