Éditorial – Une perversité immuable

par | Résister et Construire - numéro 8

Deux conférences données récemment à Lausanne ont pu fortement éclairer ce que l’on appelle couramment aujourd’hui le gorbatchévisme. Un soviétologue américain, M. Clark Bowers, parlait à une assemblée de Libertas sur le thème, « Le gorbatchévisme : rhétorique ou réalité ». Après avoir rapidement fait l’esquisse des fondements inamovibles et universaux du communisme : athéisme, matérialisme et prétention scientifique (l’histoire étant régie par la loi immuable de la lutte des classes), M. Bowers nous rapporta quelques-unes des réponses de ses interlocuteurs soviétiques du plus haut niveau aux questions qu’il se permet de leur poser lors de leurs nombreux débats publics :

  • Êtes-vous prêts à autoriser un jour l’existence de partis politiques d’opposition non socialistes ? Réponse : non !
  • Pensez-vous un jour, même dans un avenir lointain, ne plus vous appuyer sur le principe du centralisme démocratique ? (Par ce principe, la discussion est autorisée à l’intérieur du parti, par contre, toute décision de la hiérarchie une fois prise devient indiscutable). Réponse : jamais !
  • Dans le cadre de la restructuration de l’agriculture soviétique, avez-vous l’intention éventuellement d’autoriser la propriété à part entière de leurs champs aux paysans ? Réponse : des baux de cinquante ans peut-être. Mais il n’est pas question de revenir à la propriété bourgeoise !
  • Autoriserez-vous l’ouverture d’Églises non enregistrées, c’est-à-dire indépendantes de l’État ? Réponse : Nous sommes prêts à permettre l’ouverture de nombreuses Églises enregistrées et nous le faisons déjà, mais il n’y aura jamais chez nous d’Églises non enregistrées par l’État tant que durera le pouvoir communiste !

Ces réponses avaient du moins le mérite de la clarté, même si M. Bowers a souvent dû insister pour les obtenir. Elles eurent l’effet de scandaliser ses collègues américains qui n’en croyaient pas leurs oreilles. Gorbatchev et ses amis n’étaient manifestement pas les démocrates que l’on imagine en Occident.

Alain Besançon fut le deuxième orateur à nous parler de l’Union soviétique. Celui dont les travaux depuis de nombreuses années font autorité dans le domaine de la soviétologie ne fit que confirmer, par des citations tirées de la bouche de M. Gorbatchev lui-même, l’analyse lucide de Clark Bowers. Selon lui, malgré la crise très grave que traverse le régime, tant que le Parti détiendra le monopole effectif du pouvoir rien de sérieux ne changera en Union soviétique. Cependant, selon le professeur Besançon, il demeure trois facteurs dont l’importance ne peut être mesurée :

  • Le premier est d’ordre métaphysique. Jusqu’où peut donc aller (tant à l’Ouest qu’à l’Est) la puissance de séduction du mensonge, mensonge sur lequel le régime tout entier repose ?
  • Le deuxième se rapporte à cette corruption morale de la population si remarquablement analysée par Alexandre Zinoviev. L’inertie d’un peuple qui a appris à vivre avec le communisme en se corrompant radicalement a-t-elle des bornes ?
  • Le troisième concerne l’extension sans limites de la collusion de plus en plus évidente des milieux financiers pourris de l’Occident et de l’oligarchie corrompue et sans scrupules qui règne en maîtresse absolue de l’Union soviétique depuis plus de septante années.

Certes, le développement de l’Histoire ne se trouve pas enfermé entre les mains exclusives de ceux qui prétendent en détenir la science dialectique infaillible ! Cela nous laisse quelque espoir de pouvoir un jour constater des changements dans le déroulement apparemment fatal des événements, même dans le bloc communiste. Car pour ceux qui comprennent que la Bible est vraie, un quatrième facteur impondérable demeure : celui de l’intervention de Dieu dans l’histoire des nations. Différentes missions travaillant à répandre la Parole de Dieu dans les pays communistes font aujourd’hui un effort sans précédent pour se saisir des occasions que présente la conjoncture politique actuelle. Elles profitent de l’ouverture pour introduire légalement en Union soviétique des Bibles et des Nouveaux Testaments par centaines de milliers. Le Département des affaires religieuses permet une telle propagande religieuse afin de mieux séduire l’Occident (peut-être aussi pour lutter contre la démoralisation croissante de la population) tout en restant convaincu qu’il contrôle parfaitement la situation. Nous sommes entrés dans le temps de cette suprême séduction spirituelle : un communisme à visage chrétien. Mais qui peut prétendre contrôler la Parole de Dieu, contrôler Dieu ? La Parole de Dieu n’est pas liée ! Mettons-la à l’œuvre et nous verrons la main de Dieu agir en Russie comme chez nous.

Jean-Marc Berthoud