Le professeur Jacques Ellul distingue avec beaucoup de netteté, et très justement, le règne de la grâce de celui des lois contraignantes et cruelles de la Nécessité. L’essentiel de son œuvre est un étonnant effort pour définir la réalité totalitaire que nous vivons à notre insu[1]. Mais s’il y a une réserve à émettre sur cette œuvre c’est qu’elle manifeste une réelle méconnaissance de l’ordre temporel (et temporaire) de la Loi de Dieu où l’exercice de l’autorité, de la violence juste du glaive établi par Dieu, retient la croissance cancéreuse du mal, tient les malfaiteurs en respect, Et en ceci son auteur manifeste une tendance de la tradition réformée. Dans leur réaction juste contre la doctrine du salut par les œuvres de la chair, les réformateurs ont insisté sur la doctrine du salut par la foi seule. Mais en affirmant avec l’apôtre Paul l’entière futilité pour le salut des œuvres de l’homme charnel, de l’homme naturel, en niant ainsi toute possibilité naturelle de l’homme de participer à la vie de Dieu, Luther et Calvin n’ont pas prêché toute la doctrine du Christ. Ils ont minimisé la doctrine scripturaire des œuvres de la foi, des œuvres de justice que Dieu attend de nous, œuvres préparées par Dieu pour les saints avant même la création du monde. Il s’agit de cette sanctification en Christ sans laquelle nul ne verra Dieu. Ainsi est déconsidérée l’humble marche quotidienne du Chrétien qui par l’Esprit Saint se conforme petit à petit au Christ dans toutes ses activités terrestres au travers d’une simple fidélité aux commandements de Dieu. Rappelons simplement ici la boutade de Luther sur l’épître de Jacques qu’il traitait « d’épître de paille », ainsi que la fausse doctrine calviniste des « vocations » terrestres qui mena au développement du capitalisme industriel puritain impie[2]. L’absence du sens positif des institutions humaines établies par Dieu, ainsi qu’une minimisation de la portée de la juste et bonne Loi divine (donnée pour protéger et faire vivre l’homme sur cette terre déchue où il est entouré des forces démoniaques de mort et de corruption) diminue malheureusement la portée de l’œuvre de discernement accomplie par Jacques Ellul. Ici nous reconnaissons l’influence nuisible de la théologie de Karl Barth. Voici le fruit malheureux d’une spéculation théologique qui méprise la lettre de l’Écriture, l’historicité de l’action de Dieu auprès des hommes et en conséquence refuse de reconnaître la valeur indispensable des humbles institutions humaines établies par Dieu.

L’étude de Jean Madiran manifeste les qualités de clarté et d’équilibre caractéristiques de la plupart de ses écrits. Les citations nombreuses de Pie XII qui y sont contenues réclament quelques précisions.

Comme nous l’affirme Jésus-Christ, son Royaume n’est pas de ce monde. Et les disciples de Jésus ne sont pas plus grands que leur maître. Le pape en se proclamant « vicaire du Christ » a décidé d’assurer dès ici-bas le règne à venir du Christ. À Dieu a été rendu ce qui est à César. Comme le disait l’apôtre Paul aux Corinthiens, Jésus-Christ pouvait le dire aux papes de tous les temps, « sans nous, vous avez commencé à régner » (1 Cor. 4 :8). Ainsi, de même que les pharisiens se soustrairaient aux paroles exigeantes de la Loi de Moïse, de pareille façon, ceux qui se prétendent chefs des chrétiens se dérobent aux paroles du Christ et des apôtres,

« Les scribes et les pharisiens sont assis dans la chaire de Moïse. Faites donc et observez tout ce qu’ils vous disent ; mais ne faites pas comme eux, parce qu’ils disent et ne font pas. » Matthieu 23 :2-3

« …éprouvez toutes choses, et retenez ce qui est bon… » 1 Thes. 5 :21

C’est dans ce sens, et avec ces réserves que nous vous présentons le texte de Jean Madiran où Pie XII est abondamment cité. Il met remarquablement en lumière la croissance cancéreuse d’un état démesuré ayant très largement, et depuis longtemps, dépassé le but limité que lui avait assigné Dieu : maintenir la paix civile par l’usage du glaive afin que la Loi de Dieu soit respectée parmi les hommes et que les malfaiteurs soit punis. Dans ce texte nous trouvons : bien nettement la distinction entre l’ordre temporaire de la loi divine et le désordre figé de l’état bureaucrate amoral, utilitaire et omniprésent.

