Avec ce cinquième tome – « Le combat présent : l’Église et le monde dans un univers devenu non doctrinal » s’achève le projet de L’Histoire alliancielle de l’Église dans le Monde. En effet, les luttes dont cet ouvrage fait la chronique, s’articulent autour d’un constat : Une civilisation et une Église qui ont tourné le dos à Dieu et aux universaux établis par Lui, c’est-à-dire qui rejettent la capacité même de formuler la vérité, ne peut que sombrer dans le néant. Ce néant des hommes et de leur culture fut révélé sans effort, comme en un clin d’œil, par la crise grippale qui en un instant de panique mortel, a détruit d’un trait nos repères ! Les berges se sont dissoutes : l’Église et le monde ne sont plus qu’un marécage.
Le livre commence par trois paroles vertueuses – Merle d’Aubigné, Gaussen, Ursin – pour nous rappeler des clartés doctrinales récentes, aujourd’hui étouffées pas d’épaisses ténèbres.
La suite du livre renferme une critique serrée des écrits de ceux que l’on peut nommer les fossoyeurs de l’Église et de la civilisation chrétienne. Rendons-leur l’hommage qu’ils méritent ! Karl Barth, et Jacques Ellul. Les papes Paul VI, Benoit XVI et François sans chiffre. Billy Graham, Eugene Nida et N. T. Wright ; Adolf Schlatter, Alvin Plantinga et Daniel Marguerat.
Cette litanie de désastres est entrecoupée par l’évocation de figures lumineuses : Vladimir Dimitrijevic et Marcel Regamey.
Tout cela accompagné d’analyses qui opèrent des percées théologiques et philosophiques : une théologie des nations ; l’homme, image et ressemblance de Dieu ; le rétablissement des rapports d’harmonie entre la grâce et la loi. Puis l’analyse de fléaux divers : l’évolutionnisme théiste, le Judéo-Christianisme, la critique irrationnelle de la Bible et la méthode de traduction prétendue d’« équivalence dynamique ».
L’abandon d’une pensée doctrinale, pensée chrétienne armée des universaux établis par Dieu, l’abandon nominaliste de l’unité entre l’universel et le particulier, est à la racine du chaos actuel.
Une telle séparation de ce que Dieu a uni ne peut que livrer l’Église de Jésus-Christ – et le monde qu’elle doit éclairer par sa doctrine céleste – à la puissance dissolvante de l’anarchie, du néant et de la mort.
Un réformateur moderne
La vie et l’œuvre de Jean-Marc Berthoud
Didier Erne [1]
Introduction
Il est difficile de décrire Jean-Marc Berthoud, parce que son œuvre prolifique et très variée de plus de vingt livres a été produite en dehors d’un ministère officiel ou d’une chaire de professeur universitaire, et il n’est pas un auteur professionnel vivant de la vente de ses livres ou de l’organisation de conférences. Durant la majeure partie de sa vie professionnelle, il a été porteur à la gare de Lausanne, ville située dans la partie francophone de la Suisse, puis employé dans un centre de tri postal, mais, en fin de compte, c’est sa séparation du milieu universitaire qui a permis à Jean-Marc de réfléchir profondément et de façon indépendante sur des sujets d’importance vitale pour la vie de l’Église. Ses livres sont uniques quant à leur portée, ayant été écrits en réponse à diverses attaques contre l’Église. Tout jeune homme, j’ai éprouvé de la nostalgie pour les grands témoins de la Réformation quand je pensais à la cause de l’Évangile en Suisse. « Ne reste-t-il rien de cet esprit de guerre spirituelle dans ma patrie ? » me demandai-je. Lorsque j’ai rencontré Jean-Marc pour la première fois dans sa librairie de Lausanne, il y a plus de dix ans, je n’avais aucune idée que Dieu continuait de préserver un fidèle témoin au travers du ministère de cet homme remarquable. Plus je parlais avec lui et plus je lisais ses livres, plus je découvrais chez lui la même passion présente chez Calvin, Zwingli ou Bullinger, transposée dans un contexte moderne.
