Les sollicitations néfastes auxquelles l’Église évangélique est exposée en cette fin du XXᵉ siècle (I)

par | Résister et Construire - numéros 11-12

Note de la rédaction

Nous sommes heureux de pouvoir publier dans Résister et Construire cette étude capitale de Robert Menpiot, pasteur dans les Assemblées de Dieu de France. Si nous approuvons pleinement son analyse de certaines tendances néfastes qui se manifestent dans les milieux évangéliques aujourd’hui, nous émettons cependant certaines réserves quant au caractère quelque peu excessif de certaines de ses formulations.

Il faut se rappeler que l’action du Saint Esprit en notre faveur nous donne tout pleinement en Christ. Un véritable Réveil spirituel, comme le fut incontestablement la Réforme, produit un fruit qui renouvelle et sanctifie la vie sociale et culturelle tout entière au travers de vies transformées par la Parole de Dieu. Tout appartient à Jésus-Christ et tout doit être restauré en Lui et par Lui. Ainsi un fruit incontestable de la fidélité des Réformateurs à toute la Parole de Dieu fut le renouveau biblique des arts, de la poésie et de la musique ; l’essor des libertés politiques, d’une économie productive et des sciences. Toutes ces choses doivent être d’abord attribuées au retour à la vraie Foi.

Mais comme le rappelle si bien le pasteur Menpiot, rien d’utile ne peut se produire sans la séparation de l’Église du péché et de cet esprit du monde que domine le péché. C’est l’homme tout entier, sensibilité, émotions, intelligence, volonté, imagination qui doit maintenant tirer sa vie de Jésus-Christ. Évitons les pièges qui nous guettent : d’une part, cette mondanisation dont le fruit est immanquablement l’impuissance spirituelle ; de l’autre, ce Donatisme, négation ou amoindrissement de la pleine humanité de Jésus-Christ et, en conséquence, réduction de la bonté originelle foncière de la création et négligence de ces œuvres sociales, culturelles et politiques que Dieu a préparées d’avance pour que les chrétiens les pratiquent.

L’importance capitale de l’étude du pasteur Menpiot provient avant tout de sa dénonciation de l’attaque dirigée contre le cœur même de l’action régénératrice et sanctifiante de l’Esprit de Dieu dans l’Église, attaque qui pousse les chrétiens mal affermis à adopter des moyens d’action et des techniques à la mode dans un monde radicalement opposé à tout ce qui concerne Dieu.

M. Robert Menpiot reste fermement attaché aux doctrines propres aux Assemblées de Dieu de France et n’est en rien responsable des positions prises par d’autres participants à ce numéro.

 Jean-Marc Berthoud

 L’Église est le corps de Christ, ou elle n’est pas !

Dieu donne à l’Église des « ministres » qui se nomment aussi prophètes, évangélistes, pasteurs et docteurs. Selon Éphésiens 4:11 à 16, ces ministères ont reçu vocation de « mettre les saints en état d’accomplir le ministère pour bâtir le corps de Christ jusqu’à ce que nous parvenions tous ensemble à l’unité dans la foi et dans la connaissance du Fils de Dieu, à l’état d’hommes adultes, à la taille du Christ dans sa plénitude. Ainsi, nous ne serons plus des enfants, ballottés, menés à la dérive, à tout vent de doctrine, joués par les hommes et leur astuce à nous fourvoyer dans l’erreur. Mais confessant la vérité dans l’amour, nous grandirons à tous égards vers celui qui est la tête, Christ. Et c’est de lui que le corps tout entier, coordonné et bien uni grâce à toutes les articulations qui le desservent, selon une activité répartie à la mesure de chacun, réalise sa propre croissance pour se construire lui-même dans l’amour. » (TOB-Eph. 4:12-16)

Voilà une vue essentielle projetée sur l’Église corps de Christ, sur les ministères que Dieu lui donne, sur l’œuvre que ceux-ci ont à mener à bien, et qui consiste à préparer les membres de l’Église au service chrétien, afin que, par un constant perfectionnement spirituel, ils deviennent aptes à ce service, et, par voie de conséquence, ils travaillent ensemble à l’édification, c’est-à-dire à la construction du corps de Christ. Les hommes que Dieu charge des ministères ont donc pour rôle, soit d’appeler et d’assembler, soit d’éduquer et d’enseigner ceux que le Saint-Esprit ajoute à l’Église. Comment s’acquittent-ils de ces tâches ? En annonçant pleinement (c’est-à-dire jusqu’à achèvement) la Parole de Dieu ; en enseignant tout le conseil de Dieu ; en exhortant avec persévérance dans une pleine lumière, par la force de l’Esprit (lire : Colossiens 1:24 à 29). Dans ce passage, l’apôtre Paul témoigne de sa propre action auprès de l’Église : il exhortait et instruisait tout membre de l’Église, en usant de la plus grande sagesse possible, afin que chacun, en paraissant devant Dieu, soit devenu « parfait en Christ », c’est-à-dire, l’homme fait ou l’adulte que mentionnent d’autres textes.

