C’est le premier tome d’un Commentaire sur l’Apocalypse de Jésus-Christ en plusieurs volumes. Il s’intitule : La royauté du Christ sur son Église et traite des chapitres 1 à 3 de la Révélation reçue par Jean. Il s’agit de lire l’Apocalypse non seulement comme l’ultime Révélation de l’Écriture sainte, mais comme le dernier mot de Dieu à son Église et au monde. Il se veut être une lecture de l’Apocalypse à la lumière de la révélation biblique dont elle s’inspire dans toutes ses parties. En cela l’auteur suit la méthode des textes prophétiques bibliques eux-mêmes. Il s’agit partout – même dans ses aspects numériques – d’un symbolisme dont la source se trouve non seulement dans la Bible elle-même, mais aussi (comme toute l’Écriture) au sein d’un univers dont les sens multiples expriment l’ordre stable de la création et en manifestent l’intelligence inhérente. Car le sens de l’univers, créé et ordonné par Dieu, n’est pas, comme on le pense presque partout aujourd’hui, ni d’abord ni uniquement quantitatif – celui d’une mesure numérique univoque –, mais aussi (et partout) qualitatif. Car presque tous les aspects de ce monde portent en eux-mêmes un sens symbolique, à la fois réaliste et profondément rationnel, sens donné par le Créateur à toutes ses œuvres. Ceci est évident là où la Bible use d’images et de paraboles, langage symbolique qui – contrairement au symbolisme mathématique et ésotérique – est toujours intimement lié au sens intelligible premier du texte biblique, lu selon sa lettre, sens sémantique et grammatical. Une telle richesse de sens, une profondeur d’intelligence pareille ne pourra être trouvée dans les sciences quantitatives modernes, omnivores de tout sens et qui forment la pâture essentielle, mortelle et universelle des hommes instruits. Le sens du temps dans l’Écriture – et par-dessus tout dans son dernier livre, l’Apocalypse – n’est donc pas simplement linéaire, mais a un caractère récapitulatif, progressant de manière cyclique vers un contenu de sens complet. Enfin, si nous avons consacré autant de temps à l’étude des trois premiers chapitres de l’Apocalypse, c’est qu’ils nous présentent un Christ triomphant et son Église combattante, deux éléments qui forment l’arrière-plan de tout ce livre. Il nous reste à vous souhaiter une lecture éclairante qui fut pour son auteur un pèlerinage intellectuel et spirituel lumineux.
L’Apocalypse : un résumé de toute la Révélation
Apocalypse 16 verset 15 : Voici, je viens comme un voleur. Heureux celui qui veille et garde ses vêtements, afin qu’il ne marche pas nu et qu’on ne voie pas sa honte.
Le dernier livre de la Bible, le livre de l’Apocalypse, pourrait être décrit comme un résumé visionnaire et symbolique de toute la Révélation de Dieu dans l’Écriture Sainte. Si nous l’abordons de cette manière, nous ne tomberons pas dans toutes sortes de pièges qui attendent ceux qui ne s’y intéressent que de manière sensationnelle – et ils sont nombreux ! Ici, c’est le cours entier de l’histoire de l’humanité qui se déroule devant les yeux des croyants, cours dirigé par la Providence du Dieu Tout Puissant, et présenté de manière synthétique à l’aide d’images et de symboles qui se réfèrent à des événements ou des personnes.
Résumé symbolique et visuel, qui a pour but de présenter au lecteur le combat spirituel constamment en cours dans la Création de Dieu, sous la surface des événements quotidiens. Un des motifs principaux qui décrivent l’histoire humaine se trouve énoncé dans la promesse donnée à Ève, la mère de tous les vivants, au troisième chapitre du premier livre de la Bible, la Genèse : il s’agit du combat entre la femme et le serpent, l’ennemi de l’humanité, combat qui se termine par l’écrasement de la tête du serpent sous le pied de la femme. De la descendance de la femme naîtra, en effet, celui qui écrasera Satan. Le livre de l’Apocalypse s’occupe justement de ce motif et évoque le développement de ce combat à travers toute l’Écriture, y compris la manière dont le serpent mord le talon de la femme, provoquant peine et souffrance.
On pourrait presque dire que l’ensemble de la Révélation de Dieu dans la Bible se trouve concentré dans le livre de l’Apocalypse, le tout à la lumière de la situation particulière de celui qui l’a rédigé, et aussi de ses lecteurs immédiats. Il s’agissait des toutes premières communautés chrétiennes d’Asie mineure, au début de l’ère chrétienne. Cette concentration, ce résumé, se voient bien dans les nombreuses citations de l’Ancien Testament, qui proviennent des livres de la Genèse, de l’Exode, du Lévitique, du Deutéronome, des livres historiques, des Psaumes, des livres prophétiques – Ézéchiel, Daniel, Joël et Zacharie en particulier.
