C’est en effet à cette question que répond indirectement l’ouvrage que vous tenez en main. Le Christianisme ancien privilégiait la Vérité doctrinale, la discussion intellectuelle détaillée, la controverse, la réfutation systématique des erreurs. Par ce biais, il était un instrument éducatif puissant, un facteur capital pour le développement d’une haute civilisation ou la conversation, la discussion et l’enseignement réfléchi jouaient des rôles éminemment sociaux.
Mais avec l’influence, aujourd’hui devenue prépondérante dans le monde religieux, de ce que nos auteurs appellent le « mysticisme », c’est l’émotion qui est devenue dominante. La communion avec Dieu par la médiation du Verbe a pris un chemin inattendu et funeste, celui de la fusion, de l’union irrationnelle, de la confusion intellectuelle, morale et spirituelle. Car il va de soi que si une émotion s’éprouve, elle ne peut se prouver et, en conséquence, ne peut faire l’objet d’une quelconque discussion. Autrefois la vérité conduisait la volonté, lui permettant d’aboutir à une émotion véritable, nuancée et forte. Aujourd’hui l’émotion-pulsion indifférenciée est première. Elle entraîne la volonté n’importe où. Et la raison est abandonnée à la part congrue : justifier idéologiquement les aberrations d’une émotion charnelle déchaînée.
Nos auteurs cherchent à travers des figures éminentes de l’histoire de la spiritualité chrétienne – Mme Guyon, John Wesley, Mme Penn-Lewis, Watchman Nee, John Wimber, Rick Joyner et bien d’autres – à retracer quelques-unes des étapes de la conquête de l’émotion sur la foi, du sentiment religieux sur la doctrine, de la passion sur l’intelligence.
Cet ouvrage, intitulé Mysticisme d’hier et d’aujourd’hui, (titre de l’édition originale) porte un titre tout à fait approprié, puisqu’il s’agit d’une étude sur le mysticisme tel qu’il s’est manifesté depuis le début du siècle, particulièrement au sein de cette aile de l’Église qui se prénomme évangélique. Il se pourrait qu’un des plus importants et des plus sérieux combats auquel la nouvelle génération de l’Église Évangélique aura à faire face soit celui contre le mysticisme. Ce dernier s’est déjà largement répandu, et son emprise ne fait que grandir. Malheureusement, nous sommes rarement conscients de nos erreurs. Si nous l’étions, nous nous en débarrasserions au plus vite. Dieu doit nous éclairer, par le secours de Son Esprit, par Sa Parole et par Ses moyens de grâce, afin de nous ouvrir les yeux. C’est actuellement, sans aucun doute, un besoin urgent chez un grand nombre d’évangéliques. En effet, ceux-ci ne se rendent pas compte que leur vision de la foi chrétienne et de la vie qui l’accompagne, ne correspond plus, dans une large mesure, à l’enseignement biblique. Tout baigne dans un relativisme et un mysticisme flagrant.
Les courants mystiques ne sont pas nouveaux dans l’Église. Celle-ci a toujours eu dans ses rangs des individus ou des groupements qui ont quitté le sentier du christianisme biblique pour se tourner vers ce qui est reconnu être du mysticisme. L’élément mystique a parfois joué un rôle très limité dans l’exercice de leur foi, mais à maintes reprises, celle-ci en fut si marquée qu’il a détruit toute réelle adhésion au vrai Dieu tel qu’il s’est révélé dans l’Écriture. Cet ouvrage retrace, au moyen de plusieurs exemples, divers courants du mysticisme de notre siècle, allant du mystique modéré au mystique extrémiste. Les exemples de mysticisme cités prennent, dans une certaine mesure, leur source aux origines communes d’un mysticisme plus ancien, dont, en particulier, le mouvement quiétiste qui a fleuri au sein de l’Église catholique romaine au XVIIe siècle. L’influence des quiétistes est encore très présente parmi nous aujourd’hui. En effet, des traductions en anglais de plusieurs ouvrages des principaux animateurs de ce mouvement – deux Français et un Espagnol – ont vu le jour au cours des vingt dernières années ; ces rééditions ont d’ailleurs connu dans le monde anglophone un véritable succès de librairie, ceci tout particulièrement parmi les chrétiens évangéliques.