Lorsque Dieu travaille pour construire et fortifier son Église, il prend le temps de préparer des serviteurs, pour qu’ils soient aptes à agir ; souvent Dieu commence par façonner quelqu’un longtemps avant qu’il ne discerne la nature de son propre ministère. Humainement parlant, la Réformation fut le résultat du travail d’hommes qui livrèrent des batailles personnelles acharnées et qui parvinrent à une solide érudition en matière d’études bibliques. Dans le cas de Jean-Marc, il dut d’abord passer par une douloureuse expérience…
Enfance et famille
Jean-Marc Berthoud naquit en Afrique du Sud en 1939 dans la famille missionnaire d’Alexandre et Madeleine Berthoud, originaires de Neuchâtel et du Jura, dans la partie francophone de la Suisse. Il était le troisième d’une famille de cinq enfants, et à l’époque de sa naissance, ses parents avaient un ministère dans un village à environ 400 kilomètres au sud de Johannesburg. La mère de Jean-Marc était une femme pieuse, fille de missionnaires, et son père, fils d’un officier de l’Armée du Salut, était un pasteur consacré ; à la Mission de Paris, par exemple, pendant la Deuxième Guerre, où il était directeur (et unique professeur) de l’École biblique, directeur de l’hôpital, d’une petite imprimerie et il organisait la récolte de fonds pour la mission, en plus de son travail ordinaire d’enseignant et de prédicateur. Il était plein de zèle pour l’œuvre de Dieu, mais, malheureusement, son dévouement à ses nombreuses obligations ruinèrent sa santé et fut la cause de sa mort en 1962, à l’âge de 57 ans.
Depuis son plus jeune âge, Jean-Marc Berthoud a donc vu ce que cela signifiait de servir Christ. La foi de ses parents était vécue au travers de leur consécration dans un service pratique, ce qui laissa une impression durable sur sa vie. Il vit, par leur exemple, que servir Dieu avait un coût, celui de quitter le confort de la Suisse pour une œuvre missionnaire en Afrique, mais aussi que ce travail fut accompli avec joie. Il respectait profondément son père et sa mère, mais au début de la vingtaine, il se rebella contre la foi de ses parents. C’était une rébellion marquée par son indifférence envers Dieu, mais sous la providence de Dieu, cette rébellion servit à le préparer pour le travail qu’il devait finalement accomplir.
Carrière académique et retour en Europe
Sur le plan académique, Jean-Marc s’en sortait très bien ; au niveau du gymnase, il avait deux ans d’avance sur ses camarades. Il obtint son diplôme de fin d’études secondaires à seize ans et l’équivalent d’un bachelor à vingt ans à l’Université du Witwatersrand à Johannesburg en Afrique du Sud. Son excellence académique lui valut une bourse pour aller étudier à Paris, à la Sorbonne. Malheureusement, après le succès académique vint aussi l’orgueil. Quittant l’Afrique du Sud rurale, il se délecta de la vie culturelle de la prestigieuse métropole du centre de l’Europe. À cette époque, il se sentait moralement et intellectuellement supérieur au commun des mortels.
Même si Paris semblait combler sa soif de culture, il découvrit bientôt la corruption qui la minait. Le visage double de Janus, celui de l’Europe, lui apparut clairement, sans équivoque, quand il étudia l’histoire coloniale du bassin du Congo, sous le règne du roi Léopold II, de 1880 à 1914, en vue de sa thèse de doctorat. On estima qu’entre cinq et huit millions d’indigènes furent tués en conséquence directe de la convoitise et de l’avidité de Léopold et des multinationales à son service [2]. « Comment une culture chrétienne pouvait-elle en arriver là ? » était la question troublante de Jean-Marc. Dans une tentative désespérée pour comprendre le pourquoi de ces atrocités, il élargit sa recherche initiale, opérée à partir d’une approche historique, pour inclure les aspects économiques, éthiques, sociologiques et même littéraires. Sa thèse implosa et il revint en Suisse dans un état d’esprit troublé.