Plus centrale encore dans le livre de l’Apocalypse se trouve la personne de Jésus-Christ, sa crucifixion et sa résurrection. Au chapitre cinq, des milliers de milliers, des millions de millions d’anges chantent le cantique suivant : Il est digne, l’Agneau qui fut égorgé, de recevoir la puissance, la richesse et la sagesse, la force et l’honneur et la gloire et la louange (Apocalypse 5 : 12). Le livre de l’Apocalypse doit donc toujours être lu et compris dans le contexte canonique plus large de l’Écriture Sainte. Sinon, on risque de n’y voir qu’un étrange appendice au Nouveau Testament, qui diffère de manière incompréhensible dans son style et son but du reste de ce Nouveau Testament. Mais si nous lisons l’Apocalypse comme un puissant résumé de toute la Révélation divine, nous ne pouvons qu’être émerveillés par le fait que ce livre a justement trouvé sa place à la toute fin du Nouveau Testament, alors que dans certains cercles chrétiens du début de l’Église on doutait qu’il ait sa place dans le Canon de l’Écriture. Mais qui d’autre que le Saint-Esprit aurait pu décider que ce livre soit inclus dans l’Écriture ?
Le but du Saint-Esprit avec l’Apocalypse est donc d’affermir le peuple de Dieu, hier, aujourd’hui et demain, dans l’assurance que Jésus-Christ a bien détruit la puissance de Satan, qu’il a écrasé la tête du serpent de la Genèse. C’est aussi de l’ancrer dans l’espérance que le roi des rois viendra bientôt en gloire. Ainsi il amènera une fin à l’histoire de rébellion contre Dieu qui caractérise la dispensation actuelle depuis le troisième chapitre de la Genèse.
Résumons-nous : l’Apocalypse annonce par excellence l’Évangile, ni plus, ni moins !
Ce résumé, cette concentration de l’ensemble de la Révélation biblique – du Canon, pourrait-on dire – apparaît clairement au chapitre seize de l’Apocalypse. Je vous présenterai au fur et à mesure les passages de la Bible qui sont évoqués dans ce chapitre. Mais auparavant, lisons ensemble un extrait du chapitre quinze, les trois premiers versets. L’auteur poursuit sa narration des visions qu’il a reçues :
Puis je vis dans le ciel un autre signe grandiose, qui me remplit d’étonnement : sept anges portant sept fléaux, les sept derniers par lesquels se manifeste la colère de Dieu. Je vis aussi comme une mer cristalline mêlée de feu. Ceux qui avaient vaincu la bête, son image et le nombre de son nom se tenaient sur la mer de cristal. S’accompagnant de harpes divines, ils chantaient le cantique de Moïse, le serviteur de Dieu, et le cantique de l’Agneau … (Apocalypse 15 : 1-3).
J’entendis une voix forte venant du Temple dire aux sept anges : Allez et versez sur la terre les sept coupes de la colère divine ! Le premier s’en alla et versa sa coupe sur la terre. Un ulcère malin et douloureux frappa les hommes qui portaient la marque de la bête et adoraient son image. Le deuxième ange versa sa coupe dans la mer : celle-ci devint comme le sang d’un mort, et tous les êtres vivants de la mer périrent ! Le troisième ange versa sa coupe sur les fleuves et les sources : les eaux se changèrent en sang. Alors j’entendis l’ange qui a autorité sur les eaux dire : ‘Tu es juste, toi qui es et qui étais, toi le Saint, d’avoir ainsi fait justice. Parce qu’ils ont versé le sang de ceux qui t’appartiennent et de tes prophètes, tu leur as aussi donné à boire du sang. Ils reçoivent ce qu’ils méritent.’ Et j’entendis l’autel qui disait : ‘Oui, Seigneur, Dieu tout-puissant, tes arrêts sont conformes à la vérité et à la justice !’ Le quatrième ange versa sa coupe sur le soleil. Il lui fut donné de brûler les hommes par son feu. Les hommes furent atteints de terribles brûlures, et ils insultèrent Dieu qui a autorité sur ces fléaux, mais ils refusèrent de changer et de lui rendre hommage. Le cinquième ange versa sa coupe sur le trône de la bête. Alors de profondes ténèbres couvrirent tout son royaume, et les hommes se mordaient la langue de douleur. Sous le coup de leurs souffrances et de leurs ulcères, ils insultèrent le Dieu du ciel, et ils ne renoncèrent pas à leurs mauvaises actions. Alors le sixième ange versa sa coupe dans le grand fleuve, l’Euphrate. Ses eaux tarirent, pour que soit préparée la voie aux rois venant de l’Orient. Je vis alors sortir de la gueule du dragon, de celle de la bête et de la bouche du faux-prophète, trois esprits impurs ressemblant à des grenouilles. Ce sont des esprits démoniaques qui accomplissent des signes miraculeux ; ils s’en vont trouver les rois du monde entier pour les rassembler pour le combat du grand jour du Dieu tout-puissant.