Afin de vous permettre de saisir l’importance de cet ouvrage, nous allons d’abord chercher à cerner l’identité du mysticisme en considérant deux de ses caractéristiques essentielles.
Comme les deux faces du mysticisme se situent dans les domaines de la connaissance de Dieu et de notre communion avec Lui, nous devons d’abord nous rappeler quel est l’enseignement de la Bible à ce sujet. La grande promesse de l’Évangile est que Dieu, par sa grâce, amènera des hommes coupables, séparés de toute communion avec lui, à le connaître personnellement et à jouir de Son intimité.
Mais voici l’alliance que je ferai avec la maison d’Israël, après ces jours-là, dit l’Éternel : Je mettrai ma loi au-dedans d’eux, je l’écrirai dans leur cœur ; et je se-rai leur Dieu, et ils seront mon peuple. Celui-ci n’enseignera plus son prochain, ni celui-là son frère, en disant : Connaissez l’Éternel ! Car tous me connaîtront, depuis le plus petit jusqu’au plus grand, car je pardonnerai leur iniquité, et je ne me souviendrai plus de leur péché.
(Jérémie 31 : 33-34 ; voyez également : Hébreux 8 : 10-12)
La vie éternelle, selon notre Seigneur, n’est pas limitée au fait d’avoir ses péchés pardonnés, mais nous ouvre (par le biais de ce pardon) à la communion réelle et expérimentale avec Dieu :
Or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ.
(Jean 17 : 3)
Le chrétien qui connaît ainsi son Dieu, expérimente quotidiennement une communion réelle avec Celui qui le transforme de plus en plus à l’image même de Jésus-Christ.
Comment le chrétien est-il entré en possession d’un tel trésor ? Il s’agit d’un don gratuit de Dieu, don qui lui a été procuré par la mort expiatoire et la résurrection de Jésus-Christ. Ce don lui est conféré au moment même de sa conversion, d’une part, par l’acte divin de la régénération qui restaure en lui la capacité de connaître Dieu ainsi que les réalités spirituelles, et, de l’autre, par celui de la justification qui le rétablit dans le statut de personne juste devant Dieu. C’est ainsi qu’il retrouve la capacité et le droit, en Christ, de connaître véritablement Dieu. Notez-le bien : l’appel du salut est un appel à la communion avec Dieu, une communion dont le croyant vit chaque jour. Et cette communion avec Dieu est bel et bien une expérience subjective, dans le sens où le croyant entre dans l’intimité de Dieu par expérience personnelle (Jacques 4 : 8a ; Psaume 34 : 9 ; II Pierre 1 : 4). Cette communion est aussi une expérience réelle, dans le sens qu’elle n’est aucunement le produit d’une autosuggestion subjective, mais provient du fait que le Dieu qui est objectivement là, en dehors de lui, « s’approche de lui » véritablement, communique avec lui et se fait connaître à lui de manière concrète et intime. De tels propos ne relèvent aucunement d’un quelconque mysticisme non biblique, mais sont le fruit d’un enseignement enraciné dans la Bible, enseignement connu et aimé par les saints de toutes les époques de l’histoire de l’Église de Dieu.
Quelle est donc alors la différence entre mysticisme et christianisme biblique ? Ce qui diffère à la base, c’est tout d’abord le centre d’attention du croyant. L’attention du mystique est tournée principalement vers l’intérieur, sur ce qu’il peut percevoir de ce qui se passe en lui dans ses sentiments et ses expériences. L’attention du chrétien biblique est, quant à elle, dirigée principalement vers l’extérieur, sur la révélation donnée par Dieu le Père et Jésus-Christ sur qui Ils sont, au travers des grands actes sauveurs rapportés dans la Bible, ainsi que sur les vérités, ordonnances et promesses contenues dans celle-ci. Le mysticisme est une religion du sentiment subjectif. C’est là qu’il commence, c’est là qu’il se concentre et c’est là qu’il aboutit. Le christianisme biblique est par contre une religion de la vérité objective, dont les expériences et les sentiments religieux qu’elle produit ne sont que la manifestation d’un de ses fruits. (Tout chrétien devrait désirer une marche avec Dieu qui soit riche en expérience avec Lui, une religion qui soit ressentie ; mais cette expérience ne doit pas être considérée comme l’objet principal de sa relation avec Dieu. Elle est bien plutôt le fruit qui résulte de sa communion avec Lui acquise au moyen de la connaissance de Sa Parole, de la foi en cette Parole, et la soumission à cette vérité par une vie de foi obéissante.)
