Positions Créationnistes – numéro 11 |

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Vous trouverez ci-joint notre nouvel envoi, le texte du Dr Serge Rambert de Lausanne réfutant certains des arguments scientifiques développés par le Professeur Henri Blocher dans son livre Révélation des Origines.

Il y a bien une dizaine d’années M. Blocher ayant présenté à une rencontre pastorale inter-confessionnelle à Lyon certains des arguments anti-littéralistes de son livre sur les origines, se vit recevoir les félicitations publiques de ses collègues libéraux et néo-orthodoxes pour avoir enfin vu la lumière sur la non-historicité du début du livre de la Genèse. Ils lui laissèrent entendre que si le premier chapitre de la Genèse était un mythe il devait en être de même du troisième qui parlait de la chute de l’homme. M. Blocher eut beau se récrier de ne pas accepter une telle démolition de la doctrine biblique du salut, le mal était fait. Comme le lui faisait remarquer son ami Pierre Courthial, présent à cette occasion (il était à l’époque Doyen de la Faculté libre de Théologie réformée d’Aix-en-Provence où il enseignait l’éthique et l’apologétique) si le premier chapitre de la Genèse n’était pas vrai historiquement et scientifiquement le troisième devait avoir le même caractère ; ses adversaires libéraux avaient certainement raison de le considérer sur ce point comme étant un des leurs. L’historicité et le caractère scientifique du serpent parlant du troisième chapitre n’est guère plus conforme aux exigences d’une raison raisonnable que la création en six jours du premier. Mais si le troisième chapitre de la Genèse est un mythe, il en est fait de la doctrine du salut. Sans péché historique il ne peut y avoir de salut historique. Le péché et le salut ne peuvent alors que se réfugier dans le symbolisme d’une théologie en fin de compte gnostique, comme le fut celle d’un célèbre défenseur d’une telle position, le Professeur Karl Barth.

Certes, comme il s’en défendait vigoureusement auprès de son ami Pierre Courthial, telle n’était pas l’intention de Henri Blocher. Mais ici c’était ses amis libéraux qui avaient raison et les meilleures intentions du monde pavent fort bien le chemin large et libéral qui mène à l’apostasie de l’Église. Le Professeur Courthial avait raison d’être si profondément scandalisé du dramatique dérapage doctrinal de son compagnon de combat.

Nous ne relèverions pas un tel différend sans (a) en avoir pris connaissance de la bouche même d’un des participants et, (b) sans avoir reçu par écrit du Professeur Courthial l’autorisation de parler de sa participation à cette discussion. Nous n’en parlerions pas non plus s’il ne s’agissait que d’une question secondaire et si son auteur s’en serait ultérieurement rétracté. Mais, d’une part il s’agit d’un coin durement enfoncé dans les fondements bibliques de notre salut ; et, d’autre part, avec la deuxième édition de sa Révélation des Origines, loin de se rétracter, M. Blocher n’a fait que confirmer son erreur pernicieuse. C’est ainsi que le libéralisme néo-orthodoxe fait son entrée dans nos milieux évangéliques et fait disparaître le véritable témoignage de Dieu dans notre monde.

C’est pour de telles raisons que l’Association Création, Bible et Science a demandé au Dr Serge Rambert de rédiger une réfutation des arguments scientifiques par lesquels le Dr Blocher cherche à étayer ses erreurs. Notre souhait est qu’un tel débat ne se situe pas au niveau bien secondaire des autorités académiques et ecclésiastiques, mais que le problème que pose les positions de M. Blocher soit examiné à la lumière de cette cohérence parfaite de l’enseignement biblique à laquelle se référait Pierre Courthial dans ses remontrances fraternelles à son vieil ami, mais aussi à la lumière, des faits scientifiques.

En vous souhaitant une excellente lecture, veuillez, Madame, Mademoiselle, Monsieur, croire à l’expression de nos sentiments les meilleurs en Jésus-Christ, Créateur, Sauveur et Seigneur.

Jean Marc BERTHOUD

PRÉAMBULE

Le livre important du Professeur Henri BLOCHER, Révélation des origines (Presses Bibliques Universitaires, Lausanne 1979 et 1988), dont vous allez ici lire une analyse critique, fonde une grande partie de son argumentation sur une description soigneuse de la forme littéraire du récit de la Création de l’univers que l’on trouve dans le premier chapitre du livre de la Genèse. Mon propos n’est nullement ici de critiquer cette analyse (je n’en aurais d’ailleurs guère les compétences), mais de montrer que des découvertes, apparemment incontestables, quand elles sont mariées à des préjugés culturels liés à une tradition nationale particulière, peuvent conduire à des conclusions erronées, tant sur le plan pratique que théorique.

Dans son ouvrage le professeur Blocher démontre que le récit de la création de Genèse 1 est conçu par son auteur dans une forme littéraire très précise. Cette découverte n’est en fait pas tout à fait nouvelle. Les travaux d’Umberto Cassuto, exégète israélien bien connu de l’Université de Jérusalem (The Documentary Hypothesis, 1959{1941} et From Noah to Abraham, 1961 {1944}, 2 vols.), en avaient ouvert la voie en s’attaquant aux hypothèses fragiles relatives aux différentes sources du récit biblique, formulées par Wellhausen et par son école. Ces théories déjà anciennes ne tenaient guère compte de la structure interne propre au texte.

De la constatation du caractère littéraire de ce chapitre le Professeur Blocher tire les conclusions des plus étonnantes sur le contenu du texte lui-même. Ainsi le premier chapitre de la Genèse ayant un caractère indiscutablement littéraire il ne saurait, en conséquence, être considéré comme fiable historiquement ou scientifiquement. Il doit en conséquence participer au caractère nécessairement fictif de tout texte littéraire. Ainsi ce chapitre rejoint la collection des mythes et des légendes, tant anciennes que modernes, des origines de l’univers et de l’homme.

Mais il est évident qu’il n’est pas du tout obligatoire logiquement d’affirmer qu’un texte littéraire doit avoir un caractère fictif ; pas plus que de maintenir qu’un texte informe littérairement n’est pas forcément pour cette seule raison plus fiable scientifiquement et historiquement ! D’où donc peut provenir une erreur de simple logique aussi importante chez un exégète biblique généralement reconnu pour sa prudence et sa sobriété ?

La solution à cette énigme se trouve vraisemblablement dans la tradition culturelle littéraire à laquelle appartient M. Blocher, la tradition française. Je me souviens d’une remarque de l’éminent linguiste, le professeur Martinet, faite lors d’un de ses cours en Sorbonne au début des années soixante. Recommandant son dernier ouvrage à notre attention il ajouta : « Surtout gardez-vous de le lire dans le métro comma s’il s’agissait d’un roman ! » Car pour lui forme littéraire, “roman”, équivalait à fiction et dans un monde scientifique la fiction ne faisait pas sérieux du tout.

