Ce livre, Apologie pour la Loi de Dieu, a comme sous-titre : Introduction aux Dix Commandements, c’est-à-dire aux volumes que nous consacrons à l’étude détaillée des dix paroles du Décalogue. Il fut pourtant rédigé au cours des années 1980 et 1990 et publié en février 1996 aux Éditions L’Âge d’Homme à Lausanne. Il s’agit d’une série d’ouvrages en voie de publication dont celui consacré au huitième commandement est disponible. Ces études furent en premier lieu prononcées comme prédications mensuelles à l’Assemblée évangélique de Sion, cela au cours de douze années et demie, du 11 février 2001 au 16 juin 2013. Nous remercions le pasteur André Rentmeister pour la confiance avec laquelle il accorda si longtemps à l’auteur l’hospitalité de la chaire dont il était responsable. Une première partie, comprenant une douzaine de chapitres relativement courts, présente la Loi divine de manière simple afin de mieux en faire comprendre la portée véritable. Ils montrent, contrairement à des opinions erronées largement répandues, que la Loi divine résumée par les dix paroles du Décalogue n’est d’aucune manière opposée à une conception, tout à la fois chrétienne et raisonnable, de l’amour, de la liberté, du salut, de la grâce, de cette loi naturelle qui est l’ordre stable de la création, de la conscience humaine, de l’alliance divine avec les hommes, de l’ordre législatif juste. Nous y montrons également que cette bonne, sainte et juste Loi n’est autre qu’une figure de Celui qui est le Juste par excellence, notre Sauveur et Seigneur Jésus-Christ que nous confessons être, en une seule Personne divine, le Fils éternel de Dieu, incarné en Jésus de Nazareth. La suite du livre, en des chapitres plus amples, en vient d’abord à décrire le caractère de cette Loi – distincte, mais inséparable de la Grâce de Dieu –, son rôle et sa signification au cœur de toute la théologie chrétienne, cela tant pour l’Ancien que pour le Nouveau Testament. Finalement, par une série d’études ponctuelles, il évoque la nature des adversaires innombrables de la Loi de Dieu qui, aujourd’hui comme par le passé, cela au sein comme hors du Christianisme, cherchent à en falsifier la nature et à en détruire l’influence. Cet ouvrage sert donc – mieux que son auteur ne l’imaginait lors de sa première publication – à ouvrir toute grande la porte aux volumes qui étudient les Dix Paroles du Décalogue et dont il fut, il y a vingt-cinq ans, les prémices !
Une mortelle hérésie, qui a couru tout au long de l’histoire de l’Église et qui la ruine particulièrement aujourd’hui, est l’antinomisme (du grec anti = contre, nomos = loi) ; le mépris de la Loi de Dieu ; le rejet de la Loi de Dieu.
La Parole de Dieu, du début de la Genèse à la fin de l’Apocalypse, est inséparablement Parole-Loi et Parole-Évangile. La Loi comme l’Évangile nous révèlent ensemble la sainteté de Dieu et Sa miséricorde, la grâce de Dieu et Sa justice.
Comme les Pharisiens aiment à se prévaloir de la Loi (qu’ils dé-forment et à laquelle ils ajoutent ou substituent leurs traditions humaines) au détriment de l’Évangile qu’ils anéantissent, les Antinomistes, eux, mettent en avant l’Évangile (qu’ils amenuisent et « superficialisent » sous prétexte de l’exalter) au détriment de la Loi qu’ils effacent.
Les Apôtres déjà, comme ensuite les Pères et les Réformateurs, tous ont dû démasquer et combattre l’antinomisme qui n’a cessé d’in-fester l’Église.
Aujourd’hui, plus que jamais, trop de pasteurs et de théologiens de toutes « confessions » – loups cherchant à dévorer les fidèles – sont des antinomistes conformes aux airs du temps. Contre ces mauvais pasteurs et théologiens auxquels ont été confiés des chaires, au nom de l’Église, hélas ! se dresse vaillamment Jean-Marc Berthoud, théologien franc-tireur comme le Seigneur en appelle quand Il juge qu’il le faut.
Alors que la Loi de Dieu, révélée tant dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament, et concernant la vie personnelle, conjugale, familiale, économique, sociale, scientifique, politique, etc. des hommes, est bafouée, ridiculisée, mise au rebut, même par ceux que Dieu appelle cependant à être « sel de la terre », « lumière du monde », « colonne et soutien de la Vérité », Jean-Marc Berthoud nous apporte, dans les pages qui suivent, les raisons chrétiennes, bibliques, de reprendre, d’enseigner pour la mettre en pratique, cette Loi que Dieu a donné pour que les hommes y marchent.
