Ézéchiel Sentinelle de Dieu Prophète du Jugement de Dieu sur Israël et sur Jérusalem fait donc suite à notre premier ouvrage sur la prophétie biblique, L’Église au pied du mur consacré au prophète Ésaïe. Il ouvre aussi la voie à notre Commentaire sur le seul livre prophétique du Nouveau Testament, L’Apocalypse de Jésus-Christ.
Ézéchiel fut, dès l’an 598, exilé avec l’élite de Juda à Babylone. Depuis son extraor¬dinaire vision, en l’an 593 avant Jésus-Christ, des chariots et des roues, manifestation de la glorieuse Providence de Dieu, jusqu’à la destruction de la ville de Jérusalem en 586, il fut chargé par Dieu du message sans doute le plus éprouvant – avec le livre de Job – de tout l’Ancien Testament, celui du jugement imminent de Dieu : « Tout est fini pour Juda, pour cette maison de rebelles ; la destruction de la ville sainte, Jérusalem, est dès à présent inexorablement fixée par Dieu Lui-même ».
Ce livre examine la prophétie, majestueuse et redoutable de la première moitié d’Ézéchiel. Les chapitres 1 à 24 en sont terriblement sombres, à la mesure des désastres spirituels et géopolitiques de l’époque et des jugements divins qu’ils appellent. Ces chapitres renferment cependant, ici et là, quelques traits lumineux, mais la trame constante de la prophétie annonce le jugement imminent, irréversible, implacable de Dieu : la destruction, décidée sans le moindre retour possible, de Jérusalem et de Juda. Il y est partout insisté sur l’invasion prochaine et totalement destructrice des restes du peuple bien-aimé de Dieu, maintenant devenu apostat, par les armées de Neboukadnetsar.
Le lecteur pourra y trouver des lumières étonnantes sur les maux de notre époque, si proche par bien des côtés de ceux d’Ézéchiel au début du sixième siècle avant Jésus-Christ.
L’invitation à écrire une préface peut être narcissiquement flatteuse. Il est pourtant évident, dès le début, que je n’ai pas l’autorité pour recommander la lecture de ce livre. L’auteur n’a sûrement pas besoin d’une telle recommandation de ma part. Il est suffisamment connu pour se passer de ma contribution. Il me semble cependant souhaitable de suggérer quelques raisons pour s’approcher de ce texte que j’ai trouvé, à bien des égards, remarquable. Je me permets donc de formuler quelques suggestions.
Il y a à peu près quinze ans, j’ai eu le privilège d’écouter la prédication de Jean-Marc Berthoud sur le chapitre trois du livre d’Ézéchiel et je fus frappé par l’extraordinaire actualité du message, même si l’on se trouvait dans un autre pays : l’Italie. « Le prophète comme sentinelle de Dieu » prêché dans l’Église Évangélique de Padoue (12.09.2004) fut un grand défi. Malgré la différence des temps et celle du style, ce message semblait calqué sur l’actualité. Il était très facile d’y voir l’aujourd’hui du peuple de Dieu et du monde. Difficile de ne pas être sollicité par une telle prédication. Le sentiment qui s’imposa fut celui de l’étonnement. Avec ses aspérités et ses soulagements, avec sa rudesse et ses réconforts, le texte d’Ézéchiel semblait s’imposer par sa modernité. C’était objectif. Son message n’avait pas du tout vieilli. Il était possible de le reprendre et d’en écouter ses exhortations.
Cette actualité peut être la première raison pour s’approcher de ce texte. Mais l’actualité signifie penser un monde sans Dieu. Il est salutaire de considérer les idoles d’un monde post religieux comme l’est aujourd’hui l’Occident. Avec ses horreurs, ses prétendues autonomies, ses fausses religions. Et à côté de ces manifestations si troublantes, reconnaître aussi les dangers que représentent des Églises non doctrinales bien qu’elles se proclament protestantes ou évangéliques ; les menaces du libéralisme dans ses différentes versions ; du catholicisme romain irréformable en dépit des apparences. On comprend alors que de telles prédications ne se plongent pas dans un passé dépassé, mais sollicitent l’attention au présent de l’Église et du monde. L’auteur ne ménage pas ses propres observations sur tous ces mondes. Il ne s’agit pas d’incursions alléguées comme prétextes, mais bien d’applications tout à fait légitimes. On comprend ainsi l’actualité.
Une deuxième raison me semble être la capacité de Jean-Marc Berthoud d’enlacer le lecteur par la force du texte lui-même. Ce qu’on va lire n’est pas du tout un commentaire technique. Il est vrai qu’ici et là on peut trouver des technicismes. Il s’agit alors d’expliquer le texte. Mais les observations techniques n’ont jamais une tournure aride. Ils sont bien au service du message et comme tels n’en accablent pas du tout la lecture. Ils aident par contre à mieux saisir la solidité du message qu’on va lire. On comprend ainsi la volonté de l’auteur de serrer de près le texte avec une écoute constante de ce qu’il veut nous dire. Le respect pour le texte n’est pas accompagné d’une quelconque obsession par rapport aux détails. S’ils ne mènent nulle part, il ne faut pas s’y attarder. La question est celle d’obéir à la Parole de Dieu. Et alors, quelques fois, on peut survoler ces détails. Quelques fois aussi on a l’impression d’entendre les mots d’Ézéchiel lui-même tant ils sont graves. On comprend que l’auteur en est comme imprégné.