Mais posons la question. L’existence d’une forme littéraire est-elle inévitablement le signe qu’une œuvre qui en porte la marque soit une œuvre fictive, une œuvre “imaginaire” à laquelle ne saurait être attribuée les marques de fiabilité scientifique et historique ? Certes oui, si la tradition littéraire en question est celle qui prédomine dans la culture française. Car la tradition littéraire française dominante, celle qui va des Troubadours à la Pléiade, des Précieux aux Surréalistes est marquée par l’identification de la forme poétique avec la fiction, avec l’imaginaire.

Mais une telle césure entre forme littéraire et vérité (même historique et scientifique) n’est pas du tout obligatoire, même dans la tradition poétique française. Nous ne la trouvons guère chez Rutebeuf, ni chez Jean de Meung (en contraste avec Guillaume de Lorris) ou chez Eustache Deschamps ; ni chez François Villon ou Maurice Scève, ou Étienne Jodelle ou Guillaume Salluste du Bartas. Mais ici l’exemple le plus frappant est celui de ce sommet de l’art, de cette forme poétique incomparable, de ce chef-d’œuvre d’Agrippa d’Aubigné, son épopée chrétienne, son évocation, rigoureusement vraie historiquement, des souffrances des Huguenots, Les Tragiques. Dans ce sommet de l’art se trouvent parfaitement mariés une forme poétique fortement élaborée à un souci rigoureux de vérité historique et théologique. C’est le principe à la fois esthétique et épistémologique de la magnifique tradition poétique protestante française si méconnue des XVIᵉ et XVIIᵉ siècles.

Il est utile ici de rappeler encore deux choses. La première, c’est que d’Aubigné dans Les Tragiques, s’est consciemment séparé de l’esthétique pétrarquisante de la Pléiade qui avait fait de la poésie un paraître, une forme harmonieuse coupée de l’être, de la vérité. Pour d’Aubigné il s’agissait de redécouvrir une esthétique qui puisse explicitement marier l’être et le paraître, le fond et la forme, la forme et la vérité. En deuxième lieu il nous faut nous souvenir que d’Aubigné, comme Théodore de Bèze et Clément Marot dans le Psautier Huguenot, avaient fondé leur esthétique sur celle de la Bible elle-même où, en effet, sont mariés forme et vérité et où la vérité commande toujours la forme.

Dans les conclusions qu’il tirait de son analyse formelle du premier chapitre de la Genèse le Professeur Blocher s’est manifestement identifié tout naturellement à la vision esthétique dominante dans son pays. Ensuite il fallait montrer que le texte de la Genèse n’était vrai ni historiquement, ni scientifiquement. C’est ce but qui le conduisit à formuler en annexe de nombreux arguments scientifiques en vue de réfuter les arguments de ceux qui affirment que le texte de la Genèse est vrai à la fois théologiquement, historiquement et scientifiquement. Ce sont principalement ces arguments scientifiques du Professeur Blocher qui font ici l’objet de l’attention du Dr Serge Rambert.

Jean-Marc Berthoud

Introduction

Cet article ne constitue pas une critique complète du livre de Henri Blocher : révélation des origines (Presses Bibliques Universitaires, Lausanne. 1979, 1988), mais une réponse aux aspects touchant au créationnisme. De son ouvrage, Blocher consacre les deux premiers chapitres aux différentes écoles d’interprétation du récit biblique de la Genèse, ainsi qu’une annexe de plus de quarante pages traitant des questions scientifiques en rapport.

Le créationnisme s’y trouve attaqué à la fois sous l’angle scientifique et sous l’angle théologique : « Il faut, pour se donner le droit de récuser des thèses fortement majoritaires, montrer que leurs présupposés conduisent à méconnaître les faits. Il faut, si possible, élaborer une meilleure théorie générale. Les anti-scientistes = les créationnistes, n.d.r.) s’y efforcent. Ont-ils réussi ? Des observateurs en doutent, qui sont pourtant avec eux en sympathie de foi. Les anti-scientistes paraissent céder aux facilités d’un manichéisme sans nuances, et sous-estimer la valeur du “consensus” scientifique réalisé dans le monde. Ils oublient que la surveillance mutuelle des 6pécialistes, souvent rivaux, les protège en partie des extrapolations abusives. L’accord de milliers de chercheurs ne se fait ni par hasard ni par » conspiration : À nos yeux, les adversaires des opinions établies, émouvants comme des kamikazes du monde académique, font preuve de légèreté à deux moments décisifs : quand ils minimisent la valeur des recoupements et des convergences, entre les travaux des savants “officiels”; quand ils attribuent à la Genèse, sans tolérer la discussion, un sens que d’autres lecteurs n’y trouvent pas, et qu’eux-mêmes ne justifient que par le seul a priori du littéralisme » (p.17,18).

Quatre types principaux d’interprétation

Au chapitre 2, l’auteur présente les principaux types d’interprétation du récit biblique des origines (cf. Gen.l) :

  • l’interprétation restitutionniste (p. 34), selon laquelle les six jours ne sont pas des jours de création, mais de restauration de la création originelle détruite à la suite de la chute des anges (d’où la présence des fossiles). Cette théorie exploite habilement certains silences du texte biblique, mais ne respecte pas la discipline philologique. À bon droit, Blocher parle d’avantages en trompe-l’œil d’une hypothèse faite pour amadouer les scientifiques.
  • l’interprétation concordiste (p.37), qui s’émerveille des correspondances entre Genèse et la colonne géologique, en donnant un sens très large au mot “jour” hébreu. Blocher montre de façon convaincante que le texte ne permet pas d’opérer cet te figure de style, car ce mot est ici employé dans son sens le plus ordinaire.
  • l’auteur soutient l’interprétation dite littéraire, selon laquelle « la forme de la semaine attribuée à l’œuvre de la création est un arrangement artistique, un sobre anthropomorphisme qu’il ne faut pas prendre à la lettre » (p.43). Cette interprétation se veut respectueuse de la philologie, mais considère le texte comme une grande métaphore, une figure de style. Elle permet d’éviter la confrontation avec les sciences historiques.
  • l’interprétation littérale, qui attribue une très large portée historique au texte. C’est entre ces deux derniers types d’interprétation que le débat prend place.

La durée du septième jour

Blocher justifie l’interprétation littéraire par des détails du texte biblique révélant selon lui une chronologie longue, ce que nous pensons réfuter.

De l’omission de la formule « et ce fut soir, et ce fut matin » du septième jour (Gen.l), l’auteur conclut à l’inachèvement de la première semaine, qui se prolonge jusqu’à aujourd’hui (p.48).