Pour le mystique, la chose la plus importante dans sa relation avec Dieu est ce qu’il ressent ou ce qu’il expérimente de Dieu en lui-même. Sa grande et constante recherche se concentre sur ces moments forts de son expérience subjective avec Dieu. C’est cela qui, pour lui, représente la vraie religion. Malheureusement cette vision des choses ne correspond pas à l’enseignement constant de l’Écriture. En effet, celle-ci ne nous dit pas que nos sentiments et nos expériences constituent la chose la plus importante dans notre relation avec Dieu, mais au contraire, c’est Dieu Lui-même et son action salvatrice hors de nous et ancrée dans l’histoire. La mort objective, historique et salvatrice de notre Seigneur Jésus-Christ ainsi que sa résurrection, sont à chaque instant ce qui importe le plus pour le chrétien biblique. La puissance efficace des actes divins qui se sont produits en-dehors du croyant ne dépend heureusement pas des sentiments subjectifs de ce dernier, ni de son état intérieur ou de ses expériences.
Le chrétien mystique dit : La vie que je vis maintenant dans la chair, je la vis dans une série continue d’expériences et de sentiments, qui sont ma raison de vivre et ma joie. Le chrétien biblique dit avec Paul : La vie que je vis maintenant dans la chair, je la vis par la foi au Fils de Dieu, qui m’a aimé et qui est mort pour moi. Pour le mystique, la contemplation de l’âme est intérieure. Pour le chrétien biblique, la contemplation de l’âme est extérieure, tournée vers le Christ crucifié, ressuscité et exalté. Alors que le mystique garde ses regards fixés sur son expérience intérieure marquée par des voix et des visions, le chrétien biblique garde ses regards fixés sur Jésus, qui suscite la foi et la mène à la perfection, [qui] en échange de la joie qui lui était réservée, a souffert la croix, méprisé l’ignominie, et s’est assis à la droite du trône de Dieu (Hébreux 12 : 2).
Une personne ne peut se concentrer sur deux cibles à la fois. Si je dirige mon attention principalement sur mes expériences intérieures avec Dieu, je relativiserai l’importance de ces faits objectifs que sont la vie, les souffrances, la mort et la résurrection du Seigneur Jésus-Christ. Si, par contre, mon attention se concentre sur le Seigneur Jésus-Christ, mes expériences intérieures de Dieu passeront au second plan (et ce, même lorsque la contemplation de la réalité objective de la personne et de l’œuvre du Seigneur Jésus me conduit en effet à expérimenter richement et de façon subjective, la joie, la crainte, la paix et les délices de Dieu).
L’auteur introduit son analyse du mysticisme moderne en jetant un coup d’œil sur ses effets tristes et destructeurs dans le réveil du Pays de Galles de 1904-1905, ainsi que dans la vie de son leader, Evan Roberts, qui termina sa carrière dans l’isolement et la déchéance. La fin de sa vie est une illustration frappante de la façon dont cette orientation mystique a pu détourner l’attention de cet homme de la personne du Christ et des grands actes sauveurs de Dieu pour la recentrer sur lui-même et ses expériences intérieures. C’est ainsi que le réveil fut perverti et sa fin précipitée. Un pasteur qui avait vécu le réveil du Pays de Galles de 1904-1905, le compara à un réveil plus ancien (1859) qui lui, était mieux fondé sur la Bible, n’ayant guère été touché par le mysticisme. Il fit la comparaison suivante :
C’était pour le sacrifice d’expiation qu’ils rendaient grâce en 1859 ; mais maintenant ils rendent grâces pour les sentiments agréables qui les habitent.
Leur vision divergente de l’origine de la connaissance religieuse constitue la deuxième distinction majeure entre le mysticisme et le christianisme biblique. Où devons-nous aller pour connaître Dieu ? Comment pouvons-nous accéder à une communion plus intime avec lui ? Où nous parle-t-Il ? Pour le mystique, Dieu nous parle de l’intérieur. Il croit que c’est en dehors de Sa Parole écrite, par une révélation directe au plus profond de son être, que Dieu prononce ses paroles les plus sublimes, et se révèle à lui le plus intimement. Ceci explique pourquoi le mystique est si essentiellement tourné vers l’intérieur, vers ce qu’il expérimente et ressent. Le chrétien biblique, au contraire, fidèle à l’enseignement de l’Écriture, soutient que Dieu nous parle maintenant par Sa Parole écrite qui illumine notre intelligence d’une manière vraie et pratique.