Mais le malheur est que cette croissance démesurée de l’état centralisateur moderne qui à grandi par la destruction des corps intermédiaires[3], à son origine dans l’Église elle-même. La papauté médiévale fut tentée, et succomba, à la tentation du règne politique, tentation à laquelle, pour notre salut, Christ avait résisté victorieusement.

« Et le diable, l’ayant emmené, lui fit voir en un instant tous les royaumes du monde, et lui dit : Je te donnerai toute cette puissance et la gloire de ces royaumes ; car elle m’a été donnée, et je la donne à qui je veux. Si donc tu te prosternes devant moi, toutes ces choses seront à toi. » Luc 4 :5-7

Ainsi, l’Église médiévale, sous l’impulsion de l’ambition de l’évêque de Rome, abandonna le témoignage du Royaume – Royaume, qui dans sa puissance est à venir, et qui maintenant se manifeste que dans notre faiblesse, que dans l’était de serviteur, afin que toute la gloire en revienne à notre Seigneur et Roi Jésus-Christ – oui, abandonna cet offre merveilleuse de Dieu de partager le règne de Jésus-Christ à sa parousie, pour devenir une des puissances de ce monde de ténèbres. L’on pourrait noter un fait parmi tant d’autres : le seul interlocuteur acceptable en Occident au Grand Khan au XIIIe siècle, et il ne s’y trompait pas, n’était-il pas le pape Innocent IV ?[4]. La renaissance des états occidentaux à la romaine, états machiavéliques et utilitaires se développant selon les normes de pure efficacité amorale et anti-christique, a son origine dans la volonté de puissance de la papauté médiévale[5].

« A la vérité, ce n’est pas dans l’ordre temporel qu’a triomphé d’abord l’idée d’une autorité monopolisée, concentrée en un point et s’exerçant sur tous les points d’une façon immédiate. C’est dans l’Église que cette idée a remporté sa première victoire, au profit du pouvoir pontifical. Comment les évêques de Rome ont transformé une simple prééminence dans l’Église en une plénitude de puissance sur l’Église, c’est ce que l’on sait mal, ce grand changement se situant dans les Âges historiquement obscurs[6]. Mais que cette concentration de l’autorité ait servi de modèle à celles qui se sont produites dans le règne politique, c’est chose manifeste. La notion de majesté « pleine et ronde » » a été restituée par les papes.

Non seulement par son exemple, mais aussi par la menace de domination qu’elle constituait, la puissance ecclésiastique en se monarchisant, à poussé à la monarchisation de la puissance royale. Les études des romanistes ont fait resurgir l’image de l’empereur tout puissant, maître des lois. Image que les rois ne voulaient point laisser évoquer tant que son prestige eût profité à l’empereur, de sorte qu’ils décourageaient autrefois les recherches de droit romain. Mais la puissance impériale affaiblie par les papes ne pouvait plus attirer à son profit une majesté qui semblait désormais promise aux rois. Aussi vit-on Édouard Ier, « le Justinien anglais », introduire le droit romain en son pays à la fin du XIIIe siècle ; et Philippe le Bel protégez le juriste normand Pierre Dubois.

