Positions Créationnistes – numéro 19 | Regard biblique sur la civilisation antédiluvienne

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Au cours de mes études en anthropologie sociale, en considérant diverses structures tribales autour du monde, j’ai rencontré presque universellement une sorte de mémoire collective concernant un âge d ’or à la fin duquel une civilisation développée serait morte et aurait disparu. Nous avons tous entendu ce genre d’histoire, par exemple au sujet de l’Atlantide, une civilisation qui aurait été engloutie par les vagues. De la Chine à la Grèce, des Amériques aux Indes existe la légende d’un « âge d’or », qui s’acheva par une grande catastrophe[1].

Un regard authentique sur le monde antédiluvien

Le chrétien qui croit en la véracité de la Bible doit admettre que ces mythes comportent certains éléments de vérité, puisque l’on possède en Genèse 4 une image frappante de ce que fut ce monde ancien. En fait, ces quelques versets sont pratiquement la seule description authentique du monde antédiluvien que nous possédions, authentique au moins pour ceux d’entre nous qui reconnaissent que la Bible est la Parole de Dieu. Or ce monde antédiluvien différait du nôtre de manière importante. Je ne vais pas donner ici une liste de ces différences : nombreux parmi vous ont lu The Genesis Flood[2] ou ce genre d’ouvrages. Je soutiens la thèse que les observations naturelles sont en accord avec les données bibliques. Je ne vais pas non plus détailler ces différences, ni prétendre vous les exposer. Mais je pense que nous pouvons nous mettre tous d’accord sur le fait que le monde d’avant le déluge devait différer considérablement du nôtre. Les hommes vivaient jusqu’à un âge très avancé : l’âge moyen des patriarches mentionnés en Genèse 5 dépasse 900 ans. Il existe des indications bibliques que leur stature et leur vigueur étaient plus imposantes que celles de l’homme contemporain. À nouveau, ce genre d’idée apparaît dans les mythes des autres nations, avec l’idée qu’il existait des hommes plus forts et plus grands, et des histoires de géants. Tout cela fait partie de la mémoire collective[3] de l’humanité, dont nous pouvons tracer certaines des origines jusque dans le livre de la Genèse, malgré certaines altérations.

Ainsi, on peut savoir que non seulement l’homme avait une plus grande vigueur et longévité, mais que la population crût de manière très rapide. En fait, la population antédiluvienne est considérée par certains scientifiques créationnistes comme ayant été très importante.

Lorsque l’on additionne les âges des patriarches du chapitre cinq, et ainsi de suite en supposant qu’il n’y a pas de lacune dans la chronologie de ces généalogies primitives, on calcule que le déluge eut lieu 1 656 ans après la création. Henry Morris et d’autres ont montré par des calculs la possibilité d’une population mondiale atteignant lors du déluge le chiffre prodigieux d’environ 7 milliards d’habitants. C’est un nombre que l’humanité dans l’économie actuelle n’atteindra à nouveau qu’après l’an 2000. Ainsi, on ne doit pas considérer que seule une poignée de gens furent engloutis lors du déluge. De plus, leur distribution sur la terre devait être globale, les déplacements étant facilités par le fait que la surface du monde d’alors devait comporter moins d’eau.

Culture antédiluvienne

Il importe de se souvenir que ces gens étaient des citadins : Caïn construisit la première ville (Ge 4:17). En outre furent développés l’élevage (verset 20), la métallurgie (4:22), le goût artistique, en particulier musical (v. 21) et poétique (v. 23 et 24). Il est évident que l’écriture existait, puisque des poèmes étaient composés, et le chapitre 5 verset 1 cite un récit écrit de la postérité adamique[4] auquel se réfère Moïse, ce qui suggère qu’il utilisait une source aujourd’hui disparue.

Ces éléments d’appréciation indiquent que ces hommes et femmes qui vivaient dans le monde antédiluvien n’avaient rien en commun avec l’image d’Epinal évolutionniste d’hommes des cavernes primaires. Ces gens maîtrisaient probablement certaines techniques qui ne furent redécouvertes ensuite qu’après plusieurs siècles, voire plusieurs millénaires. Cependant, et c’est là que ça devient tragique, ce monde depuis longtemps disparu possédait des points communs avec le monde contemporain des similitudes encore plus frappantes que ce que l’on peut imaginer à partir de ce qui vient d’être exposé. D’un point de vue moral et spirituel, et pour des raisons que l’histoire révèle, ces gens devinrent si corrompus et si impies, que le Seigneur Dieu ne pouvait plus leur permettre de continuer à vivre. Ce furent « les jours de Noé », formule que la Bible utilise à plusieurs reprises, et pas seulement dans la Genèse, pour se référer à la terrible période précédant le déluge.

