La famille et ses adversaires dans une perspective théologique

par | Association Vaudoise de Parents Chrétiens

Les fondements
théologiques et métaphysiques
de la famille et la guerre qui leur est livrée

PREMIÈRE PARTIE

LA FAMILLE DANS UNE
PERSPECTIVE THÉOLOGIQUE[1]

Jean-Marc Berthoud

INTRODUCTION

Dans un monde en pleine confusion intellectuelle et spirituelle, il n’est pas possible de parler des institutions établies par Dieu pour le bien de la vie commune des hommes, telle la famille, sans revenir explicite­ment aux premiers principes établis par le Créateur, principes qu’il a ins­crits dans l’ordre même des choses au commencement, lors de la création des cieux et de la terre. C’est ainsi que pour bien comprendre l’ordre créationnel relatif à la famille et à l’Église [2] il est insuffisant aujourd’hui de nous cantonner à l’enseignement éthique et théologique habituellement donné dans nos milieux réformés. Ce que je dis ici est également vrai pour les autres institutions établies par l’ordre créationnel, l’Etat, les entreprises ainsi que l’immense variété des institutions librement constituées par les hommes pour leur vie commune. Ce n’est pas que la Bible soit insuffi­sante — Dieu me garde d’une telle pensée ! — mais il nous faut, dans le cadre de la révélation scripturaire — création, chute, rédemption – la son­der plus profondément pour en tirer les réponses divines aux défis théolo­giques et éthiques particuliers à notre temps.

Pour mieux me faire comprendre, il faut remarquer que nos pères Réformateurs des XVIe et XVIIe siècles avaient comme tâche la re-formation de l’Église, des institutions sociales et de la culture. Car, si les dévia­tions religieuses et philosophiques du Moyen Age finissant les avaient profondément corrompues, on pouvait cependant, sous les débris de l’Age de la Foi finissant, encore retrouver la forme ancienne de ces réalités. Elles avaient, en quelque sorte, été déformées mais non pas abolies. Il n’en va pas de même aujourd’hui. Depuis la révolution scientifique du début du XVIIe siècle, puis le mouvement des Lumières sans Dieu du XVIIIe qui en est la conséquence, et enfin après les destructions sans nombre, opérées par les révolutions politiques, industrielles et technocratiques des trois derniers siècles, le mal auquel nous devons nous confronter s’est beaucoup aggravé. Ce sont les fondements mêmes des réalités sociales et culturelles que nous devons aujourd’hui reconstruire ! Et c’est pour cela que notre analyse doit rechercher à mieux comprendre les premiers principes méta­physiques du monde créé, ceux que l’étude de la Bible et la méditation de l’ordre de l’univers nous révèlent. L’étude de ces premiers principes doit aujourd’hui être l’objet de notre attention si nous voulons faire face aux défis de ce temps de désintégration universelle.

Ainsi aujourd’hui, cinq siècles après la Réforme, depuis les révolutions scientifiques (la « science nouvelle » de Copernic, Bacon, Galilée, Newton) et philosophiques (la « philosophie nouvelle » d’Occam, Agricola, Pierre de la Ramée, Descartes, Hobbes, Spinoza, Kant, etc.) issues du tournant de civilisation que représente le passage du XVIe au XVIIe siècle la problémati­que de l’apologétique chrétienne a bien changé. La « science historique nouvelle » (l’expression est de Giambattista Vico, La Scienza Nuovo [3]) est elle aussi devenue la norme, la pierre de touche incontournable de tout savoir. Dans cette perspective qui d’un coup exclut la transcendance comme point de référence absolu, seules les causes matérielles et efficientes (nos fameuses « lois de la nature ») sont source de connaissance vraie. Elles élimi­nent méthodologiquement de toute réflexion qui se veut « scientifique » les causes finales et formelles, en fin de compte, la finalité divine du créé et le sens même de l’ordre stable de la création. Ceci se produit au profit d’un discours exclusivement mathématique, traitant comme illusoires, à la fois le témoignage verbal de la Parole de Dieu et celui du langage humain ordon­nateur de notre perception de la réalité, (celle que nous fournit nos cinq sens), sur les formes concrètes que Dieu a donné à scs créatures. Ce nouveau discours, qui se veut culturellement normatif pour tout ce qui est réel et vrai, est devenu, par une espèce d’hypnose culturelle quasi universelle, le point de référence obligé de toutes les disciplines humaines, exégèse bibli­que et théologie incluses. Ce carcan scientiste et réductionniste dans lequel a été coulée notre perception de la réalité nous oblige à un retour aux princi­pes métaphysiques de la Bible et de l’ordre créé.

La dynamique de l’athéisation radicale de la pensée scientifique et phi­losophique moderne et, par voie de conséquence, des structures politiques et technologiques dans lesquelles notre civilisation tout entière est coulée  [4] attaque aujourd’hui sur le plan social et biologique les premiers principes de la réalité créée. Depuis la divinisation de l’homme, « maître et domina­teur de la nature », explicitement formulée pour la première fois par Fran­cis Bacon à la suite des « humanolâtres » de la Renaissance italienne, c’est le modèle rosicrucien et alchimiste (puis franc-maçon) du « solve et coagula », « dissoudre et reconstituer » qui est devenu le principe métho­dologique de la science et de la technologie nouvelles. Il fut rapidement transposé au domaine politique (la lignée va de Hobbes, secrétaire de Bacon, à Spinoza, Diderot, le Baron d’Holbach, Hegel, Feuerbach, Marx, etc.), puis, au XVIII’ siècle, à l’économie. Plus près de nous il a suscité une culture radicalement hostile à toute forme tirée de l’ordre créé. C’est ainsi que la révolution moderne, partant du modèle de la nouvelle science, a envahi toute la culture pour atteindre en particulier la théologie, la vie de l’Église et bien sûr les méthodes d’exégèse biblique elles-mêmes. Nous retrouvons évidemment ici la révolution culturelle d’Antonio Gramsci.

A la re-formation, au retour aux formes anciennes, de nos pères du XVI’ siècle, le monde moderne a substitué la dissolution de ces formes créées par une méthode d’analyse structurelle (solvè). Puis cette dissolution fut suivie de la pseudo-création de nouvelles formes (coagula). Car ce nou­veau dieu volontariste, l’homme, s’imaginait être le détenteur d’un pouvoir sans limites sur la nature, tant cosmique et sociale qu’humaine, nature dont il se prétendait le maître et le dominateur absolu. C’est cette vision de la réa­lité, cette idéologie antichrétienne, anti-divine et anti-créationnelle qui est à la base de la Révolution des temps modernes. Le dernier avatar en est l’éco­nomisme globalisant absolutisé, moteur du « progrès » procuré à la planète tout entière par cette « opulence occidentale » qui, comme le montre si bien del Noce, n’est en fait rien d’autre que la forme universelle de l’athéisme le plus implacable que le monde ait jamais connu.

C’est, pour de telles raisons, qu’avant d’examiner les fondements théo­logiques de la famille, il nous faudra effectuer un détour par la Genèse pour définir les premiers principes de l’ordre créé au commencement par Dieu. Nous allons donc donner une brève description des premières dis­tinctions, des catégories premières d’une véritable métaphysique chré­tienne telles que nous les trouvons dans la Bible. Notre première partie comportera donc deux thèmes :

  • 1/Les premiers principes d’une métaphysique de la création, tels que nous les trouvons dans le début de la Genèse.
  • 2/Les fondements théologiques de la famille.

1/ Les premiers principes d’une métaphysique de la création, tels que nous les trouvons dans le début de la genèse

Différentes lectures ont été faites des premiers chapitres de la Genèse. Bien que personnellement convaincu par les arguments exégétiques et scientifiques avancés par le Professeur Douglas Kelly dans son ouvrage magistral, « Création et changement » [5]sur le caractère à la fois strictement historique et théologique de ces chapitres (Genèse I et II), ce n’est cependant pas cet aspect de ces textes fondateurs que je veux ici brièvement évoquer. Car ce récit d’origine divine me paraît d’une importance capitale sur un tout autre plan : celui de l’établissement des premiers principes métaphysiques gouver­nant, de manière immuable, l’ordre déployé par le Créateur sur l’univers suscité de l’inexistence par sa Parole toute-puissante.[6]

Il n’est guère possible de parler, ni de la rédemption, ni de l’éthique sans d’abord se référer aux structures de la réalité établies par Dieu au commen­cement pour l’ensemble de ce que nous appelons la nature, l’univers, de ce que la Bible appelle le monde, le cosmos, mot compris dans son sens positif. C’est un des buts principaux des deux premiers chapitres de la Genèse de nous décrire le déploiement majestueux par Dieu de cet ordre à la fois cos­mique et humain. C’est seulement sur ce fondement d’une métaphysique biblique créationnelle que peut ensuite se construire une éthique véritable­ment scripturaire et même une doctrine cohérente et satisfaisante de la rédemption. Il en va de même pour ce qui nous concerne plus particulière­ment ici, les fondements théologiques de la famille.

Au commencement Dieu créa le ciel et la terre.

La terre était informe et vide ;

il y avait des ténèbres à la surface de la terre,

mais l’Esprit de Dieu planait au-dessus des eaux.

(Genèse 1 :1-2)

De rien de préexistant – ex nihilo — Dieu créa souverainement le domaine spirituel, le ciel, et le domaine physique, la terre. Mais la terre était informe et vide. C’est-à-dire que l’univers venu à l’existence n’avait encore reçu ni sa forme définitive, ni son peuplement. Ce fut ainsi l’œuvre des six jours de compléter et de parfaire l’œuvre divine commencée[7]. Pendant ce temps Dieu ordonne le cosmos et peuple la terre. Ce fut une œuvre de différentiation progressive. La lumière fut séparée des ténèbres. Une étendue — l’atmosphère — sépara les eaux d’en bas, l’océan primordial, des eaux d’en haut, les nuées. Ensuite la terre fut séparée des eaux pour former les conti­nents et les mers. Sur cette terre libérée de l’océan primitif, Dieu fit croître la végétation, chaque plante se reproduisant selon la stabilité de son espèce. Puis, dans l’étendue, il plaça des astres, le soleil, la lune et les étoiles, chacun à la place qui était la sienne. Il peupla ensuite les mers d’êtres aquatiques et le ciel d’oiseaux, eux aussi fixés dans leur essence, chacun se reproduisant fidèlement selon son espèce. Enfin, au sixième jour Dieu façonna de la terre les animaux qui eux aussi se reproduisaient selon leur espèce et l’homme enfin, image même de Dieu et couronnement de toute la création. Le der­nier acte créateur de Dieu fut celui de la femme.

Si j’ai brièvement évoqué l’œuvre créatrice divine, œuvre par laquelle il différencie progressivement et de manière stable sa création initiale, c’est que ces deux premiers chapitres de la Bible nous donnent de manière con­crète une description des catégories divines à partir desquelles la création a été ordonnée. Ces catégories ont la stabilité même de cette Parole divine qui les a suscitées. Cet ordre créationnel, cet ordre de nature, ne change pas, ne pourra changer jusqu’au jour où, à la fin du monde, il sera entièrement renouvelé. Il s’agit en fait des fondements métaphysiques de la réalité créée. Si l’ordre originel de l’univers est aujourd’hui profondément affecté par les effets du péché de l’homme, cet ordre n’en est pas pour autant aboli. L’essence de l’ordre créationnel n’est en rien ébranlé par la chute. C’est ce que nous dit clairement Dieu lui-même dans cet oracle révélé au prophète Jérémie :

Ainsi parle l’Éternel,

Qui donne le soleil pour éclairer le jour,

Les phases de la lune et des étoiles pour éclairer la nuit,

Qui soulève la mer et fait mugir ses flots, Lui dont le nom est l’Éternel des années :

Si ces lois viennent à cesser devant moi,

— Oracle de l’Éternel —,

La descendance d’Israël aussi cessera

Pour toujours d’être une nation devant moi.