Sauvé d’un parfait néant
De retour en Suisse, il travailla comme professeur dans une école de commerce pour joindre les deux bouts, ses diplômes sud-africains n’étant pas reconnus à l’université. Ses études de doctorat l’avaient déstabilisé parce qu’il ne trouvait pas de réponse à ses questions les plus pressantes. Il lui semblait qu’il y avait deux civilisations en Europe : celle faite de pures apparences et l’autre, constituée par les fruits de l’être véritable. La civilisation qu’il avait tant admirée – celle qu’il avait trouvée à Paris – avait suscité une répulsion en lui, parce que n’était, en fin de compte, qu’un vernis séduisant sur un cœur moralement corrompu. Cet aperçu sur le vide d’une culture qui expulse Dieu de sa pensée fut plus tard le moteur de son travail apologétique. Bien qu’il soupirât après une vie simple en rapport avec le réel, son orgueil ne lui permettait pas encore de reconnaître le caractère nécessaire de la Bible pour l’édification d’une société avec une véritable substance. Dans son désarroi, pour donner sens à la vie dans un cadre sécularisé, il continuait à vivre une existence vide de toute signification, exception faite de la passion de ses émotions.
Dieu intervint finalement un dimanche après-midi de 1965, quand il révéla à Jean-Marc son véritable état. Attendant un train à Neuchâtel, il ressentit soudain son absolu néant personnel. Rien d’extérieur ne déclencha cela, mais physiquement et émotionnellement il eut l’impression qu’il avait cessé d’exister. « Je suis perdu », dit-il à sa petite amie de l’époque qui le regardait fixement. De retour à son appartement, il lut la phrase suivante dans le Traité des Scandales de Calvin : « Quiconque dans la détresse crie à Dieu, Dieu ne l’abandonnera jamais. » Ayant abandonné la foi de son enfance, il pria, « Dieu, si tu existes réellement, révèle-toi à moi. » Il réalisa – comme Pascal l’avait fait bien longtemps avant lui – qu’il n’avait rien à perdre s’il n’y avait pas de Dieu et tout à gagner s’il y en avait un.
Une lente progression vers la lumière
Cette prière ne se solda pas par un retour immédiat à la normalité. Ses pensées étant en plein tumulte, il abandonna ses rêves de doctorat, car il était incapable de se concentrer ou de lire plus de quinze minutes à la fois. En conséquence de cet état psychique, il quitta son emploi comme professeur. Incapable de s’atteler à une tâche intellectuelle, il trouva un travail de jardinier. Le travail manuel étant la meilleure thérapie pour son esprit troublé, il gagna sa vie pendant cinq ans dans cette profession. Durant ce laps de temps, il redevint capable de penser, de prier et de lire sans la pression qu’il avait ressentie en tant qu’étudiant. Il apprit à supporter l’humiliation. Très tôt, il entra en contact avec l’Abri et Francis A. Schaeffer, mais finalement ce furent les soins d’un pasteur français qui l’aidèrent à revenir à la foi.
Dans ces moments difficiles, Dieu le bénit en lui conférant un amour croissant pour l’étude et la recherche de la vérité. Travailler avec ses mains laissait son cerveau libre pour étudier une bonne et solide littérature. Si vous visitiez Jean-Marc aujourd’hui, vous le trouveriez dans un appartement rempli de livres. Dieu le bénit aussi avec une merveilleuse femme, Rose-Marie, une chrétienne, infirmière de formation, dotée de nombreux talents artistiques, et fille, elle aussi, de missionnaires. Les effets bénéfiques du travail manuel et le soutien moral d’une femme aimante, ainsi que cinq enfants croyants, lui ont donné la stabilité d’esprit pour commencer à se battre pour la vérité à laquelle il s’était voué – et quelle lutte cela a été.
