— L’individu ne peut guère vivre de manière uniquement indépendante, car il appartient par sa nature même à une famille. Ce sont ces familles qui fondent les corps intermédiaires entre l’individu et l’État. En voici quelques-uns :
— L’entreprise – une ferme, un commerce, une industrie, comme l’ensemble des institutions libres – sont des corps intermédiaires.
— L’État se subdivise en État national, province ou canton. Les communes sont constituées de familles.
— Il en va de même pour l’Église qui, d’une communauté nationale ou internationale se subdivise en corps régionaux et en églises ou paroisses locales.
— Cette différenciation en diverses communautés est attestée par la Bible.
— Cet ouvrage traite d’un aspect de la vie en société – celle des nations – dont la Bible parle souvent et de manière si bien articulée qu’il est possible d’en retirer une pensée théologique et sociale cohérente. Il s’agit de la réalité des nations et de leur place dans le plan de Dieu. D’où le titre de ce livre : La Bible et les nations. Et son sous-titre : « Ébauche d’une théologie biblique des nations. »
— Pour vous donner une idée du contenu de cet ouvrage le mieux est de citer quelques-uns des thèmes qui y sont traités à partir de la Bible et de l’histoire des nations. 1) Dieu, le créateur des nations. 2) Origine des nations. 3) Constitution et caractère des nations. 4) Les nations tentées par la domination du monde : Babel et la bête ! 5) Israël et les nations. Qui sont les goyim ? 6) Le Nouveau Testament confirme l’identité et la permanence des nations. 7) Le rôle des nations dans la Providence divine. 8) Le rôle céleste des nations dans la restauration de toutes choses.
À ces questions de fond s’ajoutent plusieurs annexes historiques et politiques, anciennes et contemporaines, illustrant par de nombreux documents la pertinence de la Bible pour une bonne compréhension du rôle des nations dans la vie du monde.
Vous y trouverez un texte datant de l’an 2000 traitant aux États-Unis du thème suivant : « Le caractère intrinsèquement anti-chrétien de la politique étrangère américaine : Inter-nazisme ou Inter-communisme ? »
Lorsque Jean-Marc Berthoud m’a demandé si je voulais bien écrire une préface à son remarquable livre sur une Théologie biblique des nations, j’ai immédiatement accepté.
C’est un privilège et un grand honneur de présenter cet auteur chrétien majeur, lumière pour notre foi en ces temps de confusion, dont l’importance des travaux ne manquera pas d’être reconnue. Je tiens à dire ici ma dette à l’égard de Paul Wells qui m’a permis de découvrir ces travaux.
Quelles raisons théologiques et philosophiques ont fait basculer le camp protestant d’une condamnation de la contraception, à son adoption puis sa valorisation – la conférence de Lambeth de 1930 ayant été le point de passage visible – dans un reversement inouï de valeurs ?
Jean-Marc Berthoud donne dans son Histoire alliancielle de l’Église, aussi profonde que négligée et soigneusement ignorée par la majeure partie d’un christianisme protestant superficiel, l’éclairage historique, philosophique et théologique le plus détaillé qui soit du renversement opéré par le nominalisme médiéval et de ses fruits empoisonnés qui allaient se manifester fortement à partir du XVIIIe siècle.
Dans un style clair, élégant, didactique, ample, procédant plus par cercles concentriques que par linéarité, puisant dans les textes d’origine et nourri d’une bibliographie francophone et anglophone quasi encyclopédique, Jean-Marc Berthoud dévoile le combat historique qui articule la compréhension de l’ordre de la création à la lumière de la Parole de Dieu.
Dans le rejet insensé de cette dernière, un profond changement de paradigme a contribué à faire basculer l’éthique de la sexualité conjugale, ordonnée au discernement des signes naturels de la fécondité exprimés dans le corps de la femme, dans une maîtrise du corps par la technique, par l’usage d’une contraception, chimique ou mécanique. Cette révolution morale et anthropologique n’avait pu s’accomplir que par l’abandon de toute métaphysique biblique, et ce en rupture totale avec la pensée des premiers Réformateurs dont la démarche de purification d’une église médiévale à la dérive loin de la parole de Dieu manifestait une claire conscience de l’indispensable nécessité de catégories de pensée philosophiques.
