« Tous parlent-ils en langues ? » (I Corinthiens 12 : 30).
Lire I Corinthiens 14 : 1-33
Le but du parler en langues[1]
On peut bien se demander de quelle utilité réelle est alors ce don, puisqu’il est soumis à des règles si strictes et est sujet à tant d’abus ou de contrefaçons. Le fait qu’il ait été accordé par le Saint-Esprit est la preuve suffisante que, dans sa pureté primitive, et exercé dans la limite des restrictions divinement sanctionnées, il n’était ni superflu ni inutile ; si cela était, nous n’aurions ni explication, ni justification du don d’interprétation.
Le don des langues marquait le début d’une ère nouvelle et servit aussi, but important, à confirmer la parole, inspirée prêchée, tant qu’il n’y avait pas de Nouveau Testament. Dieu appuyait le témoignage de ses serviteurs « par des signes, des prodiges et divers miracles, et var les dons du Saint-Esprit, distribués selon sa volonté. » (Héb. 2 :3-4) Il pouvait être aussi l’expression authentique de la consécration et de l’adoration et, comme tel, avoir un but utile. Nous devons veiller à ne pas aller trop loin en soulignant l’infériorité de ce don par rapport aux autres, comme si on mettait en doute la sagesse du Saint-Esprit qui l’a accordé.
Règles pour l’exercice de ce don
Tout en montrant que de telles expressions extatiques ne doivent pas être encouragées, mais ne doivent pas non plus être défendues, l’apôtre Paul entoure l’exercice du don de prescriptions restrictives. Il ne mettait pas en doute l’existence même de ce don, mais il était conscient des dangers qu’il présente, car l’extase se distingue difficilement de l’hystérie ou de l’autosuggestion. Si l’on concède qu’il peut y avoir aujourd’hui un authentique parler en langues, il faut accepter comme corollaire que son authenticité sera précisément prouvée par sa conformité aux exigences de l’Écriture. L’exercice du don était permis à la condition que tout fut fait avec « bienséance et avec ordre ».(I Cor. 14 :40)
Il ressort des instructions de l’apôtre Paul les faits suivants :
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- Le Saint-Esprit est souverain dans l’octroi des dons spirituels.
« Tout cela est l’œuvre d’un seul et même Esprit, qui distribue a ses dons à chacun en particulier, comme il le veut. » (I Cor.12 :11)
Donc, aucun don ne peut être demandé de droit. Nous ne pouvons dicter au Saint-Esprit quels sont les dons que nous aurons.
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- Nous sommes exhortés à désirer avec ardeur les dons les plus grands, ceux qui sont les plus propres à l’édification de l’Église.
« Ainsi, puisque vous désirez avec ardeur les dons spirituels, cherchez à en avoir toujours plus, en vue de l’édification de l’Église. » (I Cor. 14 :12)
« Recherchez aussi avec ardeur les dons spirituels, et surtout le don de prophétie… Celui qui prophétise est supérieur à celui qui parle en langues. » (I Cor. 14 :1 et 5)
L’église de Corinthe n’eut pas égard à ce conseil et donna la plus grande place au spectaculaire pour sa propre confusion et à son détriment.
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- Le but premier de tout don est l’édification de l’Église (I Cor. 14 :12) Si un don quelconque ne traduit pas ce résultat, il est contrefait, ou l’on en abuse.
- Si quelqu’un veut parler en langues en publie, il doit d’abord s’assurer qu’il y ait la possibilité d’interpréter.
« S’il n’y a pas d’interprète, qu’ils se taisent dans l’Église, et qu’ils ne parlent qu’à eux-mêmes et à Dieu. » (I Cor. 14 :28)
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- Dans l’Église, « si quelqu’un parle en langues, que ce soit deux, tout au plus trois, et chacun à son tour, et que quelqu’un interprète » (I Cor. 14 :27). Ils doivent parler l’un après l’autre, et non tous à la fois. S’il n’y a pas d’interprète, le silence est imposé ; le parler en langues doit cesser.
- Si l’exercice du don produit le désordre plutôt que l’ordre, c’est une preuve patente qu’il est contrefait, car Dieu n’est pas l’auteur du désordre.
« Dieu en effet n’est pas un Dieu de confusion, mais un Dieu de paix. » (I Cor. 14 :33)
Raisons incitant à la prudence
Tout en reconnaissant que ceux qui ont ces vues sont des frères et beaucoup sont des chrétiens consacrés – nous devons juger le mouvement à le lumière des fruits qu’il a produits et des dangers possibles. Un de ces grands dangers réside dans la tendance à subordonner les choses premières et essentielles aux choses exceptionnelles et secondaires. L’exaltation du spectaculaire tend à faire que les grandes vérités centrales du christianisme passent en second plan, derrière les manifestations spirituelles subjectives et les expériences qui en découlent. Tout enseignement qui favorise cela est d’emblée suspect.