Une vie de service débute
Dès le début de son mariage, le désir de faire un travail apologétique s’empara de lui. En 1971, il prit conscience de propositions de légalisation, très favorables à l’avortement, qui provenaient de sa région d’origine, le canton de Neuchâtel. En réaction à cela, il écrivit une lettre au journal local en soulignant la cruauté de l’avortement. Il était perturbé par le silence des Églises suisses sur ce sujet et, dans l’espoir de susciter une réponse, il envoya deux cents lettres écrites à la main aux hommes d’église de sa région, chacune individualisée. Il rappelait ces hommes à leur énorme responsabilité de paître le troupeau du Christ (Ézéchiel 3 : 17-21). Déjà, au travers de ce premier grand effort pour faire respecter la vérité de Dieu, Jean-Marc apprit que le plus grand ennemi de la vérité n’est pas une explicite et ouverte opposition, mais le silence et l’indifférence. Ses deux cents lettres eurent pour seul effet de le mettre en contact personnel avec trois des récipiendaires – un pasteur évangélique, un pasteur réformé et un prêtre catholique.
Ce maigre résultat n’était pas une raison de se résigner, même s’il devait se battre sur plusieurs fronts. À cette époque, Jean-Marc avait commencé à travailler comme porteur à la gare de Lausanne. Pour chaque bagage porté, il était payé à peine plus d’un franc suisse Néanmoins, grâce à la providence continuelle de Dieu, il fut capable de subvenir aux besoins de sa famille grandissante. Il utilisait le temps entre l’arrivée de chaque train pour lire, méditer et prier. Son attitude humble et serviable amena de nombreuses occasions de témoignages, bien que parfois il fît aussi l’expérience de l’opposition de ses supérieurs et même d’attaque physique de la part d’un de ses collègues. Dieu bénit sa fidélité et, à un moment très difficile où il succombait sous le sentiment d’être en train de gâcher sa vie en exerçant un métier peu qualifié, un vieux prêtre lui rappela sagement : « Toute œuvre pour Christ qui ne porte pas la marque de la croix ne vaut pas grand-chose. »
Organiser la résistance chrétienne face à la modernité sans Dieu
Jean-Marc Berthoud finit par comprendre que la faiblesse doctrinale était l’une des causes majeures du silence choquant concernant l’avortement ; aussi, pour aborder régulièrement les questions doctrinales et promouvoir un retour à une saine érudition biblique, il démarra la publication d’un périodique appelé Documentation chrétienne qui parut de 1971 à 1978, soutenu principalement par des dons. Dans ses œuvres apologétiques, Jean-Marc traite des hérésies de son temps et ces essais furent envoyés à tout le clergé gratuitement. Cependant, comme pour bien des réformateurs pionniers, sa fidélité à la vérité ne fut pas toujours populaire parmi les leaders chrétiens, et quand il attaqua les points faibles du christianisme de Billy Graham ou les problèmes du dispensationalisme, il perdit de nombreux supporters et donneurs et cela aboutit finalement à la cessation du périodique.
Le travail pour un réformateur ne s’arrête jamais et, alors qu’une bataille arrive à son terme, une autre surgit ailleurs. Jean-Marc focalisa alors son attention sur les familles dans sa région et, en 1978, en collaboration avec des catholiques romains traditionnels, il fonda à Lausanne l’Association Vaudoise de Parents Chrétiens. Cette association, encore active aujourd’hui, travaille pour fortifier les familles et les écoles contre les attaques idéologiques de la modernité et pour offrir un soutien à l’enseignement de la Bible et de la création.
Ensuite, Jean-Marc a joué un rôle déterminant pour la création de l’Association Création Bible et Science (active de 1986 à 1994) qui combattit contre l’évolution théiste et matérialiste. Il démarra aussi une revue apologétique appelé Résister et Construire (1987-2005) pour traiter de divers sujets – théologique, philosophique, historique, littéraire, scientifique, économique, etc. – d’un point de vue réformé et biblique.
