Notre temps est celui de la déperdition des religions classiques et, tout particulièrement en Occident, du Christianisme. Ce dernier, sous ses formes diverses, voit sa substance doctrinale et spirituelle se dissoudre, cela en faveur d’idéologies où, le plus souvent, c’est l’homme qui lui-même cherche à se substituer au Dieu véritable, Créateur et Sauveur.
Un de ces cultes factices si répandus de nos jours n’est autre que la religion sans Dieu qui fait l’objet de ce petit livre : le culte des droits de l’homme.
Nous y voyons l’homme s’arroger bien imprudemment un rôle, à proprement parler « transhumain », se comportant tout à la fois comme créateur et comme sauveur, illusion qui n’est décidément pas à la hauteur de sa nature !
C’est bien le caractère parfaitement incompatible d’une pareille fausse religion humanitariste d’avec le Christianisme véritable que l’on cherche à démontrer ici.
Nous vous souhaitons une lecture aussi réconfortante qu’éclairante.
Ce petit livre vient à son heure pour rappeler aux chrétiens, toutes confessions confondues, que l’idéologie des Droits de l’Homme ne dérive nullement de l’enseignement de la Bible et de l’Évangile, comme beaucoup aiment à le croire et à le proclamer aujourd’hui, mais qu’elle lui est, au contraire, diamétralement opposée. L’A., qui est un protestant calviniste, pose en effet la question suivante, qui est assurément d’une importance décisive pour le destin de notre civilisation : « que signifie donc la substitution des Droits de l’Homme à la loi de Dieu comme source, comme fondement et comme but de la vie des hommes en société ? » (p. 18). La réponse qu’il y donne comporte quatre grandes parties. La première consiste en une critique serrée de la notion même de « Droits de l’Homme », qui s’appuie sur les travaux bien connus du philosophe français du droit Michel Villey. Dans la deuxième partie, l’A. utilise les études des penseurs catholiques Arnaud de Lassus et Jean Madiran pour montrer le caractère foncièrement moniste, immanent et totalitaire de cette religion sans Dieu qu’est devenue l’idéologie des Droits de l’Homme. La troisième partie est consacrée à une confrontation entre l’idéologie en question et la conception de la morale et du droit qu’on trouve dans la Bible, aussi bien que dans toute la tradition chrétienne, tant catholique qu’orthodoxe et protestante, au moins jusqu’au XXe siècle. De cette confrontation, il ressort incontestablement que l’idéologie des Droits de l’Homme est non seulement absente de l’enseignement de la Bible et de l’orthodoxie du christianisme historique, mais en outre qu’elle leur est radicalement contraire. Enfin, dans la quatrième partie, l’A. montre magistralement que les Droits de l’Homme, « loin d’être une simple entreprise de protection des hommes contre les abus d’un pouvoir sans limites dans l’exercice de ses prérogatives, sont en réalité le moteur même de l’entreprise révolutionnaire moderne qui se dresse depuis près de trois siècles contre Dieu et contre cet ordre qu’il a établi sur la terre » (p. 18).
Tous ceux qui, aujourd’hui, s’affirment chrétiens tout en se présentant comme des partisans et des défenseurs des Droits de l’Homme feraient bien de lire au moins cette quatrième partie, qui montre en pleine lumière « l’abîme qui sépare l’idéologie utopiste des Droits de l’Homme de la foi chrétienne » (p. 63). L’A. présente sa démonstration sous la forme d’une série de thèses très claires, dont nous ne pouvons malheureusement donner ici qu’un aperçu. Première thèse : « La Déclaration des Droits de l’Homme de 1789 est le fruit d’un siècle, le XVIIIe, qui définissait les lumières qui l’inspiraient comme étant l’extinction de la lumière divine, la Révélation biblique, considérée comme ténèbres obscurantistes. Ceci veut dire que les Droits de l’Homme, une invention du XVIIe siècle avec Thomas Hobbes et John Locke, ont un fondement expressément athée » (p. 63). Deuxième thèse : « De cette constatation découle une conséquence très simple. Les concepts de droit et d’homme que véhicule cette déclaration (et toute l’idéologie humanitaire qui l’accompagne) n’ont en réalité rien à voir avec la pensée traditionnelle du christianisme historique, tant catholique romain que protestant ou orthodoxe » (id.). Troisième thèse : « L’affirmation des droits qui caractérise toute cette idéologie humanitaire présuppose la notion d’un homme foncièrement bon. La conception chrétienne de l’homme est ici explicitement niée. Ainsi l’homme serait dépourvu de toute concupiscence, de toute convoitise, et ne serait pas constamment tenté d’outrepasser ses droits » (p. 64). Quatrième thèse : « En plus, la conception de l’homme retenue par cette idéologie humanitariste n’a rien à voir, ni avec la réalité de la nature humaine, ni avec ce que la Révélation divine nous enseigne à son sujet. L’homme n’est pas un être abstrait, ou une notion abstraite. Il ne peut être conçu correctement sans référence explicite et constante aux réalités spirituelles, naturelles et sociales » (p. 64). Enfin, « l’idéologie des Droits de l’Homme remplace tout bonnement la loi de Dieu, l’homme se substituant à Dieu, et ses prétendus droits à l’immuable loi de Dieu » (p. 66).
À part cela, l’ouvrage de M. Berthoud est encore intéressant à un double point de vue. Tout d’abord, dans le prolongement de penseurs comme Arnauld de Lassus et Jean Madiran, que nous avons déjà cités, il invite les catholiques à se rappeler, une fois de plus, que le libéralisme issu des Lumières et de la Révolution française a été fermement condamné à maintes reprises par divers papes au cours du XIXe et du XXe siècle (notamment par Pie IX et Pie X). Ensuite, il montre qu’à l’encontre d’une idée largement répandue, selon laquelle l’idéologie des Droits de l’Homme dériverait de la pensée de la Réforme, la notion même de « Droits de l’Homme », c’est-à-dire de « droits qui appartiendraient nécessairement à l’homme et à tout homme, en tant qu’homme » (R. Mehl, cité par l’A., p. 59), est absente de la pensée de Luther, aussi bien que des différentes confessions de foi protestantes du XVIe siècle. Et, en sens inverse, il montre aussi qu’il existe dans le protestantisme toute une tradition de résistance aux idéaux de la Révolution française et à l’idéologie des Droits de l’Homme, avec des théologiens comme F.-J. Stahl et Groen van Prinsterer au XIXe siècle, G. H. Hoffmann, A. Schlemmer, R. Mehl et P. Courthial au XXe.
Terminons cette recension par une remarque, qui n’est pas une critique, mais seulement un léger regret : n’eût-il pas mieux valu sous-titrer ce livre « Les droits de l’homme contre la Bible », plutôt que : « Les droits de l’Homme contre l’Évangile », puisque, tout aussi bien, à ces Droits de l’Homme l’A. oppose non seulement l’Évangile, mais aussi la Bible tout entière, ce qui explique d’ailleurs l’existence d’un courant de résistance à cette idéologie également au sein même du judaïsme contemporain ?
Jacques Follon (1948-2003)
Professeur à l’Université catholique de Louvain,
Histoire de la philosophie antique et médiévale.
Chercheur et directeur administratif
du Centre De Wulf-Mansion.
9780244687786