Il me semble qu’en cet effort d’embrasser le texte, il y a comme la passion pour une foi réellement capable d’adhérer au message d’Ézéchiel. Il semble qu’il veut dessiner devant nous une typologie particulière du chrétien et évidemment de l’Église. Il s’agit d’un chrétien soucieux de connaître Dieu et de Lui plaire. Les dérives de l’incrédulité et de la rébellion contre la bonté de Dieu qui appelle à la repentance sont souvent horribles. On pourrait se sentir frappé et privé de toute issue, mais la perspective christologique n’est jamais absente et laisse de l’espoir. À l’arrière-plan se trouve un chrétien qui a saisi le sens de l’histoire de la rédemption et qui sait se situer par rapport à elle. C’est surtout un chrétien qui a le souci de la gloire de Dieu.
Une troisième raison est le profil prophétique de ces prédications. Comme on l’a compris, le texte constitue une série de prédications délivrées par l’auteur à différentes occasions. Le livre d’Ézéchiel, « tout à la fois magnifique et terrible », déploie son énorme puissance. Berthoud fait un effort prophétique tel qu’Ézéchiel l’autorise. Comment ce texte nous interpelle-t-il ? Quel est son message pour nous qui vivons dans la suite du deuxième millénaire après Jésus-Christ ? Ce texte farci de visions, d’actions symboliques, de prophéties… si loin de notre sensibilité, comment pouvons-nous le comprendre ? Et si nous arrivons à en saisir le sens, comment l’appliquer ? L’Église n’a en général pas l’habitude d’entendre une prédication prophétique qui l’exhorte à retrouver son chemin vers Dieu et avec Lui. Elle aime plutôt à être encouragée, même si elle passe par la défaillance et l’apostasie. On n’aime pas toujours à être rappelé à sa propre vocation. Il ne s’agit aucunement de ces prédications qui ne font mal à personne. On y respire une passion pour un caractère chrétien sans fissure. Comme dans la plus solide tradition de la prédication prophétique, on est constamment remis en question. On est ainsi sollicité à se retrouver soi-même dans ces exhortations. Il est fréquent de lire « il nous faut nous tourner vers notre pays, car notre pays, la Suisse […] ». D’un coup on comprend que le message ne concerne pas seulement un peuple qui vivait dans un passé désormais dépassé. C’est quelque chose d’absolument actuel. Il s’agit de la vie d’aujourd’hui. « Il y a des mots qui font vivre », disait Paul Éluard. Ainsi nous voilà comme si on entendait prêcher l’auteur. Avec son style solennel et toute la vigueur qui vient d’une pleine confiance en la Parole de Dieu, le prédicateur ne fait aucune concession aux modes qui passent.
Une quatrième raison est le caractère doxologique du livre lui-même. Il est absolument vrai que le prophète semble profondément touché par la passion et par la souffrance dans lesquelles il se trouve parmi les exilés. Il en partage les malheurs et les soucis. Et cependant il y a quelque chose d’extraordinaire. Le scénario dans lequel baigne tout le livre est celui de la gloire de Dieu. C’est ce scénario qui trace les coordonnées de fond. Ézéchiel vit pleinement dans l’histoire. Le prophète est projeté vers quelque chose de grand. Vu qu’il se trouve en exil, il pourrait s’adapter à ses circonstances et s’exercer à une foi modeste. Les raisons pour alimenter l’espérance sont en effet fort peu nombreuses, mais cet homme a reçu une vision de la gloire de Dieu et cela lui permet d’aller au-delà du quotidien. Il voit la renaissance du nouvel Israël.
C’est ainsi que ce livre ne s’ouvre pas seulement aux émotions et aux souffrances, mais aussi à la gloire de Dieu, cette force démesurée de sa puissance. D’un coup cela donne aussi une vision pleine d’espérance. Ce qui compte et qui donne un sens c’est la révélation de la gloire de Dieu, une révélation dont nous avons un si grand besoin. Dieu n’a pas abandonné ni Jérusalem ni son monde. S’il est possible d’endurer et de supporter certains fardeaux, on le doit à un Dieu qui s’est révélé. Autre que la sainteté de Dieu et sa juste colère, il y a sa gloire et son amour sans mesure. Si « notre civilisation […] a enlevé au Dieu vivant et vrai, tout poids, toute réalité, tout son pesant éternel de gloire » il est nécessaire de retrouver le poids de la sainteté du nom glorieux de notre Dieu.
D’un coup, on comprend que l’intérêt qu’on respire pour l’actualité, la passion pour le texte, le grand amour pour l’Église de Jésus-Christ et le souci pour la gloire de Dieu engagent une réflexion.
Pietro Bolognesi,
I.F.E.D., Instituto de formazione evangelica e documentazione,
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