Dans toutes ces initiatives, Jean-Marc chercha à démasquer les enseignements erronés dans l’Église moderne, sans se préoccuper du coût pour lui-même. Son but n’était pas seulement de combattre les conséquences d’une vaine manière de penser, mais aussi de ramener les gens aux racines de leur foi. Quand on l’interroge sur le moteur de son travail apologétique, il répond : « Mon but était de réfléchir sur les questions fondamentales qui étaient généralement esquivées par les chrétiens, de les aborder et d’essayer de les clarifier. » Mais attaquer les présuppositions de la modernité n’est pas travail de tout repos, et il était souvent considéré comme quelqu’un semant la discorde et la polémique. Sonner le tocsin de la résistance à la modernité est une entreprise solitaire, mais ses polémiques souvent douloureuses donnent du poids à son écriture et les rendent encore plus précieuses pour l’Église ; il n’a rien à voir avec un théologien de salon, mais tout avec un érudit qui connaît la difficulté de mettre en œuvre la vérité de Dieu dans un monde hostile.
Reconstruire l’Église au travers de livres et d’une véritable fraternité
Jusqu’au début des années 90, la production littéraire de Jean-Marc prenait la forme d’articles qu’il copiait et distribuait avec les moyens modestes qu’il avait à sa disposition ; c’était un travail artisanal et dévoreur de temps. Puis, en 1992, il renoua une ancienne amitié avec Vladimir Dimitrijevic, un éditeur lausannois héritier de la tradition orthodoxe serbe, et ils se découvrirent un intérêt commun pour réfuter la théologie de la libération, très dynamique à l’époque. Ils partageaient aussi le désir de fournir une solide littérature chrétienne touchant à tous les aspects de la vie à un public francophone. Dimitrijevic offrit aimablement à Jean-Marc la possibilité de publier une nouvelle série de livres réformés sous le nom de Messages, dans sa maison d’édition L’Âge d’Homme.
Il permit aussi à Jean-Marc de louer une sympathique petite librairie, La Proue, dans le centre historique de Lausanne, qu’il géra de manière bénévole pendant vingt-deux ans. Cette librairie devint le point de rencontre et de distribution de l’œuvre apologétique de Jean-Marc. En homme pratique, il savait que c’était seulement au travers d’une authentique interaction humaine que l’Église pouvait être reconstruite et fortifiée pour témoigner de la vérité de Dieu dans notre société.
Dans sa librairie, il offrait toutes sortes de livres – certains réformés, d’autres évangéliques, d’autres encore, orthodoxes, catholiques ou séculiers – mais ces ouvrages étaient compatibles avec l’enseignement de la Bible sur la création. Ils incarnaient l’être véritable et non la simple apparence. Pierre Viret, le Réformateur de Lausanne et l’ancêtre spirituel de Jean-Marc, avait coutume de dire : « Il est aussi nécessaire que ce retour à la parole de Dieu ait une interaction avec la réalité de ce monde. La moitié du temps passé à étudier la Bible et l’autre à étudier le monde – nature, société, science, etc. – dans le but de gagner du contrôle sur la réalité. »
La vraie réformation a toute la création de Dieu comme champ missionnaire. Avec cela en tête, Jean-Marc s’efforça de sortir les chrétiens piétistes des limites de leur étroite vision du monde.
Une vie d’étude et de lutte apologétique pour la vérité porte du fruit
En 2007, on demanda à Jean-Marc d’enseigner la théologie biblique et l’histoire de l’Église au Collège biblique de Lausanne, nouvellement fondé par plusieurs petites Églises Réformées Baptistes. Ces deux cours servirent de base à un profond travail d’érudition, L’Alliance de Dieu à travers l’Écriture sainte et sa grande œuvre en cinq volumes, L’Histoire alliancielle de l’Église dans le Monde. Dans ces deux productions majeures, il livre une analyse détaillée des moments clés et des batailles théologiques et philosophiques décisives échelonnées tout au long de l’histoire de l’Église. Depuis l’hérésie arienne, en passant par la controverse entre Réalistes et Nominalistes, puis par les fausses lumières de Petrus Ramus [La Ramée] et de Jan Comenius, jusqu’à la théologie moderne non doctrinale du pape François – à travers tout cela, il montre que la modernité est le point culminant des hérésies passées. Et pour résister aux hérésies passées comme aux hérésies actuelles, nous ferions bien d’être à l’écoute du témoignage cumulatif des fidèles serviteurs de Dieu, tels que saint Athanase, Jean Calvin, Friedrich Julius Stahl, Pierre Courthial ou Rousas J. Rushdoony, pour n’en nommer que quelques-uns. À cette liste, je proposerai le nom de Jean-Marc Berthoud comme un complément bienvenu.