Les travaux de Jean-Marc Berthoud s’inscrivent dans la longue tradition des écrits des Réformateurs comme ceux de Pierre Viret, Martin Luther ou Jean Calvin, articulant parole de Dieu et discernement de l’ordre de la création ; la grâce de Dieu rendant capable de vivre dans le respect de cet ordre divin, comme héritiers animés de cette intelligence fine de la vie de la création.
Ces travaux, à ce jour les plus aboutis pour bien comprendre les combats traversés par les chrétiens depuis le XIIe siècle, posent les briques d’une réflexion sur l’articulation entre la Parole de Dieu, les lois données à Moïse et l’ordre de la création ; ordre que nous discernons au travers de notre intelligence obscurcie par le péché, la puissance et la divinité de Dieu le créateur se voyant comme à l’œil nu, et nous invitant à rendre un culte et une adoration à Dieu, même si nous ne savons pas quel culte lui est parfaitement agréable.
Ce cadre philosophique établi, précis, légitimé bibliquement, nourri de l’histoire de l’église, introduit à une pensée plus large sur l’ordre social, la famille, la communauté, son économie, en réalité toutes les sphères concentriques de la création. Ces travaux rappellent l’importance d’une philosophie authentiquement réformée, d’une théologie politique biblique – en quelque sorte d’une théologie de l’ordre social intra-national. Il manquait le travail indispensable d’une théologie biblique des nations. C’est cette dimension que traite le précieux livre que vous avez entre vos mains. Comment se manifeste la Seigneurie de Jésus-Christ dans l’ordre des relations entre nations ?
Ce livre s’insère parfaitement dans l’ensemble monumental des recherches de Jean-Marc Berthoud. Il propose, comme clef épistémologique ouvrant la compréhension des différentes sphères de la création, la recherche de la loi de Dieu exprimée dans la Parole de Dieu et déclinée dans l’ordre de la création que nous scrutons avec respect dans une attitude de prière et d’adoration. Dans cet effort de compréhension et de déploiement de la seigneurie de Jésus-Christ, on ne peut pas faire l’économie d’une philosophie authentiquement réformée.
Pour ce qui est de la philosophie réformée, l’ambiguïté philosophique du concept de substance était insatisfaisante. À cet égard, la publication de la thèse de Pierre Marcel sur La philosophie chrétienne de Herman Dooyeweerd, et plus encore les textes de Dooyeweerd lui-même – Reformation and Scholasticism in philosophy et ses travaux A New Critique of Theoretical Thought – ont apporté, par la distinction des sphères modales et leur articulation téléologique, une grille d’analyse plus fine. Elle permet par exemple un éclairage fondamentalement pro-vie sur l’embryon, parfaitement en phase avec le psaume 139, loin des erreurs du dualisme grec forme/matière d’Aristote et son animation au quarantième jour.
La méthode philosophique de Dooyeweerd repose sur une approche très analytique consistant à distinguer, par l’appareil logique de la pensée théorique, les différents niveaux de complexité du réel, dans la tradition des systèmes de critique transcendantale. Cette approche n’épuise pas la riche diversité de la philosophie chrétienne réformée particulièrement dynamique depuis le début du XXe siècle. Il convient d’évoquer ici des philosophes comme Dirk H. T. Vollenhoven ou Hendrik G. Stoker et la complémentarité de leurs méthodes philosophiques.
La préoccupation d’un fondement chalcédonien à l’origine de la réflexion philosophique chez Vollenhoven structure fortement l’orientation de son système philosophique, depuis une origine, vers une finalité.
Stoker développe les assises d’une philosophie proprement chrétienne dans la lignée du génial Dooyeweerd, mais en considérant premièrement et directement les entités et créatures de la création. Dans la pensée dooyeweerdienne la création n’est accessible qu’au travers du prisme d’un travail analytique profond, même si le sens de la création et son orientation vers Dieu apparait élégamment dans l’arrangement progressif et intégré des sphères modales.