(Apocalypse 16 : 1-14)
Voici : je viens comme un voleur ! Heureux celui qui se tient éveillé et qui garde ses vêtements, afin de ne pas aller nu, en laissant apparaître sa honte aux yeux de tous !
Les esprits démoniaques rassemblèrent les rois dans le lieu appelé en hébreu Harmaguédon. Le septième ange enfin versa sa coupe dans les airs. Une voix forte, venant du trône, sortit du Temple. ‘C’en est fait’, dit-elle. Alors il y eut des éclairs, des voix et des coups de tonnerre, et un violent tremblement de terre ; on n’en avait jamais vu d’aussi terrible depuis que l’homme est sur la terre. La grande ville se disloqua en trois parties et les villes de tous les pays s’écroulèrent. Alors Dieu se souvint de la grande Babylone pour lui donner à boire la coupe pleine du vin de son ardente colère. Toutes les îles s’enfuirent et les montagnes disparurent. Des grêlons énormes, pesant près d’un quintal, s’abattirent du ciel sur les hommes ; et ceux-ci insultèrent Dieu à cause du fléau de la grêle, car il était absolument terrible.
(Apocalypse 16 : 15-21)
Le juste jugement de Dieu sur une humanité corrompue
Le texte que nous venons de lire nous présente le juste jugement de Dieu sur une humanité corrompue. C’est un thème qu’on retrouve régulièrement dans le livre de l’Apocalypse : il est d’abord illustré par les sept sceaux, puis par les sept trompettes. Cependant, alors qu’avec les sept trompettes, la plaie qui les accompagne ne frappe qu’un tiers de l’humanité, ici c’est la totalité de la terre, de la mer, des rivières, qui est atteinte. La colère de Dieu envers une humanité corrompue atteint maintenant son aboutissement. Ce jugement doit être compris en rapport avec l’Alliance divine, c’est-à-dire à la lumière de l’exigence divine d’obéissance vis-à-vis de ses prescriptions. L’étendue des plaies est si vaste qu’on pourrait remettre en question leur caractère juste. Pourtant, un ange proclame clairement, après que la troisième coupe ait été versée :
Tu es juste, toi qui es et qui étais, toi le Saint, d’avoir ainsi fait justice. Parce qu’ils ont versé le sang de ceux qui t’appartiennent et de tes prophètes, tu leur as aussi donné à boire du sang. Ils reçoivent ce qu’ils méritent. Ce à quoi répond un autre ange, depuis l’autel : Oui, Seigneur, Dieu tout-puissant, tes arrêts sont conformes à la vérité et à la justice !
(Apocalypse 16 : 5-7)
Nous avons là un principe de rétribution qui est fortement présent dans la conclusion de l’Alliance avec Israël, dans l’Ancien Testament. L’obéissance à l’Alliance conclue par Dieu et scellée par les signes spéciaux qu’il avait manifestés aux yeux de son peuple, apportait la vie, tandis que la désobéissance apporterait le dépérissement, toutes sortes de maux physiques ou autres, auquel le peuple révolté n’échapperait pas. Comme on le lit quelque part au psaume 119 : Éternel, tu es juste, et tes décrets sont équitables. Le Seigneur est juste car en tant que Dieu souverain il appelle tous les humains à lui rendre compte de leur obéissance. En effet il ne les a pas laissés sans témoignage de sa présence. Voyez-vous, il n’y a aucune différence entre le message de l’Apocalypse et ce que proclame l’apôtre Paul au premier chapitre de sa lettre aux Romains, et que je vous lis maintenant :
Du haut du ciel, Dieu manifeste sa colère contre les hommes qui ne l’honorent pas et ne respectent pas sa volonté. Ils étouffent ainsi malhonnêtement la vérité. En effet, ce qu’on peut connaître de Dieu est clair pour eux, Dieu lui-même leur ayant fait connaître. Car, depuis la création du monde, les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité se voient dans ses œuvres quand on y réfléchit. Ils n’ont donc aucune excuse, car alors qu’ils connaissent Dieu, ils ont refusé de lui rendre l’honneur que l’on doit à Dieu et de lui exprimer leur reconnaissance. Ils se sont égarés dans des raisonnements absurdes et leur pensée dépourvue d’intelligence s’est trouvée obscurcie. Ils se prétendent intelligents mais ils sont devenus fous.
