Dans la foulée de mai 1968, mais pour des raisons plus anciennes et plus profondes, la science de Dieu a subi dans le protestantisme français une déplorable éclipse, qui a d’ailleurs son analogue sur le terrain catholique. Au lieu de se soumettre à ce que Dieu nous dit de lui-même dans sa parole, on s’est mis à mettre systématiquement en doute l’Écriture sainte, à lui substituer les dogmes fragiles des sciences humaines, à croire et à enseigner n’importe quoi, au gré des fantaisies de chacun et des modes intellectuelles du moment. Ce mal a pénétré partout: dans les Facultés de Théologie, chez les dirigeants de l’Église, dans les paroisses, dans les mouvements de jeunesse. Le culte est devenu un forum de «conscientisation» sociale et politique. Les cantiques ont fait place à la musique nègre. La lecture de la Bible a cédé le pas à celle du journal du matin. Le catéchisme s’est transformé en débats «informels» sur la sexualité, la drogue et l’objection de conscience. Les dix commandements ont été mis au rancart et le comportement moral du grand nombre est devenu la norme pour les chrétiens. Et tout à l’avenant. Je force les choses, bien sûr, et il n’en a pas été partout ainsi: ne généralisons pas! Mais le mal a été suffisamment étendu pour que des paroisses, des pasteurs, des jeunes, las de ce carnaval et avides de certitude, se mettent à réagir.
Une des formes de cette réaction a été la fondation, en 1974, d’une Faculté de théologie réformée à Aix-en-Provence. Avec pour tâche d’étudier l’Écriture au niveau scientifique, mais dans le respect de ce qu’elle dit. Cette Faculté s’est constituée en marge de l’officialité, non seulement étatique (ce qui est de toute façon le cas des facultés en France, sauf à Strasbourg) mais ecclésiastique aussi. Ce qui ne veut pas dire qu’elle ne veuille travailler dans l’Église ni pour l’Église. Les étudiants formés par elle, et dont les premiers vont achever leurs études cette année, entendent bien se mettre au service des paroisses officielles – ce qui va poser un problème semblable à celui que posent dans le catholicisme les ordonnés d’Ecône -. Mais ce qui prouve que la fondation de cette Faculté répondait à un besoin réel, c’est que le nombre d’étudiants s’est élevé régulièrement chaque année: de 16 qu’ils étaient en 1974, ils sont devenus 74 aujourd’hui, de sorte qu’il a fallu construire de nouveaux bâtiments.
Lausanne aura bientôt le privilège de recevoir et d’entendre le doyen de cette Faculté d’Aix-en-Provence. Précédemment pasteur à Paris, bien connu des lecteurs d’Ichthus et de la Revue réformée, M. Pierre Courthial enseigne à Aix l’éthique et la théologie pratique. Il parlera dans l’Église des Terreaux, le jeudi 23 février au soir, sur un sujet dont le titre est bien propre à susciter l’intérêt: «Une nouvelle Réformation ? Pourquoi pas ?»
La théologie est la base de tout, n’en déplaise à ceux qui s’en moquent. Il est vital pour le monde que cette théologie soit bonne, authentique. Pas de théologie de bar-à-café.
Roger Barilier[1]
[1]Nouvelle Revue de Lausanne, 11,2.1978, Reproduit avec l’autorisation de l’auteur.