D’une manière générale, le seul but à poursuivre avec constance se trouve nettement défini par les différentes consignes suivantes :

« Que tout se fasse pour l’édification commune » (c’est-à-dire afin que les fidèles progressent dans la foi – une foi agissante par l’amour) (1 Cor 14:26) « puisque vous aspirez aux dons de l’Esprit, que ce soit pour l’édification de l’Église que vous cherchiez à en posséder abondamment » (1 Cor 14:12) « C’est Dieu qui nous a formés, Il nous a créés dans une union avec Jésus-Christ, pour que nous menions une vie riche en bonnes œuvres ; ces œuvres qu’Il a préparées d’avance afin que nous les pratiquions » (Eph 2:1 0 – Bib. en Fr. ct.) « celui qui croit en moi fera aussi les œuvres que je fais, et il en fera de plus grandes parce que je m’en vais au Père ; et tout ce que vous demanderez en mon nom, je le ferai, afin que le Père soit glorifié dans le Fils. » (Jean 14:12-13) « Le Père qui demeure en moi, c’est lui qui fait les œuvres » (Jean 14:10) (nous voyons par cette déclaration de Jésus que les œuvres qu’il fait, et qu’il donne à faire aux croyants, sont celles que Dieu fait ; dont Dieu s’est réservé l’entière conception ; ainsi sont exclues les œuvres procédant de la conception ou de l’imagination de l’homme) : « que l’homme de Dieu soit accompli et propre à toute bonne œuvre » (2 Tim 3:17) ; « que le Dieu de paix vous rende capable de toute bonne œuvre pour l’accomplissement de sa volonté et fasse en vous ce qui lui est agréable par Jésus-Christ, auquel soit la gloire aux siècles des siècles ! Amen ! » (Héb 13:21) ; « Ne vous associez pas aux œuvres stériles des ténèbres ; démasquez-les plutôt » (Eph 5:11 – TOB) ; « le fin lin, ce sont les œuvres justes des saints » (Apo 19:8). Toute l’Écriture guide l’Église – ses membres et ses ministères – vers une unique conception des œuvres que la foi doit produire ; celles-là sont réputées « œuvres bonnes ».

De telles œuvres constituent réellement le « travail » (Apo 2:2) qu’il convient que le Christ puisse agréer, et elles ne sont réalisables que par des exaucements de prière. En effet, après avoir dit : « Celui qui croit en moi fera aussi les œuvres que je fais, et il en fera de plus grandes parce que je m’en vais au Père. » (Jean 14:12), le Seigneur Jésus ajoute : « et tout ce que vous demanderez en mon nom, je le ferai… si vous demandez quelque chose en mon nom, je le ferai. » (versets 13 et 14). C’est pour que les croyants soient en mesure de faire les œuvres du Maître que celui-ci les invite à demander « quelque chose » en son nom ; c’est-à-dire, à demander à Dieu son agrément ainsi que la puissance d’accomplissement. Par conséquent, des œuvres sans prière préalable, sans agrément d’en haut, et sans puissance d’Esprit ne doivent pas entrer dans l’activité de l’Église. Or, pour pouvoir demander et recevoir l’exaucement opérant, il faut encore satisfaire la condition de Jean 15:7 : « Si vous demeurez en moi et que mes paroles demeurent en vous, demandez ce que vous voudrez, et cela vous sera accordé. » Au verset 5, Jésus prévient : « Car sans moi, vous ne pouvez rien faire. » Il va de soi que les œuvres conçues par l’homme, dues à son propre jugement, dont l’idée est puisée dans le champ de l’apanage du monde, ne disposent d’aucune place dans les activités de l’Église ; car, même les œuvres charitables n’y peuvent entrer que si elles sont associées au témoignage de Christ, et inspirées par son Esprit. Toutes les œuvres de l’Église ne peuvent être autre chose que le « beaucoup de fruit » qui glorifie Dieu (Jean 15:8), le « fruit qui demeure » (Jean 15:16). Le Seigneur Jésus avait précédemment dit ce que devait être le travail de ses disciples (Jean 6:27) : « Travaillez, non pour la nourriture qui périt, mais pour celle qui subsiste pour la vie éternelle. ET QUE LE FILS DE L’HOMME VOUS DONNERA ; car c’est lui que le Père, que Dieu a marqué de son sceau. »