Dans un tel enseignement, il faut relever plusieurs dangers :
Le pharisaïsme spirituel. Bien sûr, il peut se nicher dans n’importe quel cercle chrétien. Mais il devient un danger tout particulier dans un mouvement qui affirme posséder une vérité distinctive ou spéciale. La prétention selon laquelle le parler en langues est l’évidence première du baptême ou de la plénitude du Saint-Esprit, et que ce don est exercé au sein des assemblées pentecôtistes plus que dans d’autres églises chrétiennes, tend à créer une attitude de supériorité. Un des adeptes de ce mouvement nous disait un jour : « Évidemment, nous vivons sur un plan supérieur au vôtre. » Ce pouvait très bien être vrai, mais il eut mieux valu que cela fut dit par une autre bouche. D’ailleurs, une telle attitude serait déplorée autant par les membres les plus spirituels de ce mouvement qu’elle le serait par nous.
La vulnérabilité aux contrefaçons. C’est un fait indiscutable que, de tous les dons spirituels, celui-ci est le plus exposé aux abus et aux contrefaçons. Le fait que le parler en langues se retrouve aussi dans des religions hétérodoxes et anti-chrétiennes met en évidence le fait que cette manifestation peut provenir aussi bien de l’enfer que du ciel. Satan trouve son plaisir à avilir tout ce qui est bon et saint et à le pervertir pour s’en servir à ses propres fins. Le physique et le spirituel sont étroitement liés, et il est très facile de confondre l’un avec l’autre. Un enthousiasme charnel et l’excitation peuvent aisément être pris pour de la vraie ferveur spirituelle.
La tendance aux divisions. Pour celui qui connaît quelque chose de l’histoire du mouvement de Pentecôte, ce point ne demande que peu d’explications. Les divisions ont été constantes au sein du mouvement lui-même, et d’innombrables églises ont été divisées comme conséquence de ce genre d’enseignement. Il est triste que ce mouvement qui se dit du Saint-Esprit par excellence, loin d’être caractérisé par l’unité de l’Esprit, soit connu plutôt par les divisions qu’il a causées, non seulement au pays, mais encore sur les champs de mission. Au vu de tout cela, le conseil de Paul aux croyants de Rome est à propos :
« Je vous exhorte à prendre garde à ceux qui causent des divisions et des scandales en s’opposant à l’enseignement que vous avez reçu. Éloignez-vous d’eux ; car ces gens-là servent non le Christ, notre Seigneur, mais leur ventre ; et par des paroles douces et flatteuses, ils séduisent les cœurs des simples. » Rom. 16 :17-18
Mais tous les pentecôtistes ne créent pas des divisions, et ce passage ne doit pas être interprété comme une règle sommaire pour boycotter ces croyants.
Les excès émotifs. Si dans certaines églises, le domaine des sentiments tend à être réprimé indûment, chez les pentecôtistes le danger se trouve à l’opposé. F. W. Robertson écrit à ce sujet :
« Le Saint-Esprit peut se manifester de trois manières dans le comportement d’un homme – dans son corps, ce qui s’appelle un miracle ; dans son esprit, et vous avez ce sentiment d’exaltation qui éclate dans ce qu’on appelle le parler en langues ; ou dans son intellect, et vous avez alors la prophétie – Dans le cas des « langues », les hommes ressentaient quelque chose qu’ils ne pouvaient exprimer d’une manière logique… une compréhension claire se transformait en extase ; et, s’ils ne dominaient pas leurs sentiments, ils se laissaient facilement emporter par eux. »
Cet état d’extase était si agréable et suscitait si bien l’admiration et l’émulation des autres que, dans l’église de Corinthe caractérisée par son penchant pour les manifestations spectaculaires, il était recherché par-dessus tout, comme dans les assemblées pentecôtistes d’aujourd’hui. Au lieu de s’appliquer à faire le bien, les Corinthiens avaient tendance à passer leur temps à faire étalage de sentiments intenses, et ces émotions incontrôlées dominaient leur raison et leur bon sens. Leurs sentiments naturels et charnels passaient pour de la ferveur spirituelle. Dans le Pentecôtisme, on a retrouvé les mêmes tendances, souvent accompagnées d’excès graves et grossiers.
Le Dr. A.T. PIERSON qui a étudié à fond, dans le monde entier, les caractéristiques et le développement de ce mouvement, a résumé comme suit les considérations qui devraient servir de règle dans ce domaine :
- Les Écritures, et non l’expérience humaine, peuvent seules trancher en dernier ressort.
- Les dons qu’il faut rechercher avant tout sont ceux qui édifient le plus.
- Tous les dons spirituels authentiques sont générateurs de paix et d’harmonie.
- Tout revêtement authentique du Saint-Esprit a pour fruit l’humilité et la soumission du caractère.
- Tout don recherché pour lui-même ou pour la gloire personnelle n’est qu’illusion et piège.
- Toute influence humaine indue est incompatible avec la suprématie de l’Esprit de Dieu.
- Tout ce qui a tendance à diviser et à disperser est sérieusement sujet à caution.
- Nous devons toujours être sur le qui-vive pour déceler les travestissements et les contrefaçons sataniques.
John Oswald SANDERS
[1]J. Oswald SANDERS : Devenir adulte par le Christ. (Ed. Je Sème) Nyon, Suisse 1971 pp 270-276. Reproduit avec l’aimable autorisation des éditeurs. M. J .O. Sanders, ancien juriste Néo-Zélandais fut pendant une quinzaine d’années directeur général de l’Union missionnaire d’Outre-Mer, anciennement Mission à l’intérieur de la Chine fondée par Hudson Taylor.