Stoker a fait sa thèse de doctorat en philosophie sous la direction de Max Scheler. Il est à noter d’ailleurs que sa thèse de 1925 sur la Phénoménologie de la conscience fut un événement philosophique majeur salué en son temps par Max Scheler, Martin Heidegger et Herbert Spielberg. Stoker privilégiait donc une méthode phénoménologique, articulant très finement l’observation de la création aux structures des faits de conscience. Ces philosophies fournissent de puissants outils de travail.
Les travaux d’étude de Jean-Marc Berthoud dans son Histoire alliancielle, assumant une position aristotélico-thomiste, donnent un cadre de pensée solide pour aborder les questions de théologie politique à la lumière de la Bible et de la loi civile donnée à Moïse. Ces thèmes ont été magnifiquement étudiés par Althusius, bientôt traduit et publié en français. Les confessions de foi réformée ont dessiné le cadre d’une théologie du magistrat et de l’État (Confession de La Rochelle, article 39 ; Confession helvétique postérieure, chapitre 30 ; Confessio Belgica, article 36 ; Confession de Westminster, chapitre 23 ; Confession de Londres de 1689, chapitre 24).
L’effort de Jean-Marc Berthoud dans cette Ébauche et illustration d’une théologie des nations est stratégique, nécessaire, actuel et novateur. L’absence dans la plupart des dogmatiques d’un chapitre sur la théologie des nations est une omission très grave.
Comment s’étonner dans ces conditions de voir un général d’armée français, catholique pratiquant et père d’une famille nombreuse, conseiller le Président de la République dans ses opérations de bombardement de la Libye ? À quel dieu obéissait-il et à quelle théologie des nations se référait-il ? En avait-il une d’ailleurs ? Pourtant la Bible présente de nombreuses figures militaires et nombreux sont les chefs militaires dont les attitudes sont scrutées par la Bible, à commencer par Joab, le fils de Tseruja et chef des armées de David.
Comment peut-on servir à un si haut niveau de responsabilité, en se revendiquant du christianisme, et transgresser aussi légèrement, ouvertement, profondément et violemment les principes bibliques ? Selon quelle théologie des nations, des relations internationales et de la guerre, et pour quel Dieu ? Quel contre-témoignage, ou plutôt quel témoignage d’un christianisme superficiel et mondain, d’un christianisme non-doctrinal, non biblique. L’expression en quelque sorte d’une non-foi. Jésus en a rencontré et écarté beaucoup.
Il semble que le même esprit d’égarement entraîne aujourd’hui des généraux français, pour certains catholiques, dans leurs déclarations autour de la guerre en Ukraine.
Il n’aura échappé à personne que l’oligarque George Soros et sa galaxie d’associations de l’Open society livre une guerre à la famille et aux nations, deux structures fondamentales de l’ordre de Dieu dans la création.
La Bible nous parle de ce combat eschatologique contre les nations.
En Apocalypse 18 : 23, parce que toutes les nations (ἔθνη/ethne) ont été séduites par tes enchantements (φαρμακείᾳ/pharmakeia) – nations qui ont leur place dans le triptyque de la Création, de la Chute et de la Rédemption.
En Apocalypse 21 : 24, les nations (ἔθνη) marcheront à sa lumière.
En Apocalypse 21 : 26, On y apportera [à la Jérusalem céleste] la gloire et l’honneur des nations (ἐθνῶν).
En Apocalypse 22 : 2, Au milieu de la place de la ville et sur les deux bords du fleuve, il y avait un arbre de vie, produisant douze fois des fruits, rendant son fruit chaque mois, et dont les feuilles servaient à la guérison des nations (ἐθνῶν).
Comment ne pas comprendre que les nations ont une identité et une grande importance dans le plan de rédemption de Dieu ?
La fin de l’ordre westphalien, les guerres révolutionnaires napoléoniennes, le nouvel évangile des droits de l’homme sans Dieu, l’incapacité des dirigeants européens à établir une véritable paix après la première guerre mondiale – situation parfaitement comprise et annoncée par Bainville dès 1919 dans son livre Les conséquences politiques de la paix – sont la preuve s’il en faut de la nécessité d’une théologie biblique des nations, et la démonstration de la puissance prophétique et diplomatique d’une saine théologie.
Les écrits de John Laughland ou de Nicolas Offenstadt nous rappellent que la paix durable ne peut résulter que de la reconnaissance devant Dieu, souverain des nations, d’un ordre des nations et d’un ordre moral ordonné à la justice et au pardon.