Certes nous ne sommes pas sauvés par la Loi, mais nous ne sommes pas non plus sauvés sans la Loi, hors la Loi. C’est la grâce souveraine de Dieu qui, seule, a le pouvoir de sauver, par le moyen de la foi. Mais la vraie foi, qui unit à Jésus-Christ Sauveur, n’existe qu’accompagnée par l’obéissance – par un vrai commencement d’obéissance – à la Loi de Dieu, cette Loi « sainte, juste et bonne » qui nous donne les directions et les directives pour tous les aspects de notre existence, cette Loi qui, avec son inséparable compagnon : l’Évangile, est aussi et toujours grâce.
Merci à Jean-Marc Berthoud de si bien nous le rappeler, avec vigueur et netteté.
Pierre Courthial
Doyen honoraire, de la Faculté libre de Théologie réformée d’Aix-en-Provence
La préface que le regretté Pierre Courthial a écrite pour le livre de Jean-Marc Berthoud Apologie pour la loi de Dieu donne le ton à l’ensemble de l’ouvrage. L’extrait ci-dessous de cette préface mérite d’être répété ici pour nos besoins :
… La Parole de Dieu, du début de la Genèse à la fin de l’Apocalypse, est inséparablement Parole-Loi et Parole d’Évangile. Comme l’Évangile, la Loi nous révèle la sainteté de Dieu en même temps que sa miséricorde, et la grâce de Dieu en même temps que sa justice.
Les pharisiens aimaient s’estimer serviteurs de la Loi – qu’ils tordaient à leurs propres fins, et à laquelle ils ajoutaient ou substituaient leurs traditions humaines – au détriment de l’Évangile qu’ils détruisaient. De même, les antinomiens [d’aujourd’hui] mettent en avant l’Évangile – qu’ils diminuent et « superficialisent » sous prétexte de l’exalter – au détriment de la Loi qu’ils obscurcissent…
La Loi de Dieu est révélée aussi bien dans le Nouveau Testament que dans l’Ancien, et elle s’applique à tous les domaines de la vie : personnel, conjugal, familial, social, économique, scientifique, politique, etc. Pourtant, à notre époque, elle est tournée en dérision, ridiculisée et rejetée même par l’institution que Dieu a établie pour être « la colonne et l’appui de la vérité », même par ceux que Dieu appelle à être le « sel de la terre » et la « lumière du monde » ! Dans les pages qui suivent, Jean-Marc Berthoud nous équipe de principes bibliques et chrétiens pour retrouver, enseigner et mettre en pratique cette Loi, que Dieu a donnée pour que nous puissions y marcher.
L’ouvrage de Berthoud est divisé en deux grandes parties, Fondements et Batailles, et se termine par quatre annexes utiles, dont le plus remarquable étudie The Majesty of God’s Law de J. Gresham Machen. Nous allons d’abord nous plonger dans la section Fondements.
Fondements
La première partie du livre de Berthoud est divisée en dix-neuf chapitres, dont la majeure partie aborde les critiques et les malentendus courants concernant la loi de Dieu dans une perspective biblique. Toutes les objections majeures à l’ancrage de l’éthique chrétienne sur la loi de Dieu sont traitées de manière très approfondie. Si les chapitres présentant une apologétique de la loi contre diverses critiques populaires dominent cette section, ils sont entrelacés avec des chapitres présentant une exposition positive de la loi. Ces derniers comprennent des examens convaincants du Psaume 119 (« un hymne à la loi de Dieu »), de la loi de Dieu en tant que figure de Christ, et de l’utilisation appropriée de la loi dans la vie chrétienne. Deux des chapitres des Fondements sont consacrés à des considérations pratiques, dont le second s’adresse aux pasteurs.
« Le simple fait que Dieu nous enjoint de l’aimer et d’aimer notre prochain doit nous faire comprendre l’impossibilité de séparer l’amour de Dieu de ses commandements, ou de séparer l’amour de notre prochain de la loi divine qui l’exige. »
Bien sûr, la loi de Dieu ne met pas cet amour dans nos cœurs, et Berthoud cite Romains 5:5 pour dissiper cette idée erronée. En d’autres termes, l’auteur prend soin de montrer les dégâts causés dans la vie chrétienne lorsque l’amour est séparé de l’obéissance à la loi de Dieu, tout en protégeant contre l’erreur inverse qui consiste à effacer artificiellement la distinction entre les deux (ce qui évince implicitement le Saint-Esprit du processus de sanctification). L’amour et l’obéissance vont de pair dans le même sens que la justice et la paix s’embrassent (Psaumes 85:10).
