Éphésiens 4 : 1-16
INTRODUCTION
Dire que nous vivons dans un monde profane ou religieux peu propice au développement et à l’orientation de la vie chrétienne ou de la vie d’Église selon l’ Écriture est d’une évidence incontestable.
Tant de voix, généralement discordantes, s’élèvent et entraînent les enfants de Dieu dans une confusion ou dans un vide doctrinal et ecclésiastique qui ternit le témoignage chrétien ou même le neutralise. La trompette dont parle Paul (1 Cor. 14:8) rend un son confus et personne ne se prépare au combat. On a plutôt l’impression que beaucoup de chrétiens, sous prétexte d’amour, de paix et d’unité, refusent systématiquement de mener le combat de la foi (1 Tim. 6:12) et pour la foi (Jude 3) qui devrait nous préoccuper.
On connaît sans doute la formule d’un croyant éminent du passé : « Dans les choses essentielles, unité ; dans les choses secondaires, liberté ; en toutes choses, charité. » Cette belle et sympathique formule n’a qu’un défaut : elle ne précise pas quelles sont les choses essentielles et secondaires. Elles risquent, de toute façon, de ne pas être les mêmes pour tous.
Si nous sommes attachés à l’Écriture, nous aurons d’ailleurs beaucoup de mal à identifier des choses comme secondaires. Sans doute que certaines choses sont secondaires par rapport au salut ; mais si le Seigneur a jugé bon de nous révéler sa volonté, qui sommes-nous pour qualifier de secondaire un aspect quelconque de la vérité ?
Nous ne retiendrons donc pas cette belle mais dangereuse formule, mais nous nous appliquerons à découvrir le conseil de Dieu, consigné dans l’Écriture, la Parole de vérité, et notamment dans le quatrième chapitre de l’épître aux Éphésiens. Nous y trouvons les quatre piliers indispensables de la vie et de l’action chrétienne :
- La vérité : versets 5 et 15
- L’amour : versets 2 et 16
- L’unité : versets 3 et 13
- La sainteté : verset 24
Examinons-les succinctement tour à tour :
La vérité
Le premier pilier, pour ne pas dire le fondement de tout l’édifice chrétien, est la vérité. C’est la doctrine des apôtres et des prophètes, la révélation de la personne de Dieu et de sa volonté. En effet, Dieu a parlé à plusieurs reprises par les prophètes et finalement par le Fils (Héb. 1:1-2), parole incarnée (Jean 1:14) qui s’est même identifié avec la vérité (Jean 14:6). Dans notre passage, il s’agit de la foi (4:5) qui signifie, non la confiance en Dieu et dans son Fils en vue du salut, comme dans la plupart des passages, mais le corps de doctrine consigné dans l’Écriture. « Ta parole est la vérité » (Jean 17:17). A notre époque où la vérité biblique continue à être attaquée et remise en question par les ennemis de toujours et où elle est maintenant relativisée par des chrétiens néo-évangéliques qui privent les textes de leur autorité en posant la question subtile et dangereuse : « Que signifie aujourd’hui ? », il faut courageusement et obstinément s’accrocher à l’interrogation apostolique : « Mais que dit l’ Écriture ? » (Gal. 4:30). Sans la vérité, toute la vérité et rien que la vérité biblique, il ne saurait y avoir de vrai christianisme. le slogan adopté par les partisans de l’unité à tout prix, « la doctrine divise », ne doit pas nous faire abandonner la doctrine, car seule la vérité affranchit (Jean 8:32) de l’ignorance, de l’erreur, de la superstition ; seule, elle sanctifie (Jean 17:17 ; Eph. 4:24).
Déjà les contemporains de Jean le Baptiste avaient compris l’importance capitale de la vérité face à la séduction du miracle : « Jean n’a fait aucun miracle, mais tout ce qu’il a dit de cet homme (Jésus) était vrai » (Jean 10:41). les premiers chrétiens avaient, eux aussi, compris l’importance de la vérité, puisqu’ils persévéraient dans la doctrine des apôtres (Actes 2:42). A la fin de sa carrière, Paul entrevoyait les derniers temps où « les hommes ne supporteront pas la sainte doctrine, mais auront la démangeaison d’entendre des choses agréables » (2 Tim. 4:3). Ce temps est déjà arrivé. Quant au collaborateur de Paul, il devait être un ouvrier qui n’a point à rougir, qui dispense droitement la parole de la vérité » (2 Tim. 2:15), il devait confier l’enseignement de Paul « à des hommes capables de l’enseigner aussi à d’autres (2 Tim. 2:2) », en assurant ainsi la permanence de la proclamation de la vérité au cours des siècles.
