Afrique du Sud – Le bluff de « l’anti-apartheid » et la mauvaise foi des Églises

par | Résister et Construire - numéro 5

En septembre 1985 le Document Kairos (commentaire théologique sur la crise politique en Afrique du Sud) commençait de faire ses ravages dans les Églises d’Afrique du Sud et chez nous ; son objectif non avoué : opposer plus fortement les communautés sud-africaines. En opposition au système d’apartheid (développement séparé des cultures) qui dans les années 50 et 60 se justifiait par la Bible, une certaine Église contestataire cherche maintenant à justifier la « Black Revolution » par les Écritures. Mgr Mvemve et le Père Nolan, nos récents visiteurs sud-africains, comme beaucoup d’autres (Le Pays du 20.2.88), ont subi l’influence corrosive de la « théologie de la libération ». « L’anti-apartheid » érigé en doctrine est devenu le moyen de cette supercherie : révolution, que de toute évidence, ces hommes de Dieu, cherchent à colporter comme une calomnie.

Le père Boff, fondateur de la « théologie de la libération » est également suivi en Afrique du Sud par l’archevêque anglican Desmond Tutu dont le masque de Prix Nobel de la Paix, lui permet, sous cape, de servir la guerre. Guerre « sainte », à n’en pas douter. M. Tutu prône la « Black theology » qui devient un instrument de déstabilisation de type anarchique et dont s’aide l’URSS, qui, incapable qu’elle est de soutenir des guerres classiques à l’étranger (Afghanistan, Angola, etc.), continue son mouvement de conquête par la subversion des intelligences ; subversion d’ordre dialectique et mensonger. (Les mots cachent un autre sens que celui du dictionnaire ; exemple : « cœxistence pacifique », « pacifisme », « paix », « anti-apartheid »). Moi qui ai passé trois ans à professer à l’Université protestante de Potchefstroom (RSA), je puis vous assurer que, contrairement à ce qu’affirme le Père Nolan, même les théoriciens afrikaners des années 50, n’ont jamais affirmé : « Il faut obéir à l’État sous peine de désobéir à Dieu » (raisonnement qui eut cours chez les Jésuites à la Révocation de l’Édit de Nantes, en France, vers 1685). Ces théoriciens voulaient simplement que chaque peuple, et l’afrikaner en particulier, ne soit pas condamné au métissage : de là, le développement séparé des cultures qu’on nomme apartheid. Cette attitude n’est pas en soi négative. Aussi le mot « racisme » s’ajoute-t-il à la panoplie des masques mensongers dont on affuble d’autant plus volontiers l’Afrique du Sud, qu’elle est bien loin de nous.

Un raciste est tout simplement un bourgeois dans le sens de la théologie, ou théorie marxiste dite de « la lutte des classes ». Jean-Paul Sartre, aurait parlé de salaud. Mais la conscience populaire n’a pas encore saisi cette nuance et reste fidèle à l’étymologie. Remplacez « Blanc » par bourgeois et « Noir » par prolétaire, et vous commencerez à comprendre ce qui en retourne vraiment. Nous sommes loin de l’apartheid qui demeure certes un péché (apartheid is sin), mais véniel en comparaison du matérialisme absolu. Pour sa part, le petit bourgeois bien-pensant, en reste à l’apartheid qu’il harcèle comme Don Quichotte s’en prenait aux moulins à vent. De son côté, le révolutionnaire, en est à faire la révolution. Ainsi font.. font, MM. Mvemve et Nolan, sous leur capuchon de moines missionnaires. On sait qu’une partie des Jésuites, des Franciscains (Léonardo Boff – interdit d’expression une année entière par le Vatican – en est) et des Dominicains sont atteints de contamination marxiste. D’aucuns affirment même que Rome serait touchée : voir les « paix » insolites, apparemment séparées, proclamées en 1987 par le Pape et M. Gorbatchev. Imposer à tout prix le métissage est en soi opposé au Droit des peuples et au Droit des hommes à disposer d’eux-mêmes. D’une façon peu honnête les dignitaires de l’Église romaine sud-africaine, jugent la Suisse après cinq jours d’accueil. Leur condamnation est sans appel. Ils constatent « une étrange théologie de la neutralité » ; ils parlent d’« idolâtrie de l’argent aussi forte qu’en Afrique du Sud »… La même mission, la même croisade. Ils demandent d’ailleurs aux banques suisses (protestantes, peut-être?) de désinvestir en Afrique du Sud, et d’exercer des sanctions économiques (alors que l’URSS tente, en Suisse même, un emprunt). Ils savent – mais n’en parlent pas – que les premiers à souffrir de ces sanctions, ce sont les Noirs. Ils tablent sur le fait tactique, que si les Noirs en souffrent, le terrain ainsi préparé facilitera la mise en marche de la révolution. Fins tacticiens, ils savent que la pauvreté est source de révolte et non de démocratie. Ils cherchent à déstabiliser et à appauvrir, sous le couvert du mot « démocratie » (one man one vote). dont l’effet serait de produire un régime despotique fondé sur la crainte, alors que la monarchie (dixit Montesquieu) l’est sur l’honneur et la démocratie sur la vertu.

