Il[1] est beaucoup question d’une nouvelle Afrique du Sud, d’une société « post-apartheid ». Nombre de groupes et de personnes travaillent à un changement radical.
Certains sont marxistes et veulent un changement révolutionnaire, la destruction totale de la société actuelle, politiquement, socialement et économiquement, et son remplacement par une société entièrement nouvelle.
Certains chrétiens croient que la société actuelle est totalement injuste et que la future Afrique du Sud devrait être socialiste. L’archevêque Desmond Tutu dit : Je suis un socialiste. Je hais le capitalisme parce qu’il est oppressif et exploiteur. Il n’est pas chrétien. Lui et beaucoup d’autres soutiennent que le socialisme est la réalisation pratique du christianisme.
Il y a pourtant beaucoup de choses dans notre société actuelle qui sont un héritage de la Réformation et possèdent donc un fondement biblique. Il est donc essentiel d’identifier ces aspects de la société pour les préserver, sinon nous les perdrons certainement.
Liberté de religion
La lumière est venue chez les siens, et les siens ne l’ont pas reçue. Mais à tous ceux qui l’ont reçue, à ceux qui croient en son nom, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu. (1 Jean 1:11-12)
Bon maître, que dois-je faire pour hériter la vie éternelle !… Vends tout ce que tu as… et suis-moi ! Mais, affligé par cette réponse, cet homme s’en alla tout triste. (Marc 10:17, 21, 22)
Dieu a donné aux hommes la liberté de marcher selon Ses voies ou de les rejeter. Il ne force pas l’obéissance. Jésus est venu chez les siens, mais ils l’ont rejeté. Jésus a aimé le jeune homme riche à cause de sa sincérité et lui conseilla de se débarrasser du seul obstacle qui l’empêchait d’obéir entièrement à Dieu. Quand le jeune homme décida de ne pas obéir, Jésus n’essaya pas de le faire revenir sur sa décision.
En tant que chrétiens, nous devons prêcher l’Évangile d’une manière puissante et persuasive. Mais nous ne pourrons jamais obliger quelqu’un à l’accepter. Une vraie conversion ne peut jamais se faire par la lame de l’épée. Nous accordons aux autres la liberté de religion. Nous revendiquons aussi pour nous-mêmes le droit d’adorer Dieu sans entraves, selon notre conscience.
La liberté de religion est l’héritage le plus important que nous ayons reçu de la Réformation. C’est pour atteindre cette liberté que des milliers de chrétiens fidèles à la Bible ont signé leur témoignage par le don de leur vie et que les « pères pèlerins » ont quitté l’Europe pour affronter les rigueurs du nouveau monde. Ce fut pour fuir la persécution religieuse que les Huguenots sont venus dans ce pays (l’Afrique du Sud).
La Constitution de nombreux pays garantit la liberté de religion, y compris celle de l’URSS et celle de la Chine communiste où les chrétiens sont en butte à une grave persécution. Ceci démontre qu’une garantie sur le papier ne suffit pas. Un certain nombre de conditions sont nécessaires pour que les chrétiens puissent pratiquer intégralement leur religion.
a) Nous avons besoin de Bibles
Le droit de tous les chrétiens d’obtenir librement et de posséder leur propre exemplaire de la Bible dans leur propre langue et dans la traduction de leur choix est fondamental pour la pratique de notre religion.
Pour nous assurer que la Bible est disponible sans entrave, nous insistons sur notre droit d’importer librement des Bibles et/ou de fonder des imprimeries qui puissent obtenir l’équipement et le matériel nécessaires pour l’impression de nos Bibles.
Nous exigeons aussi le droit d’organiser des réseaux de distribution et des magasins qui permettent aux chrétiens d’acheter des Bibles.
De même nous insistons sur le droit d’importer ou de produire et de distribuer toute littérature, musique, films, enregistrements et autre matériel que nous jugeons nécessaire pour la pratique de notre religion.
Ces libertés n’existent pas dans la plupart des pays marxistes
b) Nous avons besoin de dirigeants chrétiens
Pour pouvoir pratiquer notre religion convenablement, nous exigeons que le ministère de pasteur ou de prêtre soit reconnu comme une profession honorable. Nous exigeons le droit de choisir librement nos dirigeants sans l’interférence de l’État.
