« Le temps presse. Nous prions les églises du monde entier de convoquer un concile de la paix, condition de la survie de l’humanité[1]». C’était l’appel lancé par le Congrès des églises protestantes d’Allemagne en juin 1985 à Düsseldorf.
Du 15 au 21 mai 1989, le Rassemblement œcuménique européen pour la paix et la justice s’est tenu à Bâle, accueillant des milliers de personnes, et ceci pour préparer l’Assemblée mondiale des chrétiens pour la paix, la justice et la préservation de la création qui aura lieu à Séoul (Corée du Sud) du 5 au 13 mars 1990.
Le Conseil œcuménique des églises (COE)
A l’origine de ce rassemblement se trouve d’abord le Conseil œcuménique des églises, fondé en 1948, dans le but d’unifier les différentes communautés chrétiennes. En 1983, le COE déposa une demande de convocation d’un concile œcuménique pour la paix[2]. M. Emilio Castro, actuel secrétaire général du COE, avait déclaré lorsqu’il était encore directeur de la commission œcuménique pour la mission, que les chrétiens devraient travailler à la réalisation d’« une communauté mondiale débarrassée de toute discrimination de races, de classes, de religions et de systèmes politiques, et dirigée par un gouvernement mondial unique[3]». Inutile de préciser qu’il y a déjà, dans cette affirmation, la trace de la pensée syncrétiste du Nouvel Age.
« Dialogue avec les religions de notre temps » est l’une des unités du COE. Son but est de « construire des ponts de compréhension avec des gens d’autres fois (bouddhistes, hindous, juifs, musulmans, adeptes des religions traditionnelles) et d’autres idéologies de notre temps, afin d’explorer ensemble les problèmes de l’humanité[4]».
« Le temps presse »
C’est aussi le titre d’un ouvrage de C. von Weizsacker (vendu déjà à plus de 900’000 exemplaires), le véritable artisan du Rassemblement Œcuménique Européen. Son discours est à la fois simple et provocant :
- une Assemblée mondiale des chrétiens pour la justice, la paix et la préservation de la création doit être convoquée ;
- l’humanité se trouve aujourd’hui dans une crise dont le plus catastrophique se trouve vraisemblablement devant nous ;
- la crise est visible dans trois domaines : justice, paix et nature ; il existe des exigences éthiques et politiques capables de provoquer le consensus ;
- une union des chrétiens et un accord des religions du monde sont possibles et souhaitables.
Qui est donc C. F. von Weizsacker ?
Avant d’évoquer le Rassemblement Œcuménique Européen en lui-même, une étude succincte de la vie et de la pensée de l’auteur est impérative.
Carl Friederich von Weizsacker est un éminent physicien théorique et nucléaire né à Kiel (Allemagne fédérale) en 1912. Après avoir enseigné la philosophie dans plusieurs universités allemandes, il dirigera un institut pour la recherche sur les conditions de vie dans un monde scientifique et technique. Lors d’un voyage en Inde en 1969 où il séjournera dans un ashram de Sri Aurobindo, il fera une expérience mystique sur la tombe d’un gourou nommé Sri Ramana Maharishi[5]. C’est à ce moment-là qu’il réalisera l’unité de toutes choses (monisme), expérience chère aux mystiques du Nouvel Age. Il dira plus tard : « J’ai appris que Dieu n’est pas au-dessus de moi, mais en moi, et moi en Dieu[6]», à quoi il ajoutera : « Le fait que j’aie été baptisé comme chrétien ne prouve en rien que les religions orientales sont erronées ; et le fait que j’appartiens à une religion traditionnelle ne prouve pas qu’elle est juste[7]». Son expérience illuminatrice a eu un caractère décisif dans sa vie. En effet, sa théologie est plus que nuancée (il appelle Dieu « vouloir divin[8]» et prétend que « Jésus est mort parce que l’on craignait son influence-politique[9]»). Sa tendance religieuse passe au syncrétisme (« la rencontre des religions mondiales est peut-être le plus grand événement spirituel de notre temps[10]»). Ses croyances le poussent à considérer le fondamentalisme chrétien comme étant un obstacle à la réalisation des objectifs pratiques de son livre. De plus, son vocabulaire, quoi qu’essentiellement chrétien, est imprégné d’hindouisme (« karma », « perception du tout », « immortalité de l’âme »).