A l’heure actuelle, il importe d’améliorer le niveau de vie des Noirs en jugulant les éléments de déstabilisation (ce qu’a entrepris The Urban Foundation, dont le directeur Jan Steyn qui est également chancelier des Universités, était en Suisse récemment, sans que les media cherchent à l’interviewer ou la télévision à le recevoir). Il aurait pu parler des progrès considérables accomplis par Pretoria, en particulier dans le domaine de la construction d’habitations, depuis quelques années. MM. Mvemve et Nolan, bien qu’hommes d’Église, donc d’appareil, ne sont plus, ce qu’on nommait autrefois des chrétiens. Attention aux langues fourchues ; il est bien dommage que les media les aient mises en vedette ! Les mêmes media ignorèrent sciemment aussi, le passage en Suisse au mois de septembre dernier de MM. Ntsanwisi et Buthelezi, premiers ministres, respectivement des territoires autonomes du Gazankulu, contigu au Mozambique et qui accueille nombre de réfugiés venus de ce pays, et du Kwazulu où un projet d’union avec le Natal est en cours. Ces messieurs savent que l’Afrique du Sud a besoin d’aide économique et d’échanges humains – un Plan Marshall pour l’Afrique du Sud, proposaient-ils, et ils pensaient aux Noirs –, pas de coups de fouet. Pour eux, l’apartheid n’est pas un masque derrière lequel dissimuler des ferments de subversion, pas plus que sa destruction qu’ils réclament également n’est une fin en soi. Moins il y aura de débris, pensent-ils, plus il sera aisé de construire le futur de l’Afrique du Sud démocratique des peuples de sa communauté, qu’ils espèrent. La doctrine marxiste d’ « anti-apartheid » tue. La révolution et le terrorisme (bien endigués par l’État d’Urgence et l’interdiction récente qui frappe l’UDF (Front démocratique uni) et 16 autres organisations dites de « lutte contre la ségrégation raciale » (25.2.88)) sont les moyens tactiques des forces du mal. La « Black Revolution » est pire que l’apartheid. La « théologie de la libération » introduit le loup dans la bergerie, et la venue de MM. Mvemve et Nolan, pour peu qu’on lui attache une quelconque importance, permet aux propagandistes de faire d’une pierre deux coups. Non seulement cherchent-ils à abuser les Européens quant à la réalité sud-africaine, mais encore entreprennent-ils de déstabiliser l’auditoire même des pays qui les reçoivent. Sous prétexte de parler de leur pays, c’est aussi au nôtre qu’ils s’en prennent, et à nos libertés.

Avec MM. Ntsanwisi et Buthelezi, avec la majorité des Noirs non hostiles et des Blancs inquiets, ceux qui aiment vraiment l’Afrique du Sud et qui veulent du bien aux peuples qui l’occupent (une douzaine en tout : comme les peuples de la Communauté européenne dans une Europe qui n’est pas encore faite, mais où chaque peuple est souverain) sachons nous tenir à l’écart des sanctions scélérates que les marionnettes des mouvements internationalistes des USA et de l’URSS (ici le Sénateur Kennedy vaut bien Gorbatchev) cherchent à imposer à l’Afrique du Sud. Ce pays a les moyens de faire la politique qu’il faut pour que chacune de ses communautés trouve librement la place qui lui convient. Ne lui imposons ni les moyens, ni le temps. Il serait vraiment trop triste que l’opinion mondiale réussisse à faire de ce territoire, un autre Vietnam, à force de propagandes aveugles et mensongères. Il se pourrait pourtant, qu’à l’heure actuelle, un tel objectif soit conçu à Washington comme à Moscou. Pas plus qu’en Israël, ou partout ailleurs, nous n’avons le droit d’exercer une ingérence quelconque sur la politique d’un autre pays. Ceux qui font écho à la désinformation mondialiste et aux bruits venant des media, manipulés au nom de quelque « charte » insane, ne sont-ils pas, aujourd’hui, face aux Africains du Sud, périodiquement malades de la peste ? Comme dans la fable de La Fontaine, le plus âne n’est probablement pas celui qu’on pense. Mais gare à la sentence :

Selon que vous serez puissant ou misérable,

Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.

Charles P. Marie[1]

[1]      Charles P. Marie, Dr ès Lettres. Pour en savoir plus lisez : Irving Shelton : « En finir avec l’apartheid, par la révolution ou l’évolution ? » Ed. de l’Escalade, Paris 1986, p. 136. Bernard Lugan : « Histoire de l’Afrique du Sud », Perrin, Paris, 1986.