L’amour
Cependant, la vérité, pour qu’elle corresponde à l’intention divine, doit être accompagnée de l’amour. C’est le deuxième pilier indispensable à l’édifice de la vie chrétienne et de la vie d’église, « professant la vérité dans la charité » (Eph. 4:16). La vérité et l’amour sont des sœurs jumelles, voire siamoises, l’une ne peut subsister dans son essence fondamentale sans l’autre. Certes, il ne s’agit pas de sensualité comme le monde comprend l’amour, ni d’un sentimentalisme plus ou moins romantique, ni d’une affinité naturelle ou d’une sympathie irréfléchie, à la manière d’ « atomes crochus ». Comme la vérité est personnifiée en Christ, l’amour est personnifié en Dieu (1 Jean 4:8) et manifesté en Christ (Eph.5:2). C’est en lui que l’on trouve le modèle de l’amour véritable. Nous devons, en effet, aimer comme Christ a aimé (Jean 13:34). L’amour que nous devons pratiquer n’est pas l’affection naturelle, mais la victoire sur les antipathies naturelles et le refus des sympathies exclusives. Dieu ne nous a pas aimés parce que nous étions aimables, mais parce qu’il avait en vue à la fois sa gloire et notre bien suprême. C’est ainsi que nous devons aimer nos frères et sœurs et, en général, nos semblables.
Aimer, c’est donner (Jean 3:16) ou se donner (Eph. 5:25) Aimer, c’est manifester un réel intérêt pour le bien de nos semblables, sans rien attendre en retour et en étant même prêts à subir l’hostilité. L’attitude de Paul à l’égard des Corinthiens le prouve : « Dussé-je en vous aimant davantage (par mes avertissements ou mes répréhensions) être moins aimé de vous » (2 Cor. 12:15). L’amour véritable est sincère (1 Pi. 1:22), sans hypocrisie (Ro. 12:9), désintéressé, attaché à la vérité et à la justice (1 Cor. 13:6), allant même au-delà de la simple justice.
Malheureusement, l’amour selon Dieu est rare, même parmi les chrétiens qui, pourtant, en parlent beaucoup ! Il s’agit non d’un sentiment naturel, comme nous l’avons dit, mais de l’accomplissement d’un devoir solennel, objet d’un ordre formel du Seigneur et fruit évident du Saint-Esprit (Gal. 5:22). C’est bien dans cette charité que nous devons marcher (Eph. 5:2), nous supportant les uns les autres (Eph. 4:2) et contribuant à l’édification du corps de Christ (Eph. 4:16).
L’unité
La rencontre de la vérité et de la charité engendre l’unité, troisième et nécessaire pilier de la vie chrétienne. Si l’unité est absente, il y a carence soit de la vérité, soit de l’amour.
Depuis plus d’un siècle et plus particulièrement depuis l’apparition de l’œcuménisme vers le milieu du XXᵉ siècle, on parle beaucoup d’unité pour réduire « le scandale de nos divisions ». On a voulu rassembler d’abord les confessions protestantes, puis « chrétiennes », puis monothéistes « chrétiens », juifs et musulmans) et finalement on parle d’un groupement de toutes les religions. la rencontre de prière interreligieuse d’Assise (27 octobre 1986) convoquée par le pape, et d’autres rencontres du même genre sont l’aboutissement de cette tendance à l’unification que l’on constate aussi sur les plans politique et économique (ONU, CEE, etc.). Comme nous sommes loin de l’unité biblique ! On cite bien la première partie du texte de Jean 17:11 : « qu’ils soient un… », mais on néglige ou l’on omet volontairement la qualification de cette unité pour laquelle Christ a prié : « comme nous », v. 11, « un en nous », v. 21,22, « parfaitement un », v. 23. En réalité, l’effort œcuménique a surtout en vue l’union dans une même organisation où le nombre joue le rôle principal et non l’unité authentique où la qualité des relations joue le rôle déterminant. Le Père et le Fils n’étaient que deux personnes, mais leur unité de pensée, de sentiment et de volonté était parfaite.
Notons que dans Éphésiens 4, il est question de deux sortes d’unité : « l’unité de l’Esprit » v. 3 et « l’unité de la foi » v. 13. la première est un acquis qu’il faut conserver, la seconde est un idéal vers lequel il faut tendre.
a) l’unité de l’Esprit existe entre tous les vrais enfants de Dieu. Ils sont nés du même Père, nés de nouveau, nés d’en-haut, nés de l’Esprit. Il s’agit d’une unité de nature qui existe en vertu de l’œuvre de régénération de Dieu (Jean 1:12-13). Cette unité. ne connaît pas de frontières confessionnelles, politiques, sociales ou raciales. Elle est l’apanage de tous ceux qui sont devenus participants de la nature divine par la régénération et qui constituent la véritable famille de Dieu, quelles que soient, en outre, les différences qui peuvent les séparer. Cette unité n’a absolument rien à voir avec une organisation humaine quelconque ; elle est donnée par Dieu ; elle est inhérente à la qualité d’enfant de Dieu ; elle doit être conservée par le lien de la paix envers et contre tout (4:3).
