J’accuse réception de votre lettre du 1er mars accompagnée de la pétition datée du 29 février 1988.

Avant de commenter la pétition, je voudrais vous demander si vous pensez sincèrement que votre « marche » sur le Parlement était vraiment nécessaire et digne de la cause, et du message du Christ, et de celui des Eglises représen­tées par ceux qui y participaient sachant, évidemment, qu’une telle action était illé­gale ?

Vous savez fort bien que, vous-même, ainsi que d’autres qui vous accompa­gnaient ce jour-là, ont été à plusieurs reprises fort bien reçus, tant à Tuynhuys au Cap qu’aux Union Buildings à Pretoria. Parfois l’accueil s’est fait sous les projec­teurs d’une publicité éclatante, à d’autres occasions plus discrètement afin d’assu­rer ce minimum de confidentialité appa­remment nécessaire à la protection de certaines personnes qui osent s’entrete­nir avec le gouvernement.

Il faut, en conséquence, sérieusement mettre en doute la véracité de ce qu’affir­me la pétition, c’est-à-dire que vous ne disposiez virtuellement d’aucun autre moyen de témoignage efficace et paisi­ble.

Par ailleurs, vous vous référez dans votre pétition aux syndicats. Sans doute savez-vous que, pas plus tard que la semaine passée, j’ai adressé une invita­tion à plusieurs des syndicats les plus importants du pays à venir s’entretenir avec moi et avec des membres du gou­vernement à Tuynhuys. Certaines des personnes dont vous me parlez n’ont pas assisté à cette rencontre et parmi elles se trouvaient des personnes qui n’ont même pas daigné répondre à l’invita­tion.

Vous serez sans doute d’accord que de telles considérations mettent sérieu­sement en doute les bases mêmes de votre démarche qui fut sans doute con­çue comme une action publicitaire fort bien réfléchie.

Comme vous le savez si bien toute cet­te affaire a une portée autrement plus grande. Pour illustrer mon propos per- mettez-moi de citer une récente émission de « Radio Liberté », la station de propa­gande de l’A.N.C.

Il faut maintenant agir pour que les Egli­ses deviennent le terrain où se livrera une violente bataille contre le régime… Nous devons organiser nos forces en vue d’une confrontation physique avec le ré­gime.

Nous sommes obligés de nous deman­der si nous pouvons tirer une autre con­clusion que celle-ci : des actions telles que votre récente marche sur le Parle­ment ne peuvent être comprises que comme faisant partie de la campagne dont parlait l’émission de propagande de l’A.N.C. Mais tout cela se situe dans un contexte bien plus large fort bien exprimé par la revue Sechaba de septembre 1985 où il était dit :

Les membres du Congrès National Africain (A.N.C.) comprennent parfaite­ment pourquoi l’A.N.C. et le Parti Com­muniste Sud-Africain (S.A.C.P.) sont les deux mains d’un même corps, pourquoi ils sont les deux piliers de notre révolu­tion.

Sans doute comprenez-vous très bien que l’intention explicite de la révolution que prépare l’alliance de l’A.N.C. et du S.A.C.P. est de transformer l’Afrique du Sud finalement en un état marxiste athée où la liberté de Foi et de Culte serait parmi les toutes premières victimes.

Si vous êtes en désaccord avec une telle éventualité déclarez-le explicitement et publiquement car votre pétition, où vous dites que la victoire contre le mal est garantie par notre Seigneur, est en rap­port direct avec l’action de ces mouve­ments.

La question, en effet, est ici de savoir quelle est votre compréhension du mal. L’athéisme marxiste fait-il partie de ce mal dont vous parlez, ou ce « mal » est-il la lutte en faveur du Christianisme, de la Foi chrétienne, de la liberté de croyance et de culte contre les forces de l’impiété et du marxisme ?

Dans votre pétition vous employez des expressions comme les organisations populaires, l’activité démocratique, la lutte pour la justice et pour la paix et la vraie lutte pour la démocratie.

A cet égard, permettez-moi de citer à nouveau l’émission de « Radio Liber­té » :

Nous devons engager le combat au nom de la justice ; nous devons participer à de tels moyens de lutte ; le mouvement démocratique doit pouvoir s’exprimer dans toutes les Eglises ; les cultes doi­vent promouvoir cet appel démocrati­que ; l’Eglise doit être pour la libération.

Vous devez des explications à tous les chrétiens sur votre position exacte car nous sommes tous des adultes et le temps du bluff, de se jouer des autres, est depuis longtemps dépassé. Il nous faut vous poser la question suivante : Agissez-vous pour le Royaume de Dieu ou pour le royaume prôné par l’A.N.C. et le S.A.C.P. ? Si c’est pour ces derniers, dites-le carrément, mais cessez alors de vous cacher derrière les structures et les vêtements sacerdotaux de l’Eglise chré­tienne. Car le Christianisme et le marxis­me sont des adversaires irréconcilia­bles.

Votre pétition exhortait le gouverne­ment à prendre un certain nombre de mesures immédiates. En guise de répon­se, je demanderai à tous ceux qui ont soutenu cette pétition de répondre aux questions suivantes :

— l’expression utilisée par votre pétition transférer le pouvoir à la population toute entière de notre pays a-t-elle le même sens pour vous que quand elle est utilisée par l’A.N.C et le S.A.C.P., c’est-à-dire l’établissement final d’un régime marxiste en Afrique du Sud ?

— vous-même ainsi que les cosignatai­res de la pétition, êtes-vous favora­bles à l’établissement d’une dictature marxiste en Afrique du Sud sous la domination de l’A.N.C. et du S.A.C.P., et cela au préjudice évident de l’Eglise ?

— Croyez-vous que la promotion de la cause de l’A.N.C. et du S.A.C.P. et, par ce moyen celle du marxisme et de l’athéisme, concorde avec votre in­terprétation de la mission prophéti­que de l’Eglise et de cette soi-disant théologie de la libération à laquelle vous souscrivez ?

Pour conclure, j’aimerais vous deman­der si l’Eglise chrétienne ne connaît, en vérité, pas d’autre pouvoir que celui de l’amour et de la Foi et si elle ne détient d’autre message que le véritable messa­ge du Christ ? Quand elle intervient avec son pouvoir spirituel dans la lutte pour la domination politique ne discrédite-t-elle pas le message du Christ ? Cessant ainsi d’être un corps spirituel elle devient pro­fane et perd le droit de s’appeler l’Eglise de Dieu.

Au cas où vous accepteriez ces affir­mations comme vraies, il vous faudrait établir si vous avez agi au nom de Dieu et Son Eglise ou si c’était en votre capacité personnelle de membres de la société ayant embrassé une vision sécularisée du monde. Si cela est le cas, vous avez ren­du un bien mauvais service aux Eglises que vous souhaiteriez représenter.

Bien sincèrement vôtre,

P, W. Botha Président de l’État