« Et maintenant voici : je sais que vous ne verrez plus mon visage, vous tous au milieu de qui j’ai passé en prêchant le royaume de Dieu. C’est pourquoi je l’atteste aujourd’hui : je suis pur du sang de vous tous, car sans rien dissimuler je vous ai annoncé tout le dessein de Dieu. Prenez donc garde à vous-mêmes et à tout le troupeau sur lequel le Saint-Esprit vous a établis évêques, pour faire paître l’Église de Dieu qu’il s’est acquise par son propre sang. Je sais que parmi vous, après mon départ, s’introduiront des loups redoutables qui n’épargneront pas le troupeau, et que du milieu de vous se lèveront des hommes qui prononceront des paroles perverses, pour entraîner les disciples après eux. Veillez donc, en vous souvenant que, pendant trois ans, je n’ai cessé nuit et jour d’avertir avec larmes chacun de vous. » (Actes 20:25-31)
La force de la Réforme du XVIᵉ siècle fut son retour à la Bible, Révélation inspirée de Dieu, comme seul fondement du Christianisme. Dans son dernier ouvrage, Marie, mère de Jésus-Christ (Albin Michel, Paris, 1991), le père dominicain, R-L. Bruckberger, bien connu pour ses ouvrages fortement marqués par l’Écriture Sainte[1] et pour son combat courageux contre le modernisme et l’humanisme dans l’Église de Rome[2], met le doigt très justement sur l’attitude fondamentale des Réformateurs à l’égard de la Parole de Dieu. Il voit le modèle de leur soumission à la seule Écriture inspirée dans l’humilité de la mère de notre Seigneur. Il écrit :
« Au fur et à mesure que je progressais dans mon livre l’attitude des fondateurs de la Réforme à l’égard de Marie m’est apparue de plus en plus surprenante. « Sola gratia, sola fide, sola Scriptura ! » Je m’étonnerai toujours que les grands Réformateurs aient si constamment voulu minimiser une personnalité dont l’Écriture atteste si fortement qu’elle est « comblée de grâce » et qu’elle est « bienheureuse parce qu’elle a eu foi en tout ce qui lui a été dit de la part du Seigneur. »
Et Bruckberger d’ajouter :
« On a effacé Marie de la mémoire et du culte chrétien alors que, bien plus que tout autre chrétien, elle a pratiqué à la perfection les vertus exigées du Chrétien par les plus raides des Réformateurs : si nos Écritures sont si discrètes à son sujet, n’est-ce pas en premier lieu parce qu’elle-même a poussé à l’extrême l’humilité ? Nul plus qu’elle ne s’est effacé devant son Fils, qui est aussi son Seigneur et son Dieu, comme il est aussi le nôtre[3]. »
Quelle que puissent être les faiblesses de son livre, le père Bruckberger a ici pleinement raison. L’attitude de foi et d’obéissance de Marie est bien celle du Christianisme rétabli dans la tradition véritable des apôtres par les Réformateurs. Mais une telle humilité devant la Parole de Dieu contredit les inventions orgueilleuses de la tradition romaine sur la mère du Seigneur. Le père Bruckberger oublie ici un fait. Marie appelle son Fils Seigneur et reconnaît ainsi sa divinité. Mais elle le nomme aussi Sauveur reconnaissant par ce titre son propre état de péché, son besoin d’être sauvée (Luc 1:47). La seule vraie humilité pour l’homme est une attitude de soumission sincère à la Parole de Dieu. Les Réformateurs dans leur fidélité à la tradition des apôtres retrouvée, tradition divine opposée aux erreurs de la tradition des hommes que défendait l’Église romaine, ont rejeté, non la Marie des Écritures, mais celle imaginée et défigurée par les affabulations mensongères du Magister romain. Dans son dernier ouvrage, enfin couronné de l’imprimatur d’une Église moderniste qu’il avait si longtemps combattu