« Gardez-vous des faux prophètes. Ils viennent à vous comme des brebis, mais au-dedans ce sont des loups ravisseurs. Vous les reconnaîtrez à leurs fruits. Cueille-t-on des raisins sur des épines, ou des figues sur des chardons ? Tout bon arbre porte de bons fruits, mais le mauvais arbre produit de mauvais fruits. Un bon arbre ne peut porter de mauvais fruits, ni un mauvais arbre porter de bons fruits. Tout arbre qui ne produit pas de bons fruits est coupé et jeté au feu. C’est donc à leurs fruits que vous les reconnaîtrez.
Quiconque me dit : Seigneur, Seigneur ! n’entrera pas forcément dans le royaume des cieux, mais celui-là seul qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux. Beaucoup me diront en ce jour-là : Seigneur, Seigneur ! N’est-ce pas en ton nom que nous avons prophétisé, en ton nom que nous avons chassé des démons, en ton nom que nous avons fait beaucoup de miracles ? Alors je leur déclarerai : Je ne vous ai jamais connus, retirez-vous de moi, vous qui commettez l’iniquité. » (Matthieu 7:15-23)
Le dernier numéro de Résister et Construire (No 11-12, mai-août 1990) fut consacré à un essai de discernement biblique et historique d’une des hérésies les plus séduisantes et en conséquence les plus dangereuses de notre temps. Tout en se prétendant des plus bibliques, ce mouvement, sous les noms de charismatisme ou de pentecôtisme, méconnaît le caractère véritable de la divinité du Saint-Esprit, porte atteinte à la réalité de la Trinité, falsifie l’Évangile en y ajoutant une deuxième expérience indispensable à l’intégralité du salut et tombe dans le gnosticisme – phénomène initiatique communiquant une connaissance spéciale à celui qui en est l’objet – avec sa prétention de vivre une plénitude dans l’Esprit qui semble plus grande que celle que nous avons communément en Christ. Au nom du Saint-Esprit, on en est venu en fait à Le diminuer, à L’offenser, à attrister Sa sainte Personne.
La fausse doctrine d’un baptême du Saint-Esprit ultérieur à la régénération et distinct d’elle, deuxième expérience de grâce, nécessaire à une vie chrétienne normale, et obligatoirement attestée par le signe d’un parler en langues étrangères factice, cette doctrine, unanimement enseignée par les Confessions de Foi des Églises Pentecôtistes, a été propagée depuis le début de ce siècle par cette tranche de la Chrétienté qui se targue de vivre une spiritualité supérieure à celle des autres chrétiens. Cette fausse doctrine, répandue aujourd’hui dans le monde entier, d’un baptême du Saint-Esprit dénaturé, est sans doute aucun l’une des hérésies les plus redoutables et les plus séduisantes qu’ait jamais connues l’histoire de l’Église. Ainsi s’est répandu partout un plein Évangile ayant la prétention d’être plus plein que celui que l’Église de Dieu a prêché depuis l’époque apostolique. Avec le mouvement d’une prétendue nouvelle pentecôte – comme s’il pouvait y avoir une nouvelle incarnation, une nouvelle crucifixion, une nouvelle résurrection, une nouvelle ascension ! – notre XXᵉ siècle naissant a vu apparaître une erreur qui altère profondément l’enseignement chrétien historique et normatif sur la deuxième Personne de la Trinité et Son œuvre merveilleuse en notre faveur. Il s’agit ici d’une attaque insidieuse et subtile, mais d’autant plus nocive, dirigée par des esprits d’erreur contre la personne et contre l’œuvre du Saint-Esprit.
L’inconscience, et disons-le franchement, la naïveté spirituelle et théologique, marquent bien souvent l’action de ceux qui propagent cette erreur. Ils agissent certes en toute sincérité, imaginant ainsi honorer Dieu. Mais leur zèle pieux ne fait que rendre la séduction qu’ils propagent plus dangereuse encore. Car en cette fin du deuxième millénaire, les doctrines spécifiques du pentecôtisme (étrangères au Christianisme historique) constituent un des assauts les plus graves contre les milieux évangéliques qui se réclament encore de l’autorité unique et souveraine de la Parole de Dieu. Sous la forme d’une fausse spiritualité chrétienne, qui aujourd’hui montre de plus en plus clairement ses affinités avec le mysticisme occulte d’un nouvel âge (qu’on devrait bien plutôt appeler vieil âge tant sont anciens ses mensonges), est apparue la nouvelle agression de l’antique serpent. Cette attaque sournoise est aujourd’hui dirigée, non contre le Fils de Dieu (comme le fut l’Arianisme au IVᵉ siècle), ou contre l’inspiration de la Bible (comme depuis le siècle des Lumières), mais contre la Personne et l’œuvre du Saint-Esprit.
