Grâce et charisme

Alors que le mot kharis « grâce » a un sens très général, le mot grec kharisma « charisme », désigne plus spécialement les grâces accordées aux membres du « Corps de Christ » en « vue de l’utilité commune ».

La question des charismes doit être étudiée en fonction de l’Église « Corps de Christ ». Dans 1 Corinthiens 12, l’apôtre Paul insiste sur les relations mutuelles des membres et les échanges nécessaire de services qui caractérisent la vie du « Corps » de Christ. On retrouve la même notion d’interdépendance, mais d’une façon moins claire, dans d’autres images utilisées pour parler de l’église : le champ de Dieu, le temple, l’édifice, la maison (famille) de Dieu… 

De telles relations supposent que l’on donne et que l’on reçoit. Une des raisons de la pauvreté spirituelle des églises est le manque de réceptivité qui rend les charismes inutiles. Une autre raison réside dans la pauvreté en charismes, ou leur inutilisation. Pour donner il faut avoir quelque chose à donner. Il ne faut pas confondre les charismes et les dons naturels. Il se peut que dans une assemblée, chacun s’efforce de mettre ses dons naturels au service des autres : c’est un aspect de la philadelphie ou amour des frères. Mais la vie spirituelle normale exige autre chose : des aides spirituelles ordonnées à la croissance spirituelle individuelle et collective des membres du « Corps du Christ » (Eph. 4 :16). Une église peut être riche sur le plan des services pratiques, naturels, et être pauvre sur celui des aides spirituelles. Il est regrettable que l’accent ait été mis, dans bien des églises par ailleurs fidèles, sur l’aspect naturel des services. Telle église peut briller par l’éloquence de ses orateurs, le savoir de ses docteurs, la perfection de sa chorale, le nombre de ses œuvres. Tout cela ne remplace pas la richesse spirituelle.

L’Esprit accorde ses charismes à tous. Mais il arrive qu’on s’en va mal ou qu’on ne s’en serve pas du tout. On peut mépriser les prophéties et éteindre l’Esprit (1 Thess. 5 :19-20). Pierre exhorte les chrétiens à mettre au service des autres le don qu’ils ont reçu (1 Pierre 4 :10). On sait quels abus se glissèrent dans l’emploi du parler en langues {1 Cor.14).

Le liste des charismes.

Nous avons plusieurs listes de charismes et de ministères qui ne sont pas limitatives. Il est intéressant de les étudier afin de reconnaître ces grâces dans les faits et aussi de les rechercher si elles manquent.

  • 1 Cor. 12 :7-10: parole de sagesse, parole de connaissance, foi, don des guérisons, don d’opérer des miracles, prophétie, discernement des esprits, diversité des langues, interprétation des langues
  • 1 Cor. 12 :28: don des miracles, don de guérir, don de secourir, don de gouverner, don de parler diverses langues. Avant ces dons, il est question des ministères
  • 12 :6-8: don de prophétie (ce texte ajoute une série de ministères ou services)
  • Ephésiens 4 :1 énumère des ministères.

Charismes, Ministères, Opérations. (1 Cor. 12 :4-6)

Le ministère ou service est une fonction stable. Il ne doit pas être confondu avec un service occasionnel. Le ministère vient de Dieu. Ceux qui en sont chargés sont « donnés » par le Seigneur (Éphésiens 4 :11), établis par Dieu (1 Cor. 12 :28). L’exercice de ces ministères suppose des qualifications spirituelles qui ne sont pas seulement des charismes mais aussi et principalement une « maturité » spirituelle permettant d’assumer des responsabilités dans l’Église.

Les charismes sont distribués à tous par l’Esprit, mais les ministères ne sont pas confiés à tous. Nous avons quelques listes de ministères, mêlées à celles des charismes.

  • 4 :11: apôtres, prophètes, évangélistes, pasteurs et docteurs.
  • 1 Cor. 12 :28: apôtres, prophètes, docteurs.
  • 12 :7-8: ministères, enseignement, exhortation, présidence, libéralité, miséricorde.