En réponse, soulignons qu’il s’agit d’un argument ab silentio, susceptible de diverses interprétations ; ensuite, la création s’est faite non en sept jours, mais en six. L’interprétation littérale reste donc compatible avec la structure littéraire du texte, car celui-ci décrit chaque jour de la création, le ferme, puis ferme le tout avec le septième jour : conclure de même le septième jour serait une surcharge.

Blocher implique aussi l’activité du Fils pendant le sabbat, activité à laquelle le Père est associé (Jn 5.17) (p.48). Curieusement, l’auteur en déduit que l’histoire humaine s’inscrit dans le sabbat divin. Pourtant, Calvin, qui cite le même passage dans son commentaire de la Genèse, écrit : « C’est à bon droit qu’on demande quel a été ce repos. […] La solution est notoire, que Dieu a cessé son œuvre parce qu’il n’a plus créé d’espèces nouvelles. »

Difficultés de l’interprétation littérale

Toujours en faveur d’une chronologie longue, l’auteur fait état de difficultés d’interprétation de Ge. 2.5 : l’absence d’herbe et d’arbustes expliquée par l’absence de pluie présupposerait le jeu normal des lois de la nature pour la croissance des plantes (un régime providentiel) (p.47).

À l’analyse, cette objection se révèle infondée dans le contexte climatique antédiluvien. On admet généralement qu’il n’y a pas eu de pluie durant l’ensemble de la période antédiluvienne puisqu’il n’y avait pas d’arc-en-ciel (signe donné à Noé après le déluge). La vapeur du verset 6 ne devrait pas être assimilée au régime de pluies actuel.

Le fait que l’homme reçoive mission de cultiver la terre et de la dominer suggère que des espèces terrestres végétales, en particulier celles destinées à être cultivées par l’homme (Chouraqui : « Tout buisson n’était pas en terre… »), étaient initialement confinées dans ce jardin, et qu’il était prévu une extension contrôlée à partir de ce site des espèces ou variétés nécessitant des soins. Le verset 5 peut se comprendre ainsi : lors de la création, Dieu ne disposa pas toutes les espèces végétales sur l’ensemble de la terre pour deux raisons :

  • l’inexistence d’un régime de pluies propre à cette époque.
  • l’absence de cultivateurs capables de les irriguer, et le cas échéant d’un apport naturel d’eau, la prévention d’une prolifération anarchique de ces espèces (jungle).

Comme le suggère la première partie du verset 5, ces motifs ne se limitent pas à la semaine de création.

Pour contrer l’interprétation littérale, Blocher cherche des indices de non-littéralité (p.42,43) en particulier, semble-t-il, parmi les anthropomorphismes (p.41). Ceci constitue un mauvais procès, car un texte historique peut fort bien inclure des figures de style ou des métaphores sans altération du caractère événementiel. Plusieurs textes, tels Ge 32. 24-32, Da 5.5, impliquent un anthropomorphisme et sont néanmoins à prendre au sens littéral. Enfin, même si le caractère littéral du récit de la création de l’homme à partir de la poussière pouvait être mis en question dans un premier temps, celui de l’engendrement de la femme à partir de l’homme (Ge. 2) ne laisse aucun doute quant au modus operandi du Seigneur.

Pour nous, le caractère magistral du développement littéraire de Genèse 1 ne fait pas obstacle à la nécessaire historicité du texte sans tomber dans la confusion. Le propos central de l’auteur biblique est bien de nous conter la création telle qu’elle se déroula en vérité. Le littéralisme décrié par Blocher n’est pas légèreté de la part des créationnistes, car il est reçu par les auteurs bibliques, notamment en ce qui concerne l’historicité de la création, de la chute et du déluge, ainsi que des personnages impliqués (Ex 20:11 ; Job 31:33 ; Mat 23:35 ; 24:37 ; Marc 10.6 ; Luc 3.38 ; Rom. 5.14 ; 1Cor.15.22 ; l. Tim. 2.17 ; II Pi.2.5 ; 3.5-7). Admettre les conceptions séculières de l’histoire des origines signifie renoncer à l’autorité du texte biblique, dont le contenu ne prend sa valeur fidéiste que lorsqu’il est reconnu pleinement historique, tant en ce qui concerne le premier Adam que le second.

Les hypothèses créationnistes sont-elles scientifiques ?

Il est clair que les sciences historiques comme d’autres dépendent d’un certain nombre d’axiomes. Lorsque ces présupposés, qui échappent par définition à l’investigation propre à une science, sont faux, la justesse des conclusions dépend peu du nombre de savants ou de leur capacité intellectuelle.

Exclure la création immédiate comme modèle scientifique d’explication sous prétexte que les miracles sortent du champ de l’expérimentation (p.235) est un argument spécieux car c’est le cas de tous les événements historiques, si tués irréversiblement dans le passé. Admettre ce dogme devrait contribuer à donner aux sciences leur juste place.

Les sciences historiques ont une méthodologie et un objet différents des sciences pures qui obéissent à cette définition, d’où quiproquo sur le terme de “science”. Admettre, comme le fait la science séculière, que l’on peut expliquer tous les événements passés à partir du seul vécu actuel relève du présupposé et non de l’expérimentation elle-même.

Le débat créationnisme/évolutionnisme

A l’examen, les arguments en opposition à l’évolution sont imparables, ce qui est en partie perceptible dans l’annexe (p. 233) ; cependant l’auteur en sous-estime le poids et l’ampleur ; il n’offre pas une réfutation de ceux développés par M. Denton (Evolution. Une théorie en crise. 1988. Londreys). Par exemple, le fait que des structures homologues se développent très souvent sous le contrôle de gènes non homologues (Denton, chap. 7) contredit à lui seul les arguments de nature tautologique des évolutionnistes. Bien comprise, l’interprétation des résultats de la biologie moléculaire conduit à une vision typologique proche de celle des taxinomistes du siècle passé : les genres apparaissent moléculairement séparés les uns des autres de façon rigoureusement proportionnelle à leur distance typologique, sans présence de vrais intermédiaires.

Les arguments basés sur la similitude (homologie, ontogenèse, théorie des organes vestigiaux, distance génétique), qui sont le pain de la théorie évolutionniste, se sont écroulés les uns après les autres.

L’auteur aborde aussi le thème de l’anthropologie (p.240) : « face à l’anthropologie actuelle, il ne serait pas responsable de s’enfermer dans la politique du Niet ». En fait, les découvertes récentes sont venues mettre en cause d’anciennes conclusions. Par exemple ont sait que l’homme de Neanderthal n’est pas ancêtre de l’homme moderne (S. Bunney (1987). New Scientist 116 (1588) :32). Les candidats simiesques tels le ramapithèque (Ramapithecus. S. Hartwig-Scherer. 1989, Studium Integrale) et l’australopithèque (Australopithecines : Relationship to Man ? Creation Research Society Quarterly 25:151 (1988 » ne sont pas plus proches de l’homme que les autres espèces de singes, une fois leurs caractéristiques anatomiques évaluées de façon systématique.