La Bible enseigne que la révélation directe, surnaturelle et infaillible que Dieu donna aux apôtres et aux prophètes et qu’Il rassembla pour nous dans la Sainte Écriture, constitue maintenant, et de manière amplement suffisante, notre guide et notre règle de foi. À cause de sa richesse et de son entière suffisance, nous n’avons plus besoin maintenant de révélations particulières, directes et surnaturelles de la part de Dieu pour le connaître et le servir. L’Écriture Sainte, comme source de connaissance de Dieu, est pour nous bien supérieure à une révélation intérieure et subjective qui ne vient que par petits bouts, et qu’il faut constamment tester afin de s’assurer que c’est bien Dieu qui parle.
Pourquoi l’Écriture Sainte est-elle supérieure comme source de connaissance religieuse ? Nous allons considérer deux raisons. Premièrement, la source que nous utilisons pour connaître Dieu et nous laisser guider par Lui est une source objective, l’Écriture Sainte. Avec elle, nous possédons toute la vérité dont nous avons besoin, et ceci de manière immédiate et directe. Ainsi nous ne sommes pas conduits par des fragments de révélations nouvelles et partielles, qui nous laissent toujours sur notre faim, à l’affût de révélations supplémentaires qui viendraient compléter ce que nous aurions reçu. Deuxièmement, comme la Bible constitue la source de notre connaissance de Dieu et de Ses désirs, nous ne sommes plus constamment préoccupés par la nécessité de devoir tester nos sources afin de nous assurer que c’est bel et bien Dieu qui a parlé. C’est ce que doivent faire les mystiques qui, sans cesse, ont besoin de tester leurs voix, leurs révélations et leurs expériences intérieures, pour autant qu’ils le fassent.
L’Écriture Sainte est une source à la fois objective, divine, immuable et suffisante nous permettant de connaître Dieu et de le servir. En effet, dans II Timothée 3 : 16-17, Paul l’enseigne explicitement. Ainsi le croyant n’a nul besoin d’y ajouter des révélations directes de la part de Dieu. Elle a le pouvoir de faire de lui un être pleinement adulte et elle le conduit à accomplir tout ce à quoi il a été appelé. Voyez ce que Paul dit :
Toute Écriture est inspirée de Dieu, et utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice, afin que l’homme de Dieu soit accompli et propre à toute bonne œuvre.
(II Timothée 3 : 16-17)
Ainsi donc, il n’y a aucune bonne œuvre ni aucune croissance de la vie chrétienne que l’Écriture Sainte, comme origine de la connaissance religieuse, ne vous rende capable d’accomplir. Bien sûr, vous aurez besoin de l’Esprit Saint pour vous donner l’éclairage spirituel nécessaire à la compréhension de ces Écritures, afin qu’elles deviennent pour vous une lumière, un marteau, une épée et un aliment servant à transformer, stimuler et nourrir vos âmes, et ainsi à vous procurer une riche communion avec Dieu. Bien sûr, vous aurez besoin du ministère béni et permanent de l’Esprit Saint pour vous rendre capables de croire et d’obéir à ces Écritures. Mais vous n’aurez nul besoin de l’Esprit Saint pour vous donner des révélations surnaturelles, nouvelles et directes, puisqu’Il vous donne déjà, dans les Saintes Écritures, toute vérité, connaissance, sagesse et direction dont vous avez besoin.
Le mystique prétend souvent que le recours à des révélations directes, surnaturelles et intérieures de la part de Dieu, est le signe d’une spiritualité supérieure à celle des chrétiens qui se limitent à la Parole écrite de Dieu dans la Bible. Le mystique sent qu’il devient plus spirituel que d’autres croyants lorsqu’il dit de l’Écriture : Ta Parole, ô Dieu, est limitée et a réellement besoin d’être soutenue par des révélations extérieures parlant directement à mon cœur. Le chrétien biblique souffre pour son frère mystique, car il sait qu’une telle attitude n’est pas le signe d’une spiritualité supérieure ; c’est au contraire le signe d’une insuffisance spirituelle qui l’empêche de voir et de réaliser les richesses illimitées et la pleine suffisance de la glorieuse Parole de Dieu que nous appelons la Bible. Le chrétien biblique prononce avec le psalmiste les paroles suivantes au sujet de l’Écriture Sainte : Je vois des bornes à tout ce qui est parfait : Tes commandements n’ont point de limite. (Psaume 119 : 96) Le chrétien mystique, à cause de sa spiritualité défaillante, n’a pas compris cela, sinon, il ne se serait jamais éloigné de cette source inépuisable et amplement suffisante pour aller ailleurs chercher mieux.