(Romains 1 : 18-22)
Tout comme le peuple d’Israël était placé devant une série de bénédictions ou de malédictions suivant son obéissance ou sa désobéissance aux prescriptions divines, ici c’est l’humanité toute entière qui est confrontée au choix décisif qu’elle aura fait : ceux qui portent la marque de la bête sur leur front sont frappés par un ulcère malin et douloureux, après que le premier ange ait versé la coupe de la colère divine qui lui a été confiée. En revanche, ceux qui ont remporté la victoire sur la bête et son image, ne seront pas touchés par le jugement divin. Comme nous l’avons lu au début du chapitre 15, Jean a eu la vision suivante :
Je vis aussi comme une mer cristalline mêlée de feu. Ceux qui ont vaincu la bête, son image et le nombre de son nom se tenaient sur la mer de cristal. S’accompagnant de harpes divines, ils chantaient le cantique de Moïse, le serviteur de Dieu, et le cantique de l’Agneau.
(Apocalypse 15 : 2-3)
Ceux-là vont maintenant assister depuis la mer de cristal à l’exécution du jugement divin, mais les plaies ne les atteindront pas. Peut-être sont-ils morts en martyrs, mais rien ne peut plus les atteindre désormais. Jésus a dit un jour à ses disciples :
Mes chers amis, je vous le dis : ne craignez pas ceux qui peuvent tuer le corps, mais qui n’ont pas le pouvoir de faire davantage. Savez-vous qui vous devez craindre ? Je vais vous le dire : c’est celui qui, après la mort, a le pouvoir de vous jeter en enfer. Oui, je vous l’assure, c’est lui que vous devez craindre.
(Luc 12 : 4-5)
Pour bien comprendre le caractère lié à l’Alliance du jugement de Dieu, il nous faut revenir à des textes de l’Ancien Testament comme Lévitique chapitre vingt-six ou bien encore Deutéronome chapitre vingt-huit : ils placent le peuple devant une alternative claire : obéissance aux ordonnances et prescriptions de l’Éternel, ou bien désobéissance. Ainsi, au chapitre vingt-huit du livre du Deutéronome, on lit ceci :
Par contre, si vous n’obéissez pas à l’Éternel votre Dieu, si vous ne veillez pas à appliquer tous ses commandements et ses lois que je vous prescris aujourd’hui, voici quelles malédictions fondront sur vous (…) L’Éternel déchaînera contre vous la misère, le désordre et la ruine dans tout ce que vous entreprendrez et vous exécuterez, jusqu’à ce que vous soyez complètement détruits, et vous ne tarderez pas à disparaître, parce que vous m’aurez abandonné et que vous aurez commis de mauvaises actions (…) L’Éternel vous enverra une épidémie de peste qui finira par vous éliminer du pays dans lequel vous allez entrer pour en prendre possession. Il vous frappera de maladies qui vous feront dépérir : des fièvres et des inflammations de toute nature. Il frappera aussi vos champs par la sécheresse, la rouille et le charbon. (…) L’Éternel vous affligera d’ulcères, comme les Égyptiens, d’hémorroïdes, de gale et de pustules incurables. Il vous frappera de folie, d’aveuglement et d’égarement d’esprit au point que vous tâtonnerez en plein jour comme des aveugles dans l’obscurité (…)
(Deutéronome 28 : 15-29)
La mention des ulcères comme ceux des Égyptiens parle d’elle-même : l’Égypte représente le paganisme, l’idolâtrie d’un peuple qui, à travers son roi, entre en rébellion contre le plan de Dieu. L’Égypte est frappée par les dix plaies, avec lesquelles les sept plaies du chapitre seize de l’Apocalypse peuvent être comparées : ulcères, ténèbres sur le royaume de la bête, eau changée en sang, grêlons énormes. Si donc Israël est frappée par les mêmes plaies que l’Égypte, cela veut dire qu’elle ne peut pas compter automatiquement sur la protection de la bénédiction divine, quels que soient ses agissements. Et en vérité, le sang des prophètes et des croyants a été versé en Israël. Même le sang de l’Agneau pur et sans tache, le Messie de Dieu, sera répandu par Israël. Donc le jugement de Dieu atteindra le monde des incroyants, des païens, de la même manière qu’il atteindra Israël ou encore l’Église apostate, celle qui renie son Dieu. Le jugement divin est lié aux prescriptions de son Alliance, il est universel, saint et juste. Et bien sûr, cela peut nous remplir d’effroi, nous faire trembler. Cependant, la réponse des croyants et celle du monde incroyant et rebelle ne peut jamais être la même.