Bien des chrétiens charismatiques ou pentecôtistes semblent avoir connu leur véritable régénération au travers de ce qu’ils appellent la deuxième expérience du baptême du Saint-Esprit. C’était en fait leur première expérience effective du salut. D’autres confondent le véritable baptême du Saint-Esprit (coïncidant avec la nouvelle naissance) avec une expérience de la plénitude du Saint-Esprit ultérieure à leur régénération. Mais pour bien d’autres, cette expérience, souvent forcée, ressemble étrangement à une forme d’initiation gnostique, source de puissance spirituelle étrangère à la vie du Saint-Esprit. Rappelons-le encore une fois : la vie de l’Esprit est inséparable de la croix (II Corinthiens 4:7-11), de la faiblesse, de ce qui apparaît folie aux yeux des hommes. Car la puissance de Dieu agit toujours dans la faiblesse de l’homme et non dans une puissance qu’il s’attribuerait d’une manière ou d’une autre (II Corinthiens 12:7-10).
Cependant, malgré notre volonté de distinguer nettement les personnes trompées par cette doctrine de la doctrine elle-même, un tel effort de discernement par l’étude approfondie de la Parole de Dieu ne peut manquer de provoquer de gros remous. C’est ce dont témoigne l’abondante correspondance que ce numéro de notre revue a suscitée. Nous en reproduirons des extraits, avec les réponses que nous avons cherchés à donner, dans ce numéro et dans des numéros ultérieurs. Par égard pour son auteur, nous ne reproduirons pas la lettre d’une page et demie que nous avons reçue d’un des principaux responsables du mouvement pentecôtiste-charismatique en Suisse romande. Cette réaction injurieuse à notre envoi est une preuve manifeste du caractère malsain de ce mouvement. Il n’est pas admissible de répondre à des arguments bibliques et historiques par des propos d’une telle nature. Le Christ nous enjoint de répondre à la haine et aux injures de nos ennemis par la patience, la prière et l’amour.
La réaction d’approbation de certains charismatiques à ces propos calomnieux, largement répandus par leur auteur dans des milieux qui s’affirment chrétiens, nous a paru également digne d’étonnement. Leur souci constant d’amour fraternel et de respect d’autrui ne semble guère être de rigueur envers ceux qui ne partagent pas leurs erreurs et qui osent le dire ! Où est-il écrit dans l’Évangile de Jésus-Christ qu’il faut se réjouir de l’injustice, applaudir les insulteurs et montrer de la compréhension pour ceux qui ruinent la réputation de leur prochain ? Avant la publication du numéro 11-12 de Résister et Construire, je l’avais donné à lire à plusieurs responsables charismatiques. A l’un d’entre eux, je fis la remarque suivante :
« Nous allons sans doute prochainement voir de quel esprit d’amour fraternel sont animés ceux qui se réclament tant des grâces extraordinaires du Saint-Esprit ! »
Nous le savons aujourd’hui sans le moindre doute possible. Ceux qui approuvent de telles pratiques ne le font pas par l’Esprit de Dieu.