Ce sont ces questions qu’aborde le livre de Jean-Marc Berthoud.
Il est organisé en trois parties. La première partie, très claire, donne un cadre de pensée théorique où la pensée progresse en contemplant la sagesse de Dieu. Elle est enrichie de quelques annexes qui donnent toute son actualité à cette pensée et en démontre la pénétration presque prophétique.
La deuxième partie traite de la géopolitique mondiale à la lumière de cette théologie, en particulier de la politique étrangère – satanique – des néoconservateurs américains. Il semble que l’internationale nazie se soit reconstituée après la seconde guerre mondiale dans les coulisses de l’état profond américain, et c’est sans aucun doute une des plus grandes faillites de la communauté chrétienne américaine, toute dénomination et sensibilité confondue, d’avoir pu laisser croire que le porte-drapeau de cette géopolitique sanguinaire, George W. Bush, était des leurs.
Si nos confessions de foi comportaient un article explicite sur une théologie des nations, dans une démarche de protection des églises sur la base d’un confessionnalisme sérieux, G. W. Bush aurait dû être purement et simplement excommunié. Car qui peut vouloir une communion avec lui ?
La troisième partie traite d’un aspect particulier de la guerre totale que peuvent se livrer des nations, à savoir celui de la guerre monétaire. Deux aspects sont questionnés dans cette partie : le fondement biblique d’une saine monnaie, et la place de la monnaie dans les guerres internationales.
Dans leur livre aujourd’hui devenu référence, La Guerre hors limites. La guerre et réflexion sur l’art de la guerre à l’époque de la mondialisation, les colonels chinois Qiao Liang et Wang Xiangsui ont analysé le retour d’expérience produit par les Américains suite à leur première guerre du Golfe. Pour les Américains, il était devenu clair que les nouvelles guerres seraient hybrides et totales, associant fantassin, dollar, extraterritorialité du droit, propagande, virus ou toute stratégie de subversion.
Puisse ce livre aider utilement les responsables politiques et militaires à tous niveaux, en particulier ceux qui ont en charge des questions internationales, à mieux discerner les forces spirituelles agissant dans les coulisses de la géopolitique mondiale. Plût à Dieu qu’il soit utile également aux enseignants chrétiens dont le rôle est d’enseigner, d’instruire le magistrat en lui délivrant tout le conseil de Dieu.
Le Seigneur adresse une parole spécifique, claire, directe et solennelle aux rois et aux dirigeants, le psaume 2. Ce psaume leur est spécifiquement destiné.
Qu’ils l’écoutent ou qu’ils s’en moquent, cette parole demeure. Elle triomphera.
Psaume 2
1 Pourquoi ce tumulte parmi les nations ? Et pourquoi les peuples projettent-ils des choses vaines ?
2 Les rois de la terre se sont levés, et les princes se sont concertés ensemble contre l’Éternel et contre son Oint.
3 Rompons leurs liens, disent-ils, et jetons loin de nous leurs cordes !
4 Celui qui est assis dans les cieux s’en rira ; le Seigneur se moquera d’eux.
5 Alors il leur parlera dans sa colère ; il les épouvantera dans son courroux.
6 Et moi, dira-t-il, j’ai sacré mon roi, sur Sion, ma montagne sainte.
7 Je publierai le décret de l’Éternel ; il m’a dit : Tu es mon fils ; aujourd’hui je t’ai engendré.
8 Demande-moi, et je te donnerai les nations pour héritage, et pour possession les bouts de la terre.
9 Tu les briseras avec un sceptre de fer, tu les mettras en pièces comme un vase de potier.
10 Maintenant donc, ô rois, ayez de l’intelligence ; recevez instruction, juges de la terre.
11 Servez l’Éternel avec crainte, et réjouissez-vous avec tremblement.
12 Rendez hommage au Fils, de peur qu’il ne s’irrite, et que vous ne périssiez dans votre voie, quand sa colère s’enflammera tout à coup. Heureux tous ceux qui se confient en lui !
Franck Jullié, Versailles, le 4 septembre 2022
Politique, Théologie
9781471039799