Lutter contre la pornographie

par | Résister et Construire - numéro 4

Les écrits licencieux existent depuis longtemps. Mme de Sévigné évoque dans sa correspondance les fables érotiques de La Fontaine. Les « Mazarinades » de Scarron étaient souvent obscènes. Le peuple étant illettré à cette époque, ces écrits pervers étaient destinés à la belle société, souvent très libertine. Aujourd’hui la pornographie est devenue une industrie : le vice exploité sur ordinateur et Minitel.

Les années du grand désarroi

L’invasion de l’Europe par la pornographie s’est faite massivement vers 1972/1974. Dans le même temps le drame de la drogue apparaissait et prenait de l’ampleur. Les pays nordiques nous ont alors transmis l’héritage lépreux du laxisme sexuel et la pornographie (d’abord douce, puis hardi a déferlé en Europe par l’Allemagne, la Hollande, la France.)

Les combats

De nombreux citoyens ont protesté : en vain, car les autorités n’ont pas voulu, ou n’ont pas eu le courage d’entendre leurs voix. A Genève, une pétition contre « la violence et la pornographie » a rassemblé 13’000 signatures (1973). Des pétitions semblables ont eu lieu dans les cantons de Vaud, du Valais, la Suisse alémanique.

En 1981, une pétition au Conseil fédéral a demandé une « protection efficace contre la pornographie, sa publicité et sa diffusion ». Elle a réuni rapidement 140’000 signatures. (Réforme du Code pénal – Délits contre les mœurs). Aujourd’hui le marché est envahi par les vidéo-cassettes horribles et obscènes. Une récente émission de la Radio romande a fait état de 500 nouveaux films pornos mis en circulation chaque mois. Les clients de vidéo-shops ont déclaré, sans gêne, essayer d’imiter ce qu’ils voyaient (sodomie, « amour » à trois, etc.)…

La politique est trop lente

Que font nos autorités pour endiguer cette corruption ? Peu de choses. La Justice se plaint de ne pas être soutenue politiquement dans ce domaine. Elle redoute aussi, nous le supposons, l’ironie de la presse.

Pourtant quelques parlementaires se sont inquiétés de cette violence perverse et de ces obscénités devenues des « modèles de comportement ».

Relevons les interventions aux Chambres fédérales : en 1983 postulat Y. Jaggi et motions Zbinden et Güntern.

Nous sommes en 1988 et le projet de loi traîne encore en commission.

En France, le ministre Ch. Pasqua essaie de prendre des mesures contre les publications obscènes. Il a reçu 2’000 lettres de soutien : la presse française essaie de le ridiculiser ; en fait, les grands groupes de presse défendent âprement leurs intérêts.

L’influence des productions érotico-pornographiques

Certains disent que la pornographie ne fait pas de victimes et que par ailleurs elle répond à un besoin. Les premières victimes sont les acteurs et actrices de porno devenus de véritables machines à copuler, des acteurs enfermés peu à peu dans le ghetto de ce milieu.

Que feront-ils dans quelques années, quand ils seront vieux, laids ? La pornographie flatte les côtés troubles profonds de l’être humain, suscite des envies, des passions perverses. On la propose et on la vend comme une marque de lessive. Elle a rendu le vice banal, tué ce sentiment si noble qu’est la pudeur. La moralité de la population toute entière a baissé.

C’est une des causes de l’extension du SIDA. Les autorités n’en disent rien et n’ont pas le courage de s’attaquer aux racines du mal.

La pornographie a fait augmenter les délits contre les mœurs, les agressions sexuelles dont les enfants sont de plus en plus les victimes. Elle a répandu la prostitution homosexuelle. Par le biais des cassettes-vidéo elle a pénétré dans la famille.

Les singuliers silences des Églises

Beaucoup de chrétiens sont déçus par l’inertie et les surprenants silences de la hiérarchie des Églises face à la déliquescence morale de notre société.

Certes, on ne demande pas aux prêtres et aux pasteurs de fréquenter les salles de cinémas pornographiques pour s’informer. Il leur suffit d’ouvrir les yeux, car ils sont confrontés journellement comme tout le monde, à toute cette corruption qui s’étale dans les kiosques, les librairies, dans les revues érotiques où des femmes, mamelles et culs en l’air, sont présentées dans des positions scandaleuses ; sans parler de la presse où de jeunes éphèbes exhibent leur sexe, ni certaines bandes dessinées aux images violentes et cruelles.

Sont-ils aveugles nos évêques et responsables des Églises protestantes ?