Le chrétien mystique pense que la situation idéale pour tout chrétien serait d’être semblable au prophète qui reçoit des révélations directes de Dieu. Pour lui, l’Église devrait avoir en son sein de nombreux prophètes modernes qui reçoivent des révélations de dernière heure et les communiquent aux autres croyants de la terre. Le chrétien biblique préfère affirmer avec Pierre que c’est à la prophétie écrite (prenez le mot prophétie au sens large de l’enseignement biblique et non dans sa définition restreinte de prédiction du futur), trouvée dans l’Écriture Sainte, que nous devons prêter attention ; c’est à elle que nous devons nous attacher, comme à notre seul guide.
Et nous tenons pour d’autant plus certaine la parole prophétique [la suite du verset démontre que Pierre fait allusion ici à la parole prophétique des Écritures], à laquelle vous faites bien de prêter attention, comme à une lampe qui brille dans un lieu obscur, jusqu’à ce que le jour vienne à paraître et que l’étoile du matin se lève dans vos cœurs ; sachant tout d’abord vous-mêmes qu’aucune prophétie de l’Écriture ne peut être un objet d’interprétation particulière, car ce n’est pas par une volonté d’homme qu’une prophétie a jamais été apportée, mais c’est poussés par le Saint-Esprit que des hommes ont parlé de la part de Dieu.
(II Pierre 1 : 19-21)
Le mystique dit : Je ferai bien d’outrepasser la Bible pour aller à une révélation supérieure qui me viendra directement et surnaturellement de Dieu. Le chrétien biblique se dit, comme Pierre : Je ferai bien de prêter attention à la prophétie de l’Écriture, comme à une lampe qui brille dans un lieu obscur, jusqu’à ce que le jour vienne et que l’étoile du matin se lève dans mon cœur, jusqu’à la fin du monde. Ce dont nous avons besoin jusqu’à la fin du monde, c’est de la révélation contenue dans l’Écriture, dont la lecture est illuminée pour nous par le Saint-Esprit, et rien de plus.
Pour résumer, nous dirons donc que les deux piliers d’un mysticisme non biblique sont premièrement, la tendance à concentrer la vie religieuse principalement sur ses propres expériences intérieures plutôt que sur les réalités objectives de la personne de Dieu, son œuvre de salut et la véracité de Sa Parole ; deuxièmement, la tendance à chercher vers l’intérieur plutôt que vers l’extérieur (en Dieu, par Sa Parole écrite), la source du renouvellement et de la direction spirituelle. Maintenant que nous avons examiné la nature du mysticisme, considérons brièvement les exemples de mysticisme moderne discutés dans cet ouvrage et les dangers qui menacent l’Évangile de notre Seigneur Jésus-Christ.
Mysticisme et réveil
De nos jours, une grande partie de l’Église évangélique dans le monde est profondément travaillée par l’ardent désir d’un réveil spirituel. C’est encourageant. Beaucoup s’engagent avec zèle dans le jeûne et la prière ; d’autres luttent avec acharnement en vue d’une repentance et d’une transformation morale, espérant inaugurer une période de réveil puissant et largement répandu. Ceci aussi est encourageant.