au nom de l’Évangile et de la Tradition, Bruckberger défend docilement et éloquemment les enseignements erronés de l’Église romaine sur la vierge Marie : conception immaculée, impeccabilité, virginité perpétuelle, assomption corporelle dans le ciel, comme si en tout sa vie devait être la réplique de la vie humaine de notre Seigneur Jésus-Christ. Mais aucun de ces dogmes n’est appuyé par cette Écriture Sainte – notre seule règle de foi – à laquelle Bruckberger consacra tous ses soins et un tel talent. C’est cette Marie toute mythique de l’Église romaine, Marie à laquelle, entre bien d’autres titres, on affuble celui tout païen de reine du ciel (Jérémie 7:18, l’attribue aux divinités Ichtar des Babyloniens et Astarte chez les Grecs) que les Réformateurs rejetaient avec horreur. Peut-être que nos Pères du XVIᵉ siècle, dans leur volonté de rétablir la seule gloire du Dieu transcendant, ont été tentés, par réaction aux aberrations de Rome, de minimiser la grandeur et la beauté de l’humanité du Fils de Dieu, grandeur et beauté reflétées dans la famille humaine de notre Seigneur. Mais ce que les Réformateurs refusaient avec une intransigeance absolue, intransigeance que Marie aurait été la première à appuyer, était les attributs légendaires que Rome avait ajoutés à l’histoire à la fois si simple, si émouvante et si merveilleuse de Marie, mère de notre Seigneur Jésus-Christ, mère du Fils de Dieu fait homme en la personne du fruit charnel de ses entrailles.
Mais voici que nos milieux évangéliques commencent, eux aussi, à se détourner de l’héritage de cette Parole de Dieu dans lequel ils avaient été rétablis par la Réforme. Nous devons constater ici avec douleur que le fait de se détourner de la Bible comme fondement unique de la Foi conduit toujours ceux qui se prêtent à pareille apostasie à revenir à une forme de spiritualité néo-païenne. C’est ainsi que nous voyons nos milieux évangéliques adopter une spiritualité en bien des points semblable à celle qui avait précédé la Réformation. On revient aux formes religieuses du catholicisme décadent de la fin du Moyen Âge. Pour celui qui examine attentivement les développements qui se dessinent aujourd’hui dans les milieux évangéliques, un tel retour à Rome ne peut guère faire de doute.
Ne nous attardons pas aux manifestations les plus grossières d’un tel revirement. Je pense aux ressemblances entre le faux évangile si répandu aujourd’hui de la prospérité, de la santé et du bonheur et associé aux œuvres pécuniaires ou symboliques à accomplir pour acheter les faveurs ou apaiser la divinité offensée. Ne retrouvons-nous pas ici un écho du commerce des indulgences du XVIᵉ siècle, commerce qui n’était que la conséquence grossière de la doctrine romaine du salut par les œuvres ? Ou pensons encore à ces faux miracles si répandus à la fin du XVᵉ siècle et dont la résurgence est si évidente à notre époque d’égale crédulité et de superstition.
Ne parlons pas non plus de ces responsables évangéliques qui, obnubilés par le désir de l’unité des Églises, soupirent après l’apparente unanimité spirituelle de la chrétienté médiévale. Comme si le retour des Églises de la Réforme à la Bible n’avait pas manifesté le rétablissement de la vraie unité chrétienne ? Unité avec l’Église des temps apostoliques rompue par des siècles d’hérésie et de schisme dûs à l’apostasie grandissante de l’Église médiévale. Le retour à la Bible rétablit toujours l’unité chrétienne, la véritable communion des saints, l’union en Jésus-Christ de l’Église militante sur terre avec l’Église triomphante dans le ciel.