(Jérémie 31 : 35-36)[8]

Ces paroles rappellent la promesse de Dieu faite à Noé après le Déluge :

L’Éternel dit en son cœur : Je ne maudirai plus le sol, à cause de l’homme, parce que le cœur de l’homme est disposé au mal dès sa jeunesse ; etje ne frapperai plus tout ce qui est vivant, comme je lai fait. Tant que la terre subsis­tera, les semailles et la moisson, le froid et la chaleur, Tété et l’hiver, le jour et la nuit ne cesseront pas.

(Genèse 8 :21-22)

C’est ainsi que de la manière la plus péremptoire Dieu affirme la stabilité de l’ordre de sa création, ordre établi par lui durant les six jours où furent créés le ciel et la terre et tout ce qu’ils contiennent. Et cet ordre divin, établi par Dieu sur la terre, inclut la distinction d’essence substantielle fondamentale à l’existence de l’espèce humaine, la distinction entre l’homme et la femme.

Voici ce que dit notre texte fondateur à ce sujet :

Dieu dit :

Faisons l’homme à notre image selon notre ressemblance, pour qu’il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail sur toute la terre et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre.

Dieu créa l’homme à son image :

Il le créa à l’image de Dieu,

Homme et femme (littéralement mâle et femelle), il les créa.

(Genèse 1 : 26-27)

Ce récit de l’acte créateur ultime de Dieu est placé à la fin du sixième jour. Il est complété au deuxième chapitre de la Genèse par le récit plus détaillé de la formation de la femme.

L’Éternel forma du sol

tous les animaux des champs

et tous les oiseaux du ciel.

Il les fit venir vers l’homme

pour voir comment il les appellerait […]

Mais pour l’homme, il ne trouva pas

D’aide qui fût son vis-à-vis.

Alors l’Éternel Dieu forma une femme

de la côte qu’il avait prise à l’homme et il l’amena vers l’homme.

Et l’homme dit :

Cette fois c’est l’os de mes os, La chair de ma chair.

C’est elle qu’on appellera femme, Car elle a été prise de l’homme. (Genèse 2:22-23)

Ce récit établit des distinctions capitales pour notre propos. D’abord est affirmée la distinction essentielle entre l’homme et les animaux, car Adam ne peut reconnaître parmi eux un être qui soit son vis-à-vis, son semblable. Malgré certaines ressemblances, l’homme appartient à un ordre distinct, ordre foncièrement différent de celui des animaux. La femme, tirée du côté de l’homme est, elle, par ce fait capital, vraiment son vis-à-vis, son semblable, très littéralement os de ses os, chair de sa chair. Le nom qu’Adam donne à l’épouse que Dieu lui présente manifeste à la fois cette ressemblance essentielle qui les unit, et la différence importante qui les distingue. L’homme mâle se dit ici Isch, la femme, vis-à-vis d’Adam est nommée par lui Ischa. Nous savons que dans la pensée biblique, le fait de nommer manifeste non seulement l’autorité de celui qui nomme sur ce qui est nommé mais, plus encore, atteste la nature même de l’objet défini par le nom qui lui est donné. Ainsi Adam en reconnaissant en Eve sa com­pagne, affirme à la fois sa ressemblance et sa différence. Il déclare pour toujours l’unité de l’espèce humaine créée tout entière à l’image et à la ressemblance de Dieu, et affirme la différence entre l’homme et la femme, leur distinction formelle, leur complémentarité bienheureuse. Le récit divin de la création de la femme continue :

C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère

Et s’attachera à sa femme, Et ils deviendront une seule chair.

(Genèse 2 : 24).

Ce texte a un caractère métaphysique fondateur. C’est lui qui définit l’ordre créationnel, l’ordre de nature, en ce qui concerne l’homme et la femme et les rapports qu’ils doivent entretenir. Ce sont ces rapports qui fondent de manière normative la structure principielle immuable de la famille. Ce détachement du mari de ses parents et son attachement à sa femme ont pour but qu’ils puissent ensemble constituer une seule chair. Cette expression signifie l’union conjugale mais aussi le fruit de cette union, l’enfant qui en naîtra normalement. Cet enfant est, dans une seule chair, constitué des gènes de la mère et du père. On comprend ainsi à quel point il est criminel (et contre-nature) que l’homme et la femme en vien­nent par le divorce à séparer ce que Dieu lui-même a uni. L’homme, en quittant son père et sa mère fonde un nouveau foyer. La femme passe, elle, de l’autorité du père à celle de son mari, de la protection du foyer paternel à celle du foyer conjugal. C’est ici qu’est établi l’ordre définitif, l’essence, la substance même de la relation entre l’homme et la femme, le mariage créationnel.

Ces considérations sur l’ordre créationnel touchent manifestement de près les fondements théologiques immuables de la famille, sujet vers lequel nous allons maintenant nous tourner.

2/ Les fondements théologiques de la famille

  1. a) La famille et la trinité

C’est pourquoi, je fléchis les genoux devant le Père, de qui toute famille dans les deux et sur la terre tire son nom.

(Éphésiens 3 :14-15)

En tout premier lieu, il nous faut parler de l’origine divine des familles humaines. La création tout entière reflète la sagesse et la puissance de Dieu. La diversité dans l’unité, qui caractérise toutes les créatures de Dieu et tous les aspects de sa création, est également propre à la pensée humaine elle-même. Car cette pensée, et les langues dans lesquelles elle s’exprime, est constituée d’un équilibre à retrouver constamment entre des concepts — qui ont un caractère universel — et des réalités (seules per­ceptibles) toutes particulières et concrètes. Ces réalités, à la fois une et diverses, reflètent explicitement la nature du Dieu Créateur. Car le Dieu de la Bible, le Dieu Trinitaire est Un tout en étant Trois Personnes divines ; cela sans confusion, ni transformation, ni séparation, ni division, pour reprendre les termes mêmes des définitions Christologiques du Con­cile de Chalcédoine (451). La nature même de l’homme, qui est une image vivante de Dieu, nous fait comprendre pourquoi les anthropomor­phismes bibliques (par lesquels Dieu est comparé à l’homme) font partie intégrante de la Révélation. Il nous faut cependant prendre garde à la por­tée analogique, donc limitée, du texte cité en exergue tiré de l’épître aux Éphésiens et qui atteste le caractère, à proprement parler, familial, des rapports éternels entre les trois personnes de la divinité.

Précisons d’emblée les limites d’une telle analogie biblique. Une telle analogie ne saurait être poussée trop loin, surtout en ce qui concernerait la projection sur la Trinité, du caractère corporel de l’homme. Par ailleurs, l’abîme séparant le Créateur de ses créatures exclut de la manière la plus absolue l’introduction d’un quelconque élément physique (sexuel en ce cas) au sein de la Trinité elle-même. C’est dans une telle erreur que som­bre la pensée gnostique qui assimile le Saint-Esprit à un principe féminin, la Sophia. C’est également le cas pour ce qui concerne l’introduction hypothétique de la figure d’une Vierge Marie comme quatrième hypostase de la divinité. C’est ce que nous voyons encore dans la manière dont le mouvement féministe cherche à transformer la Paternité de Dieu en une pseudo-maternité divine. Il faut rappeler que la priorité accordée à l’homme, tant dans la famille que dans l’Eglise et dans la société, provient d’abord du caractère même de Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit ; puis du fait attesté par l’histoire biblique que l’humanité tire son origine, non d’un hypothétique éternel féminin, comme le prétendraient aujourd’hui cer­tains biologistes, mais de notre ancêtre à tous, le premier homme, Adam [9].

C’est un fait bien connu que le texte de Paul contient un jeu de mots. En grec le mot « famille », patria, tire son origine sémantique du mot pater, « père ». Dieu est le père du premier homme, Adam. Certes il est également, dans un certain sens en Adam notre père à tous. Mais d’abord et avant tout, Il est de toute éternité le Père de notre Seigneur Jésus- Christ. Dès avant tous les temps, Il a engendré un Fils. Également de toute éternité, le Saint-Esprit, la troisième Personne de la famille divine procède, selon le Symbole de Nicée, du Père. Voici le modèle divin, d’unité dans la diversité et de Paternité divine sur lequel fut constituée la famille humaine. Notre texte le dit bien. C’est de cette famille céleste que toute famille terrestre tire son origine. L’institution familiale, en tant que telle, qu’elle soit chrétienne ou non, peu importé, tire son origine et tient son modèle directement de la Trinité. Voici comment le théologien sud-afri­cain Francis Nigel Lee exprime cette réalité fondamentale :

La vision chrétienne de la famille, comme l’ont fort bien compris un Marx ou un Engels, est fermement enracinée dans la famille divine Trinitaire, Dieu le Père, Dieu le Fils, Dieu le Saint-Esprit. Comme le dit très correctement Dooyeweerd : « Dans la pureté de sa structure conforme à la volonté de Dieu, la famille n’est que l’expression tem­porelle du sens religieux de la communion humaine en Jésus-Christ, de Sa relation de Fils avec le Père divin.[10] » Car comme le Père divin et le Fils s’aiment dans la puissance de l’Esprit, et comme le Père céleste aime Ses enfants terrestres, de même les pères terrestres doivent aimer leurs enfants dans l’esprit de l’amour familial. Car, ainsi que l’indique si bien Dooyeweerd, la famille terrestre « est le reflet du lien d’amour entre le Père céleste et Ses enfants terrestres[11]. »

La famille terrestre a, en conséquence, ses racines dans la Sainte Famille au Ciel et, bien que Marx ait interverti la véritable primauté de la Sainte Famille en l’accordant à la famille terrestre dont la céleste ne serait que la projection mythologique, il se rendait bien compte du rapport entre les deux.

C’est pour cela que Marx affirme dans ses fameuses Thèses à Feuerbach « qu’une fois qu’on a découvert que la famille terrestre est le secret de la sainte famille, il faut la détruire et en théorie et dans les faits. »

Et Lee de conclure :

Cependant, précisément parce que le rapport entre les deux familles est exactement l’inverse de ce que s’imaginait Marx, (la Sainte Famille étant, elle, le secret de la famille terrestre), et en conséquence du carac­tère éternellement indestructible de la Sainte Famille elle-même, tous les efforts des marxistes pour détruire la famille humaine sont imman­quablement voués à l’échec[12].

L’acharnement à l’avortement et à l’euthanasie qui caractérisent l’esprit eugénique de notre époque ne sont pas seulement des signes flagrants de la haine de nos contemporains contre la vie humaine (particulièrement quand elle se trouve sans défense) mais aussi, et surtout un témoignage éloquent de la haine implacable des hommes pécheurs contre Dieu, car tout être humain, quelque infime ou faible qu’il puisse être, est de par sa nature, une image même du Créateur. D’une manière toute semblable, la rage insatiable du monde moderne contre la famille biblique témoigne de sa répulsion à l’égard de la Sainte Famille Céleste, de la Trinité. Voici l’enjeu spirituel ultime de la guerre livrée aujourd’hui contre cette institution, organique­ment modelée sur la Trinité, qu’est la famille humaine. Si l’on veut entre­prendre une défense efficace de la famille biblique, il nous faut regarder au- delà des horizons de la création vers le Dieu Trinitaire qui Lui est la source, le fondement et le modèle de toute véritable famille terrestre.

  1. b) La famille, le Christ et l’église

Femmes, soyez soumises chacune à votre mari, comme au Seigneur; car le mari est le chef de la femme, comme le Christ est le chef de l’Eglise, qui est son corps et dont il est le Sauveur; comme l’Église se soumet au Christ, que les femmes se soumettent chacune à son mari.

Maris, aimez chacun votre femme, comme le Christ a aimé F Église et s’est livré lui-même pour elle afin de la sanctifier après l’avoir purifiée par l’eau et la Parole, pour faire paraître devant lui cette Église glorieuse, sans tache, ni ride, ni rien de semblable, mais sainte et sans défaut.