Ce numéro de notre revue a agi comme un révélateur. Plusieurs de nos frères évangéliques et réformés des plus éminents et des plus respectés, tant en Suisse qu’en France, ont entièrement approuvé notre démarche, jugeant que le temps était enfin venu de dire un certain nombre de choses clairement, telles qu’elles sont en réalité. L’un de ces frères nous avertissait cependant que pour avoir osé dire la vérité, il fallait que le rédacteur s’attende à être enterré sous un tombereau d’immondices. Mais, dans ces béatitudes qui demeurent la charte éternelle de la véritable vie charismatique, notre Seigneur ne nous dit-il pas lui-même ces paroles fort encourageantes :
« Heureux serez-vous lorsqu’on vous insultera, qu’on vous persécutera et qu’on répandra sur vous toute sorte de mal, à cause de moi. Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse, parce que votre récompense sera grande dans les cieux, car c’est ainsi qu’on a persécuté les prophètes qui vous ont précédés. » (Matthieu 5:11-12)
Nous tenons déjà une partie de cette récompense dans les paroles d’encouragement reçues d’un pasteur retraité de Strasbourg :
« Je viens de passer quelques heures en compagnie de votre brochure N°11-12, Résister et Construire […]. Comme nos chrétiens évangéliques ont besoin d’être avertis et informés pour ne pas tomber en tentation de suivre d’autres bergers que Jésus-Christ ! Pour ma part, je suis intimement persuadé que nous sommes à « l’heure de la tentation sur le monde entier, afin d’éprouver les habitants de la terre » (Apocalypse 3:10). Selon sa promesse, je suis persuadé aussi que le Seigneur peut nous garder dans sa main… dans le « creux de sa main », si du moins nous veillons, prions et gardons les yeux ouverts. Votre action bonne tend à ouvrir les yeux de beaucoup […] que la Providence féconde profondément vos études et ce fascicule que je découvre nouvellement. »
Ce pasteur ajoutait ces paroles émouvantes au sujet d’une guérison divine d’un cancer de la gorge dont il a été l’objet :
« Dieu m’a guéri, j’en suis persuadé aujourd’hui, pour que je puisse encore prêcher abondamment Sa Sainte Parole ! J’éclate en actions de grâce et six ans après je chante avec Ézéchias (Ésaïe 38:17) « Voici, mes souffrances mêmes sont devenues mon salut… l’Éternel m’a sauvé ! » Et cela en dehors de tout milieu charismatique ou pentecôtiste ou autre… J’ai jeûné, prié, cru… chez moi et à l’hôpital, me suis accroché des deux mains aux promesses de Dieu. » (Lettre du Pasteur Antoine Rase du 24.6.1990)
Il n’y a jamais eu de deuxième pentecôte. Il ne peut pas plus y avoir de deuxième pentecôte que de deuxième incarnation, de deuxième rédemption. Prétendre à une deuxième pentecôte n’est rien d’autre que nier la suffisance actuelle du ministère du Saint-Esprit envoyé une fois pour toutes par le Fils, qui le reçut des mains du Père et le répandit lui-même du haut des cieux sur la terre pour fonder son Église. Affirmer la nécessité d’une deuxième Pentecôte, n’est rien d’autre qu’amoindrir la Personne même du Saint-Esprit, Troisième Personne de la Sainte Trinité, et l’efficacité de Son œuvre dans le monde depuis ce jour unique où furent accomplies les prophéties de l’ancienne alliance par lesquelles la Loi de Dieu serait enfin écrite sur le cœur même des fidèles (Jérémie 31 : 31-40). Prétendre à une deuxième pentecôte, c’est nier l’action du Saint-Esprit depuis la première Pentecôte, action, nous dit le Seigneur, dont le but est d’abord,
«… de convaincre le monde de péché, de justice et de jugement… » (Jean 16:8)
Une telle atteinte, même partielle, à la Personne du Saint-Esprit et à son œuvre, peut avoir des conséquences particulièrement graves. Le péché contre le Saint-Esprit, péché qui consiste à s’opposer délibérément et consciemment à Son œuvre sur cette terre, est irrémissible, ne peut être pardonné, nous dit le Christ, car la tâche spécifique du Saint-Esprit, celle qui nous ouvre à toutes les richesses de la miséricorde qui sont en Christ, est de nous conduire à cette repentance sans laquelle nul pardon n’est possible. C’est pour cela que toute atteinte à sa Personne et à son œuvre est particulièrement lourde de conséquences. Ainsi, si nous persévérons résolument dans la résistance à Son action, qui a pour but premier de nous pousser à nous repentir, à sanctifier nos pensées, nos sentiments et nos actes, si nous persistons obstinément à repousser Ses initiatives, dont l’objectif est notre soumission à la Parole de Dieu, si nous persévérons dans une résistance opiniâtre à la Vérité biblique qu’il cherche à nous faire connaître et vivre, nous en venons à la longue, et à force d’endurcissement, nécessairement à l’offenser de manière définitive. Il n’agira plus de façon à nous conduire à la repentance. C’est alors que Dieu livre ceux qui lui résistent ainsi d’autres esprits (II Corinthiens 11:4 ; Il Thessaloniciens 2:11). C’est ce qui fut le cas pour le Pharaon lors de l’Exode, pour le roi Saul ou pour Judas l’Iscariote et, dans l’histoire de l’Église, pour maints mouvements d’erreur qui ont obstinément refusé la repentance doctrinale et pratique à laquelle Dieu les appelait par son Esprit. Et sans repentance, aucun salut n’est possible. Ainsi, à l’encontre des affirmations erronées des milieux charismatiques ou pentecôtistes, qui cherchent à intimider ceux qui osent s’opposer à leurs prétentions, il faut affirmer avec force que le péché contre le Saint-Esprit ne consiste aucunement à mettre en doute les pseudo-miracles que produit ce mouvement. Pécher contre le Saint-Esprit consiste dans le fait de résister consciemment, durablement et définitivement à Son action en notre faveur.