Nous ne nous attarderons pas non plus à cette photo prise récemment au pied du Château de la Wartburg, lieu historique où Luther se réfugia après avoir été banni de l’Empire par Charles V et où il travailla à la traduction de la Bible en allemand. Nous y voyons les deux vices-présidents de l’Alliance Biblique Universelle l’évêque catholique de Livourne, Mgr. Alberto Ablondi et le doyen évangélique de la Faculté de Vaux-sur-Seine, le professeur Henri Blocher, côte à côte[4]. Non certes que nous soupçonnerions le professeur Blocher d’une quelconque complaisance doctrinale ou spirituelle avec Rome ! Mais la collaboration publique de personnalités détenant une autorité indiscutable dans l’Église de Dieu avec les défenseurs attitrés des erreurs romaines ne peut que servir la cause de cet œcuménisme flou qui détruit partout l’identité des Églises et l’intégrité de la foi évangélique. C’est ainsi que les bergers ne se soucient même plus de défendre le troupeau. C’est ainsi que la peste de la détente et du désarmement spirituel, doctrinale et ecclésiastique frappent nos Églises de plein fouet. Quand des hommes de l’envergure de Billy Graham ou d’Henri Blocher donnent l’exemple d’une telle collaboration avec les ennemis de la Parole de Dieu, comment les Églises locales pourraient-elles résister aux sirènes œcuméniques de Rome ? Sur le plan du combat public contre la désintégration morale de nos sociétés une co-belligérance entre chrétiens individuels de différentes dénominations est parfaitement légitime et même souhaitable. Mais une telle collaboration ne peut être envisagée dans le cadre de la vie interne des Églises ou dans celui de la proclamation de l’Évangile, domaines où un accord doctrinal beaucoup plus profond est indispensable.
Cependant, c’est ce chemin de collaboration aveugle que prennent de plus en plus souvent les milieux évangéliques. Dans le programme catholique d’Évangélisation 2000, le moyen d’une telle séduction des milieux partisans de l’évangélisation à tout prix a été habilement mis en place[5]. Ainsi dans notre pays, de nombreuses Églises évangéliques ont participé aux cultes œcuméniques du 1ᵉʳ août (avec les catholiques bien sûr) organisés pour célébrer le 700ᵉ anniversaire de la Confédération. Le sens d’identité spécifique aux évangéliques semble être en voie de disparition. Récemment, le pasteur d’une Église de Frères larges dans le canton de Vaud a eu bien de la peine à faire comprendre à ses ouailles qu’il n’était pas possible de continuer la pratique, déjà ancienne dans cette Église, de collaboration dans l’évangélisation avec la paroisse catholique du lieu. Il est intéressant de noter que c’est son prédécesseur, celui qui avait introduit ces pratiques d’œcuménisme, qui fut choisi comme l’un des principaux orateurs du grand rassemblement évangélique du Jour du Christ tenu au début de l’été à Berne.
De tous côtés, les barrières tombent. On s’ouvre à tout et à tous. Le monde envahit l’Église. Que devons-nous alors penser du déploiement lors de ce même Jour du Christ (de quel Christ s’agit-il en fait ?) de l’immense banderole, vantée publiquement comme devant entrer dans le livre des records Guiness, au-dessus du stade du Wankdorf ? On pouvait y lire en toutes lettres le slogan universellement connu de Mikhail Gorbatchev : Transparence. Comme si ces amis évangéliques ne savaient pas qu’en russe transparence s’écrit glasnost. Dans son langage, souvent d’un réalisme aussi brutal que clairvoyant, Lénine appelait de tels collaborateurs inconscients à la bonne cause, des idiots utiles. Dans le style plus pudique des analystes contemporains de la désinformation, on préfère parler de caisses de résonance ou de courroies de transmission.
Ces milieux évangéliques subissent de plein fouet l’invasion venue d’Amérique d’une psychanalyse christianisée, ou plutôt d’un christianisme psychologisé[6]. Ces apprentis psychologues-pasteurs ont substitué à l’Évangile, puissance de Dieu pour le salut de quiconque se repent de ses péchés et croit en Jésus-Christ, une soi-disante guérison intérieure. On parvient ainsi à faire oublier aux convertis le pardon de leurs péchés et le châtiment subi par Christ à leur place. Au salut par grâce on substitue une sorte de guérison spirituelle, la guérison physique étant devenue le modèle du salut et un dû. On évacue ainsi la notion de mal pour lui substituer celle de maladie. Cette prétendue guérison de l’âme s’opère souvent au moyen d’une introspection plagiée à la psychanalyse. On retrouve ici une cure d’âme qui, par certains côtés, se rapproche de certaines pratiques catholiques. Même insistance sur la thérapie d’une confession devenue quasiment obligatoire ; même institution de médiateurs humains entre Jésus-Christ et le pécheur sous la forme de directeurs spirituels ; même rétablissement d’œuvres méritoires à accomplir pour l’obtention du salut. Ces œuvres vont d’actes qui ressemblent étrangement à la magie sympathique, à des rites à accomplir ou à des actes collectifs. Elles se nomment entre autres : imposition des mains, louange collective incantatoire, exorcisme, dynamique de groupe. Ainsi est esquivé le combat de la foi, réalité quotidienne de la vie chrétienne ordinaire. De telles méthodes expliquent fort bien le nombre croissant de dépressions évangéliques. Dans nos pays francophones le principal promoteur – certes pas le seul ! – de ces méthodes pseudo-chrétiennes d’évangélisation et de cure d’âme est l’organisation internationale, d’origine américaine, Jeunesse en Mission.