En traitant Jean 1:17, Berthoud souligne l’erreur qui consiste à opposer Christ à la loi. Le texte de la version anglaise standard (ESV) de la Bible dit : « Car la loi a été donnée par Moïse ; la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ. » Le commentaire de Berthoud est juste :
Rien dans ce texte n’implique une opposition entre la loi et la vérité, ni entre Moïse et Jésus-Christ, ni en outre, entre la loi et la grâce. Un développement dans la révélation et dans l’efficacité de la grâce n’implique aucune contradiction ni opposition. C’est d’ailleurs ce que prouve admirablement l’Écriture lorsque l’apôtre Paul affirme que la loi n’est rien d’autre que « l’incarnation de la connaissance et de la vérité » (Romains 2:20).
L’opposition supposée de la loi à la grâce et à la vérité est entièrement une invention de la critique antinomienne. Certains spécialistes ont en outre fait remarquer que, d’un point de vue grammatical, le contraste dans Jean 1:17 n’est même pas entre la loi et la grâce et la vérité : le texte de Jean s’intéresse plutôt à la manière dont ces choses nous sont venues de Dieu. La loi de Dieu a été donnée par Moïse, tandis que la grâce et la vérité sont venues en la personne même de Christ. Ceci est repris dans Hébreux 3:5-6 où Moïse se présente comme un serviteur tandis que Christ se présente comme un fils.
Berthoud s’attache à mettre en évidence « l’unité des commandements et de la Parole de Dieu », à la fois par un exposé positif et par la confrontation d’objections anciennes qui persistent encore de nos jours. L’une de ses contributions les plus marquantes à cet égard est sans doute son analyse du Psaume 119, où il trouve cette unité exprimée de manière répétée dans le plus long psaume du Psautier.
L’abus moderne des termes « légalisme » et « spiritualisme » (termes qui « n’apparaissent même pas dans l’Écriture ») peut être dangereux si l’on finit par dénigrer la loi de Dieu ou par déprécier le rôle du Saint-Esprit dans la vie du chrétien. Ce que l’Écriture condamne en réalité, ce sont « les pensées charnelles et les actions pécheresses des hommes qui, dans leur faiblesse… ne peuvent même pas commencer à conformer leur vie aux exigences de la loi de Dieu. » Le fait que l’obéissance ne se trouve jamais dans nos propres forces est explicité par Berthoud :
« Essayer d’accomplir la loi sans l’Esprit qui nous a donné cette loi n’est qu’un effort vain et futile. »
Mais Berthoud écarte immédiatement toute implication antinomienne :
« S’imaginer qu’une vie spirituelle [puisse] se passer de la conformité à la loi de Dieu n’est qu’une illusion mortelle de la chair. »
Lorsqu’il s’agit de traiter de l’apparent mépris de Jean Calvin pour l’application de la loi de Dieu, Jean-Marc Berthoud ne ménage pas ses mots :
Il est remarquable que, contrairement à son habitude, Calvin n’ait apporté aucune preuve biblique à une déclaration très importante. Sur ce point précis, les réformateurs Martin Bucer et Pierre Viret, tout aussi éminents en comparaison, ne partagent pas l’opinion de leur collègue genevois. Pour eux, l’ensemble de la loi, bien comprise, constitue le fondement non seulement de ce que nous appelons la « morale », mais aussi de la loi judiciaire elle-même. C’est également l’opinion des fondateurs puritains de la Nouvelle-Angleterre.
La documentation source à l’appui de ces affirmations spécifiques, que l’auteur présente dans ses notes de bas de page, est bien réfléchie et pertinente. Si Calvin n’est pas, sur ce point, un guide approprié, Berthoud n’a pas peur de parler franchement et de s’aligner sur les réformateurs qui se situent de l’autre côté de la question.
L’articulation par l’auteur de treize points pratiques clés concernant l’application contemporaine de la loi de Dieu est particulièrement précieuse, car elle est complète et moralement satisfaisante. Il ajoute à sa liste une mise en garde importante :
« Il faut ajouter ici que le pouvoir judiciaire ne peut juger que les infractions publiques à la loi. »
Il explique pourquoi il en est ainsi, exposant en détail un puissant antidote à la tendance du droit humaniste moderne à aspirer à la punition des crimes de la pensée.