Le monde ne peut ni connaître, ni recevoir l’Esprit de vérité qui conduit l’Église et il est incapable de rien produire qui soit propre à orienter les sanctifiés dans le choix de leurs travaux. L’Écriture le précise clairement : « Ne vous conformez pas aux habitudes de ce monde, mais laissez Dieu vous transformer par un changement complet de votre intelligence » (Ro 12:2 – Bib. en Fr. ct.) Et égaiement ce passage de 1 Jean (2:15) : « N’aimez pas le monde, ni rien de ce qui appartient au monde. Si quelqu’un aime le monde, il ne possède pas en lui d’amour pour le Père. »

La prédication de la parole de Dieu

Au sommet des œuvres confiées à l’Église se situe la prédication de la parole de Dieu. Voyons quelques passages qui l’affirment : « La prédication de la croix est une folie pour ceux qui périssent, mais pour nous qui sommes sauvés, elle est une puissance de Dieu. » (lire 1 Cor 1:18-21)

L’apôtre Paul montre également comment agit la prédication de la croix ; elle ne repose pas sur les discours persuasifs de la sagesse, mais sur une démonstration d’Esprit et de puissance, afin que la foi des auditeurs s’établisse bel et bien sur la puissance de Dieu, et non sur l’habileté d’une rhétorique (1 Cor 2:4-5). Paul avait été établi « PRÉDICATEUR ET APÔTRE » par Dieu (1 Tim 2:7 ; 2 Tim 1:11).

Le Seigneur Jésus a été oint « pour ANNONCER LA BONNE NOUVELLE DU ROYAUME DE DIEU » et ceux qu’il envoie reçoivent cette même mission : « Comme le père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie » (Jean 20:21) « Allez, prêchez et dites : le royaume de Dieu est proche » (Mat 10:7).

Annoncer la parole, annoncer le royaume avec assurance, annoncer toutes les paroles de cette vie, tel est bien objectivement et de façon restrictive le commandement de Dieu à l’égard de toute l’Église (Ph 2:14-16 ; 1 Pi 2:9).

Peut-on disposer, dans le service de Dieu, d’une ample faculté d’agir et de parler à son gré ? Non, les voies sont tracées, l’œuvre à accomplir est celle de Dieu ; les prédicateurs et les témoins sont « OUVRIERS AVEC DIEU », l’Église étant le champ de Dieu, l’édifice de Dieu (1 Cor 3:9). L’œuvre confiée à l’Église ne tient rien de l’homme, et si elle emploie des hommes, c’est après que l’Esprit Saint les a dotés des qualifications surnaturelles indispensables. Celui qui sert Dieu (et cela devrait être le cas de tous) n’a aucune puissance, ni aucune capacité par lui-même ; il ne peut agir efficacement qu’armé de son charisme : « Qu’as tu que tu n’aies reçu ? Et si tu l’as reçu pourquoi te glorifies-tu comme si tu ne l’avais pas reçu ? » (1 Cor 4:7) Dans la seconde épître aux Corinthiens, 3:5 : « Ce n’est pas à dire que nous soyons par nous-mêmes capables de concevoir quelque chose comme venant de nous-mêmes. Notre capacité, au contraire, vient de Dieu. »

Le dessein parfait et glorieux de Dieu comporte absolument tout ce qui fait l’œuvre de l’Évangile : rédemption accomplie, Esprit Saint envoyé, parole à annoncer, capacité d’ordre surnaturel, puissance, sagesse, envoi et directions venant d’en haut, voilà ce que sont les biens que le Seigneur remet à ses serviteurs et qu’il leur demande de faire valoir jusqu’à son retour. La plénitude du Saint-Esprit que chacun doit prendre soin de conserver constante apporte force, sagesse et amour ; elle n’appelle aucun complément à puiser en l’homme lui-même ou dans le monde. Les capacités naturelles de l’homme, si elles sont utiles, n’interviendront que dans leur totale soumission à l’Esprit ; elles seront alors mobilisées et régies par l’Esprit. Les facultés intellectuelles et le savoir humain utilisés à l’initiative de celui qui les possède n’apportent que ténèbres dans l’Église.

