« Examinez ce qui est agréable au Seigneur ; et n’ayez rien de commun avec les œuvres stériles des ténèbres, mais plutôt dénoncez-les. » Éphésiens 5:11
La Réforme fut la dernière victoire majeure du christianisme dans sa lutte séculaire contre le paganisme. Depuis la fin du XVIIᵉ siècle, avec une rapidité variable suivant les pays, les progrès du paganisme ne semblent trouver aucun obstacle durable. Dans sa seconde lettre aux Thessaloniciens, l’apôtre Paul affirme que la manifestation publique de l’homme d’iniquité, le sans-loi nous dit le texte grec, est liée à la disparition de l’obstacle qui empêche toujours son avènement. Dans le même contexte, il nous est parlé de cette apostasie qui doit précéder le règne de l’impie. Il faut d’abord que l’Église visible change de position, qu’elle ne mette plus sa confiance dans les cieux, en son seul Sauveur et Seigneur, Jésus-Christ, Dieu fait homme pour le salut du monde. Il est clair que l’enlèvement de l’obstacle à la manifestation de l’antéchrist – il y a eu beaucoup d’Antéchrists dans l’histoire ! – est dans un sens très précis la disparition de l’Église, non son enlèvement dans les airs à la rencontre du Christ lors de son retour, mais la disparition du témoignage chrétien d’un monde où le nom du Christ avait été précédemment annoncé avec puissance. Il s’agit de l’apostasie. Partout et toujours, le retour en force du paganisme fut précédé par la perte de la foi dans les églises. Tout le bassin Méditerranéen aujourd’hui contrôlé par l’Islam était autrefois terre chrétienne, berceau des plus grands docteurs de l’Église. Augustin, Cyprien et Tertullien viennent d’Afrique du Nord, Athanase d’Égypte, Chrysostome de Syrie, Basile et Grégoire de Nazianze de Turquie. La Russie elle-même a longtemps été terre de chrétienté. Comment le christianisme d’occident en est-il arrivé à devenir la proie du renouveau païen moderne ?
Au XVIᵉ siècle, et plus encore au XVIIᵉ, le christianisme dut faire face aux attaques de ceux que l’on appelait alors les libertins. À partir du XVIIIᵉ siècle, ces attaques sournoises se transformèrent en guerre ouverte. Le caractère transcendant de la révélation et de la foi chrétienne était miné à l’intérieur même des églises par l’incrédulité, par un rationalisme de plus en plus sûr de lui. L’on a ainsi progressivement mis en cause les vérités cardinales de la Trinité ; de la divinité du Christ ; de l’expiation par le sang ; de la résurrection du Christ ; de l’inspiration et de l’infaillibilité de l’Écriture ; du caractère inaltérable et normatif de la loi de Dieu pour l’homme et pour la société ; de l’origine divine de toute, autorité politique (la tradition du contrat social allant de Hobbes à Rousseau et aux démocraties libérales et totalitaires modernes) ; de toute idée d’une révélation de Dieu dans la création ; de l’origine divine de l’univers (Darwin et l’évolutionnisme) ; etc. Partout l’on cherchait à faire taire toute intrusion de la transcendance dans notre monde. Dans cette œuvre de sape les « chrétiens » libéraux, les libertins, les unitariens, les modernistes, les néo-orthodoxes et les néo-évangéliques se sont faits la cinquième colonne des ennemis ouverts de la foi chrétienne. Mais une autre attaque, moins directe mais tout aussi néfaste, ouvrit, elle aussi, la voie au retour du paganisme. Il s’agit d’un affadissement de la foi, de son humanisation, de l’oubli graduel du caractère divin du christianisme. Cet aspect du déclin de la foi fut avant tout marqué par un déplacement d’accent dans la prédication et l’enseignement chrétiens, centré maintenant de moins en moins sur Dieu et sur l’œuvre objective de notre salut, mais sur les sentiments, les dispositions et la volonté des hommes perdus. Les étapes de ce déclin se nomment : arminianisme (la décision de l’homme prend le pas sur la grâce de Dieu dans l’œuvre du salut), puis le piétisme (la piété personnelle prend le pas sur la révélation), le méthodisme (insistance sur les méthodes de la sanctification plutôt que sur l’œuvre du Saint-Esprit), les mouvements de sainteté parfaite et finalement, aboutissement de toutes ces démissions spirituelles au profit de l’exaltation de l’homme, le pentecôtisme. Car ce dernier, malgré le caractère orthodoxe de ses fondements bibliques est, dans les doctrines qui lui sont particulières et dans les pratiques qui lui sont propres, un mouvement hérétique. Cette affirmation est fondée sur les quatre raisons essentielles suivantes :