Le but de ses écrits, spécialement son œuvre majeure, qui dresse un grand panorama de l’histoire de l’Église, va bien au-delà des simples faits et dates et de l’indication des meilleures sources pour de nouvelles études. Comme Calvin, Jean-Marc fait la démonstration d’une étonnante capacité pour synthétiser les meilleurs éléments permettant de répondre aux attaques spirituelles. Ses écrits sont véritablement œcuméniques parce que sa recherche n’est pas limitée par les barrières confessionnelles – il reconnaît la vérité là où Dieu l’a placée et la met en harmonie avec le témoignage de l’Écriture. Il a dit une fois : « La parole de Dieu, dans son entier, est la vérité, la vérité sur toute chose. Rien d’utile, rien de fécond ne peut être fait hors de ce cadre. » Une synthèse aussi large est seulement possible, humainement parlant, parce qu’il adapte sa méthode d’enquête à son objet dans la meilleure tradition de méthodologie aristotélicienne. En conséquence de sa vie fertile en batailles personnelles, et de son intérêt pour toutes les sphères de la création de Dieu, ses écrits sont dépourvus de la sécheresse de tant d’ouvrages académiques de même ampleur.
Conclusion
Aussi difficile a-t-il été pour moi de décrire Jean-Marc Berthoud au début de cet article, de la même manière il m’est difficile de résumer sa contribution à la pensée chrétienne en quelques mots. Il n’a jamais voulu établir une intéressante et nouvelle école de pensée ou développer des concepts idiosyncrastiques sur des problèmes théologiques ou philosophiques. Son ministère consistait à fortifier l’Église en résistant au mal partout où il était et en reconstruisant une saine culture chrétienne … une culture de l’être véritable. Ses livres sont donc tout à la fois enrichissants et encourageants à lire, conduisant, comme les bons livres ont tendance à le faire, à la découverte d’autres livres à la valeur inestimable et d’autres auteurs dont vous n’auriez jamais entendu parler ailleurs. Il y a une cohérence de sa pensée au travers de tous ses écrits et un amour contagieux pour la vérité et pour Christ. Voici donc un soldat chrétien combattant une modernité en faillite de tout son être, un authentique Réformateur suisse et moderne. Nous apprécions et lisons avec diligence nos ancêtres dans la foi, mais je remercie aussi Dieu pour le don d’hommes tels que Jean-Marc, un frère fidèle habitué à nos luttes actuelles et parlant à notre génération. Le proverbe véridique qui affirme que nul n’est prophète en son pays me peine beaucoup. Cependant aujourd’hui, ce travail connaît de grandes ouvertures outre-Atlantique, en particulier au Brésil, mais aussi aux États-Unis. Ma prière est que ce travail soit reconnu par bien d’autres pays encore – notamment aussi de notre francophonie – et que beaucoup en soient inspirés afin d’assumer, eux aussi, pour l’honneur de Dieu, ce même combat.
Didier Erne, Winterthur
traduit de l’anglais par Laurence Benoit
février-mars 2018
[1]. Didier Erne est consultant dans le domaine financier. Il a obtenu un master en économie de l’Université de Genève et un bachelor en théologie de la Faculté Jean Calvin, en France. Il s’intéresse à l’étude interdisciplinaire en lien avec la religion, l’économie et l’histoire des idées et leur impact sur la société moderne. Il réside en Suisse, près de Zurich, avec son épouse et ses trois enfants.
[2]. Voyez le récit vraiment hallucinant de ce génocide relaté par Adam Hochschild, Les Fantômes du roi Léopold. La terreur coloniale dans l’État du Congo 1884-1908, Texto, Paris, 2007 [1998].
9781716462757