L’Église est-elle menacée par le sida ?

C’est malheureusement dans les caractéristiques de cette maladie des derniers temps, le « syndrome immuno-déficitaire acquis », que l’on découvre une comparaison saisissante du mal qui, incontestablement, a pénétré dans l’Église.

L’aspect nouveau et redoutable de cette maladie réside dans le fait que le virus qui la provoque (appelé HIV) parasite les lymphocytes T4, dont le rôle dans le sang est de lutter contre les microbes pathogènes. En s’introduisant dans le globule blanc T4, le virus s’adapte à son hôte dont il paralyse la fonction défensive, et qu’il finit par tuer. Lorsque de nombreux lymphocytes sont ainsi mis hors de combat, l’organisme se trouve exposé à tous les processus infectieux possibles ; il ne détecte plus ses ennemis, et ne les combat donc plus. Voilà à quoi l’Église se trouve exposée en cette fin du XX siècle ! Tout comme un corps humain dont les lymphocytes ne jouent plus leur rôle, la communauté évangélique peut se trouver atteinte d’une incapacité de reconnaître l’intrusion de facteurs dangereux et à les expulser. Ces facteurs prennent en général la forme de communications, de propositions, d’exemples, de pratiques nouvelles, de visites de personnes faisant état d’expériences suscitant l’enthousiasme, de mise en service des produits d’une technologie avancée, d’enseignements satisfaisants…, etc. L’Église se laisse subjuguer ; elle espère pouvoir amplifier son action ou sortir de la stagnation, et elle adopte de nouveaux moyens, sans un sérieux examen au regard de la Parole de Dieu, sans s’apercevoir au culte rendu à Dieu va souffrir d’initiatives qui l’amoindrissent, sans démasquer le côté séducteur des entraînements auxquels on a cédé. Cette incapacité de reconnaître la séduction, ou la non-conformité à l’esprit de la Parole de Dieu, voire à sa lettre, s’apparente à une déficience immunitaire sur le plan de la fidélité et de la sagesse. On ne voit plus l’ennemi ; non seulement les dominations, les autorités, les princes du monde des ténèbres, qui sont des ennemis instigateurs, mais aussi la subtilité des offres proposées en provenance du monde ; offres que l’on accepte avec un enthousiasme aveugle, comme la meilleure des aubaines, en s’imaginant qu’elles vont apporter des possibilités décuplées d’évangéliser une société désespérément fermée. Autour d’elles, les communautés aux maigres effectifs, ou celles plus importantes qui voudraient grandir, constatent avec envie les effets de la puissance considérable des médias. Certes, les réseaux officiels et les chaînes de télévision ont des exigences de prix qui tiennent les Églises en respect ; celles-ci cependant s’efforcent de développer l’équipement audio-visuel qu’elles se sont procuré, et ne renoncent pas à prendre place dans les moyens de communication les plus avancés. Elles pensent que ces moyens sont autant de perches tendues à l’Évangile, et ambitionnent d’insuffler la foi au monde à armes égales avec lui.

D’autre part, il y a les programmes des chaînes de télévision auxquels concourent tous les styles du cinéma, du théâtre, de la musique, du chant et de la danse. Il faut des artistes en grand nombre ; et cela donne à penser aux promoteurs évangéliques qu’il faut aussi des artistes à l’Église. Le mouvement prend de plus en plus une allure assurée vers l’association de plusieurs formes d’art au culte chrétien, notamment la musique instrumentale, la chorale, et la représentation théâtrale, en des genres empruntés aux goûts en vogue et aux techniques en usage dans le monde profane. Celui-ci organise des festivals un peu partout ; de même. On y voit le prédicateur en bien petite position derrière les artistes dont les noms et le renom attirent l’assistance à eux seuls. Ces manifestations exercent une influence aisément visible sur les communautés. La chaire du prédicateur cède son estrade à la scène, et l’ère de l’auditorium remplace celle du temple.

L’affection pour les moyens techniques est-elle affection pour l’Esprit ?