La réponse du monde incroyant au jugement divin
La réponse du monde incroyant au jugement divin est vraiment étonnante. Relisons ensemble la réaction des hommes après que le quatrième ange ait versé sa coupe :
Le quatrième ange versa sa coupe sur le soleil. Il lui fut donné de brûler les hommes par son feu. Les hommes furent atteints de terribles brûlures, et ils insultèrent Dieu qui a autorité sur ces fléaux ; mais ils refusèrent de changer et de lui rendre hommage.
(Apocalypse 16 : 8-9)
Il en va de même après que la cinquième coupe ait été versée sur le trône de la bête :
Alors de profondes ténèbres couvrirent tout son royaume, et les hommes se mordaient la langue de douleur. Sous le coup de leurs souffrances et de leurs ulcères, ils insultèrent le Dieu du ciel, et ils ne renoncèrent pas à leurs mauvaises actions.
(Apocalypse 16 : 10-11)
Même chose à la toute fin du chapitre, alors que le paroxysme de la colère divine est atteint :
Alors Dieu se souvint de la grande Babylone pour lui donner à boire la coupe pleine de vin de son ardente colère. Toutes les îles s’enfuirent et les montagnes disparurent. Des grêlons énormes, pesant près d’un quintal, s’abattirent du ciel sur les hommes : et ceux-ci insultèrent Dieu à cause du fléau de la grêle, car il était absolument terrible.
(Apocalypse 16 : 19-21)
Cet endurcissement est une réminiscence très claire de l’attitude du Pharaon au temps de la sortie d’Égypte par le peuple d’Israël, et des dix plaies qui ont frappé son pays. Voilà qui demeure une constante parmi les humains corrompus : sans une conversion radicale qui ne peut être provoquée que par l’Esprit de Dieu, l’homme s’endurcit dans son péché et doit en supporter les conséquences dévastatrices ; puis, comme si ça n’était pas suffisant, il accuse et blasphème Dieu à cause de tous ses malheurs. Un cercle vicieux qui démontre le pouvoir de Satan sur son esprit… Satan utilise des faux-prophètes et des esprits impurs pour perpétuer ce cercle vicieux. Ils égarent l’humanité en lui faisant croire que sa rébellion contre Dieu sera un jour victorieuse. C’est exactement ce que firent en leur temps les sorciers et les enchanteurs du Pharaon, comme le relate le passage en question du livre de l’Exode. Ici, nous lisons dans l’Apocalypse :
ce sont des esprits démoniaques qui accomplissent des signes miraculeux ; ils s’en vont trouver les rois du monde entier pour les rassembler pour le combat du grand jour du Dieu tout-puissant.
(Apocalypse 16 : 14)
Et au verset seize :
Les esprits démoniaques rassemblèrent les rois dans le lieu appelé en hébreu Harmaguédon.
Donc, par le biais d’esprits impurs, Satan rassemble une coalition internationale qui tente d’éliminer tout ce qui se soumet à Dieu. Le lieu de la bataille, Harmaguédon, se réfère sans doute à la ville de Méguido, une localité bien connue de la vallée de Jizréel, au nord de la Palestine, qui servit régulièrement de terrain d’affrontement aux grandes puissances régionales en conflit. C’est entre autres là que le roi Josias perdit la vie au cours d’une bataille livrée contre le pharaon égyptien Néco, en l’an 609 avant Jésus-Christ. Au cours de la première guerre mondiale, cette localité vit aussi se dérouler une grande bataille entre les forces britanniques et l’armée turque. Mais plus qu’une référence à un événement historique précis, il est ici question d’une tendance généralisée, une rébellion contre Dieu qui caractérise l’humanité depuis la révolte humaine décrite au chapitre trois de la Genèse, lorsque l’homme crut au mensonge du tentateur qui lui susurrait à l’oreille :
désobéissez, révoltez-vous, et vous serez comme des dieux…
Le Psaume deux, dans l’Ancien Testament, l’exprime de la manière suivante :
Pourquoi tant d’effervescence parmi les nations ? Et pourquoi donc trament-elles tous ces complots inutiles ? Pourquoi les rois de la terre se sont-ils tous soulevés et les grands conspirent-ils contre Dieu et contre l’homme qui a reçu son onction ? Ils s’écrient ensemble : ‘Faisons sauter tous leurs liens et jetons au loin leurs chaînes !’