L’exploration des aspects psychologiques de la loi de Dieu, même en ce qui concerne l’incroyant, ouvre des perspectives normalement non explorées par les théologiens. Cette discussion occupe la onzième section des Fondements de Berthoud sous le titre « La loi de Dieu et la conscience de l’homme ». Les limites sotériologiques de la loi de Dieu sont mises à nu afin que personne ne soit tenté d’utiliser la loi de manière illicite, puisque aucune chair ne sera justifiée par les oeuvres de la loi, car « la conscience de la loi de Dieu … est en elle-même entièrement incapable de conduire [quelqu’un] au salut ». L’homme doit être régénéré : la législation ne suffit pas, il faut une puissance surnaturelle.
Les trois sections suivantes des Fondements traitent d’aspects importants des Dix Commandements, tandis que les cinq dernières sections (où se trouve l’essentiel du livre) approfondissent la place des œuvres dans la vie chrétienne, le bon usage de la loi de Dieu, etc. et se terminent par un discours prononcé devant un groupe de pasteurs sur des questions pratiques relatives à l’éthique chrétienne. (J’ai essentiellement reproduit les titres des sections de Berthoud dans la description qui précède. Ce que cette esquisse ne parvient pas à transmettre, c’est l’orientation victorieuse de ces chapitres qui émerge lorsque la loi de Dieu est remise sur la table et correctement appliquée, de sorte que nous pouvons à nouveau voir comment le Christ « conduit la justice à la victoire » (Matthieu 12:20).
Maintenant que nous avons posé des fondements suffisamment solides, nous sommes prêts à partir au combat armés de la vérité… et c’est précisément ce que fait Berthoud dans la section suivante de son livre.
Batailles
Dans la deuxième partie de son livre, Berthoud traite directement de la polémique : le débat sur la loi de Dieu. Deux des six chapitres de cette partie approfondissent la question de la bioéthique, un domaine dans lequel Berthoud est un guide particulièrement fiable. Les autres chapitres traitent des contours historiques du débat sur l’éthique théonomique, des enjeux bibliques d’une dérive de ce débat, et d’individus s’opposant à la loi de Dieu. L’on peut déjà sentir la chaleur de la bataille dans les titres de certains de ces chapitres : « Une fraude théologique : la morale selon Calvin d’Eric Fuchs » et « Jacques Ellul et l’irréconciliable choc des idées entre Marx et Calvin ».
Nous entrons sur le champ de bataille avec la section vingt du livre, « Opposition ancienne et moderne à la loi de Dieu », puis nous en abordons les conséquences dans la section vingt et un, « Les fondements bibliques de la moralité et de la loi en péril ». Une fois que l’opposition à la loi de Dieu prend pied, des structures juridiques et de prétendus cadres moraux étrangers se précipitent pour combler le vide créé lorsque Dieu est détrôné en tant que législateur (Ésaïe 33:22), et il est juste d’attirer l’attention sur les « fondements en péril », car la chute de la maison sera grande lorsque les fondations céderont. Comme s’écrie le psalmiste :
« Quand les fondements sont renversés, le juste, que ferait-t-il ? »
Psaume 11:3.
Si Batailles occupe la moitié de la longueur du livre de Berthoud, c’est parce que nous avons été poussés dans une bataille, une bataille provoquée par les forfaits et les manquements des chrétiens au cours des siècles. Nous avons largement mérité notre « insignifiance publique » par le biais de la capitulation, qui est l’une des « caractéristiques distinctives de notre époque », pour reprendre le langage de Berthoud. Nous devons donc éjecter les géants du pays, qui ne céderont pas facilement du terrain au nom de l’antinomianisme qu’ils ont travaillé à justifier par leurs lectures tendancieuses de l’Écriture. Nous devons nous battre avec la Parole de Dieu, et Berthoud ne déçoit pas en tant que polémiste de premier plan et apologiste des statuts et ordonnances divins.
L’auteur ne se laisse pas abattre. Dès le premier paragraphe des Batailles, il déclare que l’antinomianisme n’est « qu’une autre forme de théologie libérale », dont les défenseurs « sont en fait des néo-modernistes » (consciemment ou non).
