Positions Créationnistes – numéro 7 | La restructuration stratigraphique (I)

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La stratigraphie repose sur l’apparence des strates des roches, qui a fait penser aux géologues fondateurs, qu’elles étaient, à l’origine, des couches sédimentaires déposées les unes sur les autres, parfois par intermittence, caractérisée par les joints séparant des strates, qu’ils ont supposé résulter d’une induration (N.B. Voir le glossaire à la fin) de leur surface supérieure pendant l’interruption de sédimentation.

En outre, ils ont supposé que les strates s’étaient déposées à l’horizontale, de sorte que là où les roches sédimentaires recouvrent un bassin ou un massif (roches dont la stratification est sensiblement parallèle à la pente du bassin ou du massif) ils en ont souvent déduit que le bassin s’était affaissé sous le poids des sédiments (subsidence) ou que le massif avait soulevé les sédiments (orogenèse). A cela s’ajoute le fait qu’en des lieux différents d’un bassin on peut retrouver à la verticale, en tout ou en partie, les mêmes successions de bancs (conglomérats, grès, argile, marne, calcaire, dolomie, évaporites). constitués chacun d’une série de strates superposées contenant des zones fossiles caractéristiques (biozone).

Ces géologues ont donc supposé que ces bancs identiques en des lieux différents, s’étaient déposés, couche par couche, en même temps et que leurs fossiles et les espèces qu’ils représentent étaient donc de même âge.

Ainsi est née, à partir de la fin du XVIIIᵉ siècle, la stratigraphie. En 1830, Charles LYELL dressait la première échelle chronostratigraphique. L’unité de base de l’échelle étant l’étage, défini à partir d’une coupe de référence de faciès marin, caractérisée par un ensemble de critères paléontologiques, lithologiques, ou structuraux de valeur universelle, portent le nom d’une localité-type.

À l’étage correspond un âge qui porte son nom et qui représente la durée évaluée selon le principe de l’Actualisme qui postule que tout s’est toujours passé comme de nos jours, et prend donc en compte les vitesses de sédimentation actuelles.

L’étage, qui se situe relativement dans l’échelle, a donc un âge absolu estimé. Par exemple, le kimmeridgien, caractérisé par les marnes noires de Kimmeridge, qui appartient à la période “Jurassique” de l’Ère Secondaire, est estimé durer 5 millions d’années (de -151 à -146 millions d’années). Les divisions supérieures à l’étage sont : la série, le système, l’érathème, auxquels correspondent chronologiquement : l’époque, la période, l’ère.

L’échelle stratigraphique se présente donc comme une succession, sans transition, de faciès lithologiques et paléontologiques. Par exemple le genre “Ammonites” apparaît au Permien et disparaît au Crétacé. Les coquilles des espèces du genre de la succession semblent se dérouler dans le temps. Ce déroulement constitue pour les paléontologues la preuve de l’évolution du genre. Plus généralement, les espèces se succédant les unes aux autres dans l’échelle, les paléontologues y ont vu la preuve de l’évolution des espèces et du transformisme. On rappellera pour mémoire les théories de LAMARCK, DARWIN et de leurs disciples. Au XXᵉ siècle, se parachève une vision évolutionniste totalitaire d’un monde issu d’un Big Bang originel, la matière se transformant ensuite en vie qui évolue.

On voit que la stratigraphie est à la base de tout cet échafaudage, et qu’il est moralement légitime d’en éprouver les fondements. Il y a en effet, comme je viens de le rappeler, beaucoup de suppositions dans cette science. Comment pourrait-il en être autrement puisque nul n’a été témoin de la formation des roches sédimentaires ?

Ce que l’on sait, c’est que ces roches sont d’anciens sédiments déposés sur les continents, et apportés par les océans au cours de leurs transgressions » et régressions. Interpréter l’histoire des coupes géologiques, à partir de la stratigraphie des roches sédimentaires, en en ignorant la genèse, l’origine, est un risque d’erreur fondamentale.

Mieux aurait valu commencer par l’étude des sédiments marins actuels pour bien connaître leur formation selon les facteurs physico-chimiques ou géographiques qui les déterminent. On en aurait tiré des enseignements précieux pour la connaissance de la genèse des bassins anciens.

Mais au temps des fondateurs de la stratigraphie, on ne connaissait rien des sédiments et ce n’est qu’en 1875, avec la campagne de prélèvement de sédiments marins, de surface, du navire “CHALLENGER”, que naquit la sédimentologie.