- la manipulation qu’il permet d’un « Saint-Esprit », qui ne distribuerait plus ses dons comme Il veut, à qui Il veut et quand Il veut. Une telle volonté de manipuler le Saint-Esprit finit par nier, de fait, Sa divinité ;
- la dissociation qu’établit le pentecôtisme entre l’œuvre de conversion au Christ, et un « Baptême du Saint-Esprit » qui lui serait ultérieur. Ainsi sont séparées deux des personnes de la divinité, Jésus-Christ et le Saint-Esprit, ce dernier n’ayant plus comme tâche unique envers le croyant de lui communiquer tout ce qui est à Christ. Cette attitude conduit, dans la réalité pratique, à séparer l’action du Saint-Esprit des enseignements de la Bible, c’est-à-dire de la Parole même de Dieu.
- son affirmation de la nécessité pour l’homme régénéré de recevoir quelque chose de plus que Christ pour compléter l’œuvre du salut (un baptême du Saint-Esprit accompagné de parler en langues) nie la toute suffisance de l’œuvre du Christ à la croix. Le pentecôtiste tombe ainsi sous les anathèmes prononcés par Paul dans l’épître aux Galates ;
- finalement, en insistant sur la nécessité pour le chrétien régénéré d’une expérience spéciale de plénitude dans le Saint-Esprit dépassant celle qu’il a déjà reçue en Christ, le pentecôtisme en vient à affirmer qu’en Christ le croyant ne trouve pas toute la plénitude de la divinité. Ceci n’est rien d’autre que l’hérésie gnostique dénoncée par l’apôtre des gentils dans sa lettre aux Colossiens.
Le charismatisme œcuménique non doctrinal constitue la dernière étape de la dégradation doctrinale et spirituelle des milieux évangéliques. Dans son ensemble, ce mouvement ne prend, malheureusement trop souvent, que les faiblesses et les erreurs du Pentecôtisme sans en retenir les fondements bibliques. Ces bases bibliques saines que l’on retrouve dans bien des milieux Pentecôtistes nous incitent à joindre aux critiques du mouvement charismatique du pasteur Louis-Michel Fillatre, les exhortations bienfaisantes d’un autre serviteur de Dieu éminent, le pasteur pentecôtiste Robert Menpiot.
Cette dégradation progressive des milieux évangéliques se caractérise par une spiritualisation et une intériorisation de plus en plus grande de la foi. Le christianisme issu de la Réforme commença ainsi graduellement à prendre ses distances, non seulement avec la nature objective de la Bible (et, surtout, avec l’autorité contraignante de ses exigences dans tous les domaines de la vie) mais également avec les contraintes les plus normales de la réalité telle que Dieu l’a créée. L’antinomisme (le refus de la loi) et l’anti-intellectualisme (le refus de l’usage de la raison soumise à la Parole de Dieu) rendent trop souvent les milieux évangéliques inaptes à lutter contre les assauts des nouvelles erreurs. Par son illuminisme, friand de « prophéties », de voix intérieures et de visions, par son irrationalisme et son goût effréné du miraculeux, le mouvement pentecôtiste-charismatique-évangélique-catholique qui, dans une grande mesure, est devenu le consensus chrétien de cette fin du XXᵉ siècle, donne largement la main à la spiritualité du prétendu Nouvel Age, avide, lui aussi, de révélations particulières, d’irrationnel et de miraculeux.
Que Dieu nous aide à discerner le bien du mal, à nous attacher au bien de tout notre cœur, à embrasser la vérité de toute notre intelligence et en conséquence à rejeter le mal et l’erreur sous toutes ses formes avec la dernière énergie.
Jean-Marc BERTHOUD