Nous insistons aussi sur notre droit d’établir nos propres institutions pour la formation de nos futurs prêtres et pasteurs, de pouvoir choisir nos propres candidats au ministère et de les former selon des normes établies par nous.
Ces libertés n’existent pas dans la plupart des pays marxistes
c) Nous avons besoin d’églises
Nous insistons sur notre droit de posséder des édifices dans lesquels nous pouvons nous rassembler pour la communion, le culte et l’enseignement de la Parole de Dieu. Afin d’avoir des édifices convenables, nous insistons sur les droits des chrétiens de se constituer en entités légales ayant le droit de posséder du terrain et des immeubles. Ceci implique un marché libre dans lequel terrains et immeubles peuvent être achetés et vendus librement.
Nous insistons aussi sur notre droit à nous réunir librement pour étudier la Bible et pour prier où nous voulons. Ceci inclut le droit de tenir des assemblées dans des maisons privées.
Ces libertés n’existent pas dans la plupart des pays marxistes
d) Nous devons élever nos enfants dans notre propre foi
Nous insistons sur notre droit d’élever nos enfants dans notre foi afin d’assurer la pérennité de cette foi. Nous insistons donc sur le droit de nos enfants de recevoir l’instruction et de participer aux cérémonies de notre choix.
Nous insistons sur le fait que nos enfants ne puissent pas être forcés d’agir contrairement à notre foi ou discriminés dans des écoles d’État ou des établissements d’instruction supérieure. Si nous devions être mécontents des écoles d’État, nous exigeons le droit d’établir nos propres écoles chrétiennes.
Ces libertés n’existent pas dans la plupart des pays marxistes
e) Nous avons besoin de propager notre foi
Nous insistons sur notre liberté de propager notre foi parmi ceux qui ne la partagent pas. C’est pourquoi nous avons besoin de la liberté de parler ouvertement et sans crainte de notre foi aux incroyants et de leur distribuer toute littérature concernant notre foi que nous jugeons utile.
Nous exigeons aussi le droit d’utiliser tous les moyens que nous jugeons bons pour atteindre les non-croyants. Nous avons donc besoin du droit d’accès aux moyens de communication de masse (télévision, radio, journaux) et du droit de tenir des réunions publiques de masse ailleurs que dans des églises.
De même, si nous décidons de témoigner de notre foi par des actes de charité comme rétablissement d’orphelinats et d’hôpitaux, nous devons aussi avoir le droit de le faire.
Notre droit de propager notre foi implique que les non-chrétiens ont aussi le droit de changer de religion ou de devenir croyants sans craindre de discrimination.
Ces libertés n’existent pas dans la plupart des pays marxistes
f) Nous avons besoin de gagner de l’argent
Pour financer les nécessités mentionnées ci-dessus, nous insistons sur notre droit de pouvoir gagner davantage que le minimum nécessaire à la couverture de nos besoins élémentaires. Nous insistons donc sur la liberté de choisir les occupations ou les professions que nous estimons les mieux appropriées à nos capacités et à nos facultés d’initiative. Nous avons besoin d’être libres de travailler pour l’État ou pour des entreprises privées ou à notre propre compte.
Nous insistons sur la liberté de pouvoir économiser notre superflu et d’en disposer au mieux, en le donnant pour l’extension de notre foi, en le laissant à nos enfants ou de toute autre manière. Ces libertés n’existent pas dans la plupart des pays marxistes.
Séparation de l’Église et de l’État
Et il offrit l’holocauste (Saul)… Samuel dit à Saul : Tu as agi comme un insensé… Maintenant ton règne ne durera point ! (1 Samuel 13:9, 13, 14)
Il (Ozias) pécha contre l’Éternel son Dieu : il entra dans le temple de l’Éternel pour brûler des parfums sur l’autel des parfums… la lèpre éclata sur son front… parce que l’Éternel l’avait frappé. (II Chroniques 26 : 16, 19, 20)
Jésus dit : Rendez donc à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. (Mathieu 22:21)
La Bible abonde, autant dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament, en exemples de la séparation des fonctions de l’Église et de l’État.