Nous ne trouvons dans le Nouveau Testament que deux sortes d’affection. Le chapitre 8 des Romains oppose les choses de la chair aux choses de l’esprit ; et le chapitre 3 des Colossiens (verset 2) oppose les choses d’en haut à celles qui sont sur la terre. Il paraît normal de rapprocher les choses de l’esprit des choses d’en haut, et les choses de la chair des choses qui sont sur la terre. C’est en ce second groupe que prennent place les moyens d’action que le monde peut nous céder, car, même si l’on regarde la technique comme neutre dans la distinction entre chair et esprit, son utilisation ramène à des préoccupations matérielles imprégnant le service que l’on proposait de consacrer à Dieu. Ces préoccupations accaparent le temps, la pensée, l’intérêt, la volonté au profit du maniement des appareils, de leur installation et des préparatifs d’ordre scénique. Tous les soins vont à ces tâches exigeantes auxquelles on s’efforce d’apporter une habileté technique professionnelle. L’affection est donc bien en direction des choses d’en bas, celles où l’homme naturel trouve son enthousiasme de réalisateur expérimenté ; celles où se situe sa profession, ou son violon d’Ingres. Le croyant qui, avec les bonnes raisons qu’il se donne, s’ingénie à servir Dieu uniquement en professionnel des moyens techniques, sollicite l’Église vers un attachement aux choses d’en bas, et provoque sa mise en sujétion à l’Église avancera toujours davantage dans l’utilisation des arts et des techniques à différents niveaux professionnels. Elle aura son imprimerie, ses studios de radio et de télévision, ses magasins ; et, au-delà des écoles bibliques, des centres de formation pour la musique, le théâtre, la chorégraphie, la mise en scène, le maquillage…, etc. Dans ces différents départements seront à l’œuvre de véritables professionnels rétribués et engagés en raison de leurs compétences attestées. Il ne s’agit pas là de perspectives futures, car nous y sommes déjà.

Nous ne voulons pas dire que l’Église doit s’interdire l’usage de certains appareils, comme la sonorisation, l’enregistrement des messages en vue de leur diffusion, les automobiles…, etc.; toutefois ces moyens accessoires sont à contenir afin qu’ils servent discrètement, n’empiétant en rien sur le vrai service de Dieu, sur l’exercice des ministères et des dons, sur le combat de l’Église, et qu’on ne prétende jamais les considérer en tant que ministères, ou comme substituts de la puissance de l’Esprit Saint. Dans le peuple de Dieu, qu’il y ait des gens habiles, certes, essentiellement en raison de leur foi ; mais qu’il n’y ait pas de professionnels rétribués sur la base de compétences et de diplômes. Si l’on pense devoir s’appuyer sur les ressources des hommes et du monde, il est absolument certain que l’on se fermera les écluses des cieux. Le Saint-Esprit n’accepte pas une telle collaboration : Ce n’est ni par la puissance, ni par la force, mais c’est par mon esprit dit l’Éternel des armées ! » (Zac 4:6). L’œuvre de l’Église en sa totalité est une œuvre surnaturelle qui, sur la terre, n’entend utiliser que l’esprit, l’âme et le corps des hommes et des femmes nés de nouveau et revêtus de la puissance d’en haut. Dans le passé, quand l’Église se mit à construire des cathédrales dont on admire encore aujourd’hui la hardiesse et le style, son cœur était revenu au monde de la terre ; tous les moyens des arts étaient présents ; on servait le plaisir des yeux, des oreilles, on servait l’ambition, on servait l’orgueil, l’esprit humain de domination, on servait même le vice, mais on ne servait plus Dieu ! C’est sur la même pente fatale que nous recommençons à nous engager aujourd’hui.

La recherche de moyens substitutifs à portée de main naît immanquablement de l’appauvrissement en ressources surnaturelles dont l’Église se sent pâtir. Assurément, l’on bute actuellement sur l’insuccès de nos efforts ; et c’est ou la stagnation ou le recul. La démographie poursuit sa course, et l’Église du Seigneur ne parvient pas à la suivre, loin de là ! Nous en ressentons tous une profonde affliction. Que faudrait-il faire ? Nous le savons bien. Prier assidûment, non pas une heure par semaine dans la salle de culte, en petit nombre, mais régulièrement et avec persévérance, en Église. Il faudrait soutenir avec persévérance le combat par une prière quotidienne, réunis en cellules de quelques-uns, par quartiers ou banlieues. Que de tels groupes soient appelés « cellules », « communautés de prière » ou « foyers d’accueil », peu importe, il s’agit de vivre la parole du Seigneur en Mat 18:19-20 : « Là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux. » Ces petits groupements rattachés à l’Église locale dont ils sont l’étoffe, lui apportent le seul concours de prière en commun efficace et réalisable, et constituent donc une force constante. Le volume de prière en commun demeure grandement insuffisant dans les assemblées locales dépourvues de cellules.