La plenitudo potestatis devenaît le terme auquel tendaient consciemment les rois. Pour y atteindre une longue route s’étendait devant eux. Il s’agissait en effet de détruire tous pouvoirs autres que le leur. Ce qui supposait une entière subversion de la forme sociale existante. Cette lente révolution à constitué ce que nous appelons la souveraineté. »[7]

Voici l’origine moderne de la bestialité étatique que nous vivons. Il s’agirait d’ailleurs de noter la réapparition du droit romain par le biais du droit canon ; de relever la part de la papauté dans l’élaboration des techniques bancaires[8] ; d’autre part l’on peut observer que l’Inquisition est à la base de la plupart des méthodes policières développées par les régimes totalitaires de notre siècle. Mais à la base de tout ceci se trouve la résurgence de la vision politique laïque d’Aristote sans laquelle l’état moderne n’aurait jamais vu le jour. En fait les techniques policières, financières et administratives indispensables à l’établissement d’un état centralisé et puissant, ont, en bonne partie, été inventé et perfectionnées pour répondre aux besoins policiers fiscaux et administratifs du gouvernement européen de l’évêque de Rome[9]. Ce caractère terrestre et mondain de cette institution religieuse semble bien durable quand l’on constate l’intense volonté actuelle du Vatican de se concilier le monde communiste, la technocratie, l’humanisme libéral franc-maçon, et même le paganisme afin de préserver un pauvre reste de son ancienne puissance[10]. Voici le fruit amère au messianisme romain qui n’a su persévérer dans l’opprobre du Christ en attendant avec patience que le règne vienne. En disant ceci, il ne s’agit nullement de dénigrer l’immense œuvre sociale, charitable et de conciliation politique accomplie par l’Église médiévale.

L’identification du règne de mille ans (Ap. XX :1-10) avec l’Église, que l’on trouve dans la « Cité de Dieu » de Saint Augustin (XX, 7,8,9) a provoqué un messianisme institutionnel (par opposition au messianisme révolutionnaire utopique) à la base de la conception médiévale erronée de « société chrétienne ». C’est de ce messianisme institutionnel ecclésiastique qu’est sorti l’état total moderne. Il y a bien une société terrestre à ordonner selon la loi de Dieu, mais l’Évangile nous annonce un autre Royaume qui, lui, est à venir. L’Église de Dieu sur cette terre n’en est que les PRÉMICES.

« Tous ceux-là qui sont morts dans la foi, sans avoir reçu les choses qui leur avaient été promises ; ils les ont seulement vues et saluées de loin, ayant fait profession d’être étrangers et voyageurs sur la terre. Ceux qui parlent ainsi montrent bien qu’ils cherchent une patrie. S’ils avaient songé à celle dont ils sont sortis, ils auraient eu le temps d’y retourner, mais ils désiraient une patrie meilleure, la patrie céleste ; aussi Dieu n’a-t-il pas honte de s’appeler leur Dieu, car il leur à préparé une cité. » Hébreux 11 :13-16.

Mais si nous voulons absolument parvenir à une « société chrétienne » dès ici-bas et maintenant, avant le retour de notre Seigneur Jésus-Christ, nous aboutirions au règne de l’Inquisition. C’est ce qui est arrivé au moyen âge et dans une moindre mesure à la Réforme.

Par la suite le messianisme religieux des états chrétiens (cujus regio eius religio) s’est transmué en messianisme politique et social. Et le désir absolu de parvenir à une société parfaite, au millénium nazi, communiste ou technocratique, aboutit nécessairement à la Gestapo, à l’archipel Goulag et aux paradis artificiels et meurtriers de la drogue et de l’érotisme avorteur. Sans Dieu l’on ne peut que changer la vie en enfer.

Voici le fruit du totalitarisme idéaliste qui tire ses racines idéologiques de la « République » de Platon et de la « Politique » d’Aristote, pour tout dire de l’idéalisme grec. Quand donc arriverons-nous à comprendre les profondes raisons de l’Écriture Sainte quand elle nous engage à nous méfier des séductions de la philosophie ? Quand donc choisirons-nous l’arbre de vie qu’est la croix de Jésus-Christ et abandonnerons-nous l’arbre de la mort, l’arbre de la connaissance du bien et du mal dont le fruit vénéneux sont l’éthique, la raison et sa science autonomes de Dieu ? À quel horreur va donc aboutir notre messianisme scolaire et législatif qui s’imagine changer l’homme par la puissance de l’enseignement et des lois, ni l’un ni l’autre ordonnés selon les commandements de Dieu ! Voyons donc quel mort sévit parmi les hommes, parmi les sociétés et les institutions humaines, parmi toutes les créatures de Dieu. Ouvrons donc les yeux et voyons de quelle mort est menacée la terre elle-même depuis que l’homme, dans sa faiblesse et son orgueil, au mépris de la loi de Dieu, s’est livré corps et âme à cette forme suprême de l’idéalisme philosophique, la pensée mathématique scientifique ! Nous prouvons par expérience la vérité de ce que nous disait Dieu dans le troisième chapitre de la Genèse. Le fruit de la science c’est la mort.