« La souveraineté royale de Dieu a été largement supprimée dans l’Église d’aujourd’hui, car sa loi est foulée aux pieds, et considérée avec mépris. »
Les prétendues preuves à l’appui de l’enseignement antinomien sont systématiquement passées en revue, chacune recevant l’attention qu’elle mérite, ce qui conduit souvent à des découvertes inattendues (par exemple, la compréhension par Berthoud du terme « ombre » est en fait plus défendable que les conceptions modernes erronées de cette idée, pour ne citer qu’un exemple). Il pose la liberté biblique contre la fausse liberté proclamée au nom de ceux qui opposent la grâce à la loi. La logique de ses exposés est solide, formant un rempart contre les contestataires de ce siècle.
Que nous soyons confrontés à une renaissance des vues de Marcion sur l’Ancien Testament (ou même sur des parties du Nouveau Testament qui ressemblent trop à l’Ancien Testament) est un fait que Berthoud examine de près. Le lecteur est mieux à même de comprendre la stratégie qui sous-tend les positions de Marcion, une stratégie qui est mise à nu pour la rendre plus facile à saisir. Les Marcion modernes d’aujourd’hui fredonnent une mélodie très similaire, différente dans les détails, mais motivée par la même impulsion : ouvrir la porte à l’homme pour qu’il devienne son propre législateur.
Après avoir passé en revue Agricola, Freud et Marx, cette étude se penche sur la pensée antinomienne qui revêt les habits du christianisme (qui, selon l’auteur, est un faux-semblant, pur et simple). En considérant Emil Brunner, Berthoud expose le motif sous-jacent de cette forme de pensée :
Sous des apparences et des auspices orthodoxes et évangéliques, l’on en vient à donner un enseignement complètement différent de celui réellement contenu dans les Écritures. Un spiritualisme existentialiste remplace l’enseignement objectif et moral de l’Écriture.
Le numéro de septembre 1984 de La Vie spirituelle illustre à quel point les antinomistes peuvent s’enflammer (et sans doute devenir irrationnels) : les différents courants d’argumentation se fondent en une Babel de confusion.
Car il s’avère que l’antinomianisme ne s’oppose pas seulement à la loi de Dieu, il substitue quelque chose d’autre à la loi. L’offense de la loi, ce sont ses « normes exactes et conceptuellement intelligibles ». Les substituts proposés ouvrent grand la porte à une panoplie étonnante de comportements sur des bases exégétiques des plus minces.
Il n’est pas surprenant que le dispensationalisme fasse l’objet d’un examen soutenu (Berthoud cite ici Lewis Sperry Chafer, René Pache et H. E. Alexander ; il est en train de préparer une analyse massive de la contribution de Darby à l’affaiblissement systématique de la chrétienté, qui sera publiée séparément de ce volume). Berthoud identifie R. J. Rushdoony comme l’un de ceux dont la réponse au dispensationalisme a donné l’orientation biblique appropriée à la question, sans parler de ses citations de J. Gresham Machen, O. T. Allis et Philip Mauro.
Au fond, Berthoud attribue la « faiblesse de l’Église de Dieu » à une telle pensée antinomienne, et établit ce point au moyen d’une analyse historique étendue, aussi large que profonde. Pourquoi l’Église avait-elle un rôle si important culturellement avant l’avènement de l’antinomianisme systématique ? L’auteur nous aide à passer au crible les complexités de cette question. Comment l’Église était-elle plus forte sous l’enseignement d’un Pierre Viret, par exemple, que sous celui de nos guides actuels ? Autant de questions qui sont approfondies dans cet ouvrage.
Le diagnostic d’une maladie étant le prélude à sa guérison, l’auteur en vient à se demander : « Comment en est-on arrivé là ? » à propos du « dépérissement continuel » qui marque l’influence chrétienne depuis « la fin du XVIIe siècle ». Les causes sont multiples et sont détaillées sous les rubriques des erreurs philosophiques (notamment le cartésianisme) et des erreurs morales. Toutes ces pensées dualistes vident la foi de sa force et de ses fondements moraux.
Le lecteur américain a ensuite l’opportunité de mieux apprécier les courants de pensée sur le continent européen, puisque Berthoud passe en revue les figures de premier plan du monde francophone. Parmi elles, Jacques Ellul, Erich Fuchs (que Berthoud accuse de fraude théologique), Olivier Abel et Jean-Marc Thévoz. Ces combats sont « proches de la maison » pour Berthoud et il est donc normal qu’ils occupent son attention lorsqu’il décrit les contours des questions controversées qui sont débattues. Nous devons reconnaître que tous les combats ne sont pas centrés sur une faculté théologique américaine spécifique, car notre provincialisme intrinsèque ne tient pas compte des aspects mondiaux de la guerre menée par la chrétienté pour conquérir les nations. La connaissance de la manière dont de tels débats ont été menés en Europe ne peut qu’être utile lorsque vient le moment pour nous de poursuivre des ennemis imitateurs de ce côté-ci de l’Atlantique.