Les jours de Noé

Bien que l’expression en elle-même signifie toute la vie de ce patriarche, elle se réfère plus particulièrement aux 600 ans pendant lesquels il vécut en attendant le déluge. Nous lisons dans la seconde lettre de Pierre que » Dieu attendit patiemment aux jours de Noé ». Il convient parfois de se souvenir de ces mots, lorsque le péché de l’homme s’impose à nouveau, dans l’histoire de ce monde nouveau[5]. L’Ancien Testament se réfère parfois « aux jours de Noé ». On trouve un exemple de cette expression dans le livre d’Ésaïe où Dieu parle du comportement d’Israël en opposition à la Loi de Dieu comme lui rappelant les jours de Noé. Lorsque Israël fut exilé par suite de sa méchanceté, Dieu rappelle ce qui se produisit et comment l’homme se corrompit avant le déluge. A deux reprises dans l’Évangile, le Seigneur Jésus-Christ énonce cette prophétie à donner des frissons :

Ce qui arriva aux jours de Noé se reproduira pareillement au retour du Fils de l’homme.

Cela nous ne devrait pas nous laisser indifférents, et nous devrions en tant que chrétiens rechercher dans les Écritures tous les enseignements possibles au sujet des jours de Noé. Scion elles, il existe de nombreux parallèles entre ceux-ci et aujourd’hui[6].

La voie de Caïn

Retraçons brièvement comment le monde ancien évolua jusqu’aux jours de Noé, et durant cette période finale. Il importe de réaliser que ce fut un monde divisé dès le début. Dans la mémoire collective des nations perdure le souvenir d’un « âge d’or », mais ce terme ne fait pas allusion au péché qui y régnait. Genèse 4 et 5 montre clairement que deux civilisations distinctes s’y développèrent. L’une fut fondée par le premier fils d’Adam et d’Eve et sa descendance et fut, selon les mots de Jude « la voie de Caïn ». Nous apprenons que la civilisation caïnite (non pas cananéenne) décrite en Ge 4:16-24 était complètement impie[7] : la vie de l’homme s’était développée sans référence aucune à Dieu. Ce fut un temps de progrès technique et artistique, où la musique, la métallurgie et la littérature poétique furent fort pratiqués, comme nous l’avons déjà remarqué. Cela démontre que de grands progrès techniques et artistiques demeurent possibles sans Dieu, mais que sans Lui ils conduisent toujours à la dépravation[8]

A l’instar de son fondateur, la civilisation caïnite fut condamnée à demeurer errante, sans but ni repos, absorbée par les seules affaires du monde. Lémec, un descendant de Caïn qui vécut probablement au début des jours de Noé (au début des 600 ans précédant le déluge), illustre bien cette tendance (Ge 4.19). Il est écrit que Lémec épousa deux femmes, Ada et Tsilla. Il fut le premier bigame de l’histoire biblique. Nous lisons aussi qu’Ada engendra Jabal, l’ancêtre de ceux qui vécurent sous tente et qui pratiquèrent l’élevage. Son frère s’appelait Jubal ; il était l’ancêtre de tous ceux qui jouaient de la harpe et de la flûte. Tsilla eut aussi un fils du nom de Tubal-Ca’ln, un forgeron qui fabriquait toutes sortes d’outils de bronze et de fer ; sa sœur se nommait Naama.