« Que servirait-il à un homme de gagner le monde entier s’il perdait son âme » Matthieu 16 :26.

Si l’on examine attentivement le rôle qu’ont joué dans l’histoire les ordres religieux directement soumis à la papauté, tels que les Dominicains, les Franciscains et les Jésuites, l’on retrouvera le même schéma d’infiltration, de noyautage et de subversion de l’autorité des corps intermédiaires locaux de l’Église – et parfois même des états qui s’opposaient à la. politique des papes – que l’on trouve actuellement dans l’action de la subversion marxiste vis-à-vis de toutes les institutions de la société.

Actuellement, dans les diverses Églises, tant dans l’Église catholique romaine que dans les Églises issues de la Réforme, le danger n’est plus (est-il nécessaire de le dire ?) dans l’extension abusive d’un pouvoir légalement établi, mais bien plus dans l’extension abusive d’une puissance parallèle et illégale se substituant à l’autorité légitime dans l’Église.

Aux dépens de l’autorité responsable et canoniquement établie de l’évêque ou du prêtre, se développent des institutions pseudo-démocratiques, parfaitement illégitimes et irresponsables, et bien trop souvent puissamment noyautées par des groupes d’action hérétiques. Ici l’on reconnaît ces croissances cancéreuses que sont les soi-disant Synodes et Commissions d’Évêques.

Chez les Protestants nous voyons des choses tout-à-fait analogues avec des institutions tels que le Conseil Œcuménique des Églises, avec les comités dirigeants des différentes Fédérations Nationales d’Églises Protestantes qui, illégitimement et malhonnêtement s’arrogent des droits au-dessus des Églises elles-mêmes et de leurs Synodes. Ainsi l’on voit s’installer un pouvoir parallèle et parfaitement irresponsable qui, se substitue petit-à-petit à l’autorité légalement établie, et contrôlable par les fidèles des diverses Églises. C’est évidemment l’action d’une subversion cherchant à instaurer la dictature d’un groupe de pression hétérodoxe sur chacune des communautés religieuses. Nous pouvons constater ici l’application parfaite de consignes telles que celles contenues dans le document « Li Wei Han » que nous avons reproduit. C’est ceci que relevait Mgr. Marcel Lefèbvre dans une interview accordée durant le Concile Vatican II au R.P. Wiltgen,

« …il ne pensait pas que de puissantes conférences épiscopales pussent constituer une menace pour la papauté, mais qu’il y voyait une menace pour le magistère et la responsabilité pastorale des évêques pris individuellement… Il était aisé de concevoir que « trois, quatre où cinq évêques auraient, dans une conférence épiscopale nationale plus d’influence que les autres et prendraient la direction des manœuvres. » Il voyait là un danger pour l’autorité magistrale et pastorale de chaque évêque, qui est, d’institution divine, docteur et pasteur de son troupeau. »[11]

C’est un principe que démontre Jacques Ellul dans l’étude que nous publions à savoir que jamais la révolution ou la subversion n’ont été nuisibles, en fin de compte, à la puissance de l’état centralisateur. Que ce soit dans le passé ou à présent, dans la société profane ou dans l’Église, l’accroissement de la puissance du centre de l’édifice se développe toujours au dépens des corps intermédiaires, des évêchés, des paroisses, des synodes.