(Psaumes 2 : 1-3)
Il est cependant de la plus haute importance de bien saisir que cette coalition, cette conspiration, ne se forme pas en dehors du contrôle divin, mais bien dans le cadre d’un plan plus large qu’il a établi, justement au moment où son jugement tombe sur une humanité corrompue. Le champ de bataille a été préparé par lui-même pour l’anéantissement de ses ennemis ! Et c’est certainement là où réside le seul espoir des croyants. Car être les spectateurs du jugement divin sur les nations, aujourd’hui comme hier au tout début de l’ère chrétienne, n’est pas une mince affaire, ni un spectacle réjouissant. Les croyants, ceux qui sont ancrés dans la Parole de Dieu, entendent chaque jour les mensonges du faux prophète et des trois esprits impurs dont nous parle le chapitre seize de l’Apocalypse. On les entend tous les jours dans les médias, qui reflètent et propagent l’esprit du temps et ses mensonges. Les croyants sont eux aussi, à leur manière, exposés à la conspiration internationale des rois de la terre dans leur révolte insensée contre Dieu. Ils voient bien comment l’humanité est atteinte par des maux douloureux et des affections de toutes sortes. Ils observent comment la terre est brûlée par une chaleur croissante, comment les eaux deviennent de plus en plus polluées et comment la vie y devient tout-à-fait impossible ; y aura-t-il même suffisamment d’eau à boire pour les générations à venir sur la planète terre ? Ils entendent les blasphèmes prononcés quotidiennement contre Dieu ici ou là, souvent grassement rétribués par leurs propres impôts. Qu’il est pénible pour les croyants de vivre au milieu d’une humanité soumise au jugement divin… Parfois, on se demande même si tel ou tel de nos amis ou tel membre de notre famille échappera à ce jugement, car il ou elle ne donne aucun signe d’être ancré en Jésus-Christ. On commence même à se demander si l’on y échappera soi-même, car on ressent dans sa propre vie les effets de toutes ces plaies. Nous ne vivons pas isolés du monde qui nous entoure, n’est-ce pas ?
Au milieu de la tempête : une béatitude pour les croyants
Mais c’est au milieu de la tempête et pour fortifier notre foi chancelante que l’Esprit de Dieu prononce une béatitude, une bénédiction entre la sixième et la septième coupe : juste avant que les éléments du cosmos ne soient complètement ébranlés, nous entendons la voix du Seigneur Jésus-Christ :
Voici, je viens comme un voleur ! Heureux celui qui se tient éveillé et qui garde ses vêtements, afin de ne pas aller nu, en laissant apparaître sa honte aux yeux de tous !
(Apocalypse 16 : 15)
Le jugement divin annonce la venue du Roi de la terre envoyé par Dieu et établi par lui. Et c’est là que réside notre espérance… Mais Christ reviendra de manière inattendue, comme un voleur. Il l’a dit sans ambages à ses disciples, par exemple au chapitre douze de l’évangile selon Luc :
Restez en tenue de travail. Gardez vos lampes allumées. Soyez comme des serviteurs qui attendent le retour de leur maître parti pour une noce. Dès qu’il arrive et qu’il frappe à la porte, ils lui ouvrent. Heureux ces serviteurs que leur maître, en arrivant, trouvera en train de veiller ! Vraiment, je vous l’assure, c’est lui qui se mettra en tenue de travail, les fera asseoir à table et passera de l’un à l’autre pour les servir. Peu importe qu’il rentre à minuit ou vers trois heures du matin : Heureux ces serviteurs qu’il trouvera ainsi vigilants ! Vous le savez bien : si le maître de maison savait à quel moment le voleur va venir, il ne le laisserait pas pénétrer dans sa maison. Vous aussi, tenez-vous prêts, car c’est à un moment que vous n’aurez pas imaginé que le Fils de l’homme viendra.
(Luc 12 : 35-40)
L’apôtre Paul fait écho à ces paroles de Jésus dans sa première lettre aux chrétiens de Thessalonique, au chapitre cinq :
Mais vous, mes frères, vous n’êtes pas dans les ténèbres pour que le jour du Seigneur vous surprenne comme un voleur. Car vous êtes tous enfants de la lumière, enfants du jour. Nous n’appartenons ni à la nuit ni aux ténèbres. Ne dormons donc pas comme le reste des hommes, mais restons vigilants et sobres.