(Éphésiens 5 :22-27)

Si la famille, parents et enfants, sont ensemble une image vivante de la Famille Trinitaire, le couple conjugal est, lui, une image du lien qui unit le Christ à Son Église, prémices de la nouvelle création. Nous pouvons ainsi comprendre le rapport conjugal homme-femme comme étant une représentation vivante du rapport entre le Créateur et sa création. Comme la création obéit à son Créateur, comme l’Église (prémisses d’une nouvelle création) doit être soumise à son Seigneur, de même sur les tréteaux de ce petit théâtre qu’est la famille, l’épouse doit avoir une attitude de soumis­sion à l’égard de son mari. D’une manière toute semblable, de même que le Créateur aime et soutient l’univers qu’il a fait, que Jésus-Christ aime et prend soin de son Église, la nouvelle création, le mari doit aimer et soutenir tendrement son épouse. Le rapport conjugal terrestre est ainsi établi par Dieu Lui-même comme l’image privilégiée de Sa relation d’alliance avec Son Église. Il s’est racheté cette Église au prix d’un si grand amour en vue du rétablissement final de la création qui se manifestera au retour en gloire de Jésus-Christ lorsque le dernier élu aura pénétré dans la maison de Dieu.

L’Ancien Testament nous parle souvent de cette relation sainte entre la vierge qu’est l’Israël fidèle et son divin époux. Par contre, l’épouse infi­dèle, l’Israël rebelle à son Roi divin et dans le Nouveau Testament l’Église apostate, sont comparées à une femme infidèle à son mari, à une prosti­tuée répudiée par son époux céleste. Ainsi dans la Bible tout entière l’homme et la femme jouent dans le mariage, comme sur les planches d’un théâtre, une liturgie de portée cosmique où se voient manifestées, autant leur fidélité que leur infidélité au dessein éternel de Dieu pour eux, pour la création et pour l’Église. Dieu honore ainsi le mariage au point d’en faire le signe par excellence du rapport rédempteur qu’il a établi entre Son Fils et le peuple de Ses élus. L’on comprend mieux pourquoi le mot jw/T/zen hébreu qui est utilisé pour la connaissance de Dieu, l’est éga­lement par analogie pour décrire l’acte par lequel le mari connaît son épouse charnellement. Dans cette perspective, il n’est guère étonnant de lire dans l’épître aux Hébreux l’exhortation suivante sur le caractère non seulement moral, mais également spirituel du mariage :

Que le mariage soit honoré de tous et le lit conjugal exempt de souillure.

Car Dieu jugera les débauchés et les adultères.

(Hébreux 13 :4)

Ces considérations nous permettent ainsi de mieux comprendre le sens spirituel de l’esprit de débauche et d’adultère qui envahit de plus en plus notre monde en conséquence de son rejet du vrai Dieu et de ses des­seins miséricordieux de salut. L’adultère et la débauche (conjugale et extra-conjugale) sont les signes du refus par ceux qui s’y souillent, non seulement de l’essence du mariage et de la famille créationnelle, mais, plus- encore, de Dieu Lui-même et de l’œuvre expiatoire de Son Fils, le Sei­gneur Jésus-Christ. De même, il nous faut comprendre le manque d’amour de tant d’hommes pour leurs épouses et l’insoumission de tant d’épouses à leurs maris comme constituant, eux aussi, des indications des plus claires du rejet explicite de Dieu par une civilisation autrefois chrétienne.

Dans ce processus de détérioration des relations entre hommes et fem­mes, il faut remarquer le caractère de plus en plus efféminé des hommes, la masculinisation des femmes et l’indifférenciation progressive des rap­ports sexuels qui en résulte. Nous comprenons mieux pourquoi l’intro­duction du ministère pastoral des femmes dans les Églises constitue le signe visible, le témoignage d’un véritable renversement, tant de l’ordre créationnel que de celui de la rédemption. Un tel acte ecclésiastique est un indice des progrès accomplis par l’apostasie dans les milieux qui l’adop­tent ou l’institutionnalisent. Que le diable s’en prenne avec tant d’énergie pour détruire l’union conjugale et faire disparaître l’ordre qui doit régner dans l’Église n’est guère surprenant vu l’importance capitale de ces deux institutions dans les desseins de Dieu. Car Satan comprend fort bien que, tant l’Église que la famille, sont des points particulièrement névralgiques dans la bataille qu’il livre pour détruire tant l’ordre de la création que l’œuvre de rédemption et de re-création de Jésus-Christ. L’attaque dirigée par Satan contre l’ordre créationnel symbolisé par le rapport hiérarchique entre l’homme et la femme dans le couple et dans l’Église est bel et bien la même que celle par laquelle jadis il provoqua la chute du premier couple. La restauration de cet ordre, dans la famille comme dans l’Église est, en conséquence et avant tout, une œuvre spirituelle. C’est en Jésus-Christ seul que nous avons la possibilité d’abandonner les déformations dues au péché et de réintégrer l’ordre originel.

La famille humaine est non seulement par son essence même une image de la Famille Trinitaire, une figure analogique vivante des rapports internes des trois Personnes de la divinité, mais elle exprime symbolique­ment, par le rapport entre le mari et son épouse, le lien entre Dieu et sa création, le Christ et son Église. Plus encore, la Bible nous enseigne que la famille tire son origine, non de l’histoire imaginaire d’une prétendue évo­lution culturelle progressive de l’humanité[13], mais de l’acte créateur origi­nel de Dieu. La famille tire ainsi son existence de ce que Pierre Viret et Jean Calvin appelaient l’ordre de nature[14].

Dans la nature qui lui est propre (son essence), la famille a le caractère d’une institution à la fois originelle, permanente, indispensable à la vie des hommes et, dans sa structure fondamentale, immuable. La famille créationnelle fut établie par Dieu avant la chute et, en conséquence, est l’insti­tution de base de toute société humaine. Elle précède dans le temps et fonde les deux autres grandes institutions sociales établies par Dieu: l’Église et l’État. Ainsi, dès son origine, la famille a constitué en elle-même un petit État et une petite Église. Et ce caractère est toujours le sien aujourd’hui. Le culte rendu à Dieu par la famille et l’exercice de la justice en son sein sont au cœur d’une famille qui se veut pleinement biblique. Elle demeure la cellule de base, tant de la société « profane » que de la communauté chrétienne elle- même. Elle est non seulement l’école des vertus (et en particulier des venus civiques), mais aussi le lieu privilégié de l’éducation et de l’enseignement des enfants et la première école d’évangélisation. La famille a en conséquence un caractère juridique et constitutionnel, économique, éducatif et politique, caractère qui est inhérent à sa nature ; mais ajoutons encore que la famille a une fonction religieuse primordiale.

CONCLUSION

Nous verrons dans la deuxième partie de notre étude qu’en opposition à cet ordre d’un cosmos hiérarchiquement ordonné et structurellement différencié la pensée dominante de la modernité, à la fois nominaliste et volontariste, cherche à briser en atomes dissociés l’ordonnance créationnelle bonne. Ce refus de l’ordre de la création passe par le refus des formes visibles car pour cette pensée scientifique-gnostique les sens sont intrinsè­quement trompeurs ; à ce refus de l’ordre visible de la création s’ajoute le rejet nominaliste de tout rapport réel entre le langage des hommes (les universaux) et l’ordonnance divine du monde (les formes substantielles). C’est ainsi qu’au cours des siècles on a monté une attaque croissante con­tre la structure créationnelle de la famille telle qu’elle est décrite par la Bible. En lieu et place de cette différentiation hiérarchique de l’ordre créé, on a cherché à substituer un monisme ontologique et épistémologique[15] (le scientisme réductionniste) qui cherche à soumettre toute la variété du réel à l’impérialisme d’une méthode unique, celle d’une science expérimentale et mathématique née au début du XVIIe siècle. Ce modèle unique s’étant d’abord imposé à l’Occident, s’étend apparemment aujourd’hui de manière irrésistible au monde entier.

Il s’agit de la méthode dite « résolutive compositive » de la science expéri­mentale moderne. C’est-à-dire, il s’agit en premier lieu d’une

[…] « opération par laquelle on décompose un tout en ses parties, ou une proposition en propositions plus simples dont elle en est la conséquence. » [16]

Ensuite on recompose ces fragments décomposés en un nouveau tout. La méthode d’analyse scientifique (dans le sens de la méthode expérimentale) décompose les faits donnés en éléments toujours plus simples (simplicité qui s’avère toujours plus complexe !). Ces derniers sont ensuite décomposés en éléments plus simples encore. C’est ce que l’on appelle la résolution de substances complexes en éléments simples. Selon cette optique moderne, la tâche du savant consiste ensuite, lors d’expérimentations contrôlées (pou­vant être reproduites), à recomposer ces éléments simples en ensembles rationnellement ordonnés. C’est ce que l’on nomme la composition artifi­cielle en une nouvelle organisation complexe d’éléments simples.

Cette méthode s’est montrée particulièrement féconde pour ce qui concerne la découverte des structures de la réalité matérielle et chimique de l’univers. Mais il nous faut tout de suite ajouter qu’elle ne peut fonc­tionner autrement qu’aux dépens de la forme substantielle concrète des objets qu’elle étudie. C’est-à-dire que la forme organique complète des réali­tés créées est méthodologiquement mise de côté par de telles expériences scientifiques. En recomposant dans son laboratoire les parties (ces élé­ments simples, atomisés) en un nouvel ensemble ordonné selon les lois des sciences de la nature, le savant oublie un fait essentiel : dans la réalité créée par Dieu, le tout constitue plus que la somme de ses parties.

Résumons : on atomise la réalité première {résolution) pour la reconsti­tuer, selon les règles des lois mathématiques de la nature découvertes par la science, en un nouvel ensemble {composition). Une telle démarche ne fait manifestement aucun cas des formes substantielles concrètes qui doi­vent ainsi tout simplement disparaître de toute réflexion à prétention scientifique[17]. En faisant ainsi disparaître les formes substantielles (c’est-à- dire l’être même des choses et leur forme, leur réalité et leur sens) de toute réflexion véritablement scientifique, la science nouvelle a engagé un travail de subversion de l’ordre de la création dont nous n’avons pas fini de cons­tater les conséquences destructrices.

Nous verrons dans la partie suivante à quel point la société moderne en est venu à refuser l’ordre créationnel en ce qui concerne la famille et à substituer au Dieu, Créateur et Ordonnateur de toutes choses, des techno­crates scientifiques agissants sur le modèle proposé par les fondateurs de cet ordre nouveau, Francis Bacon et René Descartes. Ayant décomposé la famille créationnelle, nos ingénieurs sociaux cherchent à susciter de nouvel­les formes « pluralistes » de « famille » : familles polygames successives (divorces à répétition), familles nucléaires fermées sur elles-mêmes, familles érotisées et donc volontairement stériles, familles monoparentales, familles homosexuelles et, qui sait, demain familles humano-animalcs. Nous verrons que le refus réductionniste d’un tel scientisme culturellement impérialiste élimine la pluralité des sphères (ou des ordres[18]) de la réalité créée et y substi­tue une uniformité moniste totalitaire qui se masque sous des apparences plurielles. Cette atomisation nominaliste de la société conduit les hommes devenus fous à vouloir eux-mêmes créer un système de familles prétendu­ment ouvert au libre choix de tous, chacun s’octroyant la liberté de se fabri­quer une famille à son goût. L’homme sous la malédiction librement assu­mée de la chute prétend choisir la forme spécifique de sa propre famille, comme l’on choisirait, dans un buffet généreusement fourni, les plats que l’on préfère. C’est ici que l’on voit à quel point la parole de l’apôtre Paul s’avère toujours plus actuelle lorsqu’il s’écrie :

… ils se sont égarés dans de vains raisonnements, et leur cœur sans intelli­gence a été plongé dans les ténèbres. Se vantant d’être sages ils sont devenus fous ; et ils ont remplacés la gloire du Dieu incorruptible [et son ordre créationnel] par des images [des systèmes idéologiques] représentant l’homme corruptible, des oiseaux, des quadrupèdes et des reptiles.