Lévi a été nommée la tribu chargée de la prêtrise tandis que Juda était reconnue comme la tribu royale.
Saul s’est attiré la colère de Dieu parce qu’en tant que souverain séculier il a pris sur lui la fonction du prêtre. Le roi Ozias fit de même. Quand l’État s’ingère dans la religion en ordonnant qu’un objet ou un homme soit adoré au lieu de Dieu, ou en réprimant la proclamation de la Parole de Dieu, il doit être désobéi. (Daniel 3 : 18 ; 6:7,10 ; Actes 4:18-20 ; 5:28,29)
Jésus a confirmé qu’il n’y a pas de conflit fondamental entre les devoirs à l’égard de Dieu et ceux à l’égard de l’État. (Mathieu 22:21)
C’est pourquoi nous insistons pour que l’État n’interfère pas dans la vie et le culte de l’Église. Il est clair que si l’Église devait être impliquée dans des activités tendant à renverser l’État, l’État serait entièrement justifié d’agir contre elle.
Dans la plupart des pays marxistes, l’État – ou mieux le Parti – exige d’avoir le droit de contrôler le personnel enseignant et les étudiants des séminaires religieux ainsi que la nomination des pasteurs. Il exige aussi que l’Église encourage les chrétiens à soutenir la politique du Parti. Toute critique du système politique ou une attitude hostile à l’égard du Parti est considérée comme de la propagande anti-gouvernementale et sujette à répression (persécution). Une situation comme celle-là est inacceptable pour les chrétiens.
Souveraineté de la loi
Tu ne suivras pas la multitude pour faire le mal ; et tu ne déposeras point dans un procès en te mettant du côté du grand nombre pour violer la justice. Tu ne favoriseras pas le pauvre dans son procès. Tu ne porteras pas atteinte au droit du pauvre dans son procès. (Exode 23:2,3, 6)
Tu ne commettras point d’iniquité dans tes jugements ; tu n’auras point égard à la personne du pauvre et tu ne favoriseras point la personne du grand, mais tu jugeras ton prochain selon la justice. (Lévitique 19 : 15)
En vérité je reconnais que Dieu ne fait point acception de personnes mais qu’en toute nation celui qui Le craint et pratique la justice Lui est agréable. (Actes 10:34- 35)
Et Nathan dit à David, « Tu es cet homme-là ! »… David dit à Nathan : J’ai péché contre l’Éternel ! (II Samuel 12:7, 13)
Et vous maîtres, agissez de même à leur égard et abstenez-vous de menaces, sachant que leur Maître et le vôtre est dans les cieux et que devant Lui il n’y a point d’acception de personnes. (Éphésiens 6:9)
Comme l’immense majorité des citoyens d’Afrique du Sud sont chrétiens, nous exigeons d’être gouvernés par des lois fondées sur les lois morales immuables que Dieu nous a données et qui sont résumées dans les Dix Commandements. (Exode 20:3-17)
Nous croyons que la Bible analyse correctement le problème de l’homme comme étant le péché qui est dans son cœur. C’est pour cette raison que la Bible donne les meilleures bases de la morale et de la loi. Nous insistons donc pour que la Bible – et non pas des décisions humaines arbitraires – soit l’autorité suprême et que tout homme, même les souverains, soient responsables devant la loi de Dieu.
Puisque la Bible nous donne des absolus valables pour juger la société, le citoyen privé peut en tout temps se lever et dire, sur la base de l’enseignement biblique, que la majorité a tort. Nous croyons que, dans la mesure où l’enseignement biblique est pratiqué, le despotisme d’une personne, d’un groupe ou même de la majorité peut être contesté. Nous rejetons la conception selon laquelle _ 51 % des votes peut décider du bien et du mal. Nous croyons qu’un fondement biblique est capable de donner la forme et la liberté aussi bien à la société qu’au gouvernement. Nous croyons qu’un individu est libre quand existe un consensus fondé sur les absolus donnés par la Bible et que, sans ce consensus, la liberté conduit à l’anarchie et au chaos.