b) l’unité de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu, en outre, constitue un but à atteindre (4:13). Pour que les chrétiens puissent y parvenir, Dieu a donné des apôtres, des prophètes, des évangélistes, des pasteurs et docteurs (4:11). L’enseignement de la sainte doctrine doit avoir raison des particularités d’origine auxquelles les chrétiens sont attachés au moment de leur conversion. Tout cela doit céder la place à la vérité qui, comme nous l’avons rappelé, doit nous affranchir de toute ignorance, de toute erreur et de toute superstition pour qu’il n’y ait finalement qu’une seule foi comme il n’y a qu’un seul Seigneur (4:5). Cette unité de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu ne pourra être parfaitement réalisée que lorsque nous connaîtrons comme nous avons été connus (1 Cor. 13:12). Mais, en attendant, nous devons, sur le plan de l’Église locale, nous efforcer d’y parvenir.
La sainteté
Si la rencontre de la vérité et de la charité engendre l’unité, la vérité a encore un autre effet. Elle produit la sainteté (Eph. 4 : 24). On a évidemment raison de dire que la doctrine, c’est-à-dire la vérité, divise. Même Jésus disait qu’il n’était pas venu pour apporter la paix, mais l’épée et mettre la division entre certains (Matt. 10:34-36). Il ne peut, en effet, y avoir de communion entre la vérité et l’erreur, entre la justice et l’iniquité, entre la lumière et les ténèbres. « Quel accord y a-t-il entre Christ et Bélial. ou quelle part a le fidèle avec l’infidèle ?… C’est pourquoi, sortez du milieu d’eux et séparez-vous, dit le Seigneur, ne touchez pas à ce qui est impur…» (2 Cor. 6:14-17). Le Seigneur qui insiste fortement sur l’unité, ordonne ici solennellement la séparation par la purification de toute souillure de la chair et de l’esprit en vue d’achever « notre sanctification dans la crainte de Dieu » (2 Cor. 7:1).
Il ne faut pas oublier que Satan combat toujours les intentions de Dieu. Il veut séparer ce que Dieu veut unir et il s’efforce d’unir ce que Dieu veut séparer. La sainteté, séparation d’avec le péché et de l’erreur, est un des attributs de Dieu, peut-être le plus fondamental. Sans la sanctification, nul ne verra le Seigneur (Héb. 12 : 14). La sanctification est le processus qui nous conduit à la sainteté. La sainteté fait l’objet de notre élection et de notre vocation (Rom. 1:7 ; 1 Cor. 1:2 ; Eph. 1:4). « Vous serez saints, car je suis saint » (1 Pi. 1:16). Pour être vraiment consacrés à Dieu, nous devons nécessairement être séparés du monde, de l’erreur, de la vanité de nos pensées (4:17), du mensonge (4:25). du péché, des convoitises trompeuses (4:22), de la colère (4:26), du vol (4:28), des paroles mauvaises (4:29). de toute amertume (4:31), de toute espèce de méchanceté (4:31), de toute impureté, de toute cupidité (5:5), bref de toutes les œuvres de la chair (Gal. 5:19-21). Positivement, nous devons prendre à cœur l’exhortation : « devenez les imitateurs de Dieu, comme des enfants bien-aimés et marchez dans la charité, à l’exemple de Christ » (5:1-2) ; « marchez comme des enfants de lumière » (5:8). Nous n’avons pas le droit de nous appeler enfants de Dieu si nous ne sommes pas préoccupés d’agir « comme il convient à des saints » (5:3).
Conclusion
Ces quatre piliers vont par paires. Sur le plan humain, ils peuvent même paraître contradictoires. Ainsi la vérité et la charité sont souvent difficiles à concilier comme aussi l’unité et la sainteté. Mais dans le domaine chrétien, ces choses s’harmonisent, elles sont interdépendantes et intimement liées les unes aux autres. Ne nous imaginons pas pouvoir construire l’édifice de notre vie ou l’édifice de l’Église locale sans la présence des quatre piliers. Certes, on peut construire un système religieux avec un, deux ou trois de ces piliers, mais la foi chrétienne exige les quatre. La vérité, l’amour, l’unité et la sainteté font partie de la nature de notre Dieu qui veut que nous devenions ses imitateurs (Eph. 5:1). Si nous acceptons ce défi, nous continuerons à réaliser son dessein pour l’individu : l’unité de la foi et de la connaissance du fils de Dieu, et à atteindre son but pour la collectivité : l’Église bien coordonnée, formant un solide assemblage, s’édifiant dans la charité (Eph. 4:16). glorieuse, sans tache, ni ride, ni rien de semblable, mais sainte et irrépréhensible (Eph. 5 : 27), pour être finalement une épouse digne de l’Agneau (Apoc. 19 : 9).
Frédéric BÜHLER[1]
[1] Frédéric Bühler est pasteur à Mulhouse. Il fut durant de nombreuses années le président de la Commission administrative de l’Association évangélique d’Églises baptistes de langue française.