C’est pourquoi Dieu les a livrés à l’impureté, selon les convoitises de leurs cœurs, en sorte qu’ils déshonorent eux-mêmes leurs propres corps ; eux qui ont remplacé la vérité de Dieu par le mensonge et qui ont adoré et servi la créature au lieu du Créateur, qui est béni éternellement. Amen.

(Romains 1 : 21-25)

DEUXIÈME PARTIE

LE CHRISTIANISME ET LA FAMILLE DANS UNE
SOCIÉTÉ PLURALISTE

INTRODUCTION

Nous avons vu dans notre première partie comment un monisme scien­tifique globalisant s’est substitué à la diversité des ordres de la création. Ce monisme gnostique et utopique[19] (salut par une connaissance uniforme d’origine ésotérique) impose son système technocratique totalitaire à la diversité réelle de l’univers créé par Dieu. Nous avons vu aussi que ce monisme gnostique fut le fruit ultime du premier acte à la fois volonta­riste et autonome de l’histoire, celui d’Adam notre père à tous. C’était le fruit de son refus de soumission à Dieu (à ses commandements et aux pre­miers principes de l’ordre créé). L’homme, croyant les promesses menson­gères de Satan, s’imaginait alors, par cette autonomie, par cette première révolte contre Dieu, pouvoir atteindre une connaissance indépendante de celle de son Créateur et du monde créé (gnose). Par ce moyen, il espérait devenir comme Dieu. A la pluralité des ordres si divers de la création, sphères qui exigent toutes leur propre méthode d’approche, est ainsi subs­titué le pluralisme (polythéisme) d’un monde uniforme où chaque homme peut décider par lui-même de ce qui est réel. Au monde réel est substitué un monde virtuel.

La vérité (révélée et créationnelle) est remplacée par l’opinion de cha­cun. L’uniformité vient de la source purement humaine (ou diabolique) de la connaissance. Le pluralisme (polythéisme) vient de ce que chacun décide lui-même des premiers principes, des présupposés de la réalité et établit ainsi, par une diversité imaginaire de points de vues, une pluralité de pseudos « vérités ». La tendance totalitaire (monisme) vient du fait que la créature (l’homme, la classe, le parti, la secte idéologique, la nation) cherche à imposer son utopie, sa propre vision virtuelle de la réalité, à tous. Cette pluralité de « vérités » constitue en effet un véritable poly­théisme épistémologique. Comme le faisait remarquer l’éminent théolo­gien américain d’origine arménienne, Rousas John Rushdoony, l’univer­sité elle-même est devenue une véritable « pluriversité », tant la diversité des présupposés, même à l’intérieur d’une seule discipline, rend la com­munication intellectuelle difficile, voire souvent impossible. Jadis le choix funeste d’Adam s’est rapidement multiplié en une diversité de religions toutes se prétendant les détentrices d’une « vérité » unique et absolue. Aujourd’hui, la même autonomie volontariste des hommes suscite un pluralisme intellectuel, culturel, social et politique d’où seule est exclue la vérité de Dieu. On écarte ainsi à la fois les apports de la révélation géné­rale, qui nous montre la diversité des ordres de la création, et ceux de la révélation spéciale qu’est l’infaillible Parole de Dieu, l’Écriture sainte. Et comme le disait Jean Brun : « la pourriture conduit à la dictature », l’anar­chie épistémologique mène tout droit à la pensée unique, au totalitarisme qui uniformise tout, en fin de compte à l’Etat totalitaire lui-même.

Mais il ne nous faut pas nous tromper. Notre pluralisme actuel n’est aucunement la simple reconstitution du paganisme polythéiste antique.[20] L’Age de la Foi, époque allant grosso modo d’Augustin aux Lumières du XVIIIe siècle, avait aboli cet ancien polythéisme en faveur d’une vision chrétienne du monde. Les anciens dieux étaient bel et bien morts. Mais aujourd’hui, à leur place ne se sont pas dressées de nouvelles divinités païennes, mais l’homme lui-même. Il s’agit de l’homme divinisé, l’homme volontariste et autonome moderne, l’homme impie (sans Dieu, sans piété) qui est aussi l’homme amoral (sans loi, anomos). C’est cette anomie, ce refus de la Loi naturelle et divine qui fait de chaque homme une loi à lui-même. Il serait temps à nous chrétiens, de dresser la généalo­gie de cette homme impie, sans loi.

Il semble qu’il nous faudrait dater sa première apparition moderne au XIIIe siècle finissant avec le volontarisme spéculatif du franciscain Pierre Jean d’Olivi, dressant contre la primauté de logos, de l’intelligence droite, la primauté de la volonté humaine libre. Il fut suivi par son disciple, Jean Duns Scot ; puis par Guillaume d’Occam et par Marsile de Padoue; enfin apparurent les humanistes (les « humanolâtres ») de la Renaissance ita­lienne. Dans cette tradition, nous retrouvons au XVIe siècle les logiciens anti-aristotéliciens Agricola et Pierre de la Ramée qui transmirent le flam­beau de ce volontarisme nominaliste aux tenants de la science nouvelle du début du XVIIe siècle : les Bacon, les Galilée et les Descartes. Puis vint le temps des Lumières, celui d’une connaissance devenue enfin adulte, auto­nome, science rabougrie d’où le Dieu de l’ordre créé et des Écritures avait été banni. C’est de cette science ratatinée que se meurt aujourd’hui l’Occident; et demain, à sa suite, risque d’en crever le monde entier.

C’est ainsi que se construisit une science du cosmos essentiellement déiste, cosmos du fonctionnement duquel la Providence avait été exclue. C’était celle de Newton, lui-même alchimiste, millénariste et unitarien. Les Encyclopédistes, Kant, Hegel et toute la cohorte de l’idéalisme du XIXe siècle ne firent qu’entrer dans ce moule scientiste. Aujourd’hui nous vivons des prolongements matérialistes, hédonistes, évolutionnistes et uti­litaristes de ce modèle réductionniste et scientiste de la réalité, réalité si riche et si variée de la création. Notre époque s’engouffre ainsi aveuglé­ment dans le règne, autonome de Dieu et de scs lois, de l’économique, du technocratique et du politique absolutisés.

La mise en place politique sociologique de cette athéisation à la fois intellectuelle et structurelle du monde moderne fut l’œuvre d’abord du Marxisme. Mais le Marxisme n’était que le reflet brutal du courant fonda­mental de la société moderne. Son héritier, ce qu’Augusto del Noce appelle si justement l’« opulence occidentale », n’est autre qu’un athéisme institutionnalisé aujourd’hui omniprésent. C’est cette vision athée du monde que nous nommons fort pudiquement « monde sécularisé ». Cette discrétion de langage nous aide sans doute à ne pas regarder une telle réa­lité en face. Cette opulence sans Dieu est devenue aujourd’hui le but uni­versel que, sous l’impulsion irrésistible d’un Occident déchristianisé, se donne le monde entier. Cette vision foncièrement athée est celle de prati­quement tous les hommes, de tous ceux qui mettent leur confiance en ce nouveau monstre universel : l’économisme technocratique hédoniste globalisant. C’est ainsi que la modernité (et la post-modernité n’en est que le dernier avatar) a assumé le rôle nietzschéen du surhomme « maître et pos­sesseur de la nature » que lui avait prophétiquement attribué, il y a quatre siècles le Chancelier du Royaume d’Angleterre, Francis Bacon. [21]La deuxième partie de notre exposé comprendra elle aussi deux parties :

l)L’attaque pluraliste contre la famille.

2)L’attaque syncrétiste contre l’Église.

Notre conclusion traitera du caractère véritable de l’Église de Dieu.

1) L’attaque pluraliste contre la famille

En effet, si l’univers — dont l’une des composantes est la famille — n’est pas constitué par un ordre créationnel immuable dans ses principes, alors l’homme autonome de Dieu et de sa Parole (et des limites d’un monde créé) pourra faire ce qu’il voudra. Il en est de même si la pensée humaine n’est pas structurée par les universaux contenus dans le langage ordinaire des hommes. Car ce langage humain établit des correspondances analogi­ques entre la pensée du Créateur, celle d’un être créé à Son image et les structures visibles et bien réelles d’un univers ordonné par Dieu. Pour nous cantonner aux limites de notre sujet, l’homme devenu par sa révolte « mesure et maître de toutes choses », pourra, selon sa libre fantaisie, res­tructurer la famille. Nouveau créateur, il pourra la réinventer à sa guise.

La science moderne pour découvrir les lois physiques qui structurent la nature cherche à dissoudre les formes dans lesquelles est coulée la réalité visible en ses éléments les plus simples. Puis elle s’évertue par l’application des lois ainsi découvertes à reconstituer de nouvelles formes artificielles à partir de ces éléments simples. Nous ne nions aucunement la réalité des lois formulées par les sciences mathématiques modernes. Nous cherchons plutôt à attirer l’attention sur la démarche suivie par la méthode expérimentale : dissoudre les structures de la réalité créée pour les recombiner selon de nouvelles structures synthétiques. Enfin, nous faisons remarquer que l’ordre artificiel ainsi constitué ne correspond plus aux structures premières établies par le Créateur.

Aujourd’hui la bioéthique nous oblige à constater les très graves pro­blèmes auxquels aboutit l’application de telles méthodes au domaine de la vie. Lorsqu’il s’agit de manipulations génétiques sur toutes les formes de vie possibles nous nous trouvons confrontés à des problèmes moraux directs que n’avaient guère imaginés les initiateurs de la méthode expéri­mentale. Il en est de même qu’il s’agisse de la culture de plantes transgéni­ques, du clonage animal ou même humain, de la recherche en vue de la fabrication en laboratoire d’organes de remplacement, et j’en passe. Nous devons constater que l’attaque présente des sciences expérimentales porte sur les principes premiers de l’ordre biologique créé.

En revenant aux sciences nouvelles les plus dures, celles du monde de la physique, nous devons constater que ce problème s’était déjà posé sur le plan de la physique atomique au milieu du siècle passé avec la découverte meurtrière de la dissolution (solve) expérimentale des structures créées du noyau atomique et sa reconstitution {coagula) expérimentale. Ce pro­gramme produisant, comme tout le monde le sait, des machines invrai­semblables de destruction. Le problème jusqu’ici non résolu du recyclage inoffensif des déchets nucléaires nous montre les difficultés vers lesquelles nous conduit la méthode expérimentale lorsqu’elle est appliquée aux structures premières de la matière. [22]

En ce qui concerne les institutions sociales, l’emprise quasi hypnoti­que de la méthode des sciences nouvelles sur la pensée politique et écono­mique de l’Occident, ceci dès le milieu du XVIIe siècle, conduisit à trans­poser tout simplement ces méthodes « résolutives, compositives », le solve et coagula de l’ésotérisme rosicrucien et franc-maçon, aux institutions humaines. C’est ainsi que l’uniformité d’une méthode expérimentale uni­que (ayant manifestement fait ses preuves dans le domaine de la physique) faisait disparaître la diversité nécessaire des méthodes face à des réalités dont les structures étaient foncièrement différentes de celles de la matière physique et chimique. La machine travaillant à l’uniformisation univer­selle de la culture était en marche. C’est de cette manière que depuis l’apparition des Lumières encyclopédiques, elle s’est acharnée sur les structures sociales naturelles – la famille, l’Église, l’État, les entreprises professionnelles et les communautés de toutes sortes. Car l’esprit des Lumières étant celui de l’homme ayant rejeté le Créateur et dépourvu de tout respect pour la variété extraordinaire des ordres de la création. Cette pensée égalitariste et univoque de l’Occident tout entier s’évertua à dis­soudre la société en scs éléments les plus simples. Ici l’atome social est constitué par des individus prétendument égaux, à la fois indifférenciés et interchangeables. Le but était de regrouper ces atomes sociaux individuels en de nouvelles institutions collectives de fabrication purement humaine.

