Éditorial – La fin de la Suisse

par | Résister et Construire - numéro 15

Il y a quelques années, deux décisions du peuple suisse laissèrent pressentir la prochaine dislocation du pays. La première était le rejet dans une indifférence générale de toute défense juridique sérieuse, tant des enfants à naître que des personnes âgées en danger d’euthanasie ; la deuxième concernait l’abrogation de la structure judiciaire millénaire de la famille. En adoptant un droit matrimonial vidé de sa substance, tant naturelle que chrétienne, on détruisait les fondements institutionnels du mariage en tant qu’alliance divine ou sacrement. Le peuple suisse déclarait, pour qui voulait l’entendre, que ni la vie humaine, ni l’institution la plus sacrée de la société, n’avaient d’importance à ses yeux. Force nous est de constater les fruits empoisonnés d’une telle attitude suicidaire. Pour qui sait ouvrir les yeux, la dislocation de notre Confédération devient aujourd’hui évidente.

Ni le Parlement fédéral, ni le Conseil fédéral lui-même, ni les cantons et, encore moins, le pouvoir judiciaire, ne daignèrent alors lever le plus petit doigt pour défendre la vie de nos concitoyens les plus fragiles et les plus démunis ou la cellule familiale fortement structurée sur laquelle seule peuvent se fonder les institutions sociales.

A l’époque, ces décisions populaires, aussi dramatiques qu’insensées, signes de la perte par notre peuple du sens le plus élémentaire des valeurs, nous paraissaient comme la manifestation d’un jugement de la Providence sur notre pays. Dieu nous abandonnait à nos insanités. Mais de telles décisions démocratiquement acquises étaient également lourdes de menaces pour l’avenir. De nouveaux jugements, suite normale et inévitable de nos actes, sont maintenant sur nous.

Car ce sont les institutions mêmes de notre pays qui à présent démantèlent les structures ancestrales de la Confédération. Ainsi sont détruites les institutions qui ont refusé de servir le bien commun. Car sur cette terre, dans la cité des hommes, quels biens peuvent être placés plus hauts que la protection de vies humaines sans défense et la préservation des familles ?

On ne se moque pas impunément de Dieu !

Ceux qui depuis si longtemps refusent de rendre à Jésus-Christ, le garant et le fondement dernier des institutions, de la vie personnelle et sociale des hommes ainsi que de toute politique saine, l’honneur qui lui est dû, doivent s’attendre enfin à récolter les fruits amers de leur impiété et de leur immoralité qui en est la conséquence inévitable.

On ne veut plus aujourd’hui des signes extérieurs mêmes du Christianisme.

L’affaire des crucifix tessinois a joué pour notre pays le rôle d’un révélateur.

Non seulement le Tribunal fédéral a décrété officiellement l’expulsion de la présence chrétienne des écoles du Tessin, comme si elle constituait une influence nuisible sur les enfants, mais, en le faisant, il outrepassait de manière éhontée ses compétences constitutionnelles et créait un précédent, abrogeant dans un domaine vital, celui de l’instruction, l’indépendance cantonale.

Par une décision parfaitement arbitraire et de toute évidence contraire aux dispositions de la Constitution fédérale, le Tribunal fédéral usurpait le pouvoir du législateur, tant celui des Chambres que celui du peuple. Par abus de langage l’on nomme ce dernier le souverain, comme si cette souveraineté lui appartenait en propre. Rappelons qu’en dernier ressort la souveraineté absolue n’appartient qu’à Dieu seul qui la délègue aux hommes à des conditions précises, celles du respect par les autorités qu’Il établit sur les hommes de la Loi divine. Les hommes et les nations enfreignent ces conditions à leurs risques et périls.

A proprement parler, la décision du Tribunal fédéral du 26 septembre 1990 est, sur le plan constitutionnel, un acte révolutionnaire. Dans sa souveraine Providence, Dieu permet maintenant que les institutions helvétiques fédérales et cantonales, institutions qui ne sont que l’expression de la vie et des mœurs d’un peuple qui Le rejette, soient à leur tour rejetées par Lui. Sous le regard de cette croix qui honore notre étendard confédéral – et bien d’autres drapeaux cantonaux – et malgré le préambule ronflant, mais de plus en plus creux, de notre Constitution – Au nom du Dieu tout-puissant – les institutions de notre pays en viennent aujourd’hui à s’entre-détruire. De plein gré, elles sabordent la loi fondamentale sous laquelle notre pays a si longtemps vécu en paix.

Si Dieu est contre nous, qui donc sera pour nous ?

Mais voilà que la semaine dernière nous assistions au deuxième acte de cette tragédie helvétique.

Soyons-en certains, d’autres suivront !