C’est au sédimentologue allemand Johannes WALTHER[1] que l’on doit les premiers enseignements sur la genèse sédimentaire, par ses observations des sédiments littoraux du golfe de Naples, en 1894. Il constata que les sédiments de surface changeaient de composition (faciès), du rivage vers le large, et que la même succession latérale (lithologique et paléontologique) se retrouvait dans un forage vertical. L’explication qu’il en donna est la suivante : dans la zone littorale, les matériaux venus du continent, se déposent, sous l’action des vagues et des marées, dans l’ordre de taille décroissante : galets, graviers, sables, vases, de la côte vers le large. La vase étant d’origine mixte, continentale et marine. Les espèces vivant près du fond sous-marin à des profondeurs spécifiques y déposent respectivement leurs coquilles. Peu à peu, le golfe se comble de sédiments. Les zones de dépôt des matériaux progressent vers le large en se recouvrant l’une l’autre, comme le montre le schéma ci-après, de même que les zones coquillères, non figurées. Ce phénomène est appelé progradation.

Depuis WALTHER, les sédimentologues de son école ont cherché une explication à la disposition superposée des bassins sédimentaires anciens, à partir de ses observations. Faute de pouvoir observer la sédimentation consécutive aux transgressions et régressions majeures du passé, ils ont raisonné à partir des transgressions et régressions contemporaines côtières résultant d’ouragans tropicaux.

Voici deux schémas illustrés par VINCENT[2]

qui écrit :

« Si la mer s’avance lentement sur le continent (on dit qu’il y a transgression), les galets se déposent le long du rivage et recouvrent progressivement la plate-forme rocheuse ; des sables recouvrent les galets ; de la vase se dépose sur les sables. Ainsi, en un point donné, la plate-forme porte de bas en haut : un banc de galets ou de conglomérats, un banc de sables ou de grès, un banc de calcaire, de marne et d’argile. De même, les restes d’animaux nageurs de haute mer (mollusques céphalophodes, par exemple)».

« La mer se retire ; on note un retour à la sédimentation grossière. Si elle s’évapore sur place, on constate un dépôt lagunaire de gypse et de sel ».

Lors de la transgression, lorsque la mer atteint le niveau A, le dépôt sédimentaire est représenté par (a).

Lorsqu’elle atteint le niveau B, le dépôt sédimentaire s’accroît de (b).

Lorsqu’elle atteint le niveau C le dépôt s’accroît de (c).

(a), (b), (c), sont des couches successives. Du continent vers le large, chacune d’elle est constituée successivement de galets, sable et vase.

Elles se distinguent des bancs homogènes respectivement de galets, sable et vase.

Ces couches se succèdent dans le temps, tandis que les bancs superposés, sont à chaque instant juxtaposés sur l’air du dépôt. Si la plate-forme était horizontale, couches et bancs le seraient aussi.

C’est l’hypothèse singulière qu’ont formulé les fondateurs de la stratigraphie qui, dès lors, ont admis que bancs et couches se confondaient, ce qui, on le voit sur les schémas, n’est pas le cas en général.

On voit alors que les principes de la stratigraphie, qui s’appliquent aux couches, ne s’appliquent pas aux bancs (sauf s’ils sont horizontaux). Ils ne se succèdent pas chronologiquement, et l’âge de chaque banc et des fossiles qu’il contient, croît dans le sens de la progradation, transgression ou régression. Et comme les bancs sont stratifiés, on aboutit à la conclusion que les strates ne s’identifient pas à des, couches.

Au demeurant, les couches (a), (b), (c), sont fictives : On ne voit réellement que les bancs devenus roches stratifiées. Les disciples de WALTHER ont ainsi déterminé dans les bassins sédimentaires, des séries de bancs superposés transgressifs et régressifs, qu’ils ont admis être juxtaposés dans l’aire de dépôt, à chaque instant, alors que la stratigraphie classique les situait en succession chronologique. Cette méthode est appelée analyse séquentielle.

Toutefois, ils ont continué à admettre que les joints de stratification marquaient une interruption de la sédimentation, et ont, en conséquence, limité chaque série entre deux joints consécutifs.

Depuis lors, les observations et l’expérimentation en sédimentologie nous conduisent à remettre en cause les explications classiques des phénomènes de stratification dont les joints ne sont qu’un aspect.

En premier lieu, les géologues d’antan ont affirmé que les strates s’étaient déposées à l’horizontale. Or les profils sismiques des fonds marins, même en surface, mettent en évidence une stratification qui, grosso modo, est parallèle à la pente du bassin, et horizontale quand la pente est nulle, dans la plaine abyssale notamment.

Il n’y a donc pas lieu de supposer a priori, si les strates sont sensiblement parallèles à la pente d’un bassin ou d’une montagne, que le bassin se soit affaissé sous le poids des sédiments ou que la montagne les ait soulevés, suppositions dont on a fait les causes des transgressions et régressions marines, sauf si le plissement des strates fait un angle tel qu’il atteste un mouvement tectonique postérieur au dépôt, ou s’il y a discordance de stratification.

En second lieu, j’ai dit au début que les joints de stratification qui séparent les strates (il y a d’autres types de séparation) marquaient, selon les géologues, une interruption de la sédimentation et une induration, dans l’eau, de la surface supérieure de la strate antérieurement déposée.