Lémec dit à ses femmes:
Ada et Tsilla, écoute : ma voix !
Femmes de Lémec, écoute : ma parole !
J’ai tué un homme pour ma blessure,
Et un jeune homme pour ma meurtrissure
Caïn sera vengé sept fois,
Et Lémec septante-sept fois. (Ge. 4:23-24)

Le poème de Lémec est passablement vicieux et sadique. Le fils de Lémec avait découvert l’art de fabriquer des outils de métal et Lémec est séduit par les possibilités de vengeance qui s’offrent à lui ainsi : le voici qui défie quiconque de le toucher. Ce qu’il proclame dans son poème est au fond ceci : « Je peux faire plus en me vengeant moi-même que Dieu en protégeant Caïn. Il défie ainsi la promesse divine. On peut voir en ce poème, peut-être un spécimen typique – préservé pour nous par l’Esprit divin – un aperçu de l’esprit du temps. Vous y trouvez brutalité et violence, ainsi qu’une arrogance sans bornes, un défi sciemment lancé contre Dieu.

Souvenons-nous que dans le livre de Job nous est conté ce que pensaient les hommes qui furent balayés par le déluge : Retire-toi de nous ; que peut nous faire le tout-puissant ! y lit-on (Job 22, v. 17:18). Job commente ces jours pour nous et relève le défi du monde antédiluvien lancé contre Dieu. En dépit du fait que Dieu lui octroya les nombreux dons de Sa grâce commune, la civilisation caïnite renia Sa providence et brava Ses jugements (Job 22:12-18). La voie de Caïn allait s’achever comme elle avait commencé : dans le sang, l’amour du monde et l’infidélité.

La voie d’Abel et de Seth

C’est avec soulagement que nous laissons de côté la civilisation caïnite, pour nous tourner vers celle qui s’est développée parallèlement. Cette dernière dériva d’un autre enfant d’Adam et d’Eve. Ge 4.25 nous conte les débuts de celle autre civilisation. On lit au verset 25 :

Adam connut encore sa femme ; elle enfanta un fils et l’appela du nom de Seth, car, dit-elle, Dieu m’a donné un autre fils à la place d’Abel, que Caïn a tué.

L’autre lignée, celle de Seth, est maintenant portée à notre attention. Seth n’est certes pas né sans péché, puisqu’il est fils d’Adam. Mais les mots de Ge 5:3 sont significatifs :

Adam, âgé de 130 ans, engendra un fils à sa ressemblance, selon son image, et il lui donna le nom de Seth.

Ainsi, nous voyons un personnage qui, bien que né dans le péché, fut le second maillon de la chaîne conduisant au Messie.

La civilisation séthite est différente en tous points de la précédente, au vu de ce qu’on lit en Genèse chapitres 4 et 5. On n’y trouve pas cette gloriole des réalisations humaines que l’on trouve dans le récit de la civilisation caïnite. Elle est délibérément décrite dans un ton très différent. Très tôt, des cultes furent organisés parmi les séthites. En Ge 4:26, il est dit qu’à cette époque on commerça à invoquer le nom de l’Éternel. Sans doute existait-il un autel, des sacrifices, des prières. Il est possible de se référer à certains hommes appartenant à cette lignée divine, tel Hénoc, de la septième génération après Adam. Hénoc marcha avec Dieu, puis on ne le vit plus, parce que Dieu l’avait pris (Ge 5:24). Dieu avait une telle estime pour lui, que selon les Écritures il fut enlevé dans un corps céleste sans passer par la mort.

Le testament d’Hénoc

Il est remarquable que nous possédions, préservé par la puissance du Saint-Esprit, un extrait de prédication antédiluvienne. Ce n’est pas dans le livre de la Genèse qu’on le trouve, mais dans celui de Jude. Nous y trouvons cet extrait de la prédication d’Hénoc qui fut préservé pour nous. C’est la seule prédication du monde ancien à avoir survécu, ce qui devrait nous la faire considérer avec beaucoup de respect et une grande curiosité, considérant ce qu’elle déclare :

Voici, le Seigneur est venu avec ses saintes myriades, pour exercer un jugement contre tous, et pour faire rendre compte à tous les impies parmi eux de tous les actes d’impiété qu’ils ont commis et de toutes les paroles injurieuses qu’ont proférés contre lui des pécheurs impies. (Jude 15)

Imaginons cet homme luttant ardemment contre la voie de Caïn. Voici Hénoc, cet étonnant exemple de la lignée de Seth, prêchant les jugements de Dieu à l’encontre de cette civilisation, disant que Dieu ne permettra pas qu’elle perdure, qu’elle court à sa perte. Nous pourrions faire de même aujourd’hui.