Cette même semaine le Parlement et notre médiacratie nationale se penchaient sur le danger constitutionnel immense représenté pour le pays par une poignée d’hommes – 400 en tout – une armée secrète, conçue uniquement pour la protection de nos institutions contre un ennemi étranger, qui n’a pas encore baissé les armes et dont on connaît depuis longtemps la ruse et l’absence totale de scrupules. Le démantèlement systématique de nos moyens de discernement et de défense ne doit certes pas être pour lui déplaire.

Sur cet arrière-plan de politique-fiction propre à détourner l’attention, le mardi 27 novembre 1990, notre pays fut l’objet d’un véritable coup d’État constitutionnel. Par un acte arbitraire, à première vue dépourvu de toute base juridique et entièrement contraire aux dispositions les plus explicites de la Constitution, le Tribunal fédéral accorda, sur le plan cantonal et communal, le droit de vote aux femmes d’Appenzell Rhodes-Intérieures.

Il n’est pas question ici de discuter de l’opportunité ou de l’inopportunité du suffrage universel, ni de l’égalité des sexes inscrite dans la constitution, ni du machisme, réel ou inventé par les médias, du dernier bastion des landsgemeinde.

La question devant nous est d’un tout autre ordre. Par un acte arbitraire le Tribunal fédéral de Lausanne a renversé l’ordre même sur lequel notre Confédération repose : le respect de l’autonomie des cantons. Le Pacte fédéral est maintenant juridiquement rompu par l’autorité judiciaire la plus haute de notre pays. Qui donc obéira encore aux lois si nos juges peuvent eux-mêmes les enfreindre en toute impunité ?

La colère du Conseiller national genevois, Gilles Petitpierre, exprimée avec véhémence dans La Suisse du jeudi 29 novembre, doit être celle de tous les citoyens, hommes ou femmes, pour peu qu’ils soient armés de clairvoyance et d’amour pour leur patrie.

Mais il est tout de même piquant de constater ici que le plus ardent des défenseurs du partenariat matrimonial, avec lequel nous avions eu jadis maille à partir, en vienne aujourd’hui à constater où peut aboutir le processus qu’il aida si allègrement à mettre en marche : la destruction des pouvoirs constitutionnels du Parlement et du peuple par un pouvoir judiciaire carnivore.

 

Ceux que Dieu veut détruire, ne les rend-Il pas d’abord fous ? C’est bien ce qui arrive à notre pays. Le bulldozer de l’égalitarisme mathématique agit comme une force de destruction révolutionnaire incomparable. Mais M. Petitpierre découvre cette vérité un peu tard. Cependant, rendons-lui cette justice. Il a cent mille fois raison de s’écrier :

“Les juges fédéraux commencent à avoir le goût du pouvoir. Ils détiennent le pouvoir judiciaire, mais ils empiètent sur le pouvoir législatif des Chambres et du peuple.”

En effet, si l’article 74 de la Constitution fédérale garantit le droit de vote aux femmes au niveau fédéral, il précise cependant explicitement qu’en ce qui concerne le droit de vote cantonal et communal, la décision repose exclusivement sur les cantons.

L’indépendance des cantons est ainsi effectivement rayée de la Constitution par notre plus haute instance judiciaire.

L’obstacle le plus important – obstacle qui ne pouvait être évacué par voie démocratique – à l’entrée de la Suisse dans la machine centralisatrice européenne a ainsi été balayé par une astuce juridique. Voici à quoi aboutit le respect de l’État de droit par des juges qui ne sont animés ni par la crainte de Dieu ni par une quelconque droiture juridique. Les formes verbales du fédéralisme peuvent sans doute demeurer dans nos lois, mais elles sont aujourd’hui devenues aussi creuses que l’hommage rendu par notre Constitution au Tout-Puissant !

M. Delamuraz peut sans doute se féliciter et, de tout cœur, rendre grâce au Tribunal fédéral de lui avoir de façon si élégante enlevé une bien pénible épine.

La voie est maintenant ouverte pour que nous puissions donner libre cours, à l’intérieur de la foire aux vanités de l’Europe matérialiste, à notre unique souci : jouir de tout.

Nous avons vendu l’héritage de nos pères pour un plat de papet !

On ne met pas Dieu au placard sans en récolter des conséquences redoutables. Car dans les domaines spirituels et politiques, le vide ne saurait davantage exister qu’en physique. Dieu banni, tout se déglingue, tout se disloque. Les éléments dont est constitué le corps social s’entre-détruisent.

Mais prenons bien garde. Celui qui refuse le pouvoir d’en haut immanquablement aura celui d’en bas. En cette heure bien sombre, notre pays saura-t-il trouver des hommes et des femmes capables de remettre nos magistrats hors de sens à leur place ?

Que Dieu protège notre pays !

Jean-Marc Berthoud

Lausanne, le 29 novembre 1990