Sont-ils aveugles ou sont-ils devenus un peu lâches ? Il y a toutefois quelques exceptions. En France, un courageux curé Thomas, nouveau Savonarole, pourfend « l’érotisme qui détruit l’amour vrai ». Il n’est pas encouragé par ses supérieurs…

En Suisse, les abbés Ducarroz, les pères Vermeille, Schindelholz, entre autres, les pasteurs Nicole, Barilier, Ray, M. Weber, ont encore le cran de parler de la morale chrétienne. Nous saluons leur courage.

Les Églises se sont engagées avec vigueur dans la lutte pour une meilleure justice sociale. Si elles s’engageaient aussi dans le combat contre l’immoralité ambiante, on verrait des merveilles.

L’inertie du public

L’inertie du public face au scandale permanent de la pornographie est renversante. On peut dénombrer une cinquantaine de revues érotiques dans certains kiosques sans parler des publications « gay » (homosexuelles).

Que font les familles ?

N’ont-elles pas de temps à autre la curiosité de feuilleter, par exemple, certaines bandes dessinées où le crétinisme des textes le dispute à la violence gratuite et à l’obscénité ?

Et l’immobilisme de la justice !

La justice classe pratiquement toutes les plaintes concernant les publications obscènes et les films (on se souvient de « Salo »). Elle est débordée de travail et dit se référer aux normes établies dans ce domaine par le Tribunal fédéral.

Elle décourage ainsi les rares citoyens qui se risquent à demander son appui. Ceux-ci redoutent l’épreuve que représente une plainte : temps perdu, argent, quolibets.

Mais la justice sous-estime la forte réprobation qui existe dans le public vis-à-vis de cette commercialisation éhontée du sexe. Faudrait-il que le public emploie les méthodes plus violentes des groupes marginaux ?

Des pudibonds, des hypocrites

Le combat contre la pornographie n’est généralement pas soutenu par la presse qui par ailleurs vilipende le « profit ». On n’a jamais vu, par exemple, de campagnes de presse contre les souteneurs de Zurich. La presse brandit la liberté d’expression comme si elle était sans limite.

En vérité elle défend son porte-monnaie, car elle tire des revenus des petites annonces douteuses, publicité pour films, cassettes, vidéo-érotiques, etc. Les Don Quichotte ou nouveau Savonarole qui se risquent dans la lutte contre l’obscénité sont souvent couverts de quolibets, traités d’arriérés, de faux-culs, de Tartufe, etc.

L’enfant victime d’adultes pervers

Le Code pénal suisse encore en vigueur ne contient pas le mot pornographie, encore moins les termes pornographie enfantine.

Les législateurs, jadis, n’ont pas imaginé que notre société dite civilisée, en arriverait là : employer de jeunes enfants et même des bébés dans cette industrie du vice.

Ce sont des mouvements privés comme « Réagir » qui sont intervenus au Danemark en 1980 pour faire interdire la pornographie enfantine.

Le scandale qui a éclaté il y a quelque temps à Bruxelles où l’on a découvert des locaux servant à photographier et à filmer de jeunes enfants pour la pornographie, montre que ces faits criminels, inqualifiables, existent encore. Il y a des Suisses compromis dans cette affaire. Quand passeront-ils devant les tribunaux ?

L’éditeur, le vendeur, l’acheteur de porno enfantine sont des complices et devraient être emprisonnés. E. Kaiser, que j’admire, parle souvent d’enfants et de femmes du tiers monde employés dans la pornographie. Il a longtemps guerroyé contre la « centrale maquerelle » de Dordrecht (Hollande) diffusant la pornographie enfantine. À noter que la Hollande a refusé d’adhérer à la Convention internationale sur le trafic des revues obscènes.

Soutenons les initiatives du Mouvement Humaniste

Les initiatives lancées par Felix Glutz et son comité dévoué (Mouvement Humaniste) contre « l’exploitation mercantile de la violence et de la sexualité » méritent d’être soutenues par un large public.

Il faut relever le courage de cet ancien député écologiste qui a préféré claquer la porte du Parti écologiste vaudois plutôt que de renoncer à ses convictions. Les cartons d’initiatives peuvent s’obtenir au Mouvement Humaniste – CP 234/1820 – Montreux.

Il est important que ces initiatives aboutissent pour faire refluer ces deux fléaux, violence et pornographie, écumes fangeuses d’un monde en plein désarroi, d’un monde qui a besoin d’un Dieu.

Roberte Falquet[1]

[1]      Présidente de « Réagir » Genève – Droits de reproduction avec l’autorisation de l’auteur