Cependant, cette poursuite d’une nouvelle expérience de la puissance et de la présence de Dieu présente plusieurs failles qui sont cachées par l’approche évangélique moderne du réveil. Un des éléments manquants est la recherche d’une réformation doctrinale. Bien peu ont compris pourquoi il n’y a plus de réveil spirituel de large envergure depuis 1858-1859. En effet, depuis cette période, le christianisme évangélique a souffert d’un revirement doctrinal considérable par rapport aux positions théologiques tenues par la plus grande partie de la chrétienté évangélique depuis la Réforme jusqu’au milieu du XIXe siècle. Concrètement, la théologie de l’évangélique typique d’aujourd’hui est tout simplement en désaccord avec la théologie biblique et orthodoxe des principales confessions de foi protestantes historiques concernant des doctrines telles que le caractère de Dieu, la création, la chute de l’homme, le péché, la loi divine, la nature de la conversion, la nature et l’étendue de l’œuvre de Dieu dans le salut, etc. Nous pouvons le constater lorsque nous examinons le Catéchisme de Genève de Calvin [1], la Confession de la Rochelle de l’Église Réformée de France [2], la Confession des Pays-Bas [3] (Belgica) des Églises néerlandaises, la Confession Helvétique Postérieure de Heinrich Bullinger des Églises réformées suisses [4], le Catéchisme de Heidelberg [5], les Canons de Dordrecht [6], la Confession de Westminster et le Catéchisme de Westminster des Presbytériens anglo-saxons [7], la Confession de Savoy des Congrégationalistes anglais [8], la Confession de 1689 [9], les 39 Articles des Anglicans, ou même la Confession d’Augsburg des Luthériens [10], etc.
Pour obtenir le réveil, beaucoup de chrétiens évangéliques d’aujourd’hui sont prêts à toutes sortes de renoncements. Mais, malgré tant de consécration, pourquoi semblent-ils incapables de s’arrêter un instant pour considérer les raisons de l’absence de la puissance régénératrice de Dieu dans les Églises contemporaines ? Ne serait-ce pas parce que la plupart des Églises ont cessé de croire à ce que dit la Bible au sujet de la création, de la condition pécheresse de l’homme, du caractère de Dieu et de la nature du salut ? Dans ces domaines, ils ne croient plus ce que croyaient leurs pères spirituels de la Réforme et des grands renouveaux.
Pourquoi les évangéliques ne remettent-ils pas en question leur théologie ? Pourraient-ils même imaginer qu’elle puisse être une des causes possibles du manque de réveil spirituel ? Cette étrange incapacité de remettre en question sa théologie ne proviendrait-elle pas du fait qu’une grande partie de la chrétienté évangélique est devenue tellement mystique qu’elle ne se sent plus guère concernée par la Parole écrite de Dieu. Les chrétiens sont-ils devenus tellement centrés sur eux-mêmes et leurs expériences que la doctrine et la théologie ne sont plus que des questions secondaires ? Beaucoup les considèrent comme nuisibles à la vie de l’âme. Ainsi, chercher à connaître la vérité de façon plus précise serait une cause de léthargie spirituelle. Une Église qui ne croit plus que sa fidélité au credo théologique et doctrinal est très importante aux yeux de Dieu et qui la remplace par ses expériences, une telle Église a dérapé dans le mysticisme. En s’éloignant du principe premier qu’il faut croire en une doctrine biblique correcte, c’est-à-dire, conforme à l’enseignement des apôtres, et veiller à la garder, les évangéliques se sont détournés de la vérité. La doctrine n’est rien d’autre, en effet, que l’enseignement de Dieu. Devrions-nous donc être surpris de ce que notre Seigneur éloigne le réveil ? N’oublions pas que c’est Jésus qui a dit au Père : Sanctifie-les par ta Vérité. Ta Parole est la vérité.
Prenons un exemple qui, bien qu’imparfait, pourra nous aider à mieux comprendre l’œuvre que Dieu accomplit au travers de son Église.