Les anciens ou évêques sont mentionnés ailleurs ainsi que les diacres. Les anciens, évêques, conducteurs sont des « pasteurs et docteurs » »

Permanence des charismes

On entend dire que les « charismes » n’existent plus parce qu’ils étaient des grâces de commencement. Cette affirmation est entièrement gratuite. Nous savons seulement que le Saint-Esprit distribue ses dons comme il le veut (1 Cor. 12 :11), que nous sommes exhortés à rechercher les dons les meilleurs. (1 Cor. 12 :31 ; 1 Cor. 1 :19) et à en user avec sagesse (1 Pierre 4 :10).

Il n’y a aucun texte qui permette de dire que l’Esprit ne veut plus en donner. Il se peut que les dons soient rares parce que l’Église est infidèle ou parce qu’elle est pauvre alors qu’elle se croit riche. Il est certain que l’on ne doit pas s’attendre à voir les dons distribués normalement dans le « chrétienté » qui n’est plus l’Église de Jésus-Christ.

Dans l’histoire, on constate une disparition progressive et même assez rapide des charismes. La raréfaction des ces grâces, était en relation avec l’effondrement spirituel des églises, dans lesquelles les ministères devinrent rapidement des fonctions humaines. Le « renoncement aux charismes » et la « démission des laïques » sont deux phénomènes d’appauvrissement spirituel préparant l’établissement des structures ecclésiastiques de la « prostituée ».

On se sert parfois de 1 Cor. 13 :8, pour affirmer la disparition des charismes. Ils disparaîtront certainement, mais, comme le dit le texte, quand ce qui est parfait sera venu. Nous n’en sommes pas encore là.

On a dit que les écrits plus tardifs du Nouveau Testament ne parlent plus des dons. Cette argumentation n’a aucune valeur pour plusieurs raisons : D’abord parce que chaque écrit du Nouveau Testament n’est pas obligé de parler de tout. Ensuite parce que nous connaissons mal la chronologie des écrits du Nouveau Testament, et qu’on ne peut pas baser une doctrine sur des hypothèses chronologiques. Enfin, parce que des écrits tardifs comme la deuxième lettre à Timothée, la première de Pierre parlent de dons. Nous n’utiliserons pas Actes 2 :38-39, car le « don du Saint-Esprit » n’est pas à confondre avec les « dons du Saint-Esprit ».

Il se peut que l’Église à telle ou telle période, ait eu un besoin plus grand des charismes. Mais c’est Dieu qui le sait. Nous ne pouvons dire que l’Église apostolique en avait plus besoin que l’Église actuelle ; ce qui est certain, c’est que l’Église en a toujours besoin. La rédaction du Nouveau Testament n’a pas rendu inutiles les services charismatiques.

Contrefaçons

On peut confondre les charismes avec certains dons naturels. Un inconverti peut être parfois un homme de bon conseil. Il n’est pas nécessaire qu’il attribue sa part de sagesse à un charisme au sens strict du mot. Mais, il est plus grave de confondre les charismes avec certaines contrefaçons qui peuvent même être diaboliques.

Dans cette affaire il ne faut pas minimiser la capacité de mimétisme possédée par tout homme. Si elle n’existait pas, l’éducation de l’homme serait impossible. Nous apprenons à parler et beaucoup d’autres choses en imitant ceux qui nous entourent.  

Il y a un mimétisme religieux qui permet aux inconvertis de se regrouper dans la fausse église et même de se glisser dans de vraies églises. Ils peuvent imiter les charismes.

Il ne faut pas non plus négliger certaines possibilités psychologiques d’ailleurs bien connues. Les automatismes psychologiques sont fréquents. Nous en faisons mème un large usage, par exemple dans la parole, dans l’écriture, dans la marche, dans tous les travaux auxquels nous sommes habitués. Nous nous en servons sans nous en apercevoir ; nous les remarquons lorsque le mécanisme se détraque : lapsus calami, lapsus linguae. Ces automatismes peuvent prendre des formés extraordinaires : écriture automatique dans laquelle la pensée réfléchie semble n’avoir aucune part (cas de Mme Guyon, qu’elle décrit elle-même), parler automatique surtout s’il est inintelligible (faux parler en langue).

Parce que le parler en langue peut être un fait de mimétisme, un automatisme ou un fait diabolique, il est souvent suspect quand il n’est pas employé selon les règles imposées par Dieu, dans une vraie église, pour le bien de tous, avec interprète.

Gabriel MILLON

 in : G. Millon, Les études doctrinales (fascicule VI), La vie spirituelle et la grâce. pp. 51-54. 1965. : :

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