La conquête principale de la Réforme fut, nous l’avons dit, le retour à l’autorité unique de la Parole de Dieu, la Bible, comme norme de foi et de vie, tant dans le domaine public que dans celui de la vie privée. Sur le plan du culte, la Réforme fut marquée par le retour à la prédication de la Parole de Dieu, la Parole divine prêchée prenant la place du spectacle symbolique de la messe au centre du service divin. Nombreuses sont aujourd’hui les églises évangéliques où l’on n’entend plus guère la Parole de Dieu prêchée dans sa pureté, dans sa clarté et dans sa force divine. Dans de tels cultes évangéliques la Parole de Dieu, comme une peau de chagrin, est de plus en plus réduite à la portion congrue. La proclamation et l’explication des oracles divins cèdent ainsi la place au témoignage humain, témoignage trop souvent forcé, d’une monotonie affligeante et surtout presque toujours centré sur la personne du témoin et non sur celle de Jésus-Christ et de son œuvre ; à des mimes incompréhensibles ; à des prophéties, manifestement bien plus humaines que divines ; à une musique instrumentale qui confine au vacarme ; au souci de se divertir et non d’adorer Dieu en Esprit et en Vérité. Aux Psaumes et aux Cantiques de l’Église de tous les siècles, louange remplie de la forte sève des grandes doctrines de la foi, sont substitués des refrains entraînants qui, même si les paroles en sont tirées de textes bibliques, sont d’une faiblesse musicale et doctrinale affligeante. Le jeu, les amusements de chrétiens désœuvrés remplacent le culte solennel que nous devons rendre au Dieu trois fois saint. On va même parfois jusqu’à introduire dans le culte chrétien des actions symboliques qui ressemblent étrangement aux rites de la magie sympathique que l’on trouve dans l’occultisme.
Nous pouvons sans peine discerner dans toutes ces pratiques le retour au culte comme spectacle si propre à toutes les cérémonies romaines. Celles-ci, du moins par le passé, comportaient, par leur faste et leur magnificence, un aspect exaltant et solennel. La liturgie romaine, bien que célébrée dans une langue incompréhensible à la plupart des fidèles était marquée par la présence de nombreux éléments parfaitement bibliques. Par contraste, le culte que l’on trouve dans ces milieux évangéliques s’est, sous prétexte de modernité, peu à peu transformé en un spectacle audio-visuel d’une bien navrante médiocrité. A l’image de la télévision, l’on semble vouloir réduire le culte chrétien au rang d’un show, d’une amusette, d’un divertissement de mauvais goût. Cette invasion de la banalité, du flou, de l’informe propre à la pseudo-culture médiatisée d’un Occident à la traîne de l’Amérique[7], totalement déconnectée tant de Dieu que de la réalité elle-même, représente pour l’Église un danger bien plus grave que toutes les attaques doctrinales, si rudes qu’elles puissent avoir été, des hérésies du passé. Nous avons ici à faire face à l’esprit informe, ouaté, fait de faux-semblants et d’illusions du maître du mensonge, le diable, et de celui que la Bible appelle le sans-loi, de celui qui abolit toutes les distinctions créationnelles établies par Dieu pour la vie de ses créatures. Il renverse de cette façon l’ordre de la Loi divine dans la pensée illusoire de se faire lui-même maître de l’univers. C’est à de tels signes que nous reconnaissons la marque de l’esprit de l’Antéchrist.
