L’éducation sexuelle : L’affaire de l’école ou celle des parents ? [1]
Depuis quelques années, on a introduit dans l’école vaudoise – comme dans celles de la plupart des autres cantons – des cours d’éducation sexuelle.
Ces cours sont donnés par des spécialistes, médecins et psychologues, qui, en informant les enfants sur les mystères de la reproduction, s’efforcent de respecter leur pudeur et leur fraîcheur d’âme.
La question demeure néanmoins posée de savoir si cet enseignement doit être dispensé par l’école, ou s’il demeure, comme devant être, l’affaire du milieu familial.
Un groupe de parents chrétiens, convaincus qu’il n’appartient pas aux enseignants de prendre la relève des parents, même défaillants, adressent au chef du Département de l’instruction publique et des cultes, M. le Conseiller d’État Raymond Junod, une lettre où ils exposent leur point de vue dans le détail.
Nous considérons que les divers aspects de l’éducation sexuelle évoqués dans ce document présentent suffisamment d’intérêt pour que nous en fassions la matière d’un dossier.
Les sous titres, destinés à rendre plus aisée la lecture de ce texte, sont de la rédaction.
Rédaction de la Nouvelle Revue de Lausanne
Monsieur le Conseiller d’État,
À la suite de l’entretien que nous avons eu avec le professeur Leresche et le Dr Delacoste, le 28 mars 1979, chez M. François Lanthemann, nous avons formulé, sous forme de lettre ouverte, les réponses suivantes à leurs propos ; réponses que nous soumettons à votre attention.
Dans son introduction, le professeur Leresche a affirmé que ce fut la constatation d’une lacune dans l’enseignement scolaire de l’anatomie qui l’incita à entreprendre l’enseignement physiologique de la sexualité aux élèves.
Une erreur grave
Nous devons constater ici une erreur grave. Il est sans doute utile d’étudier de manière scientifique (c’est-à-dire sans considération éthique) les différents organes du corps. Mais l’étude de la sexualité humaine, de par sa nature même, implique directement des considérations éthiques importantes.
Dans un canton où le respect des convictions religieuses – en principe chrétiennes – des parents est inscrit dans la Constitution (art. 18), de quel droit les éducateurs donneraient-ils aux enfants une éducation sexuelle – inévitablement éthique – à partir d’une position de neutralité scientifique totalement incompatible avec l’éthique du christianisme historique ?
Pour le professeur Leresche et le Dr Delacoste, la légitimité de l’éducation sexuelle à l’école semble aller de soi. À la fin de l’entretien, le Dr Delacoste nous a assurés que de toute façon ils poursuivraient leur action dans les écoles.
Nous devons affirmer que l’éducation sexuelle dans le cadre de l’école est en soi une intrusion inadmissible de l’État dans le domaine de la responsabilité des parents qui ont, eux, la charge de l’éducation morale de leurs enfants. Selon la constitution de l’État de Vaud, l’instruction publique doit se donner dans le respect des croyances religieuses et morales des parents (art. 18). La tâche de l’école publique doit, en conséquence, se limiter à l’instruction, et non empiéter sur l’éducation morale. Faute de quoi, il faudra envisager une instruction morale diversifiée selon l’optique de tous les parents qui confient leurs enfants à l’école publique. Mais, répétons-le, l’instruction éthique (sexuelle ou autre) n’est pas du ressort de l’école publique. Il y aurait lieu d’examiner si l’éducation sexuelle dispensée dans les écoles publiques n’est pas en elle-même une atteinte aux droits et aux responsabilités constitutionnels des parents.
Un milieu inadéquat
L’éducation sexuelle, telle qu’elle nous a été exposée par le professeur Leresche et le Dr Delacoste, se donne non seulement dans des classes ou des groupes de classes mixtes, mais également à des groupes d’élèves où l’état de préparation à la réception d’un tel enseignement est fort différencié.
Il nous paraît que l’enseignement d’une matière pareille ne peut en aucun cas se faire dans le cadre d’un groupe, et, en particulier, d’un groupe où se trouvent réunis garçons et filles. Tout enseignement éthique pratique, tel que celui-ci, revêt un aspect nécessairement personnel. Les besoins des élèves selon leur sexe, leur maturité, leurs circonstances morales et familiales, varient énormément. Le plus grand tort peut être fait aux enfants si on aborde avec eux certaines questions éthiques (surtout dans un domaine aussi délicat) avant qu’ils ne soient prêts à les assimiler. Par ailleurs, le fait d’aborder de telles questions ouvertement en public ne peut que porter une atteinte grave à une qualité fondamentale au développement de toute vie équilibrée, nous pensons à la pudeur.