Le témoignage de Mathusalem

Cependant Dieu ne laisse pas les choses se dégrader sans susciter de témoin. Beaucoup de gens ont entendu parler de Mathusalem, l’homme qui atteignit l’âge le plus élevé de ceux rapportés dans la Bible. Il vécut 969 ans. Si vous examinez les textes attentivement et si vous savez compter, vous constaterez qu’il mourut l’année-même du déluge. Or Hénoc était père de Mathusalem. 11 paraît clair qu’Hénoc avait connaissance de la venue du déluge, car il donna à son fils Mathusalem un nom qui signifie « après lui le jugement ». On peut penser qu’Hénoc marchait avec Dieu et que, connaissant Son sentiment et Sa pensée à ce sujet, il lui octroya ce nom particulier de manière prophétique. D’un point de vue théologique, le grand âge de Mathusalem n’est pas un simple accident. La bonté de Dieu prolongea longtemps sa vie, et Dieu attendit avec patience durant les jours de Noé, comme ! I Pierre 3 nous le rappelle. Aujourd’hui, Dieu n’a pas oublié sa promesse, mais notre époque ressemble à celle qui précéda le déluge. Dieu prolonge ces jours comme il le fit jadis. Sachons donc en tirer la leçon.

Le fils de Mathusalem, nommé Lémec, ne doit pas être confondu avec le Lémec qui descendait de Cain. C’était un homme très différent, et les paroles qu’il prononça tranchent par rapport aux paroles du premier, celles d’un chant guerrier plein d’amertume et d’hostilité à l’encontre de Dieu. Les mots du Lémec séthite nous sont rapportées en Ge 5:28 :

Lémec, âgé de 182 ans, engendra un fils. Il lui donna le nom de Noé, en disant : Celui-ci nous consolera de nos fatigues et du travail pénible de nos mains, provenant de cette terre que l’Éternel a maudite.

Deux cultures

Les mots des deux Lérnec paraissent souligner les différences entre les deux civilisations : celle fondée par Caïn et celle de Seth. La civilisation caïnite s’enorgueillit de la puissance de ses armes et devint arrogante envers Dieu ; l’autre civilisation se repose sur la paix que le fils de Noé va apporter[9]. Deux civilisations représentant la semence du serpent et celle de la femme, la semence de l’impie d’une part, celle de l’Esprit d’autre part. Tandis que les Canaïtes en fondant des cités, en inventant et en développant le commerce et l’artisanat, posaient les fondations du royaume de ce monde, les Séthites par leur adoration posaient celles du royaume de Dieu. Il n’est dès lors pas surprenant que les Caïnites virent leur puissance, leur prospérité et leur luxe s’accroître et devenir supérieurs dans pratiquement tous les domaines à la civilisation plus fruste et plus rurale des Séthites. Pour les fils de Caïn, le monde était leur seule patrie, et ils tentèrent de toutes leurs forces de rendre leur existence vide de sens, la plus attrayante possible par le développement des ressources naturelles. Les séthites portaient leur attention à Dieu et ne se sentaient pas aussi concernés par les affaires du monde.

Mais un désastre allait affecter la lignée divine, désastre d’une telle ampleur que seul le déluge pourra y porter remède.

Pour comprendre les raisons d’un désastre

Il importe que nous tentions de comprendre le sens de cette catastrophe, car il concerne au plus haut point notre vie chrétienne d’aujourd’hui. Examinons tout d’abord au chapitre 6 les dégâts qui en résultèrent :

La terre était corrompue devant Dieu, lu terre était pleine de violence. Dieu regarda sur la terre, et voici, elle était corrompue ; car toute chair avait corrompu sa voie sur la terre.

Le verset suivant nous rapporte cette phrase :

Par leur faute, la terre est pleine de violence[10].

Nous voici placés devant l’image du Seigneur Dieu comme étonné, examinant la terre qu’il créa et constatant les dégâts et la situation catastrophique dans laquelle l’homme l’a plongée ; ce qu’il observe sur l’ensemble de la surface du globe peut être résulté Cil ces termes « corruption et violence ». Vous pouvez penser que c’était l’issue prévisible de la descendance de Caïn. Mais à présent, ce constat s’applique aussi à la descendance de Seth. Jusqu’alors, ils étaient demeurés séparés en civilisations distinctes, selon des voies opposées. À présent, voici que la terre est complètement corrompue et pleine de violence. Mais le Seigneur regarde aussi, comme lui seul peut le faire, au cœur de l’homme ; on lit en Ge 6:5 ces paroles effrayantes :

L’Éternel vit que la méchanceté des hommes était grande sur la terre, et que toutes les pensées de leur cœur se portaient chaque jour uniquement vers le mal.