Il fut aussi l’un des organisateurs de la Conférence mondiale pour le futur de la civilisation humaine qui se déroula du 21 au 27 mai 1988 à Hanovre (RFA) et qui avait pour thème « Esprit et Nature ». En tant qu’orateur, il aborda le thème du « monisme spirituel[11]», aux côtés de représentants officiels du mouvement du Nouvel Age, tels que Hazel Henderson[12] et William Irvin Thompson[13]. Au programme de cette conférence inter-religieuse, les participants avaient la possibilité de pratiquer le yoga, le bouddhisme tibétain[14], le zen[15], le T’ai Chi[16], le soufisme[17], la relaxation, la méditation et… la contemplation chrétienne !
Bien que C. F. von Weizsacker ne soit pas un adepte officiel du Nouvel Âge, il est indéniable qu’il ait été profondément influencé par la mystique des religions orientales. Dans cette optique-là, il est nécessaire de garder à l’esprit qu’il est à l’origine, à la racine même du Rassemblement Œcuménique Européen. Le Seigneur Jésus a averti ses disciples : « Gardez-vous des faux prophètes… vous les reconnaîtrez à leurs fruits. Un bon arbre produit de bons fruits, mais un mauvais arbre produit de mauvais fruits » (Mat 7:15-17). La dernière phase consiste donc à examiner de plus près ce qui s’est passé à Bâle et d’en tirer les conséquences qui s’imposent.
Le Nouvel Age s’infiltre au Rassemblement Œcuménique européen
En plus des études en groupes et des multiples conférences auxquelles seuls les 700 délégués des églises européennes pouvaient assister, une grande salle était ouverte à tous les visiteurs venus en grand nombre. Des organisations pacifistes, des associations humanitaires et des groupements œcuméniques y tenaient un stand de publicité. A rentrée de cette salle, une grande peinture teintée de panthéisme avec au premier plan une licorne, symbole fétiche du Nouvel Age représentant « la pénétration du divin dans la créature[18]».
Parmi les 108 organisations représentées officiellement, Amnesty International, les jeunesses adventiste et méthodiste, Caritas, Ciba-Geigy, Greenpeace, Hoffmann La Roche et Sandoz étaient peut-être les plus connues dans notre pays. Présents également, plusieurs mouvements pour la paix et le désarmement nucléaire en particulier, ainsi que des groupements œcuméniques. Les nombreux arcs-en-ciel[19] qui décoraient les lieux ne laissaient guère de place au nom de Jésus. Les priorités étaient fixées : assurer la survie de l’humanité par les propres efforts de l’homme, plutôt que de rechercher la volonté d’un Dieu souverain pour sa création. L’action protestante « Plus jamais le déluge » exprime très clairement cette idée : « Il s’agit aujourd’hui de construire en quelque sorte une nouvelle arche, une « arche 2000 ». Justement, elle ne serait pas un canot de sauvetage pour quelques rares élus ! De toute façon, le message de Christ ne le permettrait pas. Il serait souhaitable que l’Église du Christ, dont nous faisons tous partie, s’engage totalement, avec les forces qui lui sont extérieures, et même qui ne sont pas chrétiennes – sans en exclure les marxistes ! – pour faire en quelque sorte de toute la terre une arche. Dieu ne veut pas détruire sa création[20]». Il est intéressant de noter que Pain pour le Prochain et l’Action de Carême ont décidé d’organiser leurs campagnes œcuméniques (intégrité de la création en 1989, justice en 1990 et paix en 1991) suite au « petit livre percutant de C. F. von Weizsacker[21]». D’autres organisations présentes au rassemblement méritent toute notre attention. À savoir :
- les Quakers: appelée aussi « Société religieuse des amis », elle a été fondée par George Fox (1624-1691) en 1652. La vision d’une Europe unie et même d’un monde uni aurait ses racines dans les écrits d’un autre leader de la société, William Penn (1644 – 1718). Le concept central des Quakers est « la lumière divine intérieure, le Dieu en chacun de nous » (Zénon de Cittium, Plotin, hindouisme, Rose-Croix, George Lucas[22]). Ils reconnaissent toutes les grandes religions comme étant égales.
- l’association « Christianisme et Marxisme»
- le Mouvement œcuménique des chrétiens lesbiens et homosexuels, issu des milieux protestants, catholiques et méthodistes d’Angleterre
- l’Ordre de l’Arche, fondé en 1948 par Lanza dei Vasto, après sa rencontre avec Gandhi. Le but des compagnons de cette communauté est de « devenir non-violent dans tous les aspects de la vie quotidienne », et ceci par la méditation, le yoga, la recherche intérieure et le végétarisme. Le fondateur parle du « Dieu de Vérité que les hommes divers nomment de divers noms[23]».