(I Thessaloniciens 5 : 4-6)
Voilà pourquoi la bénédiction prononcée par Jésus-Christ, cette béatitude : Heureux celui qui se tient éveillé et qui garde ses vêtements (Apocalypse 16 : 15), est aussi un avertissement nous incitant à rester éveillés. Garder ses vêtements, ceux accordés par le Christ lui-même, c’est persévérer dans la foi, quelles que soient les tribulations. C’est surtout résister à la séduction des faux prophètes, des esprits impurs qui égarent les nations et les entraînent à leur suite dans une coalition et une conjuration insensée contre Dieu et son Messie, Jésus-Christ. Les croyants garderont-ils leurs vêtements blancs, qui leur donneront accès au repas de noces célébré en l’honneur de l’époux lors de son retour ? Ou bien seront-ils peu à peu absorbés dans ce large courant qui prétend rassembler l’humanité autour d’un but commun ? Prisonnière des mensonges proférés par les faux-prophètes et les esprits impurs, elle se prétend dominatrice et croit marcher sur le chemin de la victoire, alors qu’en fait elle se dirige en fanfaronnant vers le champ de bataille préparé par Dieu lui-même pour sa destruction définitive… Les croyants demeureront-ils dans la sphère de l’Alliance avec Dieu, celle à laquelle l’Écriture les appelle, ou bien tomberont-ils dans toutes sortes de compromis pour apparaître acceptables aux yeux du monde hostile à Dieu ? L’Église restera-t-elle fidèle à la Parole de son Seigneur, ou bien se fardera-t-elle avec toutes sortes de maquillages en laissant tomber peu à peu ses habits sacrés pour plaire à une société qui se moque bien de son allégeance à Jésus-Christ ? Heureux celui qui se tient éveillé et qui garde ses vêtements, afin de ne pas aller nu, en laissant apparaître sa honte aux yeux de tous ! Cette béatitude prononcée au verset quinze, rend claire l’alternative : soit être déclaré heureux, bienheureux, soit être dépouillé de ses vêtements à sa propre honte devant Dieu, son Messie et ses anges. Ce sera la seule alternative lorsque le jugement de Dieu vis-à-vis de son Église interviendra …
Mais relisons ensemble la fin de ce chapitre seize du livre de l’Apocalypse :
Le septième ange enfin versa sa coupe dans les airs. Une voix forte, venant du trône, sortit du Temple. ‘C’en est fait’, dit-elle. Alors il y eut des éclairs, des voix et des coups de tonnerre, et un violent tremblement de terre ; on n’en avait jamais vu d’aussi terrible depuis que l’homme est sur la terre. La grande ville se disloqua en trois parties et les villes de tous les pays s’écroulèrent. Alors Dieu se souvint de la grande Babylone pour lui donner à boire la coupe pleine du vin de son ardente colère. Toutes les îles s’enfuirent et les montagnes disparurent. Des grêlons énormes, pesant près d’un quintal, s’abattirent du ciel sur les hommes ; et ceux-ci insultèrent Dieu à cause du fléau de la grêle, car il était absolument terrible.
Le tremblement de terre qui accompagne le versement de la septième coupe de la colère divine ne peut cependant pas déstabiliser ceux qui ont pris au sérieux la prophétie de l’Apocalypse. Comme il nous est dit au début du chapitre quinze, ceux-là se tiennent sur la mer cristalline mêlée de feu ; s’accompagnant de harpes divines, ils chantent le cantique de Moïse, le serviteur de Dieu, et le cantique de l’Agneau. Ce sont ceux qui ont vaincu la bête, son image et le nombre de son nom. Ils ne chancelleront pas car Dieu est pour eux un abri. Ici, le psaume quarante-six nous revient en mémoire. Je vous en lis le début :
Dieu est pour nous un rempart, il est un refuge, un secours toujours offert lorsque survient la détresse. Aussi, nous ne craignons rien quand la terre est secouée, quand les montagnes s’effondrent, basculant au fond des mers, quand, grondants et bouillonnants, les flots des mers se soulèvent et ébranlent les montagnes.
(Psaume 46 : 2-4)
En contraste, la chute de la grande puissance politique et économique humaine, répondant au nom symbolique de Babylone, est proche. Déjà au chapitre quatorze, cette chute a été prophétisée en ces termes :
Elle est tombée, la grande Babylone est tombée, celle qui a fait boire à toutes les nations le vin de sa furieuse prostitution.