La Bible affirme que la vie humaine est sacrée depuis le moment de sa conception et rejette les pratiques telles que l’avortement et l’euthanasie qui détruisent la vie humaine comme autant d’attaques contre Dieu en tant que Créateur et contre l’homme en tant que créé à l’image de Dieu. Elle rejette la prostitution, la pornographie, l’inceste, l’homosexualité et l’avilissement de la vie humaine.
La seule forme de mariage que la Bible reconnaisse est une union permanente entre deux personnes de sexes opposés.
Nous souvenant que David a été repris par le prophète Nathan quand il fit tuer un homme pour lui prendre sa femme et que l’apôtre Paul avertit les maîtres qu’ils auraient à rendre des comptes à leur Maître dans le ciel – parce qu’il n’y a pas d’acception de personnes devant Lui – nous exigeons que ceux qui exercent l’autorité publique soient soumis à la loi. En d’autres termes des limites précises doivent être mises au pouvoir de l’État. Une des manières d’assurer ces limites est la stricte séparation entre le pouvoir politique et le pouvoir judiciaire.
Dans la plupart des pays marxistes, il n’y a pas de séparation entre le pouvoir politique et le pouvoir judiciaire, les deux sont des instruments servant à imposer la volonté du Parti. C’est pour cette raison que la pratique privée du droit y est interdite. Il n’existe pas de lois fixes, les lois sont faites et abrogées selon la volonté du Parti. Une pareille situation est inacceptable pour les chrétiens.
Propriété privée
Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain ; tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, ni aucune chose qui appartienne à ton prochain. (Exode 20:17)
S’il n’eût pas été vendu (le champ) ne te restait-il pas ? (Actes 5:4)
Dans les passages ci-dessus et dans beaucoup d’autres, la Bible sous-entend la propriété privée de la terre et d’immeubles. C’est pourquoi nous insistons sur le droit d’acquérir librement et de disposer de terrains et de biens mobiliers et immobiliers.
La Bible approuve aussi la propriété privée de moyens d’acquérir des richesses comme des animaux de trait et des bêtes de somme. Nous exigeons donc le droit de posséder les « moyens de production » (machines, équipements, outils, etc.) et de disposer librement des produits résultant de nos efforts.
Dans la plupart des pays marxistes, tout le terrain et les principaux moyens de production ont été nationalisés (sans compensation) pour devenir la propriété de l’État. Le fait que les travailleurs, dans les pays communistes, ne sont pas rétribués équitablement pour leur travail conduit à une faible motivation et à l’inefficacité dont découle une pénurie permanente de produits y compris de nourriture et de biens de consommation. Une telle situation est inacceptable pour les chrétiens.
Libre choix quant à l’utilisation de sa fortune
… Va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres… : le jeune homme s’en alla tout triste. (II refusa de suivre le conseil de Jésus) (Matthieu 19:21-22)
Ne m’est-il pas permis de faire de mon bien ce que je veux ? (Matthieu 20 : 15)
Et après qu’il a été vendu (le champ), le prix n’était-il pas à ta disposition ? (Actes 5 :4).
Ces passages de la Bible enseignent clairement que l’individu a le droit de disposer de ses biens personnels comme il le juge bon. Il peut l’économiser, le donner aux pauvres ou le passer à ses descendants. (Nombres 27 :8-11 ; Deutéronome 21 : 15-17). Nous exigeons le même droit.
Dans les pays marxistes, les occasions d’acquérir et de garder des richesses sont très limitées. Une toute autre législation s’applique aux responsables du Parti qui jouissent de nombreux privilèges. Dans ces sociétés il existe une structure de classes très rigide. Une telle situation est inacceptable pour les chrétiens.
La « Charte de la liberté » est présentée par beaucoup comme le modèle à suivre pour une Afrique du Sud post-apartheid. Elle contient de nombreux éléments qu’on retrouve dans tous les pays marxistes, entre autres la nationalisation du sol et des principales industries.
Rev. Edward Cain[2]
[1] Traduction Marie-Sophie Perrenoud
[2] Edward Cain est un pasteur luthérien sud-africain.