« Profanes ou confessionnelles les sociétés actuelles évoluent vers un type massif et grégaire, ou des formes classiques de despotisme font place au conditionnement idéologique, publicitaire, sociologique. On y désapprend à juger et à décider par soi-même.On n’aperçoit plus de responsabilité personnelles… On n’y peut plus rencontrer et saisir la pensée ou la décision d’un homme de chair et d’âme. C’est « le mouvement », ou « l’association », ou « la commission », ou « le comité central », ou « le journal », ou « le parti » qui pensent et qui décident… Nous voici dans un univers de « personnes morales », c’est-à-dire un univers ou il n’y a plus de personnes… »[12] 

Ainsi s’exprimait Jean Madiran. Avec la venue de la dynamique de groupe et des moyens de la propagande et de la publicité l’on constate que la tyrannie a changé de visage. La réalité n’en est que devenue pire.

Mais ces constatations ne peuvent en aucun cas conduire le chrétien à œuvrer pour renverser l’état dans l’illusion utopique de pouvoir ensuite ériger un système juste sur les ruines de l’injustice qu’il aurait renversée. L’usage de la violence ainsi que la soumission aux séductions de l’injustice révolutionnaire pavoisant les contrefaçons de la justice, ne peuvent que renforcer le mal. Le chrétien doit accomplir sa vocation céleste : renverser la puissance du mal par la victoire de la croix de Golgotha en rendant pour le mal, le bien. Car comme nous le dit l’apôtre Paul notre combat n’est pas celui de la chair, combat contre des institutions et des hommes. C’est un combat spirituel contre les puissances diaboliques derrière les manifestations du mal qui détournent les institutions nécessaires à notre vie terrestre de leur juste but voulu par Dieu. Le chrétien doit travailler au rétablissement de l’autorité juste du Magistrat, de la puissance juste de ceux placés en autorité pour les ramener à leur finalités divine qui est de faire respecter par le glaive, la Loi de Dieu. Et pour ceci l’action du chrétien consiste d’abord dans son obéissance par l’Esprit Saint à tous les commandements de Dieu, puis dans la prière persévérante pour les autorités publiques et dans la proclamation de la Vérité.

Depuis l’expulsion de Pierre Viret de sa patrie et de son Église par leurs Excellences de Berne – hormis les exhortations du Major Davel aux autorités de Berne et de Lausanne ainsi qu’à son propre peuple – cette fonction prophétique de l’Église face à la puissance croissante de l’état n’a guère été exercée dans notre pays. Bien que l’heure se fasse tardive, et que leur soumission au cancer techno-bureaucratique ait déjà bien rongé les forces vives des chrétiens, il est bien nécessaire que cette fonction prophétique, dont Alexandre Soljenitsyne vient de nous donner un exemple éclatant, soit à nouveau exercée par ceux qui connaissent leur Dieu.

« Pour moi, je sais quel dieu je renie. C’est précisément le monstrueux instrument égal d’oppression et de destruction qui s’appelle l’État moderne, l’État total – trust des trusts, technique des techniques – dont le monde attend ce que les Juifs attendaient de leur Messie lorsqu’ils clouaient le Christ en croix, c’est-à-dire non pas la rédemption de Dieu fait homme, mais celle de l’homme fait dieu[13]. » Georges Bernanos.

« Vous êtes la lumière du monde ; une ville située sur une montagne ne peut être cachée, et on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais on la met sur un support, et elle éclaire tous ceux qui sont dans le maison. Que votre lumière luise devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes œuvres, et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux. » Matthieu 5 :14-16. 7

« Je sanctifierai mon nom qui à été déshonoré parmi les nations au milieu desquelles vous l’avez déshonoré. Ainsi les nations sauront que je suis l’Éternel, dit le Seigneur l’Éternel, quand je serai sa sanctifié par vous sous leurs yeux. » Ézéchiel 36 :25

Jean-Marc Berthoud

[1]En 1947, lors d’une tournée de conférences en Suisse romande, Georges Bernanos avait signalé l’œuvre remarquable qui s’ébauchait déjà,