Est-il nécessaire de rappeler que la pudeur – respect du caractère unique et mystérieux de l’acte d’amour par lequel la créature participe à l’œuvre créatrice de Dieu – n’est pas à confondre avec la pruderie – crainte malsaine d’une chose bonne en elle-même quand elle est vécue dans le mariage selon l’ordre voulu pour lui par Dieu. En conséquence, nous affirmons que la classe n’est en aucun cas le cadre juste pour dispenser un enseignement éthique pratique sur la sexualité, cette instruction devant toujours être soigneusement adaptée aux besoins particuliers et personnels des individus.
Les enseignants
D’après les renseignements fournis par le professeur Leresche et le Dr Delacoste, les cours d’éducation sexuelle sont donnés par des personnes extérieures à l’école et n’ayant en conséquence aucun rapport personnel avec les élèves, et n’ayant ainsi aucune possibilité de suivre par la suite ceux dont elles se sont occupées.
Tout enseignement éthique véritable engage obligatoirement celui qui le donne à des responsabilités morales précises envers les personnes qu’il conduit moralement. Vouloir donner un enseignement sexuel – nécessairement éthique, nous le répétons – et ne plus exercer la moindre responsabilité envers ceux que nous avons voulu conduire moralement, manifeste un manque évident de sens des responsabilités. Il est impossible pour un enseignant spécialisé, donnant trois fois deux heures de cours d’éducation sexuelle pendant toute la durée de la scolarité (comme c’est le cas dans le canton de Vaud), d’assumer une responsabilité morale personnelle et suivie à l’égard des élèves qu’il aura sous son influence. Le maître de classe, qui lui, voit ses élèves chaque jour et les connaît tous personnellement, serait – quelles que soient ses compétences scientifiques – dans une position bien supérieure aux spécialistes passagers de Pro Familia pour dispenser un tel enseignement éthique sur la sexualité. Lui, du moins, doit assumer certaines responsabilités à l’égard de ses élèves, et devant leurs parents, et à l’égard de ses supérieurs. Mais même ici, la position de responsabilité du maître de classe est insuffisante, car les responsabilités, les devoirs et les droits des parents sur leurs enfants priment, et de loin, sur ceux des enseignants.
Les enfants sont, devant Dieu, d’abord sous la responsabilité de leurs parents, qui doivent assumer eux-mêmes cette responsabilité, au besoin avec l’aide de personnes moralement compétentes de leur choix. Cette responsabilité des parents est primordiale dans l’ordre de la nature et tout pouvoir légitime de tout autre adulte sur les enfants ne peut que dériver du pouvoir des parents.
Le professeur Leresche et le Dr Delacoste nous ont fait remarquer que de nombreux parents étaient incapables d’assumer la responsabilité d’un tel enseignement éthique sur la sexualité. Le Dr Delacoste en particulier est allé jusqu’à affirmer que la plupart des parents de notre canton étaient foncièrement incompétents en cette matière. Ne trouverions-nous pas là l’expression d’un certain élitisme méprisant – qui ne doit sans doute pas être uniquement le sien – que nous trouvons regrettable chez quelqu’un exerçant des responsabilités publiques ?
La démission des parents
Il est évident qu’il existe à l’heure actuelle dans notre canton, pour des raisons sans doute diverses, une forte tendance à la démission des parents face aux responsabilités morales qu’ils devraient assumer à l’égard de leurs enfants. Mais remédie-t-on à ce mal, et n’encourage-t-on pas plutôt cette même démission des parents, en les remplaçant à l’école par des spécialistes d’éducation sexuelle qui ne sont que des pseudo-parents sans responsabilité parce qu’ab-sents ? C’est ainsi qu’au lieu de travailler à aider les parents à assumer eux-mêmes leurs responsabilités précises dans ce domaine à l’égard de leurs enfants, on contribue à la dislocation des familles en favorisant de prétendues solutions étatiques qui déchargent les parents de leurs responsabilités inéluctables. On encourage par cette pseudo-solution d’éducation sexuelle scolaire la tendance des parents à l’irresponsabilité et, en conséquence, on travaille à augmenter la méfiance des enfants envers leurs parents qui s’avèrent ainsi de moins en moins dignes de confiance. Il est un fait que l’histoire a maintes fois démontré : à savoir qu’aucune institution sociale ne peut remplacer le rôle éducateur des familles. Ni l’école, ni l’État, ni Pro Familia, ni les institutions religieuses ne peuvent remplacer les parents dans leurs responsabilités envers leurs enfants. En favorisant par des solutions de facilité la destruction de la famille, on travaille à la ruine de notre pays.