La lecture tant du dernier ouvrage du père Bruckberger (que nous évoquions au début de cet éditorial) et de ses remarques publiées dans la presse[8], que d’un article récent du bras droit du pape, le cardinal Ratzinger[9], sur les pouvoirs de celui qui se prétend le successeur de Pierre et Vicaire de Christ – littéralement : celui qui prend la place du Christ ce qui est un des sens du mot Antéchrist[10] – ne nous permettent pas d’entretenir le moindre doute. Dans le fond Rome n’a pas modifié d’une virgule ses prétentions antichrétiennes. Elle place toujours sa tradition non biblique – et par ce fait anti-apostolique – au-dessus de la Révélation définitive de Dieu contenue dans les textes inspirés et infaillibles de la Bible. L’Église de Rome par ce fait même prouve qu’elle n’est, comme église, ni apostolique (continuateur de l’enseignement des apôtres), ni une (unie à Jésus-Christ), ni catholique (c’est-à-dire gardant intégralement le dépôt de la foi), ni sainte (séparée du monde pour Dieu). Mais aujourd’hui les barrières doctrinales, spirituelles, ecclésiastiques, et mêmes politiques, qui permettaient aux chrétiens de résister efficacement aux exigences d’unité à la romaine sont presque toutes renversées. Innombrables sont les évangéliques qui ne sauraient définir clairement, c’est-à-dire doctrinalement, ce qui les sépare de Rome. Rares sont ceux qui seraient capables de résister à cette forme d’unité, car ils ne se soumettent plus à la Parole de Dieu, ils ne sont plus animés de cet amour de la Vérité qui seul peut sauver nos âmes. Car seul un tel respect de la Vérité saura produire une véritable unité chrétienne, unité qui n’est autre que notre attachement éternel à Jésus-Christ, la Vérité en Personne. C’est ce refus de la doctrine biblique exprimée dans les Confessions de Foi des Églises fidèles de nos pères qui rend aujourd’hui la plupart des évangéliques incapables de se défendre contre la puissante séduction qui vient sur le monde. La figure si séduisante de George Bush, porte-parole du mondialisme politique et économique, la Première Bête nous dit l’Apocalypse, s’allie tout naturellement à celle, plus séduisante encore, de Billy Graham, conseiller permanent de la Maison-Blanche et emblème évangélique de cette religion non-doctrinale, pluraliste et syncrétiste universelle que la Bible appelle la Grande Prostituée. Et les évangéliques détachés de la Vérité biblique seront (ils le sont déjà !) entraînés dans ce pot-pourri de toutes les erreurs religieuses humaines par l’artisan suprême de l’évangélisation non-doctrinale œcuménique qu’est Billy Graham et par ceux qui suivent son exemple. Il n’est guère possible à cette heure avancée d’éviter que les milieux évangéliques ne soient entraînés dans cette grande machine de guerre romaine qu’est Évangélisation 2000, tant ils sont opposés à tous les avertissements que, dans sa miséricorde, Dieu daigne encore leur faire parvenir par divers moyens. Car, en tout bon sens, comment peut-on travailler à l’évangélisation en collaboration avec des protestants libéraux et pluralistes et des catholiques romains quand l’on sait pertinemment que l’évangile qu’ils prêchent n’est aucunement l’Évangile de notre Seigneur Jésus-Christ ? Un tel esprit d’aveuglement montre fort bien que beaucoup de ceux qui s’appellent encore évangéliques ne comprennent plus, ne veulent plus comprendre, que l’Évangile de la seule grâce de Dieu, fondé sur la seule Parole de Dieu et à laquelle l’accès s’opère par la seule foi, don gratuit de Dieu, est foncièrement contraire au faux-évangile romain d’un salut par une grâce divine assistée des œuvres de l’homme mauvais, salut opérée par l’action quasi magique d’une classe de chrétiens supérieurs, le clergé, capable de communiquer par infusion, des grâces (charismes) aux hommes, salut pour tout dire fondé sur une Parole de Dieu inféodée à l’autorité pleine d’erreurs des traditions ecclésiastiques et humaines.