Or les forages des sédiments marins, tout particulièrement ceux entrepris récemment par le navire « GLOMAR CHALLENGER », ont montré que, jusqu’à près de 300 m de profondeur, il n’y avait généralement que des sédiments non consolidés, donc pas d’induration, sauf exception. On peut alors se demander dans quelles conditions réelles se forment ces joints. Nous nous référons à un exemple d’inondation fluviale, pour nous mettre sur la voie.

Il s’agit de l’inondation de BIJOU CREEKE[3], au Colorado, en 1965, qui a laissé en 48 heures une couche de sédiments qui atteint parfois 12 pieds d’épaisseur, et qui a été étudiée après l’inondation par le sédimentologue américain, Edwin Mc KEE, du Geological Survey. Mc KEE a pratiqué des tranchées dans les sédiments et observé leur structure et leur texture. La structure se compose à 90 % minimum de strates horizontales, laminées.

La face externe verticale des sédiments déposés sur l’ancienne berge, à l’aplomb du lit de la rivière, présente des strates séparées par des fissures quasi-horizontales, semblables aux joints que l’on voit dans les roches sédimentaires comme on peut le constater sur la photo ci-après :

L’inondation n’ayant duré que 48 h, on ne peut expliquer ces fissures par une induration sous l’eau. Comme l’a déjà constaté VAN HOUTEN[4], la compaction des sédiments consécutive au retrait des eaux provoque, entre autres, des fissures horizontales semblables à celles que l’on sur la photo. On aurait là la véritable explication des joints de stratification.

L’examen par McKEE de la texture des sédiments de BIJOU CREEK, par carottage, montre un granoclassement turbide vertical des particules sédimentaires semblable à celui qu’on trouve souvent dans les strates, ainsi qu’une alternance de bains de sable et de bains de sable boueux.

Ce granoclassement ne résulte pas ici de la différentiation des vitesses de chute dans l’eau des particules selon leur taille, mais des variations de la vitesse du courant au niveau du dépôt. Les grosses particules se déposent seules lorsque le courant est rapide, les petites particules ne se déposent que lors d’une décélération du courant, comme la montré HJULSTROM[5].

McKEE considère également que les laminae horizontales correspondent à un courant rapide, et les laminae obliques à une décélération du courant, passant des une aux autres sans interruption sédimentaire. Il apparaît donc, par cet exemple, qu’une sédimentation à débit variable, mais continue, produit des dépôts présentant une stratification ayant les caractères essentiels de la stratification des roches : granoclassement turbide, laminations horizontales, et obliques, joints de stratification. Toutefois, ces observations ont été faites à posteriori par McKEE.

Guy BERTHAULT

Ancien Élève de l’École Polytechnique novembre 1988

La deuxième partie de cet article paraîtra ultérieurement. Elle fera état des recherches personnelles de Guy BERTHAULT, de la reconstruction de la géologie classique qui s’impose, et des implications de ces découvertes pour la doctrine de la création. Nous vous recommandons vivement l’ouvrage de Guy BERTHAULT : Illusions et vérité (Les Cahiers du CESHE, Place du Palais de Justice 3, B 7500 TOURNAI, Belgique, 1985).

GLOSSAIRE

  • Induration: durcissement.
  • Subsidence: affaissement lent d’une partie de l’écorce terrestre sous le poids des sédiments.
  • Orogenèse: phase d’édification des reliefs de l’écorce terretre.
  • Biozone: zone dans laquelle se développe une forme particulière de vie, écosystème.
  • Lithologique: ce qui a rapport à la science des pierres. Transgression : Mouvement de la mer qui déborde sur les aires continentales avoisinantes.
  • Régression: recul de la mer qui abandonne définitivement une aire continentale.
  • Tectonique: partie de la géologie qui traite de la structure des massifs de l’écorce terrestre.
  • Granoclassement turbide: classement de matériaux hétérogènes emportés par un courant et se déposant selon la grandeur des matériaux, du plus grand au plus petit.

[1]      WALTHER Johannes 1885 – Die gesteinbildende Kalkalgen des Golfes Neapel und die Entstehung strukturloser Kalke : Ges. Zeitschr. Deutsch, v. 37, p. 329-357

[2]      VINCENT Pierre – Sciences Naturelles, 4ᵉ classique 1962 – Vuibert

[3]      McKEE – Journal of Sedimentary Petrology, 37, 3, 1967, p. 820-851.

[4]      VAN HOUTEN – Cyclic Lacustrine Sedimentation. Kansas Geological Survey, Bull. 169, p. 497-531, 1964

[5]      HJUSLTROM – Studies of the morphological activity of rivers as illustrated by the river Fyris. Bull. Geol., Inst. Univ. Uppsala, p. 221-527, 1935.