(Apocalypse 14 : 8)
Babylone, sans doute identifiée à la Rome païenne qui persécutait violemment les premiers chrétiens, se disloque en trois parties. Toutes les villes qui vivent de commerce avec elle, qui se sont prostituées avec elle dans ses cultes païens et avant tout dans le culte d’elle-même qu’elle a imposé aux autres nations, toutes ces villes s’écroulent. Car elle les entraîne avec elle dans sa chute fatale. Et au moment de cette chute, les habitants de la terre, frappés du fléau terrible de la grêle, continuent pourtant à blasphémer le nom de Dieu…
La lecture du chapitre seize de l’Apocalypse a bien de quoi nous faire méditer sur notre condition présente, sur le moment de l’histoire que nous vivons. Certes, les premiers lecteurs de ce livre, il y a presque vingt siècles, pouvaient eux aussi identifier les signes des temps qui leur étaient donnés dans ce livre prophétique. Il n’a cependant rien perdu de son actualité, car il nous présente des archétypes dont nous voyons chaque jour l’incarnation justement dans notre propre actualité : nations arrogantes détrônées de leur pouvoir oppresseur ; humanité rebelle s’assemblant dans de vaines coalitions ; blasphèmes proférés quotidiennement contre le Très-Haut ; plaies déversées sur des hommes et des femmes qui refusent de se repentir et s’enfoncent toujours plus dans leur fange idolâtre ; mensonges démultipliés par le pouvoir tentaculaire de tant de médias qui déforment la vérité pour soutenir des causes injustes… Le message de l’Apocalypse, lui, est ancré dans l’éternité divine, et décrit parfaitement la condition humaine en attente du jugement dernier. Si nous pensons voir à notre époque, à juste titre d’ailleurs, une accumulation des signes des temps qui nous sont ici donnés, restons avant tout fermes dans l’espérance du retour de Jésus-Christ, qui est le point où se concentre tout ce message. Après tout – et c’est bien le signe de la toute-puissance du Père céleste qui ne se laisse dicter par personne ce qu’il doit faire – personne ne connaît ni le jour ni l’heure, si ce n’est Lui-même.
Avant toutes choses, ce message nous appelle à rester vigilants. Certains s’efforcent de deviner toutes sortes de détails derrière les symboles et les images employées dans l’Apocalypse ; comme s’il y avait ici un code secret à décrypter qu’on pourrait déchiffrer à l’aide d’une sagacité hors du commun. Bien des livres de ce genre remplissent les rayons des librairies ou des bibliothèques. Le sensationnalisme est à la mode et alimente le marché du livre, procurant des recettes juteuses à ceux qui savent l’exploiter. Lire l’Apocalypse de Jean parce qu’on est en quête de sensationnalisme, c’est manquer complètement le but de ce livre avant tout prophétique : prophétique au sens où il appelle le peuple de Dieu à la fidélité renouvelée envers Jésus-Christ. Toute autre lecture ne servira qu’à condamner ceux qui s’y seront adonnés avec délectation mais sans aucun discernement spirituel. En voulez-vous la preuve ? Écoutez donc le tout début du premier chapitre :
Apocalypse de Jésus-Christ. Cette révélation, il l’a confiée à Jésus-Christ pour qu’il montre à ses serviteurs ce qui doit arriver bientôt ; et Jésus-Christ, en envoyant son ange, l’a fait connaître à son serviteur Jean. En tant que témoin, celui-ci a annoncé la parole de Dieu que Jésus-Christ lui a transmise par son propre témoignage : il a annoncé tout ce qu’il a vu. Heureux celui qui donne lecture des paroles de cette prophétie et ceux qui les entendent, et qui obéissent à ce qui est écrit dans ce livre, car le temps est proche (Apocalypse 1 : 1-3).
Avez-vous noté l’utilisation de l’adjectif heureux ? Comme au chapitre seize, comme dans les Béatitudes : heureux, bienheureux… Dans le livre de l’Apocalypse cet adjectif est prononcé sept fois – chiffre symbolique de la perfection tout au long de la Bible –. Au tout dernier chapitre, il apparaît deux fois. Je voudrais vous lire ces deux béatitudes en guise de conclusion. Le verset sept du chapitre vingt-deux fait écho au passage que je viens de lire : Voici, dit Jésus, je viens bientôt ! Heureux celui qui garde les paroles prophétiques de ce livre. Quant aux versets douze à quinze, ils nous présentent l’alternative décrite tout à l’heure et à laquelle il convient de bien prendre garde :
Oui, dit Jésus, je viens bientôt. J’apporte avec moi mes récompenses pour rendre à chacun selon ce qu’il aura fait. Je suis l’Alpha et l’Oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin. Heureux ceux qui lavent leurs vêtements. Ils auront le droit de manger du fruit de l’arbre de vie et de franchir les portes de la ville. Mais dehors les hommes ignobles, ceux qui pratiquent la magie, les débauchés, les meurtriers, ceux qui adorent des idoles et tous ceux qui aiment et pratiquent le mensonge.
(Apocalypse 22 : 7 et 12-15)
Amen
Eric Kayayan [1]
[1]. Ce sermon a d’abord été rédigé en langue afrikaans et prêché pour la première fois le 19 février 2006 à l’Église Réformée de Rietvallei à Prétoria, en Afrique du Sud. Il fait partie d’un recueil de 21 sermons (« Onder die Vaandel van die Kruis » – Sous la Bannière de la Croix –) publié en 2012 à Prétoria conjointement par Foi et Vie Réformées (www.foietgviereformees.org) et le Calvyn Jubileum Boeke Fonds des Églises Réformées en Afrique du Sud (GKSA).