Un conducteur de train peut atteindre sa destination en roulant à des vitesses différentes. Il avance normalement à la vitesse habituelle ; mais des circonstances particulières peuvent le conduire à mettre son pied sur l’accélérateur, afin de couvrir une longue distance en un cours espace de temps. De même, il y a des périodes où Dieu agit à une vitesse et avec une puissance qui nous sont familières. Mais à certains moments, il Lui plaît de presser sur le champignon et de déverser sa puissance sur son Église, de façon à ce que des milliers de personnes entrent dans son royaume en un rien de temps, et que cette Église œuvre efficacement dans tous les domaines de la vie. Mais il ne suffit pas de presser sur l’accélérateur pour que le train arrive à destination plus rapidement. Pour cela, il faut que le train remplisse la condition essentielle : il doit suivre les rails. Car si le train quittait la voie pour s’éloigner de sa destination, l’accélération de la machine provoquerait un désastre immense et le déraillement assuré. Il se pourrait donc bien que le mysticisme soit un des plus grands ennemis du véritable réveil spirituel, car celui-ci détache le croyant des rails de la Parole de Dieu et de l’éclairage de ses vérités doctrinales. Historiquement, le mysticisme a toujours fini par réorienter les croyants dans une direction nouvelle autre que celle de l’enseignement de l’Écriture Sainte. Une Église qui, dans son orientation, est devenue mystique et non biblique, a-t-elle une position et une orientation justes, lui permettant d’expérimenter la puissance du réveil ? Ou n’abuserait-elle pas de la puissance d’un tel réveil qui la conduirait sur la pente dangereuse de croyances et de pratiques non bibliques ? Dans son étude sur le réveil du Pays de Galles de 1904-1905, l’auteur nous montre le danger d’un réveil qui surgirait dans un pays dont l’Église serait infectée par le mysticisme au lieu d’être imprégnée de la doctrine biblique fixée ainsi fermement sur les rails d’une foi théologique et orthodoxe. Si, par la lecture de cette étude sur le mysticisme le lecteur a été incité à réévaluer sérieusement ses doctrines et sa foi ou à constater l’absence en lui d’une foi théologique véritablement biblique, alors l’auteur se verra récompensée pour sa peine.
Mysticisme et vie chrétienne
Le mysticisme, comme l’auteur le montre, ne représente pas uniquement un grave danger en période de réveil spirituel uniquement. Ses effets sont en tout temps désastreux. À leur insu, un grand nombre de croyants évangéliques de l’Europe francophone n’ont pas connu d’autres enseignements à propos de la vie chrétienne et de la sanctification, que celui provenant d’un courant profondément marqué par le quiétisme mystique catholique romain. Cet enseignement, bien que revêtu de déguisements protestants et évangéliques, contient encore, dans ses principes fondamentaux, de nombreuses notions mystiques non bibliques. J’ai moi-même été formé à l’école de tels principes que j’ai acceptés et enseignés à d’autres pendant une dizaine d’années, je connais fort bien, pour l’avoir expérimenté, quel effet handicapant sort d’un tel enseignement. Je réalise aussi que de nombreux évangéliques actuels se trouvent dans une situation similaire à celle qui était la mienne alors : ceux-ci ne sont pas conscients qu’il existe une perspective plus biblique de la sanctification chrétienne, qui peut les arracher aux pièges de leur façon de voir présente. C’est pour cela que la discussion sur les enseignements modernes et le mysticisme dans la vie chrétienne, développée par notre auteur, pourrait susciter chez beaucoup de lecteurs une remise en question de leur théologie, un respect nouveau pour la Parole écrite de Dieu et une nouvelle vision de ce qu’est la vie chrétienne normale. Tous les chrétiens appartenant aux écoles de pensée mentionnées dans cet ouvrage ne sont pas coupables au même degré des erreurs attachées à leurs enseignements. Mais les critiques formulées et les erreurs citées sont en fait la tendance inévitable de ces écoles de pensée : elles caractérisent la vie de tout individu qui persévère dans la croyance et la pratique de ces enseignements mystiques. Prenez donc le temps de lire attentivement et cherchez à comprendre les citations abondantes tirées de différents auteurs qui décrivent les mouvements perfectionnistes du XIXe siècle. Et voyez s’il n’y aurait pas des éléments mystiques qui fausseraient et entraveraient votre compréhension de la sanctification et de la vie chrétienne en général.
Courants mystiques récents au sein des Églises Évangéliques
La raison principale pour laquelle, à la lecture de cet ouvrage, nous sommes incités à chercher à identifier le mysticisme et à nous en détourner, est son effet boule de neige : le mysticisme, en effet, s’il n’est pas immédiatement réprimé conduit les hommes vers de graves hérésies. Cette sorte d’erreur doctrinale, qui rejette la véritable foi salvatrice, condamne l’âme à la perdition. L’auteur nous présente une description documentée des prises de position de deux dirigeants, très influents dans les milieux évangéliques contemporains, qui ont passé à un mysticisme extrême. Nous pouvons y voir pratiquement toutes les caractéristiques des hérétiques mystiques qui furent condamnés par l’Église au cours de son histoire : une rupture nette et catégorique avec la Bible comme règle de foi – des entrevues soi-disant directes avec Dieu, – des visions qui, tout en contredisant l’enseignement biblique, sont acceptées et autorisées à corriger celui-ci, – la montée de dictateurs spirituels qui tiennent sous leur emprise un grand nombre de personnes crédules, à cause d’un soi-disant accès privilégié auprès de Dieu qui parlerait directement à travers eux, – et finalement, une notion exagérée d’union avec Dieu et le Christ, qui aboutit à des pouvoirs quasi divins qu’on croit venir de Dieu. Tout ceci est très alarmant.