Le professeur Leresche et le Dr Delacoste nous ont déclaré que les parents qui ne désiraient pas que leurs enfants participent aux cours d’éducation sexuelle avaient le droit de retirer leurs enfants de ces cours.
Le fait que les parents aient la possibilité de retirer leurs enfants de ces cours n’enlève rien aux conséquences de cet enseignement. Sans parler des moqueries qu’ils subiront de la part de leurs camarades, ils apprendront inévitablement tout ce qui se sera dit durant ces cours en édition revue, corrigée et augmentée par l’imagination fertile et sans frein de leurs camarades. La liberté accordée aux parents réfractaires à cet enseignement sur la sexualité est bien relative. Il serait souhaitable que les enseignants et la direction des établissements scolaires exercent leur droit de refus face à un enseignement pareil.
Non-directivité ?
Le professeur Leresche, et plus particulièrement encore le Dr Delacoste, nous ont clairement laissé entendre que le principe directeur des cours d’éducation sexuelle dans le canton de Vaud était celui de la non-directivité. La personne dispensant cet enseignement doit se borner à permettre aux enfants de s’exprimer en toute liberté. Le rôle de l’enseignant doit se limiter à susciter de la part des élèves les réponses à leurs propres questions.
Signalons d’abord que le principe de non-directivité, qui est un des principes fondamentaux de la prétendue réforme que l’on cherche à imposer ouvertement, ou de manière indirecte, à la forme et au contenu de l’enseignement public dans notre canton, malgré son interdiction formelle par le Département de l’Instruction publique, est le contraire même de toute instruction, de toute éducation. L’éducateur – pour être digne de ce nom – ne peut que conduire son élève vers des connaissances qui lui étaient jusqu’alors inconnues. Comment peut-on, en même temps, conduire vers des connaissances et ne pas conduire l’élève, ne pas le diriger ? Si les moyens de raisonnement sont innés chez tout homme, le contenu de la pensée ne peut que venir de l’extérieur, de celui qui conduit l’élève vers les connaissances à acquérir, de l’éducateur, de la réalité objective ou du Créateur. Par exemple, tout enfant mentalement normal a la capacité intuitive, a priori, de parler. Mais les mots qu’il utilisera devront tous venir de l’extérieur, de sa mère, de ses frères et sœurs, de son entourage. C’est ici l’erreur fondamentale de Descartes (et de toute la philosophie idéaliste) qui posait à la base de toute connaissance l’idée a priori de Dieu, idée innée et intuitive. À la base de cette théorie se trouve l’idée que l’enfant, tel Dieu, contient toutes les connaissances en lui-même, et qu’il faut non le conduire vers des connaissances qui lui sont extérieures – en termes philosophiques des connaissances a posteriori – mais qu’il faut faire sortir toutes choses de son propre fond, comme l’araignée extrait le fil dont elle fait sa toile de son propre ventre ! Il est évident que celui qui applique les méthodes prétendues non-directives de manière suivie n’apprendra rien d’utile à ses élèves et finira par les diriger vers le mal. C’est ce que l’on peut en fait observer dans de nombreux pays où l’on est revenu de cette malheureuse expérience. Entre-temps une génération d’enfants a été sacrifiée sur l’autel d’une idée fausse et nuisible. Nous ne voyons pas de quel droit l’école publique se permettrait de faire de telles expériences pédagogiques sur nos enfants, d’autant plus que ces expériences de non-directivité se sont avérées catastrophiques dans tous les pays où elles ont été appliquées. Ce que désirent les pédagogues vaudois et les autorités placées au-dessus d’eux, est-ce vraiment l’abêtissement durable de notre population ?
Pas d’inhibitions
Le professeur Leresche et le Dr Delacoste nous ont longuement expliqué que la démarche pédagogique des éducateurs en sexualité de Pro Familia cherchait avant tout à désinhiber les enfants afin qu’ils puissent, sur ce sujet délicat et parfois scabreux, s’exprimer avec la liberté la plus absolue. Toute retenue, toute pudeur, devaient être bannies, et parents ou maîtres, sources d’inhibitions chez les enfants, ne devaient en aucun cas assister aux leçons d’éducation sexuelle que recevaient leurs propres enfants ou leurs élèves.