- le Mouvement international de la Réconciliation. « D’inspiration chrétienne, le mouvement s’est progressivement ouvert à tous ceux qui dans les grandes religions (juifs, musulmans, bouddhistes, hindouistes) croient au pouvoir de l’Amour pour rétablir la fraternité entre les hommes et cherchent les bases d’un monde de paix ». Jean Goss-Mayr, un de leurs porte-paroles, a déclaré : « Pour moi, il n’y a qu’une vérité, valable pour tous les hommes, quelle que soit leur religion ; il n’y a qu’une valeur au monde : l’homme[24]».
- la Journée mondiale de la Paix, association de bénévoles qui fêtent annuellement la paix le troisième mardi de septembre. En 1988 eut lieu une déclaration commune des religions dont voici un extrait : « Nous, représentants des religions du monde, bien que porteurs de convictions religieuses différentes, confiants en Dieu, nous prenons sur nous la responsabilité morale de prier et de travailler ensemble afin d’aider à changer le cours de l’histoire (signé : bahaï, bouddhiste, catholique chrétien, catholique romain, hindou vedantin, islamique, juif, orthodoxe russe, protestant, quaker)». « C’est un apport d’énergies positives et un acte de solidarité important dans l’effort humain de créer un monde meilleur[25]», peut-on lire sur une publication de l’association.
- Bonne Volonté mondiale: cette organisation fondée en 1932 est une branche de la Lucis Trust (autrefois Lucifer Trust), société ésotérique qui regroupe les véritables têtes pensantes du mouvement du Nouvel Age, Benjamin Creme[26] par exemple (auteur d’ouvrages occultes sur le “Christ”). Elle est en outre responsable de la diffusion des livres ésotériques d’Alice Ann Bailey, fondatrice de la théosophie. Cette organisation veille également à l’accomplissement du « Plan » (dévoilé dans la « Grande Invocation », une sorte de prière pour les adeptes du Nouvel Age) conçu par la « Hiérarchie des Maîtres spirituels » (esprits à l’œuvre dans l’humanité). Ce « Plan » poursuit un but bien spécifique :
Des reproductions de la « Grande Invocation », des ouvrages d’Alice Bailey et de Robert Muller[30] (politicien du Nouvel Age travaillant aux Nations Unies) étaient exposés en vente au stand de l’organisation à Bâle.
Ce que le Pape Jean-Paul II a pensé de ce rassemblement
La meilleure réponse est celle qu’il a donnée lui-même dans une lettre adressée au Cardinal Carlo Martini, coprésident du Rassemblement œcuménique Européen : « Dieu seul peut être à l’origine d’une telle démarche ; lui seul peut être à la fois la source et le garant de son succès (…) Comment ne pas évoquer ici les heures inoubliables d’Assise, la commune supplication des chrétiens et la méditation des autres croyants[31]? ». Il avouera également qu’il s’est inspiré des idées de C. F. von Weizsacker lorsqu’il convoqua les représentants des religions mondiales afin de prier pour la paix dans le monde, le 27 octobre 1986 à Assise[32].
Quelques mots sur l’Église anglicane
La poussée du syncrétisme religieux mondial associé au néo-paganisme a touché l’Église d’Angleterre de la même façon. Voici un extrait d’une allocution de l’Archevêque de Canterbury, le Dr Robert Runcie, lors de la « Conférence plénière des chefs spirituels et parlementaires pour la survie de l’humanité » qui eut lieu à Oxford en avril 1988 : « Toutes les traditions religieuses ont le même cœur. Il est maintenant indispensable de partager nos différentes spiritualités et de reconnaître l’existence de « étincelle divine » en chacun de nous[33]».
La menace intérieure
L’Église de Jésus-Christ est en danger. Mais la menace n’est plus uniquement extérieure, elle se développe au cœur même du Corps de Christ. Notre adversaire a toujours les mêmes desseins, mais sa tactique a changé. S’il n’a pas été capable d’anéantir l’Église par les persécutions et les pressions de toutes sortes qu’elle a endurées au cours de l’histoire, voilà qu’il tente à présent de la désacraliser. Mais il faut absolument que Jésus en Jean 17. Mais les limites de l’Église se réserve uniquement à son futur Époux et se préserve des discours pseudo-bibliques du diviseur qui prêche l’unité. Que les différentes dénominations chrétiennes, dans un désir de collaboration, tissent des liens plus étroits entre elles, c’est là le désir exprimé par l’œcuménisme doivent être strictement définies par la Parole de Dieu, avant de se prostituer au paganisme. Que le Seigneur sanctifie et prépare son peuple en vue de son imminent retour !