La méchanceté est à présent profonde et universelle, aussi irrémédiable que profonde. À la suite d’une explosion démographique et de rapides progrès techniques, nous voyons que la race humaine du monde ancien se voue au matérialisme le plus grossier et au seul plaisir. Le mépris total pour Dieu a débouché sur la violence et la corruption à chaque niveau de la société. De plus ces comportements sont publics et se manifestent de manière effrontée. Nous lisons en Ge 6:11 :

La terre était corrompue devant Dieu.

Le mal se manifeste alors ouvertement : les hommes ne ressentent plus de honte de leur comportement, ils manifestent ouvertement leurs vices. Arrivés en ce point, peut-être reconnaissons-nous quelques traits caractéristiques de notre société et du monde contemporains. Peut-être ces paroles du Seigneur nous reviennent-elles à l’esprit :

Comme il en était aux jours de Noé, il en sera de même lors de l’avènement du Fils de l’homme.

La chute de la lignée divine

Et les enfants de Dieu dans tout cela ? où étaient les croyants ? où se trouvait la lignée divine, la descendance de Seth ? Ils étaient censés être le sel de la terre, et ceci à toute époque ; mais le sel avait perdu de sa saveur dans le temps qui précéda le déluge, aux jours de Noé. Sans doute la corruption avait-elle atteint le monde entier, et sans rencontrer de résistance. Qu’est-il arrivé aux enfants de Dieu ? La réponse nous est fournie au début du chapitre 6 :

Lorsque les hommes eurent commencé à se multiplier sur la face de la terre, et que des filles leur furent nées, les fils de Dieu virent que les filles des hommes étaient belles, et ils en prirent pour femmes parmi toutes celles qu’ils choisirent (Ge 6:1,2).

Ces versets sont de la plus haute importance, car ils traitent du destin du monde d’avant le déluge, et nous devons être aussi clairs et pertinents que possible dans l’exégèse de ces textes. Tout d’abord, nous rejetons formellement l’ancienne légende juive qui réduit le profond enseignement de ce texte à un conte de fées et que certains évangéliques ont répercuté.

Voyons de quoi il est question. Le verset 2 du chapitre 6 décrit-il quelque incroyable liaison entre anges et hommes ? Ces versets mentionnent indubitablement le mariage et, comme le Seigneur lui-même nous l’enseigne à propos du fameux débat avec les sadducéens, il est de la nature même des anges de ne pas se marier. De plus, si ce furent des anges qui péchèrent au verset 2, il serait étrange que la justice divine punît ensuite les hommes au verset 3. À quelle sorte d’étrange métissage pourrait conduire le croisement des anges avec les hommes ? En réalité, la mention des anges est étrangère à l’ensemble du contexte du passage. De fait, ce passage est absolument fondamental si on veut comprendre ce qu’il advint de la société antédiluvienne, ce qui la conduisit tout droit au déluge.

Fils de Dieu et enfants des hommes

Nous avons déjà remarqué que l’humanité ancienne se développa en deux lignées tout à fait distinctes, ce qui souligne la signification et la pertinence de ces versets. Ainsi qu’Adam est appelé « fils de Dieu » en Luc 3, les saints de l’Ancien Testament, mis à part pour être ses enfants, sont décrits par ces mêmes mots. Certes, tous ceux de la lignée divine en Jésus-Christ sont décrits par l’apôtre Paul comme des fils de Dieu. 11 n’y a donc rien d’étranger à ce que le texte décrive la lignée divine comme les fils de Dieu. Elle est utilisée ici délibérément pour souligner ce qui se passe. D’autre part, les termes « enfants des hommes » sont aussi fréquemment employés dans l’Écriture pour désigner l’impie et l’incroyant. Ainsi, l’auteur biblique désire exprimer en termes très forts le fait que les deux civilisations qui furent séparées par Dieu dans le but de préserver la lignée divine, se mélangent et s’unissent, et que la séparation qui existait entre elles est maintenant détruite.