Dans ce terrain particulièrement mouvant, une découverte d’envergure remet souvent en cause le modèle précédemment admis. D’une manière générale, la continuité paléontologique d’un genre à l’autre est fictive, au point que certains évolutionnistes, tels Gould, postulent l’existence de sauts évolutifs. À partir de là, on se demande pourquoi il devrait en être autrement en ce qui concerne l’homme.

Nous pensons que la nature nous fournit les bonnes réponses, à condition de lui poser les bonnes questions ; par exemple, Blocher mentionne les travaux de A.C. Wilson de Berkeley (p.247) o~ il est conclu : « tous les humains actuels descendraient d’une même femme, en Afrique, qui a vécu entre -140000 et -280000 ans ». Au départ, la question principale était : les humains descendent-ils d’une seule femme ou de plusieurs ? La génétique étant apte à offrir une réponse, celle-ci fut : d’une seule femme. Malheureusement, cette réponse intéressante nous est servie avec l’emballage évolutionniste de rigueur, la question de la date et de la provenance géographique étant beaucoup plus délicate.

La force apparente de la théorie de l’évolution est qu’elle est une théorie expérimentable ; sa faiblesse est qu’elle n’est ni confirmée par l’expérimentation biologique, ni par le registre fossile. On y donne foi non en vertu d’observations scientifiques non équivoques, mais afin d’expliquer la création en vertu d’options rationalistes. Il convient de rester vigilant à l’égard de ce parti pris opposé à la parole divine.

L’important pour un modèle des origines n’est pas d’être “scientifique” dans le sens uniformitariste, mais bien d’être historiquement vrai.

Cela nous amène à conclure au caractère légitime de la démarche créationniste. Selon elle, Dieu a créé le monde avec ses lois de conservation que l’homme peut étudier ; le monde contient plus d’information exprimée que celle dérivant des propriétés élémentaires de la matière étudiées par la physique et la chimie. Le Créateur est donc intervenu à plusieurs niveaux irréductibles sans solution de continuité (“évolution”) entre eux.

De plus, principalement à cause de la chute de l’homme, Dieu se réserve le droit d’intervenir par-dessus des lois naturelles, parfois à grande échelle (2 Pi.3.6).

Enfin, si le caractère miraculeux d’un événement ne peut, par définition, se ranger au nombre des faits expérimentaux, les conséquences en sont souvent vérifiables (Mat. 8.4).

Aux États-Unis, les débats de type création/évolution, menés en terrain universitaire dès 1970, ont été quasi systématiquement gagnés par les créationnistes. Comment le Dr. Blocher peut-il croire des arguments si forts si le gratin de l’évolutionnisme n’est pas parvenu à les défendre ? Pour qui apprend à lutter contre les idéologies réductrices de Dieu et de l’homme, les consensus humains n’ont rien d’irrésistible (II Cor. 10.5). Les précédents historiques de théories fausses reçues par l’ensemble d’une communauté scientifique (théorie du phlogistique, système astronomique de Ptolémée), ne manquent d’ailleurs pas.

Nous croyons discerner dans les sciences historiques, dont les présupposés et les hypothèses, par quelque processus obscurantiste, demeurent souvent voilés, une certaine emprise idéologique. Quel que soit leur appel aux sciences fondamentales ou à la technique instrumentale, il n’est pas exclu que le large crédit dont elles bénéficient soit quelque peu emprunté. Les critiques du créationnisme (p.ex. Johnson) se bornent souvent à une analyse succincte, ignorant complètement les travaux et publications d’associations telles que :

  • communauté d’études allemande « Wort und Wissen » ;
  • Creation Research Society ;
  • Geoscience Research Institute. (Loma Linda University, CA)

Objections aux arguments créationnistes

Les objections aux arguments créationnistes de la fin du deuxième thème traité dans l’annexe (p.237-238) nous paraissent largement infondées et insuffisamment approfondies :

  • il y aurait antinomie entre le catastrophisme et les distributions systématiquement observées à cause du désordre provoqué par les cataclysmes : cette objection procède d’une mauvaise perception de la sédimentologie et de l’hydrologie. (cf. G. Berthault. Positions créationnistes No 7 & 9, 1989)
  • faible réplique des créationnistes à l’argument des homologies : certains poissons et amphibiens, certains reptiles et mammifères partagent diverses caractéristiques dans des proportions variables. Cela implique que le Créateur a repris des aspects ou thèmes chez certaines espèces, et les a appliqués à d’autres. Les variations sur un thème donné (par exemple les vertébrés), sont en fait une démonstration magistrale de créativité. Elles sont l’apanage des grands artistes, notamment des musiciens. Elles démontrent aussi l’existence d’un Créateur unique.
  • l’accusation de cercle vicieux (les roches seraient datées par les seuls fossiles et les fossiles par les roches qui les contiennent) ne tiendrait pas à l’analyse : il est vrai que cette accusation ne doit pas être poussée à l’extrême ; elle n’en conserve pas moins une certaine portée pratique, d’autant que les datations radiométriques sont loin d’avoir l’application universelle que l’auteur leur prête. L’existence d’un cercle vicieux, pensons-nous, ne remet pas en cause l’ensemble des successions de fossiles, mais contribue à former un tableau général plus conforme au cadre établi que la réalité :

« The charge that the construction of the geologic scale involves circularity has a certain amount of validity… Thus, the procedure is far from ideal » (David M. Raup, « Geology and Creation, » Field Museum of Natural History Bulletin, Vol. 54, March 1983, p.21).

  • les empreintes du crétacé de la Paluxy River (Texas) ne doivent plus être citées contre l’évolutionnisme : les découvertes récentes dans ce terrain d’une dent de lait humaine fossile et de nouvelles empreintes de pas, cette fois-ci indubitablement humaines, par le Dr C.E. Baugh et d’autres chercheurs, ont confirmé les investigations antérieures tendant à montrer le caractère contemporain de l’homme et des dinosaures (Dinosaur. C.E. Baugh, C.A. Wilson. Promise Pub. Co. 1987 ; factum, Schwengeler-Verlag. Okt.1987, p.40-43). L’évolutionnisme, basé sur des corrélations paléontologiques générales, reste en contradiction avec nombre de cas particuliers.
  • l’existence de fossiles vivants ne constituerait pas un argument contre l’évolution, puisque il n’y a pas systématiquement nécessité d’évoluer. Prétendre que certaines espèces n’auraient pas évolué depuis un demi milliard d’années, alors que d’autres feraient des sauts tellement rapides que l’on ne puisse observer d’intermédiaires dégage tout de même un parfum d’irréalité ; cependant, le célèbre cœlacanthe, pêché vivant au large des Comores, était considéré comme l’ancêtre des amphibiens, donc comme une espèce ayant évolué. Surtout, la biologie des parties molles n’était pas celle que l’on escomptait de la part d’un intermédiaire (Denton, p.185).