Mais s’il n’existe en fait qu’une seule pentecôte, une seule résurrection, une seule ascension, la Bible nous parle cependant d’un mouvement spirituel que l’on pourrait, selon l’excellente expression de R. Martel, nommer la pentecôte d’en bas[1]. Voici comment l’apôtre Paul en parle :
« L’avènement de l’impie se produira par la puissance de Satan, avec toutes sortes de miracles, de signes et de prodiges mensongers et avec toutes les séductions de l’injustice pour ceux qui périssent parce qu’ils n’ont pas reçu l’amour de la vérité pour être sauvés. Dieu leur envoie une puissance d’égarement pour qu’ils croient au mensonge, afin que soient jugés ceux qui n’ont pas cru à la vérité, mais qui ont pris plaisir à l’injustice. » (II Thessaloniciens 2:9-12)
Contrairement à ce qu’enseigne John WIMBER[2], les miracles, signes et prodiges dont nous pouvons être témoins aujourd’hui ne témoignent pas nécessairement de la puissance du Christ, mais bien plutôt des pouvoirs mensongers de l’esprit de l’antéchrist. Si le début de l’ère chrétienne fut clairement marqué par des signes et des prodiges d’origine divine, la Bible nous parle aussi de signes et de prodiges mensongers qui apparaîtraient ultérieurement et dont l’auteur serait le diable. Les propos de Paul que nous venons de citer rendent un écho fidèle à ceux tout aussi clairs de notre Seigneur :
« Car il s’élèvera de faux Christs et de faux prophètes, ils opéreront de grands signes et des prodiges au point de séduire si possible même les élus. » Matthieu 24:24
Voici en effet l’unique autre pentecôte dont nous parle la Bible, celle de Satan et de ses agents, singerie à l’envers de l’unique Pentecôte. Jean dans l’Apocalypse donne lui aussi un son de cloche identique. La deuxième bête, celle qui ressemble à un agneau mais qui parle comme un dragon, accomplit elle aussi, nous dit Jean, des signes et des prodiges d’une puissance séductrice inouïe.
« Elle opère de grands signes jusqu’à faire descendre le feu du ciel sur la terre à la vue des hommes. Elle séduit les habitants de la terre par des signes qu’il lui fut donné d’opérer devant la bête. » (Apocalypse 13:13-14)
Pour notre part, nous voulons refuser de telles séductions par lesquelles le diable cherche à tromper les chrétiens en prenant la forme d’un ange de lumière. La réforme et le réveil de l’Église passent obligatoirement par le refus de telles chimères, par la sanctification du nom de notre Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit. L’appel auquel nous voulons répondre est celui que l’Écriture nous adresse : persévérer jusqu’à la fin dans la foi en Jésus et dans l’obéissance aux commandements de Dieu et ainsi imiter ces chrétiens de Philadelphie auxquels le Seigneur disait :
« Parce que tu as gardé la parole de la persévérance en moi, je te garderai moi aussi, de l’heure de l’épreuve qui va venir sur le monde entier pour éprouver les habitants de la terre. Je viens bientôt. Tiens ferme ce que tu as, afin que personne ne te prenne ta couronne. » (Apocalypse 3:10-11)
Jean-Marc BERTHOUD
[1] R. MARTEL : Babel et la Pentecôte d’en bas (1989). R. Martel, 23 rue Debussy, F-35170 Brui, France.
[2] Robert DOYLE (editor) : Signs and Wonders and Evangelicals. A Response to the Teaching of John Wimber, Farel Distributers C.C., P.O. Box 3993, Randburg 2125, Australia. Philip D. JENSEN and Tony PAYNE (Editors) : John Wimber. Friend or Foe ? An examination of the current teaching of the Vineyard Ministries movement. St Matthias Press, 5 Stanton Road, London SW20 8RL, Angleterre, 1990.