On reparle beaucoup ces derniers temps de baptême du Saint-Esprit, et ceci non seulement dans certains milieux qui en ont fait leur thème favori, mais de plus en plus dans les églises officielles qui y avaient été jusqu’à présent plutôt réfractaires.
On en parle généralement selon des critères qui tentent de diviser les chrétiens en deux catégories : ceux qui ont été baptisés du Saint-Esprit et ceux qui ne l’ont pas été. Cette façon de voir, qui date au plus tôt du 19e siècle, ne nous paraît vas bibliquement acceptable, quelles que soient par ailleurs les « expériences » citées à l’appui. Car aucune expérience chrétienne authentiquement spirituelle ne saurait être en contradiction avec l’enseignement de la Bible. Peut-être suffirait-il dans certains cas d’interpréter autrement ces expériences ou de leur donner un autre nom pour les rendre parfaitement admissibles. Il y aurait donc avant tout intérêt à ne pas employer à tort (et à travers) les expressions bibliques et leurs dérivés. Il serait toutefois faux de croire que toutes les difficultés proviennent simplement de la terminologie. Il y a malheureusement plus et nous avons cru qu’il était de notre devoir de ne pas garder plus longtemps le silence sur une question aussi importante, ayant constaté que les chrétiens les plus évangéliques n’étaient pas toujours au clair sur ces choses.
Une seule et même expérience faite par tous les chrétiens
Que dit l’Écriture ? Paul écrivait aux Corinthiens : « Nous avons tous été baptisés d’un mème Esprit pour former un seul Corps » (1 Cor. 13 :13) établissant ainsi sans équivoque possible, que cette expérience était celle de tous les enfants de Dieu. Jamais dans la Bible il n’en est parlé comme d’une seconde expérience ou d’une seconde bénédiction. Ce verset montre, au contraire, qu’il s’agit de l’expérience initiale, c’est-à-dire de la nouvelle naissance qui se produit lors de la réception du Saint-Esprit par le croyant et par laquelle celui-ci est intégré dans le Corps de Christ.
Au sujet de la mème expérience, Pierre parlait indifféremment de l’Esprit qui descendit sur ceux qui écoutaient (Actes 10 :41), de ceux qui avaient reçu le Saint-Esprit (Actes 10 :44) ou auxquels il fut accordée le même don (Actes 11 :17) ou qui furent baptisés du Saint-Esprit (Actes 11 :16). Il serait certainement faux de vouloir faire des distinctions là où la Bible n’en fait pas.
Tout cela est d’ailleurs absolument dans la ligne de l’annonce du Saint-Esprit faite par Jean-Baptiste (Matthieu 3 :11) et confirmée par Jésus-Christ (Actes 1 :5). Il n’y est pas question d’une double promesse, comme si le don du Saint-Esprit (ou sa réception) et le baptême du Saint-Esprit devaient ou pouvaient constituer deux expériences distinctes ou complémentaires. Le baptême du Saint-Esprit et le don du Saint-Esprit sont plutôt des désignations soulignant deux aspects différents d’un même phénomène spirituel qui se situe à l’origine de notre vie nouvelle Christ. C’est pourquoi nulle part dans la Bible il n’est recommandé aux chrétiens de rechercher, de demander ou d’attendre le Saint-Esprit. Quand le Seigneur déclare que le Père céleste donnera le Saint-Esprit à ceux qui le lui demandent (Luc 11 :13) il s’adresse à des disciples d’avant la Pentecôte. À ces mêmes disciples il fut demandé d’attendre ce que le Père leur avait promis, car dans peu de jours ils devaient être baptisés du Saint-Esprit (Actes 1 :5). C’est que l’accomplissement de cette promesse ne pouvait avoir lieu qu’après le retour du Christ auprès de son Père.
En ce domaine l’expérience échelonnée des apôtres n’est donc pas normative pour nous puisque nous ne vivons plus en période de transition et que dès lors plus aucune attente ne nous est imposée. Le Saint-Esprit promis a été répandu (Actes 2 :33) et il l’est encore, toujours et partout où des cœurs se repentent et croient, sans autre condition ni délai.
Où il est très particulièrement question d’être baptisé du Saint-Esprit
C’est pourquoi, dès après la première effusion du Saint-Esprit sur les disciples réunis à Jérusalem le jour de la Pentecôte, il n’est plus jamais ordonné à personne d’attendre la réception du Saint-Esprit. Le même jour, Pierre devant la foule rassemblée, prêche simplement la repentance, ordonne le baptême d’eau et rappelle la promesse du don du Saint-Esprit sans même employer le terme baptême à ce sujet. Il est à remarquer que l’expression « baptême du Saint-Esprit » ne se trouve nulle part dans la Bible. Après la Pentecôte il n’est pratiquement plus jamais question de baptiser du Saint-Esprit, sauf dans le cas de Corneille où Pierre déclare : « Lorsque je me fus mis à parler le Saint-Esprit descendit sur eux, comme sur nous au commencement. Et je me souvins de cette parole du Seigneur : Jean a baptisé d’eau, mais vous serez baptisés du Saint-Esprit ». (Actes 11 :16). Ici se reproduit en quelque sorte, en faveur des païens, ce qui à la Pentecôte fut accordé aux Juifs. C’est ainsi que Dieu apprit à Pierre à ne plus regarder aucun homme comme souillé ou impur, c’est-à-dire à ne plus faire de distinction entre Juifs et païens, puisque les uns comme les autres devaient recevoir par la foi le pardon des péchés et le don du Saint-Esprit (Actes 10 :44-47).