Mais l’argument fourni par l’existence des fossiles vivants va premièrement à l’encontre de l’interprétation paléontologique courante du registre fossile : certaines des espèces actuellement vivantes sont censées avoir disparu depuis des centaines de millions d’années ! Cette “résurrection” tend à montrer que le registre fossile ne correspond pas à une évolution biologique, mais plutôt aux zones écologiques du monde antédiluvien et postdiluvien.

Les signes d’âge

Les autres objections faites au créationnisme sont les signes d’âge liés à la géologie ; Blocher mentionne :

a.) Temps élevé lié au métamorphisme local causé par des roches plutoniques : les intrusions de magma dans les couches fossilifères auraient déclenché un métamorphisme nécessitant jusqu’à des centaines de milliers d’années, impossible à expliquer pendant la seule année du déluge (p.219).

Le créationnisme moderne n’affirme pas que “tout” se soit déroulé uniquement pendant le déluge ; certains effets se sont prolongés durant les périodes subséquentes. En particulier, l’« ère tertiaire » est à considérer comme largement ou totalement post-diluvienne (J. Scheven. Mega-Sukzessionen und Klimax im Tertiar. 1988. Wort und Wissen/ Hansler)

D’autre part, le déluge implique des conditions qui ne se trouvent plus actuellement réalisées ; or, les calculs sont largement basés sur des modèles uniformitaristes. La cinétique des phénomènes physico-chimiques est liée à de nombreuses variables (pression, température, transfert de chaleur, contraintes mécaniques, composition chimique) souvent difficiles à quantifier dans leur histoire, mais parmi lesquelles le temps entre pratiquement comme variable logarithmique (sur une échelle logarithmique, il y a la même distance entre 1 et 10 qu’entre 10 et 100), sujette à de fortes incertitudes et variations selon les conditions physiques.

En l’absence d’investigations d’un métamorphisme à grande échelle ayant présentement lieu, il existe un doute raisonnable quant à la nécessité réelle d’une longue durée.

b.) Masse houillère trop grande par rapport à la masse végétale pouvant être portée par la terre avant le déluge (p.219) : l’objection résulte largement d’un malentendu, car l’existence de tourbières antédiluviennes est tout à fait plausible. Dans ce cas, la masse houillère n’est pas tributaire de la seule masse végétale vivante au moment du déluge ; simplement, la théorie diluvialiste implique un transport de tourbe dans bon nombre de cas. C’est donc à la masse de carbone d’origine végétale productible pendant les 16 à 17 siècles précédant le déluge (assortie d’un facteur de rendement) qu’il faut comparer les réserves de charbon.

Quant à la masse vivante lors du déluge, le modèle diluvien implique un enfouissement rapide et la conservation de la quasi-totalité de leur carbone durant le processus de fossilisation, circonstance ignorée par certains objecteurs.

Selon le rapport de la conférence mondiale de l’énergie (1977), la réserve mondiale totale de charbon est de 7,7 x l012 tonnes auxquels il faut ajouter 2,4 x l012 tonnes de lignite ; compte tenu des taux dans les différents charbons, la quantité 8 x 1012 tonnes.

Pour l’ensemble d’une biosphère (les plantes) qui consisterait en une forêt tropicale couvrant la totalité des terres émergées, la quantité de carbone serait de 3,2 x l012 t. (d’après R.L. Smith, Ecology and field biology 1974). Mais on doit faire intervenir la surface boisée antédiluvienne : une estimation de l’équivalent de 50 % de la surface continentale parait raisonnable. En supposant que la masse houillère résulte de la seule masse végétale antédiluvienne vivante, on aboutit donc à une masse forestière antédiluvienne 5 fois plus élevée que la forêt tropicale actuelle.

Cela parait considérable, mais il convient d’examiner ce facteur plus en détail. Afin de nous simplifier la tâche, supposons que la densité forestière antédiluvienne était identique à la densité tropicale actuelle (le même nombre d’arbres à l’hectare), et qu’elle consistait essentiellement en troncs d’arbres. Ceux-ci étaient donc nécessairement plus volumineux que la moyenne actuelle. Si l’on reporte ce facteur 5 à la fois sur la hauteur et le diamètre des troncs, nous obtenons une majoration de 70 % de la taille moyenne actuelle (la racine cubique de 5 égale environ 1,7).

Au vu de la taille impressionnante de certains arbres fossiles, obtenue grâce aux conditions alors universellement optimales (quant à l’éclairage, la température, la composition atmosphérique, la minéralisation du sol, etc.) de l’ère antédiluvienne, de l’existence probable de tourbières antédiluviennes contribuant à diminuer ce facteur 5, la quantité mondiale de charbon correspond mieux au modèle créationniste qu’à une accumulation durant des centaines de millions d’années. c.) L’argument de la tectonigue des plagues (p.219) reprend le modèle de dérive des continents expliquée par l’établissement de cellules de convection dans le manteau, cellules analogues à celles parfois observées dans les liquides refroidis par convection, la chaleur provenant ici de l’intérieur du globe.

Les conditions pour établir ce régime convectif sont caractérisées par des nombres adimensionnels (nombres de Reynolds, de Reyleigh) utilisés en génie chimique. Ces nombres dépendent de grandeurs telles que la viscosité, la longueur caractéristique d’un système, la densité. Ils représentent souvent le rapport entre deux grandeurs physiques, comme la force d’inertie, la force de frottement visqueux, le transfert de chaleur par convection. Ils permettent de prédire l’apparition d’un régime donné sous des conditions différentes des conditions expérimentales, car dépendantes de la seule combinaison des grandeurs mentionnées.

Par exemple, lorsque le nombre de Reynolds (qui implique la vitesse d’un fluide), dépasse une certaine valeur, on observe le passage d’un régime d’écoulement laminaire (régulier) à un régime d’écoulement turbulent (tourbillonnaire) dans une conduite d’eau.