À la base de ces propos se trouve l’idée que ce sont les inhibitions et les causes extérieures d’inhibitions, chez les élèves, qui sont en elles-mêmes mauvaises. Évidemment, le corollaire de cette affirmation est l’idée rousseauiste que l’enfant en lui-même est bon naturellement, et que ce sont des contraintes extérieures, moralement inhibantes, que la société lui impose, que vient tout le mal. En conséquence, pour que l’enfant puisse s’épanouir, il faut le laisser libre (c’est-à-dire libre des contraintes sociales inhibantes ordinaires du maître ou des parents), car il possède tout le bien naturellement en lui-même. Pour cette raison, l’éducation sexuelle désinhibante, libératrice, pour tout dire salvatrice (car il ne s’agit plus d’éducation mais d’une nouvelle religion humaniste), doit être donnée :
– a) par une personne n’ayant aucun rapport moral fixe de vraie responsabilité durable avec les élèves ;
– b) en l’absence des parents dont la présence inhibante serait une manifestation visible des valeurs éthiques fixes qu’ils cherchent à inculquer à leurs enfants ;
– c) en l’absence des maîtres qui, eux, exercent une autorité quotidienne sur les élèves, et ayant une responsabilité précise à leur égard, pourraient, par leur présence, empêcher les enfants de s’exprimer avec la totale liberté voulue par l’éducateur en sexualité.
Il est évident qu’en dépersonnalisant ainsi les rapports humains dans la classe, nos éducateurs sexuels cherchent à établir une dynamique collective analogue à celle qui se développe entre le patient et son psychanalyste. Il faut la liberté absolue d’expression, car seule l’expression libre – c’est-à-dire sans inhibitions morales – peut guérir. Ne nous trompons pas, selon l’optique de nos éducateurs – libérateurs – il faut guérir les enfants de l’influence nuisible inhibante de leurs parents et de leurs maîtres. Rappelons simplement que, selon les théories de Freud, toute inhibition morale est source de névrose et obstacle à l’épanouissement du moi véritable. Ainsi sont ouvertes les vannes de l’anarchie morale et de la révolution.
Cette vision rousseauiste et freudienne de l’homme naturellement bon, qui transparaît des propos du professeur Leresche et du Dr Delacoste, est-elle compatible avec la réalité humaine telle que nous l’observons, et la révélation chrétienne historique ?
Sexualité et christianisme
L’observation de n’importe quel petit enfant montre qu’il y a en lui de fortes tendances égocentriques. Les parents, les frères et sœurs, les petits amis, les camarades d’école, les enseignants, en somme toute la dure réalité qui lui est extérieure, tant naturelle que sociale, doit lui apprendre qu’il y a des règles, des lois physiques et morales qu’il faut observer si l’on veut vivre avec ses semblables. Par ailleurs, tout l’enseignement du christianisme historique nous permet de comprendre cette constatation naturelle, car l’Écriture nous enseigne que l’homme est, depuis la Chute, pécheur, et que, laissé à lui-même, il est naturellement incliné au mal. Ainsi, si on laisse aux enfants l’entière liberté de s’exprimer sur un sujet particulier, telle la sexualité par exemple, les pensées et les impulsions les plus mauvaises qui sommeillent en eux s’exprimeront aussi. L’Écriture nous enseigne également que les autorités sont établies par Dieu pour réprimer le mal, pour freiner la tendance naturelle de l’homme pécheur vers le mal. Ainsi, la vue du gendarme freine notre tendance à enfreindre le code de la route. En ce qui concerne nos enfants, les autorités familiales et scolaires ont un effet inhibiteur bénéfique sur leurs impulsions naturelles mauvaises. Par ailleurs, nous savons que le mal ne peut être enlevé ni par la loi, ni par l’éducation, ni par l’action disciplinaire des autorités, mais par Jésus-Christ seul qui a expié ce mal une fois pour toutes à Golgotha, dans le temps et dans l’histoire, afin que nous obéissions à Sa volonté. Vu l’héritage chrétien qui aujourd’hui encore est le fondement de ce qui demeure sain dans notre pays, il serait souhaitable que nos autorités, en particulier nos autorités scolaires, tiennent compte de ces réalités.