« J’ai lu le compte rendu d’une séance donnée par le Centre protestant d’études, au cours de laquelle le professeur Jacques Ellul traçait un remarquable tableau du monde moderne et de toutes les emprises de l’Économie sur l’homme, en se demandant finalement ce qui peut bien rester de celui-ci. Qu’est-ce qui peut bien rester de l’homme ?… L’homme, selon l’éminent professeur, n’est plus en face de l’économie, son autonomie est en train de disparaître, il est englobé corps et âme dans l’économie, c’est l’apparition réelle d’une nouvelle espèce d’homme, l’homme économique, l’homme (dit-il admirablement) qui n’a pas de prochain mais des choses. Et M. Jacques Ellul constatait que l’Église du Christ restait seule pour défendre l’homme, sa puissance d’invention, de souffrance et d’exigence, en un mot sa liberté. » « Le Liberté pour quoi faire » (Paris) 1953, p. 108.

Après vingt-cinq ans de socialisation, de politisation et de mondanisation des Églises, si ce n’était pour l’exemple de liberté spirituel de de l’Église des Catacombes, pourrait-on encore exprimer une telle espérance ?

« Mais quand le Fils de l’homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? » Luc 18 :8

[2]Par la suite Luther a regretté cette boutade. Ce qui est dit ici est davantage le fait des traditions luthériennes et calvinistes que des réformateurs eux-mêmes. viz. E. VOEGLIN : The New Science of Politics » (Chicago) 1952. Ch. V, « The Gnostic Revolution – The Puritan case » pp. 133-161.

[3]i.e. des provinces, des cantons, des villes, des villages, des métiers, des écoles, de la famille etc.

[4]Viz. E. VOEGELIN : « The Mongol Orders of Submission to European Powers 1245-1255 » (Byzantin Vol. XI, 1941).

[5]Déjà au VIe siècle, défendant ses prétentions universelles face à la présomption du patriarche de Constantinople Grégoire le Grand, évêque de Rome, n’écrivait-il pas à l’Empereur :

« Je dis sans crainte que quiconque ose s’appeler évêque universel ou désire, dans son orgueil, que d’autres lui donnent ce titre, est le précurseur de l’Antéchrist (Ep. 33 ad Maur. emp.)

C’est la puissance papale qu’Aegidius Romanus Colonna, vers 1280, décrit en ces termes : « Tanta potestatis plenitudo, quod ejus posse est sino numero et mensera. » Alvarius Pelagius développe cette idée d’une puissance qui ne peut se peser, se dénombrer ou se mesurer, il affirme qu’elle ne connaît pas d’exception, qu’elle embrasse tout, qu’elle est la base de toute autorité, qu’elle est souveraine, illimitée et immédiate.

[6]C’est ce que l’on sait mieux depuis la publication de l’ouvrage de W. CULLMANN : The Growth of Papal Government in the Middle Ages, Methuen (London) 1955

[7]Bertrand de JOUVENEL : De la souveraineté (Paris) 1955, pp. 221-222. viz. E.L.H. TAYLOR : The Christian Philosophy of Law, Politics and the State ch IV : The Medieval Motive of Nature and Grace (Craig Press) 1966.

[8]Georges de LAGARDE : La naissance de l’esprit laïque au déclin du moyen Âge, T.I Bilan du XIIIe siècle. (Louvain) 1956.

[9]Viz. B. GUI : Manuel de l’Inquisition (Paris) 1926 H. MAISONNEUVE : Études sur les origines de l’Inquisition, Paris (Vrin) 1960. L’inquisition est l’ancêtre des instruments policiers des états totalitaires modernes.

[10]Nous ne pouvons que recommander à votre lecture ce remarquable document d’Église qu’est le : « Liber accusationis in Paulum Sextum » de l’abbé Georges de NANTES (à commander à la Maison St. Joseph 10260 St. Parres les Vandes, France, su prix de 15 F.F.) | A voir aussi du R.P. YILTGEN : « Le Rhin se jette dans le Tibre, le Concile inconnu » Paris (Cèdre) 1973. (36. F.F.)

[11]Bulletin du C.I.C.E.S. No 165, 1er avril 1974, p. 11

[12]Itinéraires, No 66, sept-oct. 1962, pp. 11-14.

[13]« Français si vous saviez… » (Gallimard) 1961, p.159