L’application d’un tel modèle au manteau exigerait des dizaines de millions d’années pour la formation des océans actuels. Mais la modélisation de phénomènes expérimentaux sur le long terme comporte de redoutables difficultés. Ce modèle extrapole audacieusement des conditions de laboratoire à celles du magma terrestre. Or, ces dernières sont trop particulières pour que l’on puisse appliquer sans autre précaution ces modèles expérimentaux. Dans ce cas, il se pose les problèmes de l’établissement du régime transitoire, du très grand différentiel de pression du manteau, de la phase du manteau (essentiellement solide, alors que le modèle s’applique à des fluides), de l’absence d’inversion de densité dûment constatée, et de l’impossibilité d’effectuer des vérifications directes. Récemment, tout le modèle a été mis en cause sur un autre point : l’existence des cellules de convection observées en laboratoire nécessiterait l’effet de la tension superficielle.

Toute l’argumentation tombe donc à l’eau : les données océanographiques montrent seulement que les continents étaient autrefois soudés, puis furent cassés et séparés, sans indication de durée ni du mécanisme effectif.

Comme de juste, on n’observe rien de tel sur les autres planètes telluriques (Mars, Vénus, Mercure, la Lune…). Nous serions enclins à voir dans la géomorphologie actuelle une conséquence du déluge et de la restauration qui suivit.

Ici comme ailleurs, la prétendue « sûreté scientifique » paraît basée sur la seule absence de vérification effective des modèles.

Ces commentaires nous montrent une faiblesse des théories uniformitaristes : au départ, elles prétendent se baser sur les effets observés encore aujourd’hui ; en fin de compte, elles consistent en descriptifs largement indépendants de confirmations expérimentales.

d.)Enfin, la prétendue superposition de multiples forêts et couches de lave alternées du parc de Yellowstone (p.219) impliquant le passage de nombreux siècles, ne correspond pas bien à la réalité. Selon une étude de terrain récente effectuée par des créationnistes, il apparaît que la superposition multiple en question est largement illusoire, il n’y aurait par endroits qu’une seule couche forestière fossile en gradins recouverte de lave. Mais elle fut schématisée par Holmes, par ailleurs père, de la fameuse « colonne géologique* »: (cf. Morris. The genesis flood. 1961. p.420). Là où il y a superposition effective, plusieurs preuves de transport ont été avancées (H.G. Coffin. The organic levels of the Yellowstone petrified forests. Origins 6:71,1979) :

  1. La minceur ou l’absence de matière organique aux nivaux contenant des arbres grands et abondants.
  2. Bon degré de préservation – pas de différence de degré de décomposition entre la base et le sommet.
  3. Absence de signe de la présence d’animaux typiques des associations plante-animal.
  4. Multiplicité et complexité des niveaux organiques (niveaux où se trouvent des débris végétaux).
  5. Manque de corrélation entre les composants organiques et les espèces d’arbres dominantes, d’après les analyses des feuilles et des pollens.
  6. Preuves de déposition contemporaine de sédiments par l’eau et des matières organiques observées dans les coupes fines des niveaux organiques.
  7. Tri vertical de la matière organique et profils du sol atypiques.
  8. Absence de dégradation en terre des cristaux de feldspath de nombreux niveaux organiques. (Ces silicates se dégradent lentement sous l’action des eaux de pluie)
  9. Absence d’arrangement anomalique d’argile dans les niveaux organiques (dû par ex. à la présence d’animaux fouisseurs)

Ainsi, les signes d’âge en faveur de longues périodes géologiques avancés contre le créationnisme présentent généralement un caractère fictif. On pourrait en déduire que c’est le cas de tous les signes d’âge, mais ce serait conclure trop vite. Certains d’entre eux résistent à la critique, mais ils ne touchent, de façon directe, que le règne minéral :

  • dans les roches, la présence de radioéléments à longue période (à longue durée de demi-vie, plusieurs milliards d’années), d’éléments radiogéniques en proportion notable (produits de décomposition de ces radioéléments), ainsi que l’absence d’éléments radioactifs à courte période constituent un réel signe d’âge.
  • la taille immense de l’univers, les phénomènes qui s’y déroulent et le temps de propagation de la lumière impliquent, sauf bouleversement complet de l’astronomie ou des constantes physiques, un âge élevé pour celui-ci.

Quant aux signes de jeunesse de la terre, ils sont incontournables, et Blocher ne cite pas les plus probants (p.216). Mentionnons le cas des deltas, en particulier celui du Mississipi : indépendamment de toute subsidence les alluvions actuellement déposés, les seuls typiquement deltaïques, le sont depuis une date récente. L’évaluation de l’âge du delta peut aussi être basée sur son accroissement de taille : les deux méthodes donnent environ 4 000 ans (Creation Research Society Quarterly 9:96 et 14:87). Il existe de nombreux signes de jeunesse (H.M. Morris. Scientific creationism. Master Books, 1974).

Ainsi, certains signes d’âge, tout comme les signes de jeunesse, sont bien réels. Trancher arbitrairement à ce niveau est peut-être la meilleure façon de se tromper. Il convient d’examiner chaque aspect séparément dans ce qu’il implique vraiment, sans conclure de façon précipitée. Parallèlement, le texte biblique, dont l’apport historique est absolument indispensable, devrait être interprété dans un contexte littéral, mais en veillant à ne pas extrapoler ce contenu historique par des raccourcis théologiques.

Les datations radiométriques

Alors que les raisons historiques du rejet du modèle création/déluge ont largement perdu leur raison d’être (attribution erronée de l’ensemble du tertiaire géologique, puis du seul “diluvium” au déluge-même), les datations radiométriques constituent maintenant l’argument principal de la géologie historique et aussi une pierre d’achoppement pour les créationnistes. En principe, elles permettent d’attribuer aux roches un âge indépendamment de leur emplacement stratigraphique. En pratique, on évite les roches détritiques, issues de débris de roches antérieures, si bien que les datations des “ères” de la colonne géologique s’est effectuée essentiellement à partir de roches ignées qui font intrusion parmi les strates sédimentaires et fossilifères. Ces méthodes indiquent souvent des âges anciens, parfois de plusieurs centaines de millions d’années.

La fragilité de ces méthodes reste à souligner, la méthode des isochrones (p.218) n’ayant pas la fiabilité que l’auteur croit : elle donne souvent des âges complètement en désaccord avec l’âge supposé, parfois des âges négatifs : (Hermann Schneider, Der Urknall und die absoluten Datierungen, p.58). Les mélanges de roches présentant séparément, un isochrone fournissent à leur tour un isochrone mais sans signification quant à l’âge réel de la roche.

Cependant, les datations radiométriques donnent parfois des âges anciens et concomitants par différentes méthodes et pour différentes roches d’un même ensemble. Il existe aussi une certaine corrélation entre les datations radiométriques et les données stratigraphiques (M.R. Johnson. Genesis, Geology and Catastrophism. The Paternoster Press, 1988). Ces résultats ne doivent pas être mésestimés.

