Jean-Marc Berthoud, né en 1939 en Afrique du Sud, vit à Lausanne (Suisse). Auteur de nombreux articles et de plusieurs livres il est historien et défenseur de la foi chrétienne. Il a étudié l’histoire à Johannesburg, à la Sorbonne et à l’Université de Londres et fut libraire et directeur de collection à L’Âge d’Homme.
Ce livre, Le temps des Pères et l’âge de la Foi, est le premier de cinq volumes d’une Histoire de l’Église vue à travers les dures crises qu’elle dut subir au cours des âges. La croissance victorieuse de l’Église de Dieu est décrite à travers ces luttes. Il est écrit dans une langue simple et claire, a un caractère rigoureusement historique, mais aussi théologique et philosophique. Il s’agit d’un seul combat, toujours actuel : la défense du christianisme contre ses adversaires. Chaque chapitre traite d’un moment particulier de cette immense bataille et peut donc être lu comme un récit indépendant qui s’insère cependant harmonieusement dans la trame d’une unique histoire.
Ce livre, Le Temps des Pères et l’Âge de la Foi – le premier des cinq volumes d’une Histoire alliancielle de l’Église dans le monde –, est d’une matière tout à la fois vaste et profonde. Il aborde aussi de nombreux thèmes. Il évoque pour moi l’image d’une belle tapisserie tissée de fils de couleurs variées, certaines plus brillantes, d’autres plus sombres, comme l’est aussi le monde dans lequel nous vivons. Il est sans doute plus ample que le manteau bigarré du patriarche Joseph, mais pas moins beau ! Jean-Marc Berthoud, penseur aux convictions réformées, vivant à Lausanne et connu pour ses nombreuses publications, a ici fourni aux générations montantes une synthèse réfléchie composée de textes bibliques entrelacés d’une réflexion tirée de la théologie patristique et scolastique. Cet ensemble éclaire notre monde qui demeure profondément déchu, mais qui est constamment aussi l’objet de l’œuvre rédemptrice du Dieu Trinitaire.
J’ai toujours trouvé que l’œil vigilant de Jean-Marc Berthoud ne dirigeait pas son regard uniquement sur l’histoire biblique et alliancielle du peuple de Dieu, mais scrutait avec attention ce monde mouvant dans lequel l’Église sera placée jusqu’à la fin des temps. Il sait poursuivre, jusque dans leurs racines, ces principes païens que Satan cherche à promouvoir à toutes les époques de l’histoire, pour mieux combattre l’œuvre rédemptrice de Dieu, œuvre divine enracinée dans les Écritures et qui s’accomplit ici-bas par l’action de son Église fidèle. Il nous montre à quel point l’Église se retrouve constamment envahie par la pensée païenne ; mais aussi de quelle manière cette Église parvient, frappée par de telles attaques, à progresser – avec l’aide de la vérité biblique et du Saint-Esprit – plus encore qu’elle ne l’aurait fait sans elles. Comme le disait le pasteur William Still d’Aberdeen en Écosse : « Là où Satan agit, Dieu est, Lui, plus actif encore ! » Peu d’ouvrages manifestent cette réalité plus clairement que l’Histoire alliancielle de J.-M. Berthoud.
Pour les étudiants en théologie, pour les pasteurs et pour tout chrétien qui cherche à réfléchir sur sa foi, il leur sera d’un grand secours de voir de quelle façon cette bataille – pour la vérité et pour le salut de millions d’âmes pour la gloire de Dieu – a fait rage tout au long de ces mille ans qui vont du Nouveau Testament au haut Moyen Âge. Cette guerre victorieuse a eu pour fruit le développement de la civilisation chrétienne. Bien qu’un bon nombre de gens – et parmi eux beaucoup de ceux qui ont profité le plus de la civilisation chrétienne de notre Occident – soient des plus violemment critiques de ses richesses, il est judicieux de faire remarquer que, pour la plupart, les habitants de ce monde, s’ils en avaient le choix, préféreraient émigrer en Europe ou en Amérique du Nord plutôt qu’ailleurs. Et bien de ces hommes politiques, si remplis qu’ils soient de haine pour l’Occident, refusent de le quitter !
Ainsi nos ancêtres, tout pécheurs et inconséquents qu’ils étaient, furent l’objet de l’assistance pleine de grâce de la Providence divine et parvinrent ainsi à développer de nombreuses institutions bienfaisantes telles le droit canon et le droit coutumier, la liberté sociale, le jugement par des jurys, les parlements, les universités, la médecine, ainsi que des éléments non négligeables de la science moderne. Ce volume rédigé par Jean-Marc nous indique les fils conducteurs d’où est sortie cette histoire. Comme cela est propre à ses autres écrits, il ne sépare pas les divers domaines de la réalité les uns des autres, mais cherche à démontrer leur cohérence dans un tableau plus vaste. On perçoit alors à quel point ces fils sont reliés les uns aux autres : Bible, théologie et politique, tout cela se situant dans un monde chaotique. Ceux qui ambitionnent à être des prédicateurs pratiques, trouveront ici bien des choses à apprendre sur l’application des vérités bibliques à la vie de leurs contemporains.