Nous constatons à nouveau les deux pôles de la modernité tout entière: individu et collectivité. Car le nominalisme social ayant ainsi ato­misé les structures de la société traditionnelle en individualités volontaris­tes, cherche à la restructurer en des collectivités utopiques. Les nouvelles formes « pluralistes » issues d’une telle désintégration sociale ont pour nom, parmi bien d’autres, démocratie égalitaire, économie libre, famille plu­raliste et société collectiviste. Les hommes ne doivent donc plus chercher à se conformer à des modèles établis une fois pour toutes dans leurs structu­res premières par le Créateur et Ordonnateur des deux et de la terre. C’est le refus de l’homme révolté de donner la priorité à la Vérité.

Mais l’homme, dans son délire utopique (se voulant comme Dieu) s’impose comme tâche créatrice d’inventer de nouvelles institutions à par­tir des principes dégagés par la méthodologie des sciences nouvelles. Cette invention purement humaine des formes sociales est maintenant affran­chie des limites créationnelles et morales établies par Dieu pour le bien de 1 homme et pour sa protection. La priorité est ici donnée à la volonté tota­lement libre de l’homme. C’est à l’aboutissement d’un tel désordre uni­versel que se référait l’apôtre Paul lorsqu’il écrivait à l’Église des Thessaloniciens, de cet homme divinisé qui,

[…]s’élève au-dessus de tout ce qu’on appelle Dieu et qu’on adore, et qui va s’asseoir dans le temple de Dieu et se faire passer lui-même pour Dieu.

(II Thessaloniciens 2 : 4)

Nous nous trouvons ici devant les derniers aboutissements du projet utopique élaboré par une intelligence humaine d’où Dieu aura été rigou­reusement exclu. Nous en connaissons bien la généalogie intellectuelle et sociale. Elle va de Marsilc de Padoue et Guillaume d’Occam à René Des­cartes et Francis Bacon, du Baron d’Holbach et Diderot à Feuerbach et à Marx, et de Jeremy Bentham à Auguste Comte et, enfin, à toute 1 engeance innombrable des empiristes utopiques, des sensualistes, des hédonistes et des utilitaristes qui aujourd’hui occupent de toutes parts les devants de notre monde. Dans cette lignée funeste, le révolutionnaire sarde, Antonio Gramsci, figure emblématique de la modernité, tient un haut rang. Car il avait compris, bien mieux encore que Marx lui-même, à quel point le triomphe d’une révolution sans Dieu et contre l’ordre créationnel devait passer obligatoirement par l’extirpation de toute présence en ce monde du Christianisme véritable. C’est ainsi que l’ordre créationnel lui-même, fondement de tout Christianisme vrai, devait lui aussi dis­paraître. Comme l’a si bien montré Augusto del Noce, le projet moderne ne doit pas seulement extirper toute pensée transcendante de notre manière de considérer l’univers, mais, plus encore, il doit faire disparaître toute trace d’un ordre créationnel divin de la vie politique et sociale, éco­nomique et culturelle des hommes.

De nombreux exemples pourraient illustrer le bien-fondé d’une telle analyse, ceci en particulier dans le domaine de l’organisation de la famille. Récemment un septuagénaire italien cherchait, contre paiement, à se pro­curer une nouvelle famille, la sienne ne lui donnant plus satisfaction ; mais il fut bien vite déçu par sa nouvelle « famille ». On parlait par ailleurs il y a quelque temps dans les journaux du cas d’un jeune garçon d’une dizaine d’années aux États-Unis qui aurait entamé une procédure en divorce avec ces propres parents, devenus pour lui insupportables. Mais pour illustrer notre propos nous nous limiterons à deux cas bien connus : le féminisme et les prétendus mariages entre homosexuels.

  1. Le féminisme

Le féminisme est un exemple flagrant du phénomène que nous venons de décrire [23]. Le réductionnisme sociologique et scientiste ambiant ignore comme anachronique la structure traditionnelle de la famille. Les élé­ments constituant cette famille sont disloqués, atomisés en ses éléments les plus simples : homme, femme et enfants. Il n’est même plus question dans le droit matrimonial de nombreux pays — dont le mien, la Suisse — d’utiliser les termes de mari ou d’épouse. Car les époux sont tous deux considérés comme des êtres sociaux mathématiquement égaux, des parte­naires interchangeables, atomes qui peuvent s’accoupler et se découpler à bien plaire. Le divorce rendu toujours plus facile et le décervellement éga- litariste achèvent la destruction pratique de la famille telle que Dieu l’a voulue. Le mari n’est plus le chef de droit divin de la famille. L’épouse n’en est plus l’âme créatrice. Les parents ne sont plus pour les enfants des modèles d’un ordre différencié et harmonieux. Ceux-ci sont trop vite lâchés dans un monde sans règle ni forme où, comme des électrons libres, ils devront de haute lutte chercher à s’imposer. Ce n’est plus la Parole de Dieu, ou même l’ordre de la création (l’ordre de nature) qui sont norma­tifs, mais une pure notion d’égalité mathématique. Rappelons que cette égalité toute numérique n’a rien à voir avec la nécessaire et bénéfique éga­lité de tous devant le droit.

Le cardinal Ratzinger [24] l’a fort bien dit dans sa « Lettre aux évêques catholiques sur la collaboration de l’homme et de la femme dans l’Église et dans le monde » du 31 mai 2004. Ce texte, malgré son silence diploma­tique sur la question, toujours davantage remise en cause, de l’autorité créationnelle et biblique conférée par Dieu à l’homme sur la femme, mérite toute notre attention. Je le cite :

[…] Pour éviter toute suprématie de l’un ou l’autre sexe, on tend à gommer leurs différences, considérées comme de simples effets d’un conditionnement historique et culturel. Dans ce nivelage, la différence corporelle, appelée sexe, est minimisée, tandis que la dimension pure­ment culturelle, appelée genre, est soulignée au maximum et considé­rée comme primordiale. L’occultation de la différence ou de la dualité des sexes a des conséquences énormes à divers niveaux. Une telle anthropologie, qui entendait favoriser des visées égalitaires pour la femme en la libérant de tout déterminisme biologique, a inspiré en réalité des idéologies qui promeuvent par exemple la mise en question de la famille, de par nature bi-parentale, c’est-à-dire composée d’un père et d’une mère, ainsi que la mise sur le même plan de l’homo­sexualité et de l’hétérosexualité, un modèle de sexualité polymorphe.

Et quelques lignes plus loin il ajoute :

Selon cette perspective anthropologique, la nature humaine n’aurait pas en elle-même des caractéristiques qui s’imposeraient de manière absolue: chaque personne pourrait ou devrait se déterminer selon son bon vouloir, dès lors qu’elle serait libre de toute prédétermination liée à sa constitution essentielle.

L’on voit bien ici apparaître les deux pôles de la révolution scientifique et politique que nous examinons. Nous y voyons d’abord la réduction de l’entité créée (ici la forme originelle de la famille) en scs éléments les plus simples (l’individu atomisé). Puis vient la reconstitution volontariste de ces individus isolés en toutes sortes de familles nouvelles, d’entités « familiales » saugrenues. Nous nous retrouvons ici dans le pluralisme de modèles de la famille: famille patriarcale (totalement anachronique), cel­lulaire (encore tolérée), monoparentales et homosexuelles (encouragées) et, qui sait, demain familles humano-animales.

Les résultats de ces dérapages catégoriels sont manifestes : sans une épouse et mère douée de qualités humaines et physiques irremplaçables pour les tâches qu’elle doit remplir dans le foyer, il ne peut y avoir de famille véritable. Sans le père et le mari agissant avec fermeté et amour comme chef de la famille, cette dernière ne peut plus être conduite vers son bien propre, l’épanouissement différencié de tous ses membres, parents et enfants. Dans une famille ainsi décapitée dont on a crevé le cœur il ne peut plus y avoir de place pour ses éléments collatéraux, tels grands-parents, cousins, oncles et tantes, ni pour l’accueil de ses membres tombés dans des situations de détresse. En encourageant la tendance naturelle de la femme qui cherche inconsciemment à mimer l’homme, à être son égal, on ne fait que nuire ter­riblement à ses richesses propres. Comme si la femme était l’égale de l’homme ! Elle qui lui est, de tant de manières, si supérieure ! Comment peut-on espérer à « inciter les familles à avoir des enfants » comme le titrait récemment un quotidien lausannois si l’on incite constamment les femmes à considérer leurs capacités proprement féminines (tant corporellement que moralement) comme négligeables ou même nuisibles à leur véritable épanouissement ? On ne détraque pas l’ordre de la création sans en récolter les conséquences amères. Les écologistes s’en sont, depuis bonne lurette, rendus bien compte. Et quand donc les familles – et d’abord les familles chrétiennes – prendront-elles conscience du fait que ce scientisme révolu­tionnaire – une idolâtrie de la partie aux dépens du tout, de l’individu aux dépens de la famille – ne peut que conduire à la stérilité, à l’anarchie et à la mort de la société ?

  1. L’homosexualité

Autrefois, et aujourd’hui encore dans des cultures païennes, par exemple en Afrique ou en Inde, l’ordre de la famille tel qu’il est voulu par Dieu fut attaqué sur le plan moral. Il s’agit de la domination abusive du mari ou du père, de la polygamie, d’adultères, du divorce, d’impuretés diverses. Mais jamais, à strictement parler, jamais les civilisations qui nous ont précédées (même celles qui, comme la Grèce du temps de Platon – mais pas Aristote ! -, considéraient l’homosexualité comme un instrument pédagogique) n’ont pu imaginer l’instauration légale d’un mariage autrement qu’entre un homme et une femme. Un mariage entre personnes du même sexe n’était tout simplement pas concevable. Il a fallu les prétendus progrès d’une période comme la nôtre pour en arriver à envisager cette aberration biologi­que et juridique qu’est une union légale entre personnes du même sexe.

Sur le plan philosophique, il s’agit à nouveau ici d’un nominalisme radical où l’on tient les mots — tels « mariage » et « couple » – uniquement comme des termes (de simples « noms ») purement arbitraires et conven­tionnels. Il ne s’agit plus d’universaux divins ordonnant la réalité créée par Dieu. Le contenu de ces mots ne se réfère donc plus à quoi que ce soit de permanent dans la réalité et leur sens peut, en conséquence, être arbitrai­rement modifié en n’importe quel sens par la volonté du législateur. De telles modifications sont fonction des variations de l’opinion publique, du contexte sociologique à la mode, ou encore (ce qui est le plus souvent le cas) des fantaisies des spécialistes juridiques consultés. Une modification aussi arbitraire du langage juridique n’a guère de parallèle dans les traditions chrétiennes et romaines du droit, ni même dans celles des droits d’origine païenne et pré-chrétienne. C’est la soumission du droit actuel aux présupposés d’une tradition philosophique nominaliste, à la fois uni­voque (Duns Scot), volontariste (Occam), logiquement simpliste (Pierre de la Ramée), subjectiviste (Descartes), idéaliste (Kant) et purement immanente (Kelsen), qui a conduit nos juristes à de telles insanités. Nous le répétons, il n’est pas possible de parler légitimement de « couple » juri­dique (et encore moins de « mariage ») pour des unions entre personnes du même sexe, sans abuser complètement du langage juridique. Un tel langage contrefait complètement la réalité de l’ordre naturel, créé par Dieu. Il s’agit de la création volontariste inouïe d’un véritable « monstre » juridique.

C’est la réalité unique et immuable, la réalité véritable du couple et du mariage, constituée créationnellement et naturellement par l’union d’un homme et d’une femme qui est ici mise en question. Jusqu’au développe­ment du droit naturel moderne (à la fin du XVIIe siècle), tant la théologie, le droit, que les mœurs elles-mêmes, accordaient au mariage un caractère quasiment sacré. Selon l’héritage unanime de toutes les Églises chrétien­nes, le mariage est considéré comme une « alliance ». Il est perçu comme le reflet de l’alliance établie par Dieu, d’abord avec sa création, puis avec son Église, et donc comme les prémices de la création nouvelle. Chez les Orthodoxes et les Catholiques romains, le mariage est un « sacrement », signe visible d’une réalité invisible fondée en Dieu, les Réformés réservant pour leur part le terme de sacrement aux seuls actes ecclésiastiques qui concernent tout chrétien.

