« Toutefois, de même que le serpent séduisit Eve par sa ruse, je crains que vos pensées ne se corrompent et ne s’écartent de la simplicité et de la pureté à l’égard de Christ. Car si le premier venu vous prêche un autre Jésus que celui que nous vous avons prêché, ou si vous recevez un autre esprit que celui que vous avez reçu, ou un autre évangile que celui que vous avez accueilli, vous le supportez fort bien. » (II Cor. 11:3-4)
Préambule
Tout véritable chrétien étant né de Dieu, il se trouve ainsi au bénéfice de l’œuvre parfaite de Jésus-Christ ; en Christ il est justifié, régénéré et sanctifié. En conséquence il est devenu le temple même du Saint-Esprit. Cette personne divine, le Saint Esprit, membre con-substantiel avec le Père et le Fils de la Sainte Trinité, possède, en conséquence, tous les attributs de la divinité. Dans la souveraineté absolue qui est la sienne en tant que Dieu, le Saint-Esprit distribue ses dons aux croyants comme il lui plaît et cela pour l’unique bien du corps de Jésus-Christ, l’Église de Dieu. Si les chrétiens se doivent d’avoir du zèle pour les dons les meilleurs, ceux qui édifient toute l’Église (1 Cor. 12:31), ce n’est cependant jamais le chrétien qui peut exiger les dons dont il sera le bénéficiaire. Il ne peut commander au Saint-Esprit d’agir selon son vouloir de créature. Les dons spirituels, les charismes, dont il fera profiter d’autres, il les reçoit comme un don, un cadeau, une grâce du Saint-Esprit qui, parce qu’Il est pleinement Dieu, omniscient et omnipotent, sait infailliblement quels sont les besoins véritables des différents membres du corps de Christ. A ces besoins il saura répondre parfaitement.
C’est ainsi que la béatitude, « Heureux les pauvres en esprit, car le Royaume des cieux est à eux » (Mt. 5:3), constitue l’axe même de l’exercice véritable des charismes du Saint-Esprit par le chrétien fidèle. Tout chrétien ayant, dès sa conversion et sa régénération, reçu le Saint Esprit dans toute sa plénitude qui, alors, oserait fractionner l’unité même de Dieu ? Ayant ainsi, par la foi en Christ, accès à la plénitude du Saint-Esprit il doit grandir dans cette grâce, il doit livrer sa vie de plus en plus à cette plénitude divine. Il ne peut, en conséquence, dans sa vie chrétienne quotidienne, manquer d’exercer divers charismes. Le terme charismatique en conséquence doit s’appliquer à tout véritable chrétien et non à une catégorie de personnes affirmant avoir fait des expériences qui leur seraient particulières ! Répétons-le : Tout véritable chrétien, du fait même d’être devenu le temple du Saint Esprit, est nécessairement un charismatique. Cependant, contrairement à presque tout ce qui s’enseigne à ce sujet aujourd’hui, les manifestations diverses des charismes de Dieu dans la vie communautaire chrétienne en vue de l’édification de tous n’est pas le fruit, d’un gonflage spirituel, d’une surabondante richesse spirituelle, mais de la pauvreté d’esprit du chrétien fidèle. C’est ce que nous dit bien clairement la béatitude : « Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux ». Donnant constamment aux autres ce qu’il reçoit de Dieu le chrétien fidèle reçoit constamment des nouvelles grâces de l’Esprit. Ce renouvellement continuel dans l’Esprit par don continuel de soi-même aux autres conduit à être constamment renouvelé par le Saint Esprit. C’est cette vie constante en communion intime avec Dieu le Père, par le Fils et dans le Saint Esprit qui est le royaume des cieux, la racine de toute manifestation du Royaume de Dieu dans ce monde. L’apôtre Paul nous dit exactement la même chose quand il s’exclame : « La mort agit en moi » (pauvreté d’esprit) « et la vie en vous » (manifestation de la grâce, des charismes de Dieu, en faveur des autres). Jean-Baptiste disait de manière semblable en parlant du Christ : « II faut qu’il croisse et que je diminue ». Car c’est quand nous sommes faibles que nous sommes forts.
Ainsi ceux – de quelque bord qu’ils soient – qui recherchent en eux-mêmes et pour eux-mêmes la puissance et la richesse spirituelles, émotionnelles ou intellectuelles font fausse route. Animés par un zèle charnel ils ont oublié la prédication de la croix. Ils ne crucifient plus la chair et ses convoitises, mêmes spirituelles. C’est cela le faux charismatisme.
Le témoignage qui suit montre jusqu’où peut aboutir une telle orientation religieuse malsaine. Tous ceux qui s’appellent eux-mêmes abusivement charismatiques (comme s’ils disposaient du monopole des grâces de Dieu !) n’ont certes pas tous passé par toutes les expériences que décrit ici le pasteur Fillatre. Mais de telles expériences ne sont que l’aboutissement logique inévitable d’une spiritualité qui n’est pas centrée sur la croix de Jésus-Christ mais sur l’épanouissement de notre personne. Le redressement de telles erreurs passe par le retour à la pauvreté spirituelle, à la mort quotidienne avec Christ, à la vraie spiritualité qui porte la marque d’une obéissance constante en Christ et par l’Esprit aux commandements de Dieu. Car il ne peut y avoir de vie de résurrection sans passer par la mort de la croix. Bien des chrétiens ont été trompés par une spiritualité artificieuse calquée sur la volonté de richesse, de puissance, de vitalité, de joie, de bien-être, etc. d’un monde perdu dans ses convoitises trompeuses. Car si Dieu nous donne sa paix (et toutes choses par-dessus) il ne nous la donne pas comme le monde la donne. C’est par ce qui paraît aux yeux du monde folie, faiblesse, pauvreté, et même mort que se manifestent en réalité la sagesse, la puissance, la richesse et la vie de Dieu. Car le chrétien ne recherche ni la science d’un monde sans Dieu, ni les miracles d’un monde religieux en révolte contre un Esprit souverain et libre mais la communion aux souffrances de son Seigneur et la proclamation de ce Jésus-Christ crucifié, puissance de Dieu et sagesse de Dieu pour ceux qui mettent leur confiance en Lui.
Le témoignage extrêmement important du pasteur Louis-Michel Fillatre ne peut certes pas être considéré comme constituant une description normative complète et équilibrée du phénomène dit charismatique. C’est le rapport d’une expérience personnelle et l’analyse de certains aspects significatifs de ce mouvement. M. Fillatre, de par les responsabilités importantes qu’il avait exercé dans le mouvement charismatique français, était particulièrement bien placé pour en décrire les déviations. Non pas les erreurs les plus courantes, mais celles qui sont caractéristiques de tout illuminisme tel qu’est, en effet, le faux charismatisme. Son article n’est rien d’autre qu’une description et une analyse des aboutissements inévitables de tout illuminisme religieux purement subjectif qui s’ouvre, par ce fait même, à toutes sortes de contre-façons religieuses diaboliques. La lecture du témoignage du pasteur Fillatre ne pourra manquer d’être pénible pour tous ceux de nos lecteurs qui auront subi les conséquences dramatiques des contrefaçons religieuses d’une civilisation axée sur la convoitise. Mais notre espoir est que les paroles vigoureuses, claires et charitables, car vraies, de notre frère puissent nous libérer de tels mirages et nous aider à revenir à la simplicité du véritable Évangile de Dieu.
Jean-Marc BERTHOUD