Pascale VUILLE[34]
[1] C. F. von Weizsacker, Le temps passe, Cerf, 1987, p. 11.
[2] Idem.
[3] Voir La Bonne Nouvelle 1/1974, sous « Le salut aujourd’hui ».
[4] Brochure du COE, route de Ferney 150, B. P. 66, 1211 Genève 20.
[5] Philosophe mystique et visionnaire indien (1872- 1950) qui prévoyait une expansion universelle de la conscience qu’il appelait le « Super-Esprit ». Voir Factum, nov./déc. 1988, p. 454.
[6] Idem, p. 453.
[7] Idem, p. 454.
[8] C. F. von Weizsacker, Le temps passe, p. 77.
[9] Idem, p. 69.
[10] Idem, p. 83.
[11] Voir Factum, nov./déc. 1988, p. 453.
[12] Politicien et conférencier du Nouvel Age sponsorisé par le Gouvernement américain.
[13] Historien et panthéiste américain auteur d’ouvrages en faveur d’un gouvernement mondial et d’un nouvel ordre économique mondial.
[14] Branche du bouddhisme datant du XVIIᵉ siècle, alliant les principes bouddhistes à la religion occulte du Tibet. Le Dalaï Lama est à la tête des prêtres et est vénéré comme étant la réincarnation de Bodhirsattva Chenresi.
[15] Les exercices zen consistent en chants et en méditation : ils permettent de contrôler l’énergie, de la canaliser et, par là, d’obtenir la guérison du corps et de l’esprit.
[16] Les exercices zen consistent en chants et en méditation : ils permettent de contrôler l’énergie, de la canaliser et, par là, d’obtenir la guérison du corps et de l’esprit.
[17] École ésotérique et mystique de l’Islam.
[18] J. Chevalier et A Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, Robert Laffont, 1982, p. 569.
[19] Pour les chrétiens, il est le signe que Dieu n’enverrait plus jamais le déluge sur sa création ; pour les adeptes du Nouvel Age, il a diverses significations occultes ou mystiques.
[20] Plus jamais le déluge, cahier d’animation 1989, Pain pour le prochain et Action de Carême, p. 15.
[21] Idem, p. 3.
[22] Réalisateur (« La guerre des étoiles », « L’Empire contre-attaque », « Le retour du Jedi ») faisant de ses films un véritable évangile du Nouvel Age.
[23] Lanza dei Vasto, prière commune.
[24] Publication de la branche suisse romande du MIR.
[25] Déclaration commune des religions du 20.9.1988, Journée mondiale de la paix, CP 212, 1211 Genève 16.
[26] Occultiste anglais, disciple d’Alice A. Bailey, énergiquement anti-chrétien. Se nommant lui-même le « Jean-Baptiste du Nouvel Age », il est l’auteur de deux ouvrages fondamentaux des aspects religieux du mouvement (« La réapparition du Christ » et « La mission de Maitreya »). Il se dit être en relation télépathique avec l’esprit christique.
[27] Voir A. A. Bailey, Le retour du Christ, Dervy-Livre, 1987, p. 122 ; cette idée est développée dans « The reappearance of Chris ! » d’A. A. Bailey, Lucis Trust, New York, 1948.
[28] Voir L. Mumford, Transformations, 1956, p. 142 ; W. 1. Thompson, Darkness and seattered Light, Garden City, New York, Anchor, 1978, p. 13 ; Mark Satin, New Age Politics, New York, Dell, 1979 ; le livre d’inspiration chrétienne de Roy Livesey, Understanding the New Age, New Wine Press, Chichester (GB), 1986, traite des aspects politiques et économiques du Nouvel Age de façon très réaliste.
[29] Voir W. Wagnar, Toward a World set free : the Vision of H. G. Wells, The Futurist, August 1983, pp. 25-31 ; O. Keyes, Earth at Omega : Passage to Planetization, Branden Press, Boston, 1982.
[30] Conférencier et écrivain international travaillant aux Nations Unies. Il est l’auteur d’un essai sur un gouvernement mondial et de « New Genesis : shaping a 910bal Spirituality)) (Image Books, New York, 1984) où il décrit les Nations Unies comme étant le catalyseur des idées du Nouvel Age.
[31] Communiqué du ROE du 16.5.1989.
[32] L’Osservatore Romano, distribution allemande du 4.9.1987, p. 7.
[33] Communiqué de la Bonne Volonté Mondiale (École Arcane). 1, rue de Varembé, CP 31, 1211 Genève 20.
[34] Pascal VUILLE travaille en ce moment à un ouvrage sur le renouveau du paganisme.