Une porte de sortie

À ce stade, l’examen des faits et des arguments a de quoi laisser perplexe… De fait, tant la révélation générale (la création, la nature), que la révélation spéciale (la Parole) doivent être prises sérieusement en compte dans l’étude des origines, car le même Créateur, qui ne saurait mentir (Hébr. 6:10), est à l’origine des deux.

Or, la Bible est peu diserte au sujet du ciel étoilé, de l’univers sidéral ou “cosmos”, qui ne paraît que jouer le rôle ua toile de fond du Jour quatrième. Nous constatons que là où la Bible est parfaitement claire (par exemple en ce qui concerne la création immédiate des êtres vivants), le créationnisme critiqué par Blocher reste fort dans son argumentation. Il est faible sur ce point non pris en compte de façon directe ou détaillée dans le texte biblique. Ces constatations invitent à remettre en cause l’interprétation traditionnelle du premier chapitre de la Genèse sur certains points, tout en respectant son contenu historique.

Par exemple, la Bible nous parle d’une terre informe, vide, plongée dans les ténèbres, une terre recouverte d’un abîme d’eau (Ce 1.2). Cela embarrasse parfois les commentateurs, car ils ne savent comment l’intégrer dans la chronologie des six jours. Or le texte, à proprement parler, implique la préexistence de cette terre primordiale entièrement minérale à la création des six jours. Il en va de même du cosmos, le ciel étoilé hors du système solaire. Dans ce cas, l’âge de ceux-ci peuvent être considérés comme indépendants de la chronologie génésiaque. Lors de la semaine de création, la terre primordiale fut structurée (topographiquement), peuplée pour la première fois et éclairée par les luminaires. Lors du déluge, correspondant essentiellement au primaire et au secondaire géologiques, elle fut complètement détruite.

Que devons-nous conclure des datations radiométriques d’un point de vue créationniste ? Tout d’abord nous souvenir qu’une roche ne fournit jamais une date de façon directe, mais seulement certaines concentrations en éléments chimiques. Comme la terre actuelle contient encore les radioéléments déjà présents dans la terre primordiale, on peut s’attendre à les retrouver dans les roches magmatiques refroidies ou formées de façon rapide pendant le déluge, qui fut accompagné d’un volcanisme intense.

À cet égard, plusieurs faits sont significatifs :

  • Des sources de carbone considérées comme géologiquement anciennes (carbonifère, 300 millions d’années), ont montré la présence de carbone 14 en quantité mesurable. (R. H. Brown, Origns 15:39, 1988). Si une telle durée s’était effectivement écoulée, il serait impossible qu’un seul atome de carbone 14 ait pu subsister sans se désintégrer.
  • Des dates récentes sont aussi obtenues avec les radioéléments d’origine minérale pour certains échantillons de roches considérées comme géologiquement anciennes, sans signe d’altération de la roche.
  • Les fossiles fournissent généralement des âges isotopiques faibles, même s’ils sont contenus dans des roches isotopiquement anciennes (H. Schneider, p.67).
  • très souvent, on observe une hétérogénéité des éléments “pères” par rapport aux “fils” dans une même roche (H. Schneider, p.79).

Tout se passe comme si l’ancienneté radiométrique n’était qu’apparente, due à la présence initiale de laves géologiquement anciennes (appartenant probablement à la terre primordiale), ayant subi un « rajeunissement isotopique » de plus en plus poussé au cours de l’avancement du déluge, par le fait de leur dilution avec des roches récentes. En définitive, l’argument des datations n’est pas à ce point décisif qu’on ne puisse interpréter les données d’une autre manière ; les datations ne méritent pas la confiance parfois aveugle qu’on leur prête, contribuant à diminuer l’esprit critique à l’endroit de la géologie historique.

Conclusion

Une fois les faits examinés et les fausses prétentions écartées, les fondements de l’argumentation des historiens et scientifiques séculiers restent sensiblement éloignés du cœur du sujet qui est l’origine de la vie. N’oublions pas qu’ils basent leurs raisonnements sur des prémices contestables et sur le désir d’expliquer le monde en faisant abstraction de son Créateur ou d’actes miraculeux d’envergure. À cause de présupposés matérialistes et évolutionnistes, ils ont posé de mauvaises questions à la terre et obtenu des réponses en grande partie non significatives.

La création est conçue de façon à ce que l’on ne puisse se passer d’axiomes ou présupposés : un développement rigoureux, un bon accord entre spécialistes ne garantissent pas la justesse absolue d’une théorie, mais seulement une bonne adéquation aux présupposés. Qu’il nous soit permis de voir dans cette hiérarchie logique la marque même du Créateur, dont l’existence ne se laisse pas démontrer par les instruments des hommes, mais constitue le suprême axiome.

Dans le camp créationniste, il importe de ne pas confondre interprétation littérale avec interprétation traditionnelle, susceptible de contenir quelques simplifications néfastes sur le plan scientifique. Une exégèse réservée, respectant l’inerrance de la Genèse, nous parait conciliable avec les données historico-scientifiques expurgées des faux-semblants réductionnistes.

Exiger de la part d’une poignée de scientifiques créationnistes les réponses globales et immédiates que des milliers de chercheurs à plein temps, sans parler des théologiens, n’ont su fournir en un siècle est beaucoup demander.

Pour le reste, il convient de patienter : dans un premier temps, les créationnistes sont parvenus à remettre sérieusement en question les conceptions séculières. Déjà, d’autres voix s’élèvent pour dénoncer la supercherie évolutionniste.

Certes, l’effort entrepris pour interpréter les données scientifiques dans un contexte biblique littéral doit aussi être poursuivi, en particulier dans la formulation d’un modèle diluvien général qui rende compte en particulier des âges apparents fournis par les méthodes radiométriques. Il est cependant trop tôt pour faire le bilan du créationnisme.

Pour notre part, nous demeurons confiants du caractère pleinement historique du récit biblique de la création et du déluge.

LEXIQUE

Anthropologie : étude de l’homme envisagé comme descendant d’animaux.

Anthropomorphisme : représentation de Dieu sous des traits humains ou avec des sentiments humains.

Axiome : proposition considérée comme évidente dans un raisonnement, dans une théorie. Elle est donc admise sans démonstration.

Cinétique : partie de la chimie physique étudiant la vitesse d’une réaction chimique. Dans la pratique, il est nécessaire de bien connaître les conditions physico-chimiques pour déterminer une vitesse. Pour des raisons évidentes, la géochimie ne peut étudier et tester que des cinétiques rapides à l’échelle historique.

Colonne géologique : succession, en partie virtuelle, de couches géologiques reconnaissables à leurs fossiles caractéristiques. Considérées comme reflétant des êtres et populations successives ayant peuplé la terre, ceci pendant des durées extrêmement grandes à l’échelle de la vie humaine. L’essentiel des fossiles est contenu dans les strates primaires ou paléozaïques (=ancienne vie), secondaires ou mégozaïques {dinosaures}, tertiaires ou cénozoïques (phase de plissements montagneux et de peuplement par les mammifères), quaternaire (depuis les glaciations).