C’est en fonction du caractère sacré du mariage reconnu par la théolo­gie et le droit des nations chrétiennes que les lois pénales réprimaient jadis avec une si grande sévérité les actions attaquant gravement cette institu­tion fondatrice des rapports sociaux. Pour remonter à l’une des sources du droit occidental, il est utile de rappeler que dans le droit hébraïque, les plus graves infractions contre le mariage — adultère, sodomie, pédérastie, bestialité – sont sanctionnées par la peine de mort. Ces « crimes » étaient ainsi placés au même niveau de gravité que l’homicide volontaire. Aussi bien la vie humaine que l’institution du mariage étaient alors considérées comme faisant partie des biens sociaux les plus précieux soumis à la pro­tection des lois.

Dans la perspective judaïque et chrétienne, l’idée d’un « couple » ou d’un « mariage » entre personnes du même sexe est littéralement impensa­ble. C’est ce que nous pouvons déduire du témoignage tant de l’Ancien que du Nouveau Testament. Cette institution du mariage, à la fois créationnelle et naturelle, détient en elle-même sa réalité propre, tant sur le plan de la pensée du Créateur que sur celui de sa réalisation sociale dans le temps et dans l’espace. C’est ainsi que sur le plan intellectuel, la famille est un concept universel, une idée stable ayant son origine en Dieu. Sur le plan concret, elle est ce que l’on appelle en philosophie une forme substan­tielle, soit une réalité concrète institutionnelle qui, malgré les innombra­bles perversions dont elle est l’objet, est dotée d’un caractère foncièrement stable. Comme d’autres universaux et formes substantielles, tels les éléments chimiques ou les espèces animales et végétales, la famille ne pourra en conséquence jamais être éliminée de la réalité telle qu’elle a été créée par Dieu. C’est pour cette raison que le Christ insiste sur l’unité originale (une seule chair) que constitue chaque nouveau couple marié. Le « mariage » est donc ce rapport unique entre deux personnes, un homme et une femme, s’unissant pour la vie en vue de leur bien commun et dont un élément fondamental est la procréation. C’est ainsi que « mariage » et « famille », union et procréation sont naturellement liés.

Dans une conception pareille du mariage, du couple et de la famille, il ne peut y avoir la moindre place pour les contrefaçons d’une unité factice et perverse constituée par la fornication légalisée des homosexuels. Car il s’agit ici d’actes qui sont, non seulement par nature totalement stériles, mais qui ne peuvent aucunement être assimilés à la consommation de l’union conjugale, acte indispensable à la validité de tout mariage. Avec des variantes, cette conception biblique du mariage, tout à la fois sacrée et juridique, a, dans une très grande mesure, été celle de l’humanité entière. Ceci reste vrai même lorsque ce vice était socialement admis, comme ce fut le cas chez les anciens Grecs, par exemple. C’est seulement pendant la deuxième moitié du XIXe siècle que des homosexuels allemands se sont mis à revendiquer la reconnaissance légale de leur « mode de vie » pervers. Aujourd’hui on cherche à le mettre partout sur un pied d’égalité juridique avec le mariage lui-même.

2) L’attaque syncrétiste moniste contre l’Église de Jésus-Christ

L’Église de Jésus-Christ n’est nullement épargnée par de tels assauts contre l’ordre moral et créationnel. Les informations qui nous parvien­nent de différents côtés montrent que l’idéologie égalitariste et la réclama­tion par les homosexuels à exercer toutes les fonctions dans la société sont deux des coins utilisés par les ennemis de Dieu pour détruire le témoi­gnage de fidélité de l’Église, l’épouse de Jésus-Christ, aux exigences de la Sainte Écriture. Cette volonté d’introduire dans la structure hiérarchique de l’Église une, sainte, catholique et apostolique[25] des éléments qui lui sont intrinsèquement étrangers, comme le sont les « femmes pasteurs » ou des responsables d’Églises homosexuels, attaque directement son témoignage et la structure d’autorité qu’elle représente : le Christ en est l’époux divin, l’Église l’épouse fidèle et soumise. De même que la société pluraliste atta­que la structure divinement établie de la famille créationnelle, elle agit pareillement pour détruire l’ordre hiérarchique établi par Dieu dans son Église. Car sur de tels points une Église qui se veut fidèle à son Seigneur et Chef Jésus-Christ ne peut transiger.

Mais, nous devons le reconnaître, l’attaque vise aujourd’hui bel et bien de tels points névralgiques dans la vie des Églises, comme nous pouvons le constater pour de nombreux pays. Prenons deux exemples bien actuels. Au Canada, par exemple, le fait de prêcher publiquement sur les textes bibliques condamnant l’homosexualité est devenu un acte passible des tri­bunaux. Pour ce qui concerne la Suède, les autorités judiciaires sont pas­sées à l’action et un pasteur pentecôtiste ayant, dans une prédication, appliqué de manière réaliste aux homosexuels l’enseignement du premier chapitre des Romains se trouve aujourd’hui en prison. Le fait que ce soient d’abord des pays de tradition réformée – la Suède et la Suisse, les Pays-Bas et l’Angleterre – qui se trouvent à la pointe de ce combat impie visant à promouvoir une société anti-chrétienne et pluraliste explicite­ment dressée contre les normes divinement établies pour le mariage et pour l’Église, devrait faire réfléchir ceux qui se réclament de l’héritage protestant.

Comment cela se fait-il que ce soit des pays encore traditionnellement orthodoxes, comme la Russie, ou catholiques romains, tels la Pologne, pays laminés par l’athéisme communiste, qui refusent, pour des raisons de morale élémentaire, autant la prolifération de cortèges « gays », propa­gande en faveur des perversions sexuelles les plus détestables, que l’octroi d’une quelconque reconnaissance légale aux couples homosexuels ? Ou encore, il est étonnant de constater qu’une nation encore très largement païenne, comme l’Inde, parvienne à s’opposer publiquement aux projets de légalisation de pareilles aberrations morales et juridiques, de telle sorte que les groupes de pression homosexuels soient obligés de faire marche arrière.

Il est manifeste qu’aujourd’hui l’Église fidèle du Dieu vivant se trouve placée sous les coups de boutoir répétés d’une société habitée par une idéologie moralement pluraliste. Il faut à nouveau constater que cette idéologie est animée par les deux moteurs de la révolution : le refus nomi­naliste des universaux et le volontarisme re-créatcur d’hommes insensés qui en sont venus à se prendre pour Dieu. Car, rappelons-le encore une fois : seul le Dieu Créateur détient en lui-même le pouvoir d’établir les premiers principes de la réalité ainsi que les fondements immuables de la morale. Il en est de même pour l’ordre qui doit régner dans son Église. Limitons-nous ici à quelques brèves remarques sur la guerre qui est aujourd’hui livrée à l’Église de Dieu.

L’idée que l’Église doive soigneusement se conformer aux exigences de son modèle néo-testamentaire est aujourd’hui fortement déconsidérée dans de nombreux milieux chrétiens. N’est-il pas difficile de trouver, même dans les Églises qui sc veulent fidèles à la Parole de Dieu, un ensei­gnement systématique sur le caractère de l’Église qui contiendrait les élé­ments suivants définissant doctrinalement la nature de l’Église du Dieu vivant :

A/ L’Église comme une, sainte, catholique et apostolique.

B/ Les trois marques de l’Église selon l’enseignement apostolique et catholique des Réformateurs :

  1. La prédication fidèle de la Parole de Dieu ;
  2. L’administration fidèle des sacrements ;
  • L’exercice prudent et courageux de la discipline ecclésiastique.

C/ Les distinctions essentielles suivantes :

  1. L’Église visible et l’Église invisible ;
  2. L’Église militante et l’Église triomphante ;
  • L’Église, épouse fidèle de Jésus-Christ et sa contrefaçon, la fausse église apostate, la prostituée du diable.

D/ La réalité de l’Église comme tête de pont surnaturel du Royaume de Dieu — le corps visible de Jésus-Christ — œuvrant, dans un monde perdu, voué au jugement et à la destruction, à la rédemption des élus et, au tra­vers d’eux, de la création elle-même.

E/ La réalité spirituelle :

  1. Des sacrements scripturaires,
  2. Des charismes véritables
  • De la prédication fidèle de la Parole de Dieu, comme autant de manifestations de la présence véritable du Christ dans son Église.

F/ La structure de l’Église à la fois monarchique (car son Roi est le Seigneur Jésus-Christ lui-même), aristocratique (car elle est gouvernée par une hiérarchie, un corps d’anciens) et, dans un certain sens, démocratique (car les fidèles sanctifiés, réunis en Église, sont eux-aussi d’une certaine façon, animés par le Saint-Esprit).

Les attaques dressées par une société pluraliste contre l’Église viennent de divers côtés, du dedans comme du dehors. Relevons-cn quelques-unes :

1/ Le syncrétisme a aujourd’hui pris la place de l’œcuménisme. C’est l’esprit apostat qui animait la fameuse rencontre de toutes les religions convoquée par Jean-Paul II à Assise en 1986 pour prier ensemble pour la paix. Il s’agissait d’une nouvelle manifestation d’un mouvement religieux qui, dans l’esprit religieux pluraliste du syncrétisme maçonnique, tra­vaillait depuis bien longtemps à l’unification politique, économique et religieuse du monde. Dans une telle perspective, il n’y a plus la moindre place pour une religion fondée sur une vérité doctrinale révélée (les dog­mes) au caractère absolu.

2/ Sur le plan doctrinal l’attaque de la critique rationaliste libérale con­tre l’inspiration divine et l’autorité normative de la Bible se poursuit, même si sa forme se modifie avec le temps. Il nous faut donc continuer à offrir une résistance inébranlable à cette critique de la Bible, ceci tant au niveau de l’établissement du texte (la doctrine de la préservation par le Saint Esprit du texte ecclésiastique ou. reçu, du Nouveau Testament en particulier) que par rapport aux spéculations critiques, aussi arbitraires que contradictoires, sur les prétendues sources diverses des livres bibliques. Il faut continuer égale­ment à réfuter les attaques critiques dirigées contre le contenu même de la Bible, en particulier la perte du sens cohérent de son unité et la fragmenta­tion, qui en est la conséquence, des livres bibliques en diverses théologies spéculatives souvent perçues comme étant contradictoires.

3/ Il nous faut également résister aux attaques plus sournoises encore de théologies qui, souvent sous apparence d’orthodoxie et dans un langage proche de celui de la Bible, s’attaquent d’une façon unilatérale au Chris­tianisme véritable. Ici je me contenterai de deux exemples, Karl Barth [26] et N.T. Wright [27].

  1. Karl Barth qui, tout en défendant une doctrine de la transcen­dance divine outrée (l’influence du kantisme) a développé une théologie dans laquelle l’action immanente réelle de Dieu dans notre monde deve­nait quasiment impensable.
  2. Plus récemment, le brillant théologien anglais N. T. Wright, tout en suivant le courant théologique schweitzerien qui au début de XXe siècle s’attachait à une recherche d’un « Christ purement historique », s’est cependant attaqué à la critique bultmanienne du Nou­veau Testament affirmant ainsi l’historicité des Évangiles. Mais cette démarche d’apparence évangélique, avait pour but de privilégier, ceci en contraste manifeste avec la dialectique barthienne, l’immanence de Dieu sur sa transcendance. Ce choix (rappelons que le mot, hérésie signifie « choix ») le conduisit à formuler une critique radicale de la doctrine paulinienne de la justification, telle qu’elle fut fidèlement restaurée par les Réformateurs du XVIe siècle. Wright n’y voit plus, comme le faisait Luther, le cœur biblique de la rédemption des pécheurs. Il en fait tout simplement le signe nouveau, remplaçant les rites cérémoniels juifs, attes­tant l’entrée du croyant dans la communauté de l’Église. En bref, d’une doctrine sotériologique il transforme la justification des pécheurs en un simple signe de reconnaissance ecclésiastique.

