Par la mort de Nee To Sheng de Foochow (Watchman Nee), l’Église chrétienne universelle a perdu un prédicateur évangélique et un stratégiste missionnaire d’une profondeur et d’une originalité sans pareille.
Né en 1902 à Swatow, où son père était douanier, Watchman Nee était le petit-fils d’un pasteur congrégationaliste de l’ « American Board » à Foochow, qui était en fait le premier Chinois à être consacré dans la province de Fukien.
Jusqu’au moment de sa conversion, en 1920, Lin Huoping, la mère de Watchman Nee, était une agitatrice révolutionnaire pour Sun Yat-Son. Cet événement fut si dramatique que son fils aîné, Watchman Nee, en essayant de la comprendre, trouva le Seigneur Jésus comme Sauveur et Roi.
Depuis ce jour il se dévoua à l’étude intense des Écritures Saintes et à la prédication de l’Évangile, tout d’abord parmi les autres étudiants du Collège de la Trinité de Foochow de la C.M.S. puis, plus loin, dans les provinces du sud.
Bientôt il eut à faire face au problème de savoir ce qu’il fallait faire de ses croyants villageois, car, comme d’autres à cette époque où la Chine faisait la douloureuse découverte d’elle-même, il trouvait troublante la diversité des traditions des églises occidentales et mal adaptée à la situation de son peuple. Avec ses jeunes collègues, il cherchait une expression plus simple et plus flexible de la communion chrétienne dans l’Église. (Dans sa lecture du Nouveau Testament il fut pendant un temps influencé par les écrits des Frères).
En 1928, le centre de son travail se déplaça à Shang Loi. Pendant les années qui suivirent, des églises de maison se formèrent à travers toute l’étendue de la Chine. Les méthodes originales du mouvement « Le Petit Troupeau » (surnommé ainsi d’après le titre de leur recueil de cantiques) étaient considérées avec précaution par les missions établies. Cependant, il y en avait qui voyaient dans ce mouvement un nouvel espoir pour l’évangélisation du pays, et qui reconnaissaient en Watchman Nee lui-même un penseur chrétien d’une clairvoyance prophétique unique.
En 1933, et de nouveau en 1938 et 1939, Watchman Nee fit de brefs séjours en Occident et nombreux sont ceux qui se souviennent encore de sa prière émouvante à la réunion missionnaire de Keswick en 1938. D’autres, qui ont eu le privilège de l’entendre parler de la marche par la foi du chrétien, ont eu leur vie transformée par ses messages originaux et convaincants. C’est la transcription de tels messages qui, ces dernières années, a apporté une si grande bénédiction à tant de chrétiens, jeunes et vieux.
Avec la fin de la guerre avec le Japon, il commence, en 1946, la préparation intensive de jeunes ouvriers chrétiens, afin d’apporter l’Évangile à travers toute la Chine. Son projet d’évangéliser les villes à l’intérieur du pays par la migration, pour des régions lointaines, de groupes de croyants chrétiens (projet fondé sur Actes 8 : 4) paraît rétrospectivement une préparation inspirée pour la dispersion forcée de l’église qui allait suivre sous peu. Après 1948, le Gouvernement du Peuple prétendait, d’une façon peut-être délibérément exagérée, qu’il était à la tête de la plus grande dénomination chrétienne du pays.
Mais (à l’étonnement peut-être de ceux qui n’ont pas étudié la psychologie des mouvements totalitaires) c’était justement l’indépendance du « Petit Troupeau » par rapport à l’étranger qui eut l’effet de faire enrager les représentants du parti communiste dans le « Christian Three Self Patriotic Movement » et qui les obligea d’accuser Watchman Nee de crimes si extravagants que cela en devenait presque risible. Il fut condamné à vingt ans de réclusion et, depuis le 10 avril 1952, il fut emprisonné tout d’abord dans la prison municipale de Shanghai puis, plus tard, dans un camp de travail forcé. Il faut dire que les récits extravagants de ses terribles mutilations, pendant cette période n’ont aucun fondement. Sa mort, survenue le 1er juin de cette année, dans la province d’Anhwei, fut le résultat d’une maladie de cœur chronique. Sa femme – Charity – qui, jusqu’à la fin de sa vie lui rendait visite régulièrement, est morte au mois d’octobre l’année dernière. Ils n avaient pas d’enfants.
Un seul dernier message, reçu de Watchman Nee lui-même après la mort de sa femme, mentionne sa souffrance cardiaque mais ajoute de manière typique : La joie intérieure dépasse tout.
Vers 1958, toutes les églises officielles de quelque dénomination que ce soit avaient été alignée politiquement sur l’idéologie du régime. Comme ceci n’était pas suffisant, tous les lieux de culte furent fermés en 1966. Apparemment il n’existe plus d’Église en Chine. Ce qui reste est une Église informelle dispersée, fondée en vérité sur Dieu seul.
Par la diffusion de ses écrits d’édification, le nom de Watchman Nee est devenu pour beaucoup, en Occident, le point où se concentrent les prières pour le peuple de Dieu opprimé. C’est ma conviction qu’il aurait désiré que nous augmentions et élargissions le champ d’action de nos prières.
Après tout, il se pensé que le ministère mondial des enfants de Dieu puisse être d’un caractère que nous n’aurions pas prévu lors des grandes réunions missionnaires des années trente. Marc affirme que l’Évangile « doit être prêché d’abord à toutes les nations » dans le contexte assez surprenant de la salle d’interrogation et des tribunaux. Ceci fut en fait le lieu où Paul le proclama abondamment et ne fut-ce pas aussi l’endroit où Jésus Lui-même fut publiquement déclaré n’avoir commis aucune faute ? Le serviteur est-il jamais plus grand que son maître ?
Nous remercions Dieu pour Watchman Nee, mais nous Le remercions aussi pour la multitude inconnue qui refuse encore la libération, pour ceux qui sont condamnés pour la justice et auxquels, en fin de compte, appartient lé Royaume des Cieux.
Dr. Angus KINNEAR
C.W.N. Series 7 juillet 1972.