L’image devient claire : la civilisation caïnite du chapitre 4 et la civilisation séthite du chapitre 5 sont maintenant réunies au chapitre 6, où le paroxysme de l’impiété est atteint, conduisant Dieu à provoquer le déluge. C’est pour cela que la Bible dénonce avec tant de véhémence les mariages entre les enfants de Dieu et les enfants du monde. Les écrivains bibliques sont imprégnés de cette vérité qui émane des premiers chapitres de la Genèse, et c’est une leçon qu’ils avaient fort bien apprise. Nous voici parvenus à la racine du problème : nous comprenons pourquoi, lorsque Caïn tua Abel, Dieu l’éloigna afin qu’il ne puisse en aucune manière contaminer ses enfants. C’est la même image que l’on retrouve après le déluge au sujet d’Ismaël, qui ne fut pas autorisé à demeurer avec Isaac.

Ainsi, les descendants de Caïn et ceux de Seth, le fils qui remplaça Abel et qui portait son souvenir, se développèrent d’abord séparément, selon la volonté divine. Dans ce contexte, quel que fut l’état de dégénérescence de la civilisation caïnite, état qui ne fait pas de doute, la lignée séthite se trouvait à l’abri. Tant que les séthites demeuraient fidèles, rien de fâcheux ne pouvait leur arriver. Tant que la lignée divine subsiste, Dieu ne procède pas à la destruction. Ce principe est maintenu de manière constante dans la Bible. Dieu ne détruira pas Sodome, tant qu’elle y abrite des justes. Dieu ne désire pas détruire Jérusalem, il envoie donc Jérémie, avec mission de parcourir les rues et de trouver un seul juste. Dieu ne veut pas détruire la ville tant qu’un résidu de croyants y réside. Ainsi, tant que la civilisation de Seth demeurait fidèle de par son état de séparation, la destruction ne pouvait pas se produire. Voici cependant qu’une tragédie allait éclater parmi les enfants de Dieu aux jours de Noé : c’est la réponse à notre question concernant ce qu’il advint de la lignée divine.

La doctrine de la séparation

À présent, nous percevons toute l’importance de cette doctrine, puisque c’est sur elle que repose la notion de séparation du peuple de Dieu d’avec le monde. Il est important d’essayer de comprendre ce qu’il advint des séthites. Les fils de Dieu virent que les filles des hommes étaient belles, et ils épousèrent toutes celles qu’ils choisirent. Les séthites prirent l’initiative ; nous ne savons pas s’ils succombèrent à la tentation de la beauté extérieure ou si leurs motifs étaient plus honorables, s’ils espéraient gagner les calamites à la cause divine. Peut-être certains considéraient-ils que ce genre d’union leur apporterait des avantages techniques, ou peut-être pensaient-ils que certains compromis s’avéraient nécessaire à leur survie. Tout ce que l’on sait est que cela entraîna la pire des calamités, permettant au péché qui avait débuté par Eve au jardin d’Éden d’atteindre toute son ampleur et toute son horreur ; cette situation ne laissa à Dieu qu’une seule possibilité, le déluge.

Cette constatation confère une portée plus significative à ces autres paroles du Seigneur Jésus, disant qu’avant le déluge, les gens mangeaient et buvaient, se mariant et donnant leurs enfants en mariage, jusqu’au jour ou Noé entra dans l’arche. Il n’est pas besoin de raisons supplémentaires pour justifier l’interdiction des mariages mixtes de Moïse à Néhémie à l’époque de l’Ancien Testament ; c’est la raison pour laquelle les mariages dans l’église doivent se faire uniquement dans le Seigneur. La leçon pratique la plus essentielle à tirer du monde ancien pour le chrétien d’aujourd’hui est que, au niveau de ses relations les plus intimes, la lignée divine doit demeurer totalement séparée de la lignée perdue. C’est pour cela que Dieu sépara les séthites avant le déluge, qu’il sépara les enfants d’Israël des peuples d’alentour, qu’il maintint son Église séparée à l’ère de l’Évangile. Ce principe trouve sa quintessence dans les liens du mariage, mais il s’étend à l’ensemble des domaines de la vie ayant une signification morale. À l’époque de l’Évangile il faut considérer de la même manière toute velléité d’amour pour ce que la Bible appelle le monde.