Il est utile de faire remarquer ici que ni Barth ni Wright n’ont en fait réellement rompu avec les principes anti-bibliques de la critique rationaliste de la Bible. Pour prendre une pierre de touche capitale, ni l’un ni l’autre n’accepte l’historicité véritable des dix premiers chapitres de la Genèse.

4/ Il nous faut également résister à un courant tout autre. Celui-ci, s’il est bien plus répandu dans les Églises « évangéliques » que ceux dont nous avons parlé jusqu’ici, n’en est pas moins nocif. Il s’agit de l’affaisse­ment intellectuel et de la banalisation émotionnelle et culturelle du Chris­tianisme. Ceci est tout particulièrement vrai pour ce qui concerne le culte dominical rendu à Dieu par les Églises se disant encore fidèles à la Bible. Les chrétiens sont partout tentés par la médiocrité intrinsèque d’une civi­lisation dont le pôle d’attraction dominant les attire continuellement vers le bas, le banal, le médiocre, le laid, le commun et même souvent (osons le dire), l’odieux. Sursum corda\ « En Haut les cœurs », voici notre mot d’ordre. Nous devons fuir une « culture » animée par la recherche du dénominateur commun le plus bas. Nous voyons ces mêmes tendances dans le mouvement animé par le pasteur américain Rick Warren qui assi­mile très largement le processus d’évangélisation des Églises aux procédés de manipulation caractéristiques de la publicité commerciale.

Il nous faut résister à la tentation d’imiter une pareille « culture » en cherchant à édulcorer le message de l’Évangile, à l’adapter au monde, dans l’espoir trompeur de pouvoir ainsi atteindre davantage de personnes. La Parole de Dieu doit être fidèlement prêchée (et surtout vécue !) dans toute son intégrité, dans toute sa difficulté, dans toute sa beauté et dans toute sa force victorieuse. C’est seulement de cette manière que ceux qui sont enfoncés dans les bourbiers d’un monde perdu, sans repères dans les ténè­bres, sans sens, sans direction, pourront être illuminés et régénérés par la puissance recréatrice souveraine de Dieu, par l’application à leurs vies de sa Parole puissante et efficace par le Saint Esprit.

5/ Et, enfin, il nous faut travailler sans relâche à récupérer la vision de l’Église qui fut celle de la tradition apostolique et catholique véritable, celle des Pères de l’Église Ancienne, celle de nos Pères de la Réformation du XVIe siècle, vision qui est celle de l’Église authentique de tous les temps. Dans cette vision, l’Église n’est jamais considérée comme un sim­ple rassemblement de chrétiens qui, par choix volontaire, se joignent à une institution ecclésiastique. Car l’Église, étant le corps de Jésus-Christ, préexiste ontologiquement et temporellement à ses membres. [28]L’Église visible est en effet la manifestation locale du corps mystique du Christ sur cette terre et c’est Dieu Lui-même qui, par l’action salvatrice du Saint-Esprit, ajoute constamment de nouveaux membres au corps de son Fils. En tant que croyants nous sommes surnaturellement greffés par l’Esprit Saint à ce corps par la seule foi en Jésus-Christ, ceci au moyen de la seule grâce de Dieu qui nous applique l’œuvre de justification parfaite accom­plie pour nous par son Fils à la croix, par la prédication fidèle de la Parole de Dieu et nous rend ainsi participants de la nature divine (II Pierre I: 4), ceci au travers de l’humanité de la Personne de Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, à laquelle le Saint-Esprit nous a greffés.

Cette œuvre de création nouvelle, par laquelle nous sommes scellés par le Saint-Esprit comme des pierres vivantes de la Jérusalem céleste n’est pas la nôtre mais celle de Dieu. C’est pour cela que toute espèce de mani­pulation psychologique ou mécanique dans l’œuvre de la proclamation de l’Évangile ou dans celle du travail pastoral doit être en horreur à ceux qui appartiennent à l’Église fidèle de Jésus-Christ. Car c’est en Christ que nous sommes, par grâce, adoptés comme enfants de Dieu, devenant ainsi les prémices de son Royaume éternel. C’est au travers de ses élus (dont nous sommes) que Dieu accomplira le renouvellement de toutes choses, pour la seule gloire de Son Saint Nom, Père, Fils et Saint-Esprit.

CONCLUSION

Comme le montre fort bien Pierre Courthial dans son admirable Jour des petits recommencements, le mot catholique tel qu’il est employé dans le Symbole de Nicée lorsque celui-ci affirme dans son article sur l’Église: « Je crois l’Église une, sainte, catholique et apostolique », ne se réfère pas sim­plement (et d’abord) à son universalité spatiale et temporelle. Cette expression se rapporte avant tout à la confession, par l’Église de Dieu, de l’intégralité de la vérité scripturaire. Car le mot grec katholikos, qui signifie littéralement, « selon le tout », se réfère avant tout à une totalité qualitative : « selon le tout de la Révélation normative qui est, pour l’Église, la Sainte-Écriture. » Courthial ajoute :

Être catholique, c’est respecter le tout inséparable du texte de l’Écriture, dans l’adoration de Celui qui en est l’Auteur premier et souverain ; c’est refuser de « choisir » dans l’Écriture ; c’est refuser l’hérésie (en Grec 1’aïresis = le choix; du verbe aïretizo — à l’aoriste: heretisa = choisir).

Ainsi le sola scriptura (= la norme, pour l’Église, c’est la seule Écriture) doit-il être accompagné du tota scriptura (= la norme, pour l’Église, c’est l’Écriture dans sa totalité). Selon l’Écriture Sainte = pas plus (sola), pas moins (tota).

Le mot opposé au mot catholique est le mot hérétique. Et vice versa. [29]

Ici Pierre Courthial se place résolument au cœur même de la Réformation du XVIe siècle. Il se tient clairement dans la lignée des Heinrich Bullinger, des Jean Calvin, des Pietro Martire Vermigli, des Pierre Viret et de Théo­dore de Bèze. Mais il en est d’autres, même en ce temps de faiblesse et de confusion, qui ont assumé cet héritage. Je citerai pour clore mon propos, un autre théologien des plus remarquables, mais peu connu, le pasteur Richard Paquier de l’Église réformée du canton de Vaud. En 1935, il écri­vait ces paroles étonnantes qui nous encouragent, face aux séductions d’un monde pluraliste, à nous attacher de tout notre cœur à l’intégralité de la foi chrétienne, à ce dépôt apostolique qui nous a été transmis une fois pour toutes par Dieu afin que nous le gardions :

Avoir l’esprit de catholicité, c’est vouloir être complet en non pas unilatéral, vivre un christianisme intégral et non tronqué, universel et non sectaire. Être catholique, c’est affirmer Dieu tout entier, l’Écriture tout entière, l’Église tout entière, le « cosmos » tout entier. C’est croire au Dieu trans­cendant et immanent, Principe et Énergie, au Dieu Trois et Un, Père, Fils et Esprit. C’est confesser Christ Dieu et Homme et non pas seulement le pro­phète, ou le prêtre, l’homme ou le Dieu, le Modèle moral ou l’Hôte mysti­que de l’âme, le Sauveur ou le Juge. C’est reconnaître l’Ancien Testament et le Nouveau Testament, celui-ci en entier : les Synoptiques et Jean, Paul et Jacques. C’est être en communion avec l’Église de tous les siècles, et non pas faire commencer l’histoire de l’Église à la Réformation, ou au contraire arrê­ter la vie de l’Église à son stade médiéval. C’est être en communion avec l’Église de la terre et avec l’Église du ciel, avec l’Église triomphante comme avec l’Église militante. C’est réaliser dans les sacrements et dans le culte l’union harmonieuse de la spiritualité et de la corporéité, de la nature et de l’esprit, de ce monde-ci et de l’autre. La catholicité, c’est l’attribut du christia­nisme complet, total, intégral. [30]

C’est dans cet esprit véritablement catholique que l’Église, colonne et appui de la Vérité, doit s’opposer, dans un esprit constant de réforme (semper reformanda ecclesia), à ceux qui cherchent à détruire l’ordre si divers et la beauté de l’œuvre du Dieu vivant. Car au nom de l’égalita­risme utopique des droits individuels de l’homme et d’un pluralisme radi­calement immanent ils font fi de la richesse et de la diversité si merveilleusement ordonnées de la création de Dieu. C’est cet ordre et cette beauté manifestes, entre autres dans la famille telle qu’elle a été voulue par Dieu, qu’on cherche partout à détruire. Mais nos pluralistes individualistes ont beau aboyer. L’œuvre de Dieu est indomptable et rien ne peut, en fin de compte, résister à la Parole divine qui ne quitte jamais la bouche de l’Éter- nel sans accomplir parfaitement le dessein de Celui qui l’a prononcée.

[1] Conférences données pour Les Journées Théologiques de l’IFED les 10 et 11 septembre 2004 à Padoue.

[2] Cette dernière institution appartient dans ses aspects célestes à la nouvelle création.

[3] Giambattista Vico, La science nouvelle, Nagel, Paris, 1953 (1744). Pour une analyse lucide de la portée de cette œuvre révolutionnaire fondatrice de l’historicisme moderne, voyez l’ouvrage du Cardinal Joseph Siri, Gethsémani. Réflexions sur le Mouvement Théologique Contemporain, Téqui, Paris, 1981, « L’altération de l’histoire », p. 117-366 et tout spécialement pages 153-175 consacrées à Vico.

[4] Elle a été magistralement décrite par Augusto del Noce. Voyez d’Augusto del Noce, L’irréligion occi­dentale, Fac-éditions, Paris, 1995 et L’époque de la sécularisation, Editions des Syrtes, Paris, 2001.

[5] Douglas Kelly, Création and Change, Focus Publications, 1997.

[6] Voyez l’ouvrage de Jean-Marc Berthoud, La Création, la Genèse et les fondements de la Métaphysique, à paraître aux Editions L’Age d’Homme à Lausanne.

[7] Il s’agit de manifester les perfections contenues en puissance dans la création du ciel et de la terre au premier jour. C’est l’œuvre des six jours. Sur cette question du déploiement progressif de la création dans toutes ses perfections avant le repos divin du septième jour, voyez les ouvrages suivants : Léon Elders, La théologie philosophique de saint Thomas d’Aquin, De l’être à la cause première, Téqui, Paris, 1995 ; La philo­sophie de la nature de saint Thomas d’Aquin. La nature, le cosmos, l’homme, Téqui, Paris, 1994 ; Oliva Blanchette, The Perfection of the Universe According to Aquinas, a Teleological Cosmology, Pennsylvania State University Press, University Park, 1992. Voyez également de Fr. Seraphim Rose, Genesis, Creation and Early Man. The Orthodox Christian Vision, Saint Herman of Alaska Brotherhood, 2000. Voyez également les travaux de Joseph de Tonquedec, La philosophie de la nature, (4 volumes), P. Lethielleux, 1956-1962; Richard J. Connell, Matter and Becoming, The Priory Press, Chicago, 1966; Substance and Modern Science, Center for Thomistic Studies, Houston, 1988; Nature’s Causes, Peter Lang, Berne, 1995; P. Hoenen, Philosophie der anorganische natuur, Philosophische Bibliotek, Antwerpen, 1947; Cosmologia, Pont. Universitatis Gregorianae, Rome, 1956.