Je ne vais pas tenter de faire le tour de ce vaste tableau, mais me limiterai à relever quelques points qui, à mon sens, brillent comme une lumière placée dans un lieu obscur. Le rapport qu’il établit entre Hilaire de Poitiers (au IVe siècle) et le cardinal Pie, lui aussi de Poitiers (au XIXe) montre à quel point peut être déterminante l’influence d’une Christologie saine qui transformera ceux qui l’accueillent. Ce qu’il écrit sur « les rapports entre les divers livres du Nouveau Testament » procure au lecteur un soulagement bienvenu après la lecture de tant de théories défaillantes sur les relations entre elles des Évangiles synoptiques, travaux qui culminent avec ceux de Rudolf Bultmann. Son étude sur Chalcédoine est d’une importance capitale pour redresser le « moralisme » politique qui, depuis les Lumières européennes du XVIIIe siècle, nous a conduits au règne généralisé d’un étatisme de plus en plus omniprésent et tyrannique. Cela nous donne à la fois des réponses à nos questions ainsi que des solutions raisonnables aux impasses que produit la mentalité « politiquement correcte » d’aujourd’hui. Il nous mène ainsi aux racines véritables de la version moderne du paganisme oppresseur. Sans un tel diagnostic, il ne nous est pas possible d’ouvrir une porte à l’espérance.
Comme tout chrétien véritable, notre auteur tient à l’inspiration entière des Saintes Écritures, mais toujours il soulève la question de son interprétation exacte. L’étude qu’il consacre aux « sept règles de Tyconius » (théologien donatiste du IVe siècle), règles utilisées avec profit (accompagnées de quelques critiques et modifications) par le grand Augustin, est un modèle qui nous indique comment étudier au mieux les soixante-six livres de la Bible. Entre autres, il attire notre attention sur la vision lumineuse de Tyconius au sujet de la persistance ici-bas de ces deux « églises » : l’Église véritable de Dieu et ce corps trompeur de la fausse église manipulée par Satan. Ces deux « corps » se trouvent toujours côte à côte, opposés l’un à l’autre, tant dans l’Écriture que, depuis la fermeture du canon, dans l’histoire du monde. Il nous faut tenir compte de cette opposition si nous voulons rendre intelligible non seulement l’histoire biblique, mais aussi celle de l’Alliance de Dieu avec l’Église dans un monde qui lui est en général hostile. Il éclaire également le rapport entre l’augustinisme politique et la croissance d’une papauté impériale au cours du Moyen Âge.
Dans sa discussion très claire de la clause du Filioque (formule ajoutée par l’Église d’Occident au Credo de Nicée-Constantinople), il est convaincu que, dans cette source de discorde, c’est l’Orthodoxie orientale qui défendrait une lecture plus fidèle à l’enseignement du Nouveau Testament. Il indique par contre l’accord entre Thomas d’Aquin et Jean Calvin sur une interprétation de Jean 15 : 26 en faveur du Filioque. Selon lui, c’est l’Orthodoxie orientale qui défend ici une interprétation correcte, tant de l’Évangile de Jean que de divers autres textes du Nouveau Testament. Il s’appuie aussi sur une connaissance approfondie de l’œuvre du Patriarche Photius. Je ne suis pas sûr de pouvoir entièrement le suivre sur cette question, mais, par contre, j’affirmerais sans hésitation que jamais les théologiens occidentaux n’auraient dû imposer la clause du Filioque au Credo, universellement reçu d’une manière unilatérale et sans rechercher l’accord d’un Concile général rassemblant l’Église chrétienne tout entière. Outre l’étude si soigneuse de Jean-Marc, je recommanderais la lecture des chapitres 6 et 8 du livre de T. F. Torrance, La Foi Trinitaire. La Théologie évangélique de l’Ancienne Église catholique (1988).
Son étude sur Bernard de Clairvaux, homme de Dieu si vivement admiré par Jean Calvin – dans laquelle se trouvent certaines critiques nécessaires – est pleine de charme. Son travail sur des Pères et des Docteurs plus anciens, tels Irénée de Lyon et Athanase le Grand, porte le sceau de la clarté et de la perspicacité. Comprendre de tels hommes nous aide à mettre l’Évangile en relation avec toutes les formes, de la pensée et de la pratique, d’un monde sécularisé – c’est-à-dire sans Dieu – d’un monde qui se trouve toujours en évolution. Selon moi, l’Église moderne n’a guère besoin de nouvelles recherches sur la façon d’atteindre les masses sécularisées d’un monde devenu religieusement indifférent, mais elle doit plutôt renouveler sa communion avec la théologie d’hommes tels Irénée, Athanase, Hilaire et aussi des Cappadociens.
Bien que des travaux sur la scolastique remplissent les rayons de nos bibliothèques, je crois que son travail sur ce sujet n’est pas seulement correct, mais a aussi l’avantage d’être relativement bref. Il rend ainsi cette période importante de la théologie chrétienne accessible aux étudiants. Il désarme bien des malentendus et des mythes courants relatifs aux scolastiques et, ce faisant, il nous rend à nouveau accessible une pensée à la fois très riche et apte à répondre à de nombreuses préoccupations actuelles. Bien des gens, fortement animés de sentiments anti-scolastiques, n’ont jamais lu la moindre ligne de ces théologiens. J.-M. Berthoud sera votre guide et votre ami si vous avez le désir de prendre ce chemin !
Étant depuis de nombreuses années professeur de théologie, je suis heureux de recommander ce livre au public. Il m’a édifié, et je crois qu’il instruira et inspirera ceux qui le liront. Si l’on débute avec une vision limitée à un seul aspect de la réalité – bien qu’armé d’une forte érudition, comme c’est le cas pour la recherche moderne – j’aime à croire que cet ouvrage élargira votre vision, qu’il vous fournira de nombreuses perspectives nouvelles et des liens inattendus entre divers domaines. Peut-être accroîtra-t-il même votre joie !
Douglas F. Kelly
Professeur émérite de Théologie systématique,
Reformed Theological Seminary,
Charlotte, Caroline du Nord.