Il a plu au Seigneur de rappeler à Lui, le 10 juin, son serviteur le pasteur et professeur Jean Hoffmann. Non sans larmes, à genoux, j’ai remercié Dieu de m’avoir permis de bénéficier depuis tant d’années de son amitié fidèle et de son soutien constant.
C’est en 1945 que, lisant un article de lui dans « Le Christianisme », sur « N’oublions pas les Lettons », je me rendis compte des persécutions et souffrances réelles des chrétiens des pays colonisés et annexés de force dans l’Empire Soviétique. Après son retour de Stockholm en 1946 ou 1947, je le rencontrai régulièrement aux réunions de la Société calviniste de France. Il retourna ensuite à Stockholm, comme pasteur, pour un nouveau séjour. C’est alors que nous nous mîmes à correspondre parfois, puis de plus en plus souvent. Depuis des années nous nous écrivions régulièrement chaque mois, ou davantage, échangeant des idées ecclésiastiques, puis peu à peu aussi sur d’autres sujets. Je lui rendais parfois visite, et Mme Hoffmann était présente, et nous avions des entretiens captivants.
J’ai ainsi un gros dossier de ses nombreuses lettres (que j’ai toutes conservées), longues et écrites à la machine, ou le plus souvent de son écriture majestueuse. Il m’envoyait systématiquement ses articles et études que diverses publications présentaient.
C’est lui, le premier, qui informa nos compatriotes des persécutions odieuses du gouvernement d’URSS contre les chrétiens de différentes dénominations, et de celles semblables dans les pays voisins tenus par les dictatures marxistes. Il avait pour ces dites études constitué une documentation rigoureuse, comme seul peut le faire un historien tel que lui.
Par ailleurs, son souci de la vérité et du respect de (‘Eglise le conduisit à dénoncer les lamentables et hypocrites machinations du Conseil œcuménique, devenu tout à fait tributaire du marxisme, comme c’était à prévoir, notamment grâce à l’infiltration d’agents du KGB et l’utilisation de socialo-marxistes et de ceux que Lénine appelait « les idiots utiles ».
Mais, depuis environ 30 ans, à part Marc Boegner, les autorités de la Fédération protestante, qui parlent toujours d’ouverture à quiconque choisi de l’ignorer et de tenir en quarantaine, comme un coupable pour lequel il n’y aura jamais de pardon, en raison de :
— son attitude envers le Conseil œcuménique.
— du soutien qu’il apportait aux pays qui combattent le marxisme ou ses infiltrations,
— de son refus de la dénonciation : — de la « Théologie de la Libération » — de la « Nouvelle Théologie » — de la Société permissive
— du laxisme des autorités les plus en vue du protestantisme.
Ainsi la Fédération protestante, ouverte à ceux qui en fin de compte démolissent ou rejettent la vraie foi, refusait le dialogue avec lui et ne répondait pas à ses lettres.
Il approuva le courrier de 4 pages que j’écrivis le 19 mai au sujet de la Fédération protestante.
Peu de jours avant sa mort il adressa une lettre énergique au secrétaire général du Conseil œcuménique. Il lui reprocha la complicité du COE avec les terroristes en divers pays où le marxisme cherche à s’implanter ou à se maintenir.
Dans sa longue lettre du 14 mai il me parlait de son «état d’épuisement». J’aurais dû bondir pour aller le revoir, mais je pensais que c’était temporaire, et lui écrivis une lettre affectueuse. Dans une nouvelle lettre, encore plus longue, le 23 mai, il commentait, avec déjà des paroles d’au-delà du voile, les admirables termes du Symbole de Nicée-Constantinople, et, après avoir parlé de plusieurs autres choses, il terminait sa lettre en écrivant : « ma femme est entrée dans une nouvelle phase de douleurs, et moi je ne sais ce que je couve, mais je sens mon docteur inquiet. Aussi, dès que j’entreprends de préparer un article, je fais comme si ce devait être le dernier. Il en sera selon ce que Dieu décidera… »
Dans une dernière longue lettre, du 6 juin, il évoquait notamment l’inquiétude dont lui fit part autrefois Marc Boegner devant les conséquences de l’entrée dans le COE des églises de Moscou « vu l’inféodation de celles-ci au régime », (M.B.). Par ailleurs il ajoutait : « Maintenant on doit entendre un Castro parler de Lusaka comme il le fit à Présence Protestante dimanche. En tout cas ni la Fédération protestante ni l’ERF n’ont fait écho à l’appel mondial à la consécration du 14 juin à la prière pour les Eglises sous la croix, appel pourtant soutenu par le Conseil de l’Europe et par le Congrès US. Quant à l’appel aux gouvernements membres du Conseil de l’Europe, le nôtre l’a escamoté… ».
Ses écrits resteront, de même ses articles de chrétien engagé, soucieux de l’honneur de Dieu, qui n’admettait pas l’asservissement des églises et des populations aux dictatures marxistes athées, et dénonçait comme réponse aux Eglises du silence, le silence des Eglises (du monde libre) — titre d’une brochure de son ami l’infatigable combattant Frédéric Goguel. Demeureront aussi ses études historiques de premier ordre sur la Réforme dans les pays Scandinaves, ses articles théologiques dans la Revue Réformée, et, parmi d’autres écrits, sa thèse de doctorat en théologie sur « Les vies de Jésus et le Jésus de l’Histoire » (233 pages serrées, 213 auteurs cités).
Le vaillant combattant a rejoint la maison du Père, et peut contempler le trône de l’Agneau, son Sauveur. Merci à Dieu d’avoir donné aux églises peu fidèles ou allant à la dérive celui qui a consacré sans relâche ses forces, et les talents de sa grande intelligence, à la défense des membres du corps du Christ, persécutés et haïs, et souvent mis à mort comme leur Maître et Seigneur. Ce qu’a fait Jean Hoffmann ne pourra être détruit : « Heureux les morts qui meurent dans le Seigneur… Ils se reposent de leurs travaux, et leurs œuvres les suivent ». Lui aussi.
André Contamin, le 14 juin 1987