Le professeur Leresche ainsi que le Dr Delacoste nous ont bien fait comprendre que, sur le plan éthique, quelles que puissent par ailleurs être leurs convictions personnelles, ils désiraient maintenir une attitude strictement neutre. La règle absolue de Pro Familia, selon eux, est de ne jamais indiquer, recommander, ou conseiller un comportement éthique précis quelconque. Il s’agit de responsabiliser les enfants, c’est-à-dire de leur expliquer tout le processus de l’acte sexuel avec tous les moyens visuels à l’appui, de leur présenter tous les moyens anticonceptionnels chimiques et mécaniques, en leur indiquant comment les obtenir. Mais surtout de les laisser libres de vivre la vie sexuelle de leur choix. On les persuade que l’être responsable est celui qui aura réussi à éviter d’avoir un enfant.
Le bien… ou le mal ?
En premier lieu, nous pouvons affirmer qu’en éthique la neutralité n’existe pas. On est ou pour le bien, ou pour le mal. Si on se prétend neutre, on met en effet le mal sur le même plan que le bien et, en conséquence, on abolit la différence absolue entre le bien et le mal, on fait une œuvre de confusion morale encore plus grave que si on s’opposait ouvertement et cyniquement au bien. Mais nous avons déjà constaté, qu’en fait, une telle prétendue neutralité éthique dissimule une éthique bien précise. Mais cette éthique sexuelle de nos éducateurs non directifs, qui désirent désinhiber et responsabiliser les enfants qui leur sont livrés, est si contraire à l’éthique chrétienne et au simple bon sens, qu’elle n’ose pas se montrer ouvertement telle qu’elle est. En effet, la conscience n’est pas si libre que cela. Notre responsabilité n’est pas simplement envers nous-mêmes. La conscience est régie par une loi fixe, la loi morale de Dieu résumée par les Dix commandements et révélée du Ciel à Moïse, sur le Mont Sinaï, à cause de l’existence du péché. L’homme n’est pas simplement responsable envers ses propres impulsions, ce qui serait une excellente manière de définir l’irresponsabilité – mais envers Dieu, envers la loi fixe, immuable de Dieu, reflet éthique précis de la sainteté de Dieu et ordre établi par Dieu dès la création pour la vie et le bonheur des hommes.
La désinhibition – plutôt la démoralisation – des élèves, que nous proposent nos éducateurs, ne laisse aucunement les élèves libres, mais bien plutôt les livre à leurs tendances les plus anarchiques, les plus mauvaises. Dans une classe livrée à une pareille liberté, l’influence dominante sera inévitablement aux éléments les plus anarchiques, les plus mauvais. Ainsi, la liberté de nos éducateurs est pour le mal et non pour le bien.
Irresponsabilité
Cette méthode éducative ne tient aucunement compte de la nature fragile et influençable des enfants et des adolescents, qui n’ont en général ni l’expérience de la réalité, ni l’affermissement personnel que seule donne la dure expérience de la vie, ni une maturité morale et spirituelle suffisante pour juger correctement de pareilles questions éthiques. Il est tout à fait irresponsable de la part d’un éducateur de mettre des enfants et des adolescents devant des choix qu’ils ne peuvent pas assumer. Cette responsabilisation des enfants n’est rien d’autre que la démission des éducateurs en sexualité face à leur responsabilité précise à l’égard des enfants qui leur sont confiés.
Il est par ailleurs tout à fait erroné de prétendre que, dans une classe dirigée de cette manière par un éducateur en sexualité passager, les enfants soient en fait libres de l’influence de l’animateur. La méthode de dynamique de groupe ici pratiquée permet toujours à l’animateur discret de diriger à son gré, et sans en assumer ouvertement la responsabilité, les membres du groupe. Il n’a, en effet, à rendre compte ni de ses paroles ni de ses actes dans la classe, ni auprès des parents des élèves, ni auprès de la direction de l’école comme le doit un véritable maître. Ceci est d’autant plus vrai dans un groupe où des enfants et des adolescents influençables sont livrés entre les mains d’animateurs rompus, selon le Dr Delacoste, aux méthodes modernes de manipulation.
Et la morale ?