Que faudrait-il encore ? Entretenir la communion fraternelle qui est l’une des importantes composantes de la vie de l’Église. Celle-ci, étant le corps de Christ, possède le caractère d’une personne. C’est là ce que nous enseigne le Nouveau Testament : « Nous qui sommes plusieurs, nous formons un seul corps en Christ et nous sommes tous membres les uns des autres » (Ro 12:5) ; « Qu’il n’y ait pas de division dans le corps, mais que les membres aient également soin les uns des autres. Et si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui…» (1 Cor 12:25-26) « C’est ici mon commandement, aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés. » (Jean 15:12). La parole convie également les membres de l’Église à s’exhorter les uns les autres, et même chaque jour (Héb 3:13). Tout cela n’est pas réellement vécu, n’est pas prêché, ni encouragé. L’esprit de cette communion n’imprègne pas le cœur des chrétiens. Leur Assemblée, pour beaucoup d’entre eux, est le rendez-vous du dimanche matin ; pour d’autres qui assistent aux réunions de semaine, l’Assemblée procure une certaine union et la joie de se trouver réunis entre frères et sœurs ; cependant, que l’on reste encore loin de ce que devrait être la communion fraternelle des saints de l’Église, pour atteindre le niveau de la volonté divine exprimée par les Écritures. La plupart des chrétiens d’une même communauté se connaissent entre eux, s’ils ne sont pas trop nombreux ; ils se saluent plus ou moins après les réunions, et là s’arrête la communion le plus souvent. Quelle tristesse ! L’Évangile, là tout d’abord, n’est pas vécu. L’individualisme, par contre, ne perd rien de ses profondes incrustations dans le cœur et dans les habitudes. L’hospitalité elle-même, pourtant recommandée, est abandonnée, à l’exception de quelques-uns pour qui elle reste une source de réjouissance. Il y a donc lieu de reconstruire l’Église, corps de Christ, sur toutes ses bases, afin qu’elle soit agréable à Dieu.

Posons encore la question : que faudrait-il ensuite ? Tout simplement un renouveau de consécration dans le cadre particulier du foyer, et dans la vie courante de chacun. Tous ceux qui ont été justifiés par grâce devraient penser continuellement à leur besoin d’être sanctifiés sans cesse ; d’achever leur sanctification dans la crainte de Dieu (2 Cor 7:1). Assurément, c’est Dieu qui sanctifie (esprit, âme et corps (1 Thes 5:23 – 24)) ; il sanctifie uniquement ceux qui s’offrent à l’action de Son Esprit, en lui soumettant leur vie et leur personne, sans partage et avec persévérance. Dans chaque maison chrétienne notamment, le culte du soir devrait reprendre la place qu’on lui a fait perdre quand la foi s’est lassée, ou en raison du trop grand volume des occupations qui débordent la journée de labeur, ou enfin par suite de l’usurpation des heures du soir consenties à la télévision. Les « veilles » ou la « veillée » que le dictionnaire définit comme étant le temps s’écoulant entre le repas du soir et le coucher, étaient, fut un temps, entièrement consacrées au Seigneur ; maintenant, elles lui ont été retirées. Pourtant, comme quelqu’un l’a dit, le soir de la journée est « le dimanche » de la journée ! Comme c’est vrai ! Dieu voudrait que nous soyons à ce rendez-vous là. Comptons un peu les désobéissances que nous cumulons chaque jour. Relisons le Nouveau Testament dans cette recherche-là ; nous en serons étonnés. Il ne peut pas y avoir d’affermissement de la foi sans VIGILANCE. Relisons Luc 21:34-36 ; Marc 13:33-37. Jésus a insisté fortement sur l’injonction à tous ses disciples (je le dis à tous) : VEILLEZ ET PRIEZ ! Tant que cette consigne impérative du Christ restera lettre morte, l’Église ne connaîtra ni réelle croissance, ni réveil. La vigilance appartient aux « œuvres justes des saints ». La grâce de Dieu, si l’on sait ne pas s’en priver, permet d’y parvenir.

Robert MENPIOT