Nous assistons aujourd’hui à une puissante offensive de l’ennemi de nos âmes, de l’adversaire irréductible de l’Église de Dieu, de Satan, et de ses anges de ténèbres qui sont passés maîtres à se déguiser en anges de lumière, en séducteurs (si cela était possible) même des élus de Dieu. Nous avions étudié certains aspects de cette séduction sous la forme du pentecôtisme et du prétendu charismatisme dans les numéros 11 à 14 de Résister et Construire. Nous y avions vu, entre bien d’autres choses, que sur le plan doctrinal ce mouvement d’erreur n’est rien d’autre qu’un retour à la doctrine erronée du salut enseignée par l’Église de Rome et, plus spécifiquement à cette fausse conception de l’action du Saint-Esprit qui passe sous le nom de grâce infuse. Le faux charismatisme, comme l’Église romaine, enseigne une action directe de l’Esprit dans l’âme du chrétien mettant ainsi de côté toute la doctrine paulinienne et biblique de la justification du chrétien qui s’effectue dans la personne et dans l’œuvre du Christ crucifié pour notre rédemption et ressuscité pour notre justification. Ainsi le faux charismatisme et l’Église de Rome se rejoignent en faisant largement l’économie de l’œuvre extrinsèque, hors du croyant, de Jésus-Christ. L’ampleur que prend un tel mouvement d’erreur, le caractère universel d’un si puissant retour à des corruptions de l’Évangile si caractéristiques de Rome, nous fait penser qu’une tempête s’est levée sur la Chrétienté dont une partie immense sera emportée à la perdition. C’est de telles préoccupations qui nous conduisirent à parler d’une véritable Pentecôte d’en bas en pensant aux trois vagues d’illuminisme qui, en ce siècle antichrétien, ont déferlé sur le monde chrétien : le Pentecôtisme classique, le faux Charismatisme et le mouvement des Signes et des Prodiges.
Mais la décomposition de la chrétienté progresse aujourd’hui bien plus vite encore que nous ne l’aurions imaginé il y a seulement une année. Aujourd’hui il ne faut pas parler d’une tempête qui déferle sur le monde chrétien, mais d’un véritable ouragan par lequel Dieu va ébranler tout ce qui est chancelant pour ne laisser debout que ce qui repose sur l’Inébranlable, sur le Rocher éternel, sur notre Sauveur et Seigneur Jésus-Christ. Seuls ceux qui sont armés d’une telle foi, foi qui se manifeste par une obéissance persévérante aux commandements de Dieu, sauront persévérer jusqu’à la fin. Aujourd’hui les milieux évangéliques, apparemment les plus fidèles, sont pris de plein fouet par ce dérapage spirituel universel. Les enseignements apostoliques rétablis par la Réformation du XVIᵉ siècle sont maintenant ouvertement mis de côté par ceux qui se prétendent encore des évangéliques.
Le XIXᵉ siècle a été le témoin de la mondanisation, de la déchéance spirituelle de la plupart des milieux qui se disaient réformés. Le milieu de notre siècle a vu l’ouverture au monde, l’aggiornamento, c’est-à-dire la sécularisation, la politisation et la mondanisation, la déchristianisation pour tout dire de l’Église catholique romaine. À ses erreurs traditionnelles elle ajoutait celles d’un protestantisme apostat et d’un monde sans foi ni loi. Nous assistons aujourd’hui à la chute du monde évangélique, à son abandon du dépôt que Dieu lui avait confié, à son refus d’écouter la Parole de Dieu et de la garder.
Face à de tels jugements divins nous comprenons mieux aujourd’hui pourquoi l’Écriture nous met si sévèrement en garde contre cet amour du monde et de la chair qui ne sont qu’inimitié envers Dieu. Ces évangéliques, ont-ils donc si facilement oublié que c’est une chose terrible que de tomber entre les mains du Dieu Vivant ? Il semble bien que nous parvenons à ce moment de l’histoire où les ténèbres descendent sur la terre des humains, que l’heure de la séduction du monde entier soit proche et que nous devons nous préparer à la rencontre de notre Dieu.