La dernière partie (avant les annexes) approfondit les questions de bioéthique (abordées pour la première fois dans l’examen détaillé d’Abel et Thévoz dans la partie précédente) et constitue une sorte de tour de force en ce qui concerne la manière dont la bioéthique doit être façonnée par l’application de la loi de Dieu. Présentée sous la forme d’une série de thèses numérotées, cette section constitue un manifeste autonome fondé sur la doctrine biblique de la création et la validité permanente de la loi de Dieu. Bien que brefs, ses dix points clés résument les questions en jeu avec une clarté exceptionnelle.
Les annexes
Trois des quatre annexes qui concluent l’ouvrage de Berthoud traitent de personnes spécifiques qui apportent une orientation positive à la question de la loi de Dieu pour aujourd’hui : il s’agit de J. Gresham Machen dans The Majesty of God’s Law (1937), de Philip Mauro dans The Law and the Gospel et de Robert L. Dabney dans The Law. En ce qui concerne ce dernier (extrait des Lectures in Systematic Theology de Dabney), Berthoud observe que les traités systématiques antérieurs étaient marqués par la présence d’une section concernant la loi de Dieu (par exemple, Calvin et Viret en 1564, Turretin en 1679) alors que ce locus est absent des systématiques modernes (par exemple, John Owen, Charles Hodge, Herman Bavinck, Louis Berkhof, Herman Hoeksema ou Gordon Spykman). Dabney a cependant abordé la question de la loi de Dieu, tout comme le théologien du vingtième siècle R. J. Rushdoony dans sa Systematic Theology. Les conséquences de l’omission délibérée de la loi de Dieu dans les travaux des théologiens systématiques ont été graves : ce sont des omissions pour lesquelles nous avons payé un prix très élevé en perte de capital spirituel et culturel. Si « entrer dans ta Parole apporte la lumière », alors l’Église moderne a, depuis plusieurs siècles, répandu des ténèbres considérables en oubliant sa véritable vocation.
Le livre de Berthoud se termine par une vaste bibliographie concernant la loi de Dieu, une liste qui constitue une ressource importante en soi, car elle couvre des ouvrages peu connus du public anglophone.
Conclusion
Nous recommandons chaleureusement ce nouvel ouvrage de Jean-Marc Berthoud aux étudiants sérieux de la Parole de Dieu. Il vient à point nommé, est bien écrit, bien documenté et convaincant. C’est toujours une joie de faire la connaissance d’un théologien compétent, doté d’un large réservoir de connaissances bibliques et culturelles et de profondes racines historiques remontant à la Réforme suisse elle-même. L’évaluation de Berthoud par le Dr Harold O. J. Brown le confirme :
« Cet homme [Jean-Marc] en sait plus que nous deux [Harold O. J. Brown et le Dr Douglas Kelly] réunis. »
Dr Harold O. J. Brown.
Il n’est donc pas étonnant que les chrétiens s’intéressent aux travaux de Berthoud à mesure qu’ils sont publiés en anglais.
Si les questions abordées dans ce volume peuvent sembler familières au lecteur expérimenté, l’approche adoptée par l’auteur est souvent unique et ouvre des horizons pleins de perspicacité. L’exhortation à agir de manière appropriée, dans le but de recouvrer les fondements glorieux qui ont été laissées à l’abandon sous l’influence de la dépréciation antinomienne d’une grande partie de l’Écriture, est une exhortation que tous les chrétiens doivent écouter et prendre en compte. Cet ouvrage maintient une torche brûlante qui brille intensément, qui jette une lumière biblique sur notre pleine vocation sous l’autorité de Dieu, pour laquelle nous serons tous tenus responsables devant Son trône, car à qui l’on a beaucoup donné, l’on demandera beaucoup.
Martin Selbrede
Notes
Cette recension est basée sur un exemplaire de la traduction anglaise de Jean-Marc Berthoud, Apologie pour la Loi de Dieu, fournie avant sa publication par Zurich Publishing en 2018 ou 2019. La traduction n’a pas encore été mise en page et paginée, c’est pourquoi les citations ne comportent pas de numéros de page.
Texte traduit de l’anglais et publié sur le site de La Lumière du Monde. Reproduit avec autorisation.
9781471669101