Dans sa brochure « L’Église entre l’Est et l’Ouest », Barth écrit[1] :
« … Mais si, à propos de la Révolution française ou de notre passé « chrétien », nous savons opérer des distinctions, si par exemple, nous vénérons les hommes de Saint-Jacques qui commirent, cependant, le forfait de Greifensee ; si nous respectons la mémoire de la vieille Genève, celle de Calvin, et cela malgré le fait que le régime d’alors n’était probablement pas très différent de celui des démocraties dites populaires (sic !) ; si, comme il faut l’espérer, pour juger le monde oriental, nous ne nous basons pas uniquement sur le despotisme qui a donné et donne encore sa forme à la vie publique dans cette partie du monde, il est normal, qu’à propos du communisme également, nous apprenions à faire des distinctions : mettant d’un côté les atrocités totalitaires, et de l’autre, les intentions positives qui animent le système. Dès lors, on ne pourra pourtant pas dire du communisme ce qu’on était obligé de dire du national-socialisme, il y a dix ans, affirmer que tout ce qu’il pense et tout ce qu’il entreprend n’est que déraison, élucubrations de fou et rêves de criminels. Il faudrait avoir perdu tout son bon sens pour mettre sur le même pied le marxisme et la « tradition » du 3ème Reich, un homme tel que Joseph Staline et les charlatans qui ont dirigé l’Allemagne nazie. L’œuvre à laquelle on s’est attelé en Russie soviétique – reconnaissons-le, avec des mains. très sales et même sanglantes, avec dés méthodes qui nous révoltent à juste titre – contient malgré tout une idée constructive : on s’est attaqué là-bas à la solution d’une question qui, pour nous aussi, est urgente et grave et, qu’avec nos mains propres (!), nous sommes encore très loin d’avoir empoignée par le bon bout : la question sociale[2]. »
Qu’accomplit donc Barth au-travers de ce texte ? Il fait les choses suivantes :
(1) Dans la citation que nous venons de reproduire, Barth affirme le principe que la fin justifie les moyens. Certaines parties de la Chrétienté ont terni leur réputation, autrement excellente, en cédant à la tentation de promouvoir l’idée du compromis en utilisant ce principe fort dangereux. Mais le Christianisme, en fin de compte, a toujours rejeté cette règle infâme. Il devient manifeste que Barth fait appel à cette règle pour défendre le communisme si ses affirmations, séparées comme elles le sont par d’autres idées (…), sont rassemblées. Il écrit :
… pour juger le monde oriental (c’est-à-dire la Russie), nous ne nous basons pas uniquement sur le despotisme qui a donné et donne encore sa forme à la vie publique dans cette partie du monde ; il est normal… que nous apprenions à faire des distinctions : mettant d’un côté les atrocités totalitaires, et de l’autre, les intentions positives qui animent le système… (Le communisme n’est pas) que déraison, élucubrations de fou et rêves de criminels… (mais) contient malgré tout une idée constructive… la solution… de la question sociale.
Barth affirme que le communisme n’est pas « déraison, élucubrations de fou et rêves de criminel » et que les actes monstrueux du communisme doivent être jugés avec plus d’indulgence que le Nazisme, parce que les communistes œuvrent de manière constructive à la solution de « la question sociale ». Que Dieu aie pitié de nous tous si cela est vrai. Et c’est à cet égard qu’il considère Staline comme un homme de valeur et Hitler et ses compères comme des charlatans (des imposteurs, des trompeurs) ! Jamais nous n’avons lu une défense aussi nette de l’idée immorale qui prétend que la fin justifie les moyens.
Barth est en ceci maître d’immoralité et non de morale. Il n’enseigne pas la sagesse mais la folie. Nous sommes effarés de constater qu’un homme puisse s’attendre à ce que le bien provienne du mal – comme fruit normal du mal. Dans ce cas précis le bien, « la justice sociale », proviendrait tout simplement des infractions faites à la loi de Dieu ! Cet enseignement de Barth semble n’être qu’une variante de la doctrine marxiste selon laquelle une fois établie la société communiste, l’amour fraternel se manifestera pour finir partout, et l’État (la force de coercition) dépérira de lui-même ; mais en attendant, la coercition (ici synonyme de La violation la plus complète de la Deuxième Table de la Loi) sera tout naturellement le moyen par lequel l’on parviendra à la bonne fin !
(2) Barth trouve ici moyen de justifier un mal (le despotisme oriental) en invoquant un autre prétendu mal (le mauvais gouvernement occidental). Un politicien pragmatique pourrait raisonner ainsi, mais serait-ce la marque de la religion chrétienne ? En fait c’est un aspect courant de la pensée de Barth que de nier un principe général et d’affirmer que chaque cas doit être jugé de manière unique. La facilité de passer des principes à l’opportunisme n’est pas pour nous le signe de la vraie religion ou d’une véritable éthique. De ceci l’on peut être sûr, Barth n’est aucunement un prophète véritablement éclairé en ce qui concerne les questions éthiques et morales. Son opposition à Hitler est entièrement à son crédit. Et il a aussi raison quand il affirme que ceux qui se trouvent en sécurité loin des pays derrière le rideau de fer ne sont pas des conseillers réalistes pour les chrétiens en grand péril.
La pensée sociale de Barth n’est aucunement originale. Ce n’est que du plagiat. Il ressemble à un prédicateur qui, se tenant devant les fonts baptismaux, aspergerait pieusement le mal le plus absolu. Ainsi accorde-t-il au mal l’approbation de la néo-orthodoxie, ce mal étant présumé poursuivre un but bénéfique ! Il ne s’agit que d’un baptême trompeur, honte du Christianisme.
Frédérick NYMEYER
[1]Frederick NYMEVER : Progressive Calvinism Vol.I, 1955. Essays against sanctimony and legalized coercion, pp. 216-218.
[2]K. BARTH : L’Église entre L’Est et L’Ouest (Éditions RouLet) Genève S.d. (édition allemande 1949) pp. 33-34.