Que celui qui est injuste soit encore injuste, que celui qui est souillé se souille encore, que le juste pratique encore la justice, et que celui qui est saint soit encore sanctifié ! Voici : je viens bientôt et j’apporte avec moi ma rétribution pour rendre à chacun selon son œuvre. Je suis l’Alpha et l’Oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin. Heureux ceux qui lavent leurs robes, afin d’avoir droit à l’arbre de vie, et d’entrer par les portes de la ville ! – Dehors les chiens, les magiciens, les débauchés, les meurtriers, les idolâtres et quiconque aime et pratique le mensonge ! Moi, Jésus, j’ai envoyé mon ange pour vous attester ces choses dans les Églises. Je suis le rejeton et la postérité de David, l’étoile brillante du matin. (Apocalypse 22:10-16).
Jean-Marc Berthoud
[1] R-L. BRUCKBERGER : L’Histoire de Jésus-Christ, Grasset, Paris, 1965. R-L. BRUCKBERGER : L’Évangile. Traduction moderne avec des Commentaires pour notre temps, Albin Michel, Paris, 1976. R-L. BRUCKBERGER : La révélation de Jésus-Christ, Grasset, Paris, 1983.
[2] R-L. BRUCKBERGER : Dieu et la politique, Plon, Paris, 1971. R-L. BRUCKBERGER : Lettre ouverte à Jésus-Christ, Albin Michel, Paris, 1973. R-L. BRUCKBERGER : Toute l’Église en clameurs, Flammarion, Parais, 1977.
[3] R-L. BRUCKBERGER : Marie, mère de Jésus-Christ, Albin Michel, Paris, 1991.
[4] Société Biblique Suisse, Bible actualité, No. 2, 1991, p. 9.
[5] Voyez le New Age Bulletin (Bury House, Clows Top, Kidderminster DY14 9HX, Angleterre, envoyé gratuitement sur demande) qui consacre des études fouillées et fort bien documentées aux thèmes de la tromperie du nouvel âge ; des hérésies et de Rome, du gouvernement mondial ; et de la religion mondiale. A cette même adresse vous pouvez obtenir l’étude de Wilson EWIN : Evangelism – The Trojan Horse of the 1990 s. A review of Billy Graham’s relations with Rome over 35 years (1986).
[6] Sur cet amalgame d’une psychologie aux bases païennes avec un christianisme dénaturé, voyez les ouvrages suivants : William Kirk KILPATRICK : Séduction psychologique. L’échec de la psychologie moderne, Centre Biblique Européen, Case Postale 2386, 1002 Lausanne, 1985. M. et D. BOBGAN : La psychologie et la Bible… Un bien triste mariage, Service d’Orientation biblique, Sainte Foy, Quebec, s.d. Dave HUNT et T.A. McMAHON : La séduction de la Chrétienté. Le discernement spirituel dans les derniers jours, Éditions Parole de vie, Codognan, 1989. Douglas R. GROOTHUIS : Le Nouvel Age sans masque, La Maison de la Bible, Genève, 1991. Voyez particulièrement le chapitre intitulé : L’exploration psychologique du potentiel humain, p. 93-119. Martin et Deidre BOBGAN : Psychoheresy. The Psychological Seduction of Christianity, EastGate Publishers, Santa Barbara, 1987. Martin et Deidre BOBGAN : Prophets of Psychoheresy II. Critiquing James C. Dobson, EastGate Publishers, Santa Barbara, 1990. Martin et Deidre BOBGAN : How to Counsel from Scripture, Moody Press, Chicago, 1985. Paul C. VITZ : Psychology as Religion, Eerdmans, Grand Rapids, 1977.
[7] Thomas MOLNAR : Le modèle défiguré, l’Amérique de Tocqueville à Carter, P.U.F., Paris, 1978. Thomas MOLNAR : Twin Powers. Politics and the Sacred, Eerdmans, Grand Rapids, 1988. Thomas MOLNAR : L’Europe entre parenthèses, La Table Ronde, Paris, l990. Thomas MOLNAR : L’Américanologie. Triomphe d’un modèle planétaire ? L’Age d’Homme, Lausanne, 1991.
[8] Figaro Madame, 27 juillet l99 l.
[9] Cardinal Joseph RATZINGER : Le primat de Pierre et l’unité de l’Église, La pensée catholique, No. 250.
[10] Maurice ROBERTS : Francis Turretini on the Antichrist, The Banner of Truth, No 335-336, August-September 1991