À nouveau, il peut être énoncé « qu’il en sera de même à la venue du fils de l’homme qu’aux jours de Noé ». Le malin travaille exactement de la même manière aujourd’hui lorsqu’il tente d’entraîner les croyants dans des alliances profanes de toutes sortes. La leçon à retenir est que les enfants de Dieu ne peuvent être touchés par le monde tant qu’ils demeurent séparés. Nous pouvons remarquer le déclin redoutable des valeurs morales et éthiques dans la vie quotidienne des chrétiens contemporains. Les différences entre les styles de vie des croyants et des incroyants sont aujourd’hui aussi ténues qu’elles l’étaient entre caïnites et séthites aux jours de Noé. Les raisons qu’on avance pour justifier ces compromissions sont bien entendu identiques ; leurs conséquences en sont tout aussi dévastatrices.

Le cœur de Dieu

Enfin, nous devons prêter attention à la manière dont le Seigneur réagit face à cela. Il en est profondément chagriné. Les originaux se lisent « il eut mal au cœur », littéralement « il se blessa le cœur ». De paradis, le péché avait transformé le monde en enfer. Dieu se dit : « il me déplaît de faire cela, mais c’est la seule solution ». Si seulement l’existence du péché nous affectait au quart de ce qu’il touche notre Dieu ! Nous avons touché un mot de la longanimité de Dieu au verset 3 ; il fournit une occasion de repentance, attendant patiemment, puis il ôte son Esprit Saint. Mon Esprit ne contestera pas à toujours dans l’homme (v.3). Dieu retire son Esprit Saint de manière analogue à ce que le Nouveau Testament nous annonce concernant le retour du Fils de l’homme. Nous lisons en II Thessaloniciens 2.7 que Celui qui retient à présent le pouvoir mystérieux de l’anarchie sera un jour retiré. La meilleure interprétation est qu’il s’agit du Saint Esprit en personne.

Ainsi, il existe tant de parallèles entre les derniers temps de ce monde nouveau et les derniers du monde ancien, aux jours de Noé, que je pense sincèrement que si nous étudions les caractéristiques de ces sociétés à partir des Écritures, nous y trouvons bien des renseignements. Ces données peuvent ne pas satisfaire toute notre curiosité au sujet de la manière exacte dont ces gens vécurent, mais si nous sommes spirituels, nous y trouverons de nombreuses leçons. « Voyez, cela s’est déjà produit ; tirez-en la leçon ! », déclare-t-on souvent. Apprenons celles du monde antédiluvien telles qu’elles sont rapportées en Genèse 4, 5 et 6, pour notre plus grand profit et pour notre édification.

Jonathan STEPHENS

[1]      Jonathan Stephens, A Biblical Look at Early Civilisation, Origins (J. Bibl. Creat. Soc) Vol 5. No 14. Jonathan Stephens est le pasteur de l’Église Baptiste de Reading en Angleterre. Comme l’indique cet article, avant l’entrer dans le ministère M. Stephens a poursuivi des études d’anthropologie culturelle.

[2]      Voir en français : John C. Whitcomb, Le monde qui a péri, C.B.I. Lausanne, 1981

[3]      L’original dit : folk memory : mémoire populaire

[4]      Le texte biblique dit : voici le livre de la postérité d’Adam ; plus spécifiquement, les travaux de Wiseman indiquent qu’il s’agit du livre racontant l’histoire d’Adam (ndtr).

[5]      Le monde nouveau : par opposition monde ancien antédiluvien (ndtr).

[6]      Malheureusement, pour la première fois depuis le début du christianisme, les chrétiens et leurs pasteurs ne croient plus, dans leur grande majorité, à la réalité historique des jours de Noé et du châtiment divin qui s’en suivit une telle attitude compromet tout tentative de redressement (ndtr)

[7]      L’original se lit « totally secular society »

[8]      Cette orientation impie de la civilisation caïnite n’implique aucunement que les arts et les techniques soient en elles-mêmes nuisibles. Leur développement fait partie du mandat culturel créationnel. L’important ici est l’orientation spirituelle et morale de ceux qui utilisent ces dons de Dieu (ndtr).

[9]      La paix que le fils de Noé va apporter : avec la Nouvelle Alliance (ndtr)

[10]    Par leur faute : d’après l’article original (ndtr)