Les dirigeants évangéliques cités ne sont pas des marginaux vivant en sécurité dans un endroit retiré, loin du courant évangélique dominant. Ils sont lus, écoutés et suivis par des milliers de personnes. Leur ascension et leur popularité inquiétantes devraient être un sujet de prière pour tous ceux qui aiment vraiment le Christ des Écritures. Selon les paroles de Pierre, ce livre nous appelle à ceindre les reins de notre entendement (I Pierre 1 : 13) et à devenir des chrétiens réfléchis, pleins de discernement et connaissant la doctrine. Si nous avons méprisé la doctrine et exercé notre piété sans une connaissance et une compréhension précise de la vérité révélée par Dieu dans sa Parole, nous devons nous repentir, car, en fin de compte, une telle approche n’a pu qu’obscurcir la primauté du Dieu trinitaire et la gloire du sacrifice du Christ Lui-même, et nous faire du tort à nous-mêmes. Que Dieu nous ramène à un christianisme sain et expérimental qui soit aussi bien doctrinal que pratique, qui informe l’intelligence et ébranle le cœur tout à la fois. De même, que la connaissance de la Bible et de la doctrine puisse détourner nos regards de nous-mêmes pour les amener à la contemplation de notre Dieu, du Sauveur glorieux et de son grand salut, accompli pour des pécheurs comme nous. Que ce christianisme imprégné de la Bible et riche dans sa théologie nous conduise un jour à confesser que nous ne connaissions rien alors de la profondeur de l’expérience chrétienne et de la joie et de l’amour véritables qui l’accompagnent. Car maintenant la Parole de Dieu est devenue notre seul guide et le riche trésor de notre connaissance de Dieu. Que ce christianisme imprégné de la Bible et se laissant guider par elle nous conduise loin des joies stériles et passagères de nos expériences intérieures, visions ou miracles, coupées d’avec la révélation biblique, et que nous atteignions la joie incomparable de ceux qui ont été enseignés par la Parole de Dieu à contempler Jésus-Christ, décrit parfaitement dans les pages de l’Écriture et à être ainsi, par le Saint-Esprit, dans une communion vivante avec le Père. Alors nous expérimenterons, de façon durable et satisfaisante, ce que le poète décrivait lorsqu’il tournait ses regards non en lui-même, mais en-dehors, vers Christ son salut :
Ta Parole Seigneur est la vérité, la sagesse suprême
Par elle je connais mon éternel destin
Ce fidèle miroir me dévoile à moi-même
En me montrant mon cœur, toujours au mal enclin.
Livre consolateur, inspiré par Dieu même,
Mes yeux se sont ouverts à ta vive clarté
Je comprends maintenant combien le Seigneur m’aime
Et je sais à quel prix Jésus m’a racheté. (J. J. Hosemann)
David Vaughn
[1] Catéchisme de Genève, Kerygma, Aix-en-Provence, 1990.
[2] Confession de La Rochelle, Kerygma, Aix-en-Provence, 1988.
[3] Guy de Brès, Confession de foi des Pays-Bas, Kerygma, Aix-en-Provence, 2021 [1561].
[4] Heinrich Bullinger, « Confession Helvétique Postérieure », dans : Confessions et Catéchismes de la Foi réformée, Labor & Fides, Genève, 1986.
[5] Catéchisme de Heidelberg, Kerygma, Aix-en-Provence, 1986.
[6] Canons de Dordrecht, Kerygma, Aix-en-Provence, 1988.
[7] Les Textes de Westminster, Kerygma, Aix-en-Provence, 1988.
[8] The Savoy Declaration, Evangelical Press, London, 1971.
[9] Confession de foi réformée baptiste, Europresse, Chalon-sur-Saône, 1994.
[10] La Foi des Églises luthériennes. Confessions et catéchismes, Cerf, Paris, 1991.
9781678132453