Dans la conception créationniste, la plupart des couches (cambrien-crétacé) peuvent Être expliquées » par une zonation écologique du monde antédiluvien, les espèces du bas de la colonne (en général marines) ayant été recouvertes les premières lors du déluge.

Création immédiate : dogme affirmant le caractère soudain, par opposition à progressif, de la formation des différentes parties de la création.

Crétacé : partie de la colonne géologique correspondant à la partie supérieure du secondaire, contenant notamment des fossiles de dinosaures.

Selon les paléontologues, époque bien antérieure à l’apparition de l’homme, et même des primates.

Datations isotopiques ou radiométriques. Méthodes d’évaluation de l’âge d’un objet ou d’une roche utilisant une variété particulière d’éléments chimiques instables. Un isotope radioactif « père » se décompose à une vitesse en principe constante en isotopes d’une autre sorte (« fils »). Connaissant la vitesse de décroissance (la période étant la durée correspondant à la décomposition de 50 % d’une masse initiale d’isotope radioactif), le rapport entre la quantité de radio-isotope père et de radio-isotope(s) fils, et le taux initial des constituants, il est possible de déterminer l’âge de la roche ou de l’objet contenant ces isotopes. Il est nécessaire que la roche n’ait pas reçu de contamination significative dans l’intervalle.

La méthode des isochrones consiste à reporter le rapport de la teneur en isotope fils à la teneur en un isotope non issu de la décomposition radioactive du même élément, en fonction du rapport calculé avec la teneur en isotope père, et ceci pour différents échantillons de même origine, La fonction obtenue est normalement une droite, dont la pente indique l’âge et l’ordonnée à l’origine le taux initial de l’élément fille. Cette méthode permet donc de tenir compte de la présence d’élément fils non issu de la décomposition radioactive.

Distance génétique : cf. molécule.

Homologie : en anatomie comparée : ressemblance de parties correspondantes entre deux espèces. Ex.: les membres antérieurs des vertébrés ont des structures semblables.

Isochrones : cf. datations isotopiques.

Manteau : Partie du globe terrestre comprise entre la croûte et le noyau. Constitue la majeure partie de son volume. Formé de silicates (olivine).

Métamorphisme : cf. roches métamorphiques.

Métaphore : emploi d’un mot ou d’une expression dans un sens figuré qui convient grâce à une comparaison de l’esprit. Ex.: on dit métaphoriquement que la sève est le “sang” de la plante. Méthodes radiométriques : cf. datations isotopiques.

Molécule : la plus petite partie d’un corps ayant une propriété chimique définie, La biochimie étudie les molécules intervenant dans les mécanismes vitaux. Les protéines et les nucléotides sont des chaînes moléculaires complexes, mais construites à partir d’une variété restreinte de molécules relativement simples. Il existe une correspondance entre chaînes moléculaires d’une espèce à l’autre. La distance génétique est un paramètre faisant intervenir le degré de dissemblance entre chaînes similaires, d’une espèce à l’autre.

Ontogenèse : série de transformations subies par l’individu depuis la fécondation de l’œuf jusqu’à l’être achevé.

Il a été cru que « l’ontogenèse récapitule la philogenèse », c’est–à–dire qu’un fœtus passe par tous les stades successifs de sa prétendue évolution, lors de sa croissance, Basée sur des données falsifiées, cette théorie est aujourd’hui largement disqualifiée.

Organes vestigiaux : certains organes dont 1’utilité n’est pas apparue d’emblée ont été, au siècle passé, considérés comme des résidus d’organes utiles aux ancêtres évolutifs de l’espèce. Entre-temps, la fonction et l’utilité de la très grande majorité de ces organes ont été mises en évidence.

Philologie : science de l’étude critique de documents écrits, dans un contexte historique.

Phlogistique : fluide imaginé par les anciens pour expliquer la combustion.

Primaire : cf. colonne géologique.

Radioélément : cf. datations isotopiques.

Réductionnisme : tendance qui consiste à réduire l’objet de son étude à ses composants les plus simples et à considérer ces derniers comme plus fondamentaux que l’objet à étudier. Autrement dit : tendance à considérer qu’un tout n’est que la somme des parties.

Roches ignées : roches formées à partir du magma qui s’est refroidi et consolidé. Ne contiennent pas de fossiles. On distingue les roches intrusives ou plutoniques, grenues et formées en profondeur (granites, gabbros), des roches extrusives ou laves volcaniques refroidies en surface.

Roches métamorphiques : résultent d’une transformation des roches sédimentaires (déposées par l’eau) sous l’action de la pression, de la chaleur ou de l’activité chimique de fluides (Ex.: marbre, ardoise).

Roches plutoniques : cf. roches ignées.

Secondaire : cf. colonne géologique.

Séculier : s’entend comme propre au “monde” dans le sens néo-testamentaire du terme. (cf. I Cor 1.21)

Subsidence : enfoncement lent de dépôts sédimentaires dans la croûte terrestre. Expliquerait la faible quantité de sédiments trouvés par rapport aux quantités énormes susceptibles d’avoir été déposées durant les âges géologiques.

Selon certains créationnistes, les affaissements sont dûs au tassement des sédiments et non à un réel enfoncement dans la croûte.

Système de Ptolémée : modèle astronomique prenant la terre pour centre, L’observation du mouvement irrégulier des planètes conduisit à une complication énorme du modèle initial, dans lequel les planètes gravitaient autour de la terre en des épicycles. ‘

Tautologie : répétition sans intérêt d’une même idée en des termes différents.

Tertiaire : cf. colonne géologique.

Tourbières (Théorie des) : théorie selon laquelle les dépôts de charbon se seraient formés lentement à partir de tourbe, subissant un enrichissement progressif en carbone et le dégagement de certains produits de décomposition. Le lignite serait un intermédiaire entre la tourbe et la houille classique.

Taxinomiste : Spécialiste de la théorie de la classification des êtres vivants. Typologie : étude et classement des différents organismes selon leurs caractéristiques anatomiques, en général. On aboutit à ranger les différents types dans des catégories distinctes, sans rapport de succession évolutive.

Uniformitarisme : Dans un sens restreint (et recevable par le créationnisme), consiste à admettre que les lois de la nature et les constantes physiques, ont toujours été les mêmes. En géologie, consiste à dire que les formations anciennes peuvent être expliquées à partir de phénomènes encore observés actuellement.

Cette doctrine rejette tout cataclysme global tel le déluge génésiaque en disant : « il n’y a pas de miracles ».