[8] Plus loin dans le même livre nous lisons : Ainsi parle l’Éternel : Si je n’avais peu fait mon alliance avec le jour et la nuit. Si je n’avais pas établi les lois des cieux et de la terre. Alors je pourrais rejeter la descendance de Jacob et de David, mon serviteur. Et ne plus prendre dans sa descendance ceux qui domineront. Sur les descen­dants d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. (Jérémie 33 : 25-26)

[9] La Kabbale introduit un dualisme en l’homme en interprétant : « Il (Dieu) le créa (l’homme) homme et femme » ; cf. une certaine philosophie grecque reprise par Jung avec l’anima et l’animus. Pour l’actualité théologique de ces considérations gnostiques et féministes voyez l’étude de Peter Jones, Spirit Wars. Pagan revival in Christian America,  Main Enrry Editions, Escondido, CA 92205, 1997 et en particulier les cha­pitres, « The God of Ancient Gnosticism » (ch. 11) et « Gnostic Scxuality » (ch. 13). Il faut cependant ajouter que la version biblique de la personnalité « paternelle » de Dieu inclut aussi des caractéristiques que nous nommerions « maternels ». Ceci est tout à fait normal vu que ce sont l’homme ET la femme qui sont constitués à l’image de Dieu.

[10] Herman Dooyeweerd, A new Critic of Theoretical Thought, Presbyterian and Reformed, Nutley, 1969, Vol. III, p. 358 ff.

[11] Ibidem, p. 269.

[12] Francis Nigel Lee, Communist Eschatology, A Christian Philosophical Analysis of the Post-Capitalist Views of Marx, Engels and Lenin, The Craig Press, Nutley, 1974, p. 687-688.

[13] Pour une exposition de cette sociologie historique évolutionniste et matérialiste, voyez : Friedrich Engels, L’origine de la famille de la propriété et de l’État, Alfred Costes, Paris, 1948.

[14] Michael Cromartie (Ed.), A Preserving Grâce. Protestants and Catholics and Natural Law, Eerdmans, Grand Rapids, 1997. W. J. Cargill Thompson écrit très justement à ce sujet : « The Sixteenth Century Reformers did not, as one school of modern historians has maintained, either reject or even substantially modify the traditional medieval concept of natural law. On the contrary […] the theory of natural law was held just as strongly, if perhaps not always so consistently, by Protestants as by Catholics in the six­teenth century, and it is a mistake to assume that il had no place in Protestant teaching. »  W. J. Cargill Thompson, « The Philosopher of the “Politic Society” : Richard Hooker as a Political Thinker » in, W. Speed Hill (ed.), Studies in Richard Hooker, Press of Case Western Reserve University, Cleveland, 1972, p. 29. Cité par Olivier Loyer, L’Anglicanisme de Richard Hooker, Atelier Reproduction des Thèses, Lille, 1979, p. 735-736.

[15] Monisme ontologique épistémologique, un système de pensée unique s’appliquant de manière uniforme à tout ce qui est.

[16] André Lalande : Dictionnaire technique et critique de philosophie, P.U.F., Paris, p. 925.

[17] Il faut faire ici remarquer que cette méthode « résolutive – compositive » n’existait pas dans la science empirique précédant la révolution scientifique du XVIIe siècle, révolution opérée par Descartes, Galilée, Bacon, etc.

[18] Nous nous référons ici à la pensée sur les diverses sphères de la réalité du philosophe néerlandais Herman Dooyeweerd. Voyez de Herman Dooyeweerd, A New Critique of Theoretical Thought, Presbyterian and Reformed, Philadelphia, 1969, quatre volumes. Vous trouverez une excellente présentation de cette pen­sée dans la troisième partie, « Une vision théo-cosmonomique », de l’ouvrage de Pierre Courthial, De Bible en Bible, L’Age d’Homme, Lausanne, 2002. Cette pensée réformée rejoint, souvent sans s’en rendre compte, une tradition plus ancienne, aristotélicienne et thomiste, qui cherche à distinguer les divers ordres de la création, ordres différents qui doivent nécessairement susciter des méthodes d’approches scientifiques, elles aussi, diverses.

[19] Monisme gnostique et utopique, système de pensée idéaliste {utopique), totalisant (moniste) et rejetant l’ordre de la création comme mauvais (gnostique) qui a marqué toute la modernité occidentale. Voyez à ce sujet les nombreux travaux du philosophe et historien allemand, Eric Voegelin.

[20] Il faut ici se référer aux ouvrages lumineux de Jan Marejko et en particulier à son livre, La cité des morts. Avènement du technocosme, L’Age d’Homme, Lausanne, 1994.

[21] En passant, comment ne pas recommander la lecture d’un ouvrage incomparable qui met en lumière, de manière concrète et pleinement imaginée, le déroulement de l’histoire que je cherche bien faiblement à évoquer. Il s’agit d’une épopée moderne, d’un roman d’inspiration augustinienne qui nous permet de sai­sir le mouvement providentiel de l’histoire moderne. Ce roman épique évoque le combat entre les restes d’une chrétienté respectant encore la pluralité d’un univers créé et régi par Dieu et le Léviathan moderne, ce monisme gnostique institutionnel d’une dissociété totalitaire, qu’elle soit démocratique ou tyrannique, peu importe. Il s’agit du roman d’Eugenio Coni Le cheval rouge publié aux éditions Ares de Milan et par L’Age d’Homme à Lausanne. Cet ouvrage splendide contient dans toutes ses pages une défense, d’un réa­lisme et d’une beauté extraordinaires, de cette famille créationnelle et chrétienne si violemment attaquée aujourd’hui par Je nominalisme et le pluralisme ambiant.

[22] Constatons, en passant, que la tradition de réflexion philosophique catholique romaine, par son souci de l’ordre métaphysique de la nature créée, est plus apte à traiter utilement de telles questions que notre tradition réformée et évangélique. Car la réticence de cette dernière à examiner la nature métaphysique du monde créé, l’empêche de saisir intellectuellement la notion d’actes non seulement immoraux, mais con­tre-nature, opposés à l’ordre des premiers principes de la création.

[23] Comme critique fondamentale du féminisme voyez les ouvrages suivants : Evelyne Sullerot, Le fait féminin. Qu’est-ce qu’une femme ?. Centre Royaumont pour une science de l’homme, Fayard, Paris, 1978 ; Stephen B. Clark, Man and Woman in Christ. An Examination of the Roles of Men and Women in the Light of Scripture and the Social Sciences, Servant Books, Ann Arbor, 1980 ; John Piper et Wayne Grudem, Recovering Biblical Manhood And Womanhood : A Response To Evangelical Eeminism, Crossway Books, Wheaton, 1991.

[24] Aujourd’hui, le pape Benoît XVI.

[25] La formule est celle du Symbole de Nicée. Comme nous le verrons plus loin le terme catholique n’a pas le sens que lui donne l’expression « l’Église catholique romaine ». Cette formule contradictoire confond, dans sa prétention à l’exercice par une église locale (romaine) d’un impérialisme spirituel universel (catholique) sur toutes les églises du monde, deux termes qui doivent être soigneusement distingués. Une église locale ne saurait avoir des prétentions universelles, à moins de tomber dans les erreurs d’un modèle impé­rial. Le terme catholique tel qu’il est employé dans le Symbole de Nicée signifie : selon le tout, intégralité de la foi, foi complète. le mot œcuménique est l’expression utilisée anciennement pour signifier universel dans le sens spatial. Des expressions comme « femme pasteur » ou « catholique romain » ou encore « souveraineté populaire », sont ce que nous appelons des expressions bâtardes qui marient des notions à ne pas confondre, dans le but de déstabiliser l’ordre créé par Dieu. A ce sujet voyez l’ouvrage capital d’Arnaud-Aaron Upinsky, La tête coupée ou la parole coupée, O.E.I.L, Paris, 1991.

[26] Voyez les deux articles de Pierre Courthial, « La conception barthienne de l’Écriture Sainte, point de vue réformé » et « Karl Barth et les confessions réformées », in Pierre Courthial : Fondements pour l’avenir. Éditions Kerygma, Aix-en-Provence, 1981.

[27] Voyez le numéro 55-56, Mai-Juin 2005 de Résister et Construire, consacré en grande partie à la théolo­gie de N.T. Wright.

[28] Dans cette perspective voyez l’œuvre du pasteur américain d’abord presbytérien, puis luthérien, John Williamson Nevin qui, au milieu du XIXe siècle, se dressa contre le subjectivisme, le volontarisme et l’individualisme d’une grande partie du Christianisme de son pays. Voyez à ce sujet : Richard E. Wentz, John Williamson Nevin. American Theologian, Oxford University Press, Oxford, 1997; Sam Hamstra and Arie J. Griffioen, Reformed Confessionalism in Nineteenth Century America. Essays in the Thought of John Williamson Nevin, Scarecrow Press, Lanham, 1995; William DiPuccio, The Interior Sense of Scripture. The Sacred Hermeneutics of John W. Nevin, Mercer University Press, Macon, 1998, D. G Hart, John Williamson Nevin, High Church Calvinist (1803-1886), Presbyterian and Reformed, 2006. Voyez égale­ment dans une perspective luthérienne : Cari E. Braaten and Robert W. Jenson, The Catholicity of the Reformation, Eerdmans, Grand Rapids, 1996.

[29] Pierre Courthial, Le jour des petits recommencements, L’Age D’Homme, Lausanne, 1998, p. 133.

[30] Jean-Marc Berthoud, Des Actes de l’Église. Le Christianisme en Suisse romande, L’Âge d’Homme, Lau­sanne, 1993, p. 156-157, citant Richard Paquier, Vers la Catholicité Évangélique, Église et Liturgie, Cahier N° 6, Lausanne, 1935, p. 8.

Dans cette tradition qui cherche à travers toute l’histoire de l’Église de Dieu à « examiner toutes choses et à retenir ce qui est bien » (I Thessaloniciens 5 : 21), il nous faut nommer (parmi bien d’autres témoins mieux ou moins bien connus de notre héritage commun) :

— des figures orthodoxes, telles Irénée de Lyon, Athanase d’Alexandrie, Grégoire de Nazianze, Cyrille d’Alexandrie, Théodore de Cyr, Maxime le Confesseur, Grégoire Palamas, Wladimir Guettée, Justin Popovitch, Georges Florovsky et Dumitru Staniloae ;

— des figures anglicanes, telles William Tyndale, Thomas Cranmer, John Jewel, Richard Hooker, Lance­lot Andrewes, John Donne, Joseph Hall, James Ussher, John Owen, Charles Simeon, J. C. Ryle, C. S. Lewis, Philip Edgecumbe Hughes et James Packer ;

— des figures catholiques romaines telles Tertullien, Cyprien, Tyconius, Patrick, Augustin d’Hippone, Bérenger de Tours, Anselme de Canterbury, Robert Grosseteste, Thomas d’Aquin, Thomas Bradwardine, John Wyclif, Jean Huss, Jérôme Savonarole, Jacques Lefèvre d’Etaples, Blaise Pascal, Isaac-Louis Le Mais­tre de Sacy, R-L. Bruckberger, Florent Gaboriau et Eugenio Corti ;

— des figures luthériennes, telles Martin Luther, Philip Melanchthon, Martin Chemnitz, Johannes Albrecht Bengel, Johann Georg Hamman, Friedrich Julius Stahl, E. W. Hengstenberg, John Williamson Nevin et Dietrich Bonhoeffer ;

— des figures réformées telles, Martin Bucer, Jean Calvin, Heinrich Bullinger, Pierre Viret, Pietro Vermigli, John Knox, Théodore de Bèze, Jérôme Zanchi, Robert Rollock, Guillaume Salluste Du Bartas, Théo­dore Agrippa d’Aubigné, Pierre Du Moulin, Ghisbertus Voetius, François Turrettini, Bénédict Pictet, Jacques Saurin, Louis Gaussen, J. H. Merle d’Aubigné, Robert L. Dabney, Abraham Kuyper, Herman Bavinck, Auguste Lecerf, J. Gresham Machen, Klaas Schilder, Herman Dooyeweerd, Pierre Marcel, John Murray, Francis Schaeffer, Rousas John Rushdoony et Pierrc Courthial ;

— des figures évangéliques telles John Bunyan, Charles Spurgeon, Alexandre Vinet, Frédéric Godet, Arthur Pink, D. Martyn Lloyd-Jones et Philip Mauro.