Si nous ne tirons pas la leçon de l’histoire, elle se répétera

par | Documentation Chrétienne - numéro 18

Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! Car vous bâtissez les tombeaux des prophètes et vous ornez les sépulcres des justes et vous dites : si nous avions vécu du temps de nos pères, nous ne nous serions pas joints à eux pour répandre le sang des prophètes. (Mat. 23 :29-30)

Deux choses m’inquiètent sérieusement en ce moment. Premièrement, les journaux ont accordé beaucoup d’attention aux déclarations de M. Fidel Castro, et tout spécialement à celle qu’il a faite lors de sa récente visite en Jamaïque où il a parlé du rôle de l’Église à Cuba. Il soulignait la liberté dont y jouit l’Église[1].

Secondement, un peu plus tard, on pouvait lire que des ecclésiastiques américains avaient visité Cuba et avaient déclaré qu’il n’y a pas de persécutions dans ce pays. En d’autres termes, la liberté de religion existe à Cuba, et il n’y a plus d’Église souffrante.

En un sens, j’accepte ces assertions. Fidel Castro ainsi que les ecclésiastiques américains ont probablement dit la vérité, tout au moins par rapport à la situation telle qu’elle se présente aujourd’hui.

Fidel Castro, de toute évidence, parle de la situation où se trouve maintenant l’Église après que la répression, l’isolement et la persécution aient pratiquement anéanti sa force et son influence. La voix prophétique de l’Église a été réduite au silence. Et ce qui en reste a réglé sa marche au pas du gouvernement athée.

Par contre, de la part des ecclésiastiques dont il est question ici, parler ainsi c’est faire montre d’une dangereuse naïveté du fait qu’ils n’ont pas connu l’histoire de la révolution et que, consciemment (ou inconsciemment – ce qui serait pire), ils ferment les yeux sur ce qui s’est passé à Cuba pendant ces vingt dernières années. Pendant ce temps ce temps ils n’ont eu, apparemment, aucun contact avec l’Église à Cuba. Ils ne savent pas non plus exactement ce qui s’est passé pendant les dernières

  • soixante années en Union Soviétique,
  • trente années en d’autres pays de l’Europe de l’Est,
  • trente années en Chine,

et c’est à peine s’ils savent quelque chose de ce qui s’est passé au cours de ces trois dernières années au Vietnam, au Cambodge, au Laos, en Angola, en Ouganda, au Mozambique…

Si nous ne tirons pas la leçon de l’histoire, celle-ci se répétera… et cela, à notre égard à nous. Le besoin, les pressions et l’oppression pourraient bien devenir aussi notre lot, jusqu’au point où nous manquerions de Bibles. Un exemple : nous avons offert nos services à une organisation missionnaire bien connue, mais celle-ci déclina cette offre à cause de la notion de « contrebande » que l’on associe à notre travail. Autrement dit, si un gouvernement athée s’instaurait dans notre pays, fermait les églises, confisquait les bibles :des croyants, cela signifierait qu’aucun chrétien ne pourrait accepter une bible passée illégalement à la frontière par un frère l’apportant de l’extérieur. Mais si c’était vrai, combien de martyrs seraient morts en vain ?

En Angleterre, dans le Buckinghamshire, se trouve la ville de Amersham, En 1506 et en 1521, des croyants sont morts pour « le principe de la liberté de religion, pour le droit de lire et d’interpréter les Saintes Écritures et d’adorer Dieu… tel qu’Il est révélé dans Sa Sainte Parole ». Ils sont morts sur le bûcher auquel on a obligé leurs propres « enfants à mettre le feu. Il s’agissait alors de bibles apportées « en contrebande » et l’Angleterre n’aurait peut-être pas de bibles aujourd’hui s’il n’en avait pas été apporté « en contrebande » à l’époque.

Mais revenons à l’histoire et tirons-en la leçon ; sinon, il d’y aura bientôt plus d’Église souffrante parce qu’il n’y aura plus d’Église combattante. Quand l’Église cesse de combattre, elle devient alors partie intégrante de cet « ordre nouveau » et n’a ainsi plus rien. à donner à l’Église souffrante où celle-ci existe encore, ne serait-ce que dans les camps de concentration,

En tant que membres de l’Église de Jésus-Christ, nous ne devons pas oublier que nous avons un appel prophétique à proclamer. Nous avons à être comme les prophètes en Israël, petite minorité fidèle, persévérant au milieu d’une majorité compromise. Et, tout comme la survie d’Israël dépendait de cette minorité prophétique, ainsi l’existence de l’Église martyre dépend de ceux qui ont perçu cette vision prophétique de l’Église et qui font quelque chose.

Sois vigilant et affermis le reste qui est près de mourir (Apocalypse 3 :2)

Frère André

 [1]Portes Ouvertes, Bulletin de Nouvelles de Frère André No 39, mars-avril 1978.