On comprend donc que Pierre ait rattachés l’expérience de la maison de Corneille à celle de la Pentecôte parce qu’il fut frappé de la similitude ; et il en interpréta très correctement le sens quand on lui fit le reproches d’être entré chez des incirconcis (Actes 11 :2-18). C’est de cette manière que le royaume des cieux s’ouvrit aussi aux païens après s’être ouvert premièrement aux Juifs. Et Pierre en fut chaque fois le « portier » parce qu’il en avait reçu les clefs (Matt. 16 :19).
Certains pensent que pour la même raison le Saint-Esprit ne fut communiqué aux croyants de Samarie que par l’intervention des apôtres Pierre et Jean (Actes 8 :14-17). Ainsi Juifs, Samaritains et païens avaient eu leur propre Pentecôte, selon l’ordre établi par le Seigneur lui-même (Actes 1 :8) et comme solennelle inauguration du temps de la grâce.
Les exceptions qui confirment la règle
Certains ont supposé que les croyants de la Samarie n’avaient pas eu la vraie foi et que pour cette raison le Saint-Esprit ne leur fut pas accordé plus tôt. Le cas de Simon le magicien, s’il était possible de généraliser, justifierait cette façon de voir, car malgré sa « foi » et son baptême il se trouvait encore dans les liens de l’iniquité et avait besoin de se repentir de sa méchanceté (Actes 8 :21-22). Il n’était certainement pas converti et n’avait donc pas pu recevoir le Saint-Esprit.
Les disciples de Jean-Baptiste rencontrés par Paul à Éphèse (Actes 19 :6) se trouvaient aussi dans une situation particulière, puisqu’ils n’avaient même pas connaissance de l’existence du Saint-Esprit. Ils n’étaient donc pas encore chrétiens et ils ne reçurent le Saint-Esprit qu’après le baptême et l’imposition des mains par l’apôtre Paul. L’enseignement du baptême du Saint-Esprit ne saurait être fondé sur ces cas exceptionnels dans lesquels l’expression « être baptisé au Saint-Esprit » ne fut même pas employée.
La règle générale nous paraît très clairement inscrite dans la pratique et l’enseignement des apôtres. Chez Corneille, pendant que Pierre parlait, le Saint-Esprit descendit sur ceux qui l’écoutaient, et ce fut là leur « baptême du Saint-Esprit », c’est-à-dire leur conversion. C’est bien ce qu’enseignait l’apôtre Paul lorsqu’il écrivait « … afin que… par la foi nous recevions l’Esprit de la promesse » (Gal. 3 :14). Cette promesse Jésus lui-même l’avait clairement formulée en s’écriant un jour : « Celui gui croit en moi, des fleuves d’eau vive couleront de son sein, comme dit l’Écriture » et Jean d’ajouter : « Il dit cela de l’esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui » (Jean 7 :38-39). La simple foi est donc manifestement suffisante pour recevoir le Saint-Esprit. Il n’y à pas lieu de donner au « baptême du Saint-Esprit » une autre définition ou d’établir d’autres conditions de réception. Nous n’avons pas à « chauffer » l’auditoire en essayant de crier artificiellement une ambiance d’excitation et d’exaltation propice à l’éclosion de manifestations étranges et incontrôlables. S’il devait plaire à Dieu de faire accompagner la réception du Saint-Esprit de signes miraculeux nous serions les premiers à l’en glorifier. il l’a fait quelques fois dans les églises primitives comme en témoignent les Écritures. Il veut encore le faire quand il le juge nécessaire. Ces signes n’auront pas été recherchés dans une ambiance de surexcitation psychologique créée artificiellement. Ils en seront d’autant plus facilement reconnus comme authentiques.
Nous constatons qu’il y a dans l’Écriture bien des cas de conversions authentiques ou aucune allusion n’est faite au Saint-Esprit (l’eunuque, Lydie, le geôlier…). C’est qu’en principe il allait déjà de soi que tout croyant recevait le Saint-Esprit et qu’il n’était donc pas nécessaire de rechercher uu de provoquer un don que l’acceptation du Sauveur incluait. On ne demande pas à un enfant de Dieu s’il à reçu le Saint-Esprit, car « si quelqu’un n’a pas l’Esprit du Christ, il ne lui appartient pas » (Rom. 8 :19).
Conclusion
Quiconque est né de nouveau par la foi en Jésus-Christ doit savoir qu’il a reçu le Saint-Esprit ou qu’il a été baptisé en lui. Ne demandons donc pas à Dieu ce que nous possédons déjà, et n’attendons plus ce qui s’est déjà produit. Efforçons-nous plutôt d’approfondir notre expérience en réalisant davantage toute sa portée. Être baptisé dans l’Esprit veut dire être plongé dans l’Esprit de telle manière que par toutes les ouvertures de notre cœur l’Esprit nous inonde et nous remplisse. Le malheur c’est que toutes les portes de notre être intérieur ne s’ouvrent pas toujours facilement et immédiatement, ce qui rend certaines parties de nous-mêmes insubmersibles. Sur ce plan notre immersion dans l’Esprit demeure partielle et notre régénération inachevée. Veillons à ce que la réalité vécue corresponde de plus en plus à l’image employée.
Ne nous payons pas de mots, ne faisons vas un usage abusif de certains termes en les détournant de leur sens primitif, ne nous laissons pas troubler par ceux qui interprètent la Bible à la lumière de leurs expériences, plutôt que d’interpréter leurs expériences à la lumière de la Bible. L’essentiel s’éclaire pour quiconque se tient à ce qui est écrit plutôt que de suivre un système habilement connu mais bibliquement insoutenable. Nous croyons avoir été baptisé du Saint-Esprit, mais nous nous refusons d’y voir autre chose que ce qu’en dit l’Écriture.
Jean Hoffmann
Ce texte, publié avec autorisation,
à été tiré de La Bonne Nouvelle
(Du No de Déc. 1971, pp. 109-112)