Ce qui nous a particulièrement choqués de la part du Dr Delacoste, qui professe être un catholique romain pratiquant, est sa conviction partagée par le professeur Leresche et l’ensemble des éducateurs en sexualité de Pro Familia, qu’ils doivent ne jamais émettre de conseils éthiques précis devant leurs classes. Par ailleurs, il était évident, d’après les propos de nos deux spécialistes, que l’éducation sexuelle – ou plutôt génitale – donnée aux élèves, ne tenait aucunement compte de l’enseignement chrétien sur la chasteté pré-conjugale et sur l’obligation d’exercer la sexualité uniquement dans le cadre du mariage monogamique. Il est d’autre part proprement scandaleux, vu l’opposition foncière de l’Église catholique romaine ainsi que de nombreux protestants et évangéliques aux méthodes contraceptives chimiques ou mécaniques, que ces méthodes soient exclusivement recommandées par les responsables de Pro Familia. Il nous paraîtrait, en effet, que le but poursuivi par MM. Delacoste et Leresche ainsi que par Pro Familia dans les écoles soit essentiellement de permettre aux élèves de savoir comment effectivement stériliser l’acte sexuel afin que la conséquence normale, l’enfant, ne se manifeste jamais. À notre avis, cela conduit non à l’éducation sexuelle des jeunes mais à la perversion systématique de toute la jeunesse de notre canton. Et les statistiques démographiques de notre canton démontrent avec éloquence que l’encouragement donné par l’État à la stérilisation systématique de l’acte sexuel conduit à la dépopulation de notre pays. De la part de nos autorités, il s’agit à long terme d’une entreprise de génocide. De la part de notre population, qui soutient par ses actes, ses votes et ses deniers, une telle politique, l’on ne peut parler que de suicide collectif.
Les lois éthiques résumées par les Dix commandements ne sont pas moins immuables que les lois de la physique. On ne les viole jamais, ni les unes ni les autres, impunément. La prétendue neutralité objective de nos éducateurs n’est qu’un leurre. S’ils ne recommandent pas un comportement précis aux élèves qui leur sont confiés, sur des questions éthiques aussi capitales pour le déroulement de toute une vie, ils se comportent de fait avec moins d’intelligence, et de manière plus irresponsable, que les pires parents. Les parents, eux, sont obligés, par les circonstances mêmes de leur vie familiale de tous les jours, de savoir que les idées ont des conséquences et que les actes ne sont pas sans lendemain. Les enfants et les adolescents qui reçoivent une telle éducation sexuelle non directive et désinhibante, ne s’y trompent pas : ils suivront – à l’exception de quelques cas vraiment héroïques et d’enfants soutenus par des familles véritablement chrétiennes – les impulsions, maintenant sans frein moral précis, de leur chair. D’autant plus qu’avec l’enseignement contraceptif précis qu’ils reçoivent – et là les précisions ne manquent pas ! –, ils peuvent sans peine éluder les conséquences physiques normales de leurs actes sexuels. Ainsi, de nombreux jeunes sont encouragés par nos éducateurs – et par les autorités qui leur permettent d’agir de cette façon – à entrer dans la voie large et facile de l’irresponsabilité qui, elle, entraîne des conséquences inéluctables pour cette vie et pour la vie à venir.
La perversion de notre population
Il est manifeste que les responsables de Pro Familia ne sont pas seuls à œuvrer ainsi à la perversion de notre population. En outre, dans les consultations gynécologiques, les patientes sont très souvent orientées vers un planning familial dont le ressort est la crainte de la fécondité. Après les questions de routine, les méthodes contraceptives mécaniques et chimiques sont presque toujours immédiatement proposées aux consultantes qui ne les emploient pas. On cherche même à les culpabiliser si elles les refusent. Après le deuxième enfant, la stérilisation de la mère est bien souvent proposée sans autre, et au troisième, on fait sentir aux mères qu’elles doivent absolument cesser d’avoir des enfants. N’oublions pas aussi que, grâce à la propagande active de lutte contre le cancer, la plupart des femmes, mariées ou non, vont se faire contrôler régulièrement, ce qui est une bonne chose. Mais elles recevront aussi systématiquement ce matraquage antinatal. Ainsi se dépeuple notre pays.
Veuillez agréer, Monsieur le Conseiller d’État, etc.
Association vaudoise de Parents chrétiens
avril 1979
[1]. Tiré à part avec l’autorisation de la Nouvelle Revue de Lausanne des 12 et 13 juin 1979. Plusieurs paragraphes de ce texte ont été ultérieurement repris dans notre étude « L’enseignement chrétien et les erreurs de l’épanouissement du moi en éducation ». Vu l’importance de ce document fondateur de l’Association vaudoise de Parents chrétiens, nous le reproduisons intégralement.