La dimension politique de la pornographie

par | Résister et Construire - numéros 2-3

Pour[1] comprendre un des courants importants de notre époque, nous devons prendre conscience qu’un des buts majeurs de ceux qui travaillent à promouvoir la pornographie est essentiellement politique. En conséquence, l’analyse politique de ce phénomène est capitale.

Obscénité ou pornographie ?

Nous devons d’abord attirer l’attention sur une distinction souvent établie entre pornographie et obscénité. Le romancier américain, Henri Miller, écrivait ceci : « L’obscénité opère une purification tandis que la pornographie ne fait que rendre plus épaisse l’obscurité… Chaque fois que nous enfreignons un tabou, quelque chose de bien, de vivifiant, se produit. » Selon Miller, le défenseur convaincu de l’obscénité serait hostile à la pornographie. Quelle est la nature de cette distinction ? Existe-t-elle réellement ? Miller fait la distinction suivante : la pornographie n’est autre chose que la saleté pour le plaisir de la saleté même ; tandis que l’obscénité, elle, cherche systématiquement à détruire la loi et l’ordre moral en vue de la reconstruction révolutionnaire de la société. Mais cette distinction n’est vraie qu’en partie. L’obscénité, telle que la pratiquait un Miller par exemple, poursuit bel et bien un tel but de façon consciente et déterminée. La pornographie, ayant elle un but plus mercantile, poursuit ce même dessein révolutionnaire, mais de manière plus indirecte. Elle est égaiement foncièrement hostile à toute morale, à toute loi, et incite à la révolte contre l’ordre moral. Ainsi la distinction entre les deux, distinction si souvent évoquée dans les tribunaux pour défendre l’obscénité « artistique », n’est pas essentielle, leur orientation étant au fond la même. Nous examinerons en conséquence ces deux phénomènes ensemble.

Haine de la Foi chrétienne et de la morale biblique

Ce qui frappe, en étudiant le phénomène pornographique, est sa haine évidente pour la Foi biblique ainsi que pour toute morale. La moindre borne morale est considérée comme un asservissement de l’homme constituant un esclavage inacceptable à détruire. Les ouvrages pornographiques sont en conséquence caractérisés par d’interminables attaques hystériques, très émotionnelles et du plus mauvais goût, contre toute espèce de morale, contre le caractère sacré du mariage, contre la monogamie, contre le moindre frein éthique. Elle attise les flammes de la révolte, considérant toute vie qui se conformerait à la morale comme n’étant qu’une vie bornée et ennuyeuse. Par contre, l’immoralité et la perversion sous toutes ses formes sont perçues comme constituant des activités libératrices exaltantes. Bien que de nos jours, il se trouve des gens prêts à prouver n’importe quoi, il ne doit guère être possible de démontrer, vu l’odeur nauséabonde de haine et d’hostilité qui en émane, l’amitié de la pornographie à l’intention de la Foi chrétienne.

Perversion devient bien et vie

Une deuxième observation est tout aussi évidente. La pornographie voit dans le mal moral une force d’attraction extraordinaire. La vie morale serait lassante et rebutante, d’un ennui et d’une pauvreté sans borne, tandis que la pratique du mal est considérée comme la voie libératrice de l’homme. Pour le pornographe, le mal a la puissance d’attraction d’une force magnétique. Pour lui, la vitalité, le dynamisme et la possibilité d’épanouissement de la vie sont intimement liés au mal. Pour vivre véritablement il faut s’attacher au mal moral. L’homme n’est, en conséquence, pas vraiment vivant s’il vit de manière morale. C’est la pratique de ce que nous appelons péché et perversion qui donne son goût, sa saveur et son sens à la vie. Ainsi seule la personne qui enfreint les lois morales est réellement vivante. Pour ces gens le mal c’est la vie.

La morale devient mort

En troisième lieu nous pouvons affirmer que pour le pornographe, la morale équivaut à la mort. Enfermer les hommes derrière les barreaux de la morale, du mariage, de la loi et de l’ordre, équivaut à une condamnation à mort. Si le mal vivifie, il est logique de conclure que la morale tue. Voici la foi religieuse du pornographe. La pratique du mal se transforme ainsi en évangile et l’abandon au péché en voie de salut ; le mal et le péché menant à la vie et à la liberté. Cette conviction est propagée avec un tel fanatisme, avec une telle ferveur parce qu’il s’agit en fait d’une foi qui prolonge ses racines dans un terreau religieux fort ancien, celui du Manichéisme et de différentes sectes adorant le chaos originel[2]. Pour une telle foi, l’infraction aux normes de la loi représente la vie. Des sociologues ont découvert, il y a quelques années que bien des gens commettaient l’adultère, non poussés par le désir d’une autre personne, mais par crainte de passer à côté de la vie en manquant une telle expérience interdite. Nous nous trouvons ici au cœur même de la pornographie car elle présente le péché et le mal comme constituant la vraie vie pour la seule et unique raison qu’ils s’opposent au bien.

Opposition à la loi

Quatrièmement, la pornographie s’oppose à l’idée même de loi et de moralité. Pour le pornographe, la loi implique toujours quelque chose de paralysant et d’étouffant par son imposition à la liberté absolue de l’homme, de limites mortelles. Pour ce point de vue, la morale représente le poids écrasant du passé. Il s’agit de l’attitude craintive d’hommes moraux, car orientés vers la mort par la superstition et la peur. Pour cette religion, le destin véritable de l’homme est d’être libéré de la loi et la voie d’une telle libération passe par l’infraction systématique des commandements de Dieu, par la violation des règles morales. La vraie liberté de l’homme consiste ainsi à être libéré des contraintes de la lui, libre de faire ce qui lui plaît. La marque visible de cette liberté se trouve dans la violation délibérée de toute loi et de tout ordre. Pour ce système qui prône l’anarchie morale, les ennemis les plus redoutables de l’homme sont la vraie religion, la morale, l’ordre social. Éliminez ces vieilleries, disent-ils, et tous les maux de l’humanité disparaîtront. Alors les hommes, libérés de l’autorité de Dieu, pourront enfin reconstruire la société. Un nouvel âge apparaîtra et un ordre véritable humain se manifestera, cette grande société préconisée par l’humanisme, la cité de l’homme.

L’anarchie morale conduit à l’État totalitaire

Lors de la « Seconde conférence annuelle des chercheurs universitaires socialistes », un des orateurs principaux lança un appel en faveur « du travailleur collectif dans une société collectiviste » et « pour la destruction de la famille bourgeoise monogame telle que nous la connaissons », ainsi que pour « la libération complète de la vie sexuelle[3] ». Pour cet universitaire, la liberté impliquait « l’absence de tout culte » et de toute moralité, ce vide religieux et moral allant de pair avec rétablissement d’un État marxiste. On tombe donc ainsi dans l’équation suivante : l’esclavage = morale et religion ; liberté = socialisme marxiste. L’anarchie morale est l’outil ou l’instrument pour parvenir au totalitarisme socialiste. L’anarchie morale doit détruire toute forme de stabilité morale afin de préparer la voie à rétablissement d’un ordre totalitaire. Seul le Christianisme donne aux hommes cette foi et cette force de caractère qui les rendent aptes à l’exercice de leur liberté, c’est-à-dire à se gouverner eux-mêmes. Et ce qu’on appelle la morale n’est rien d’autre que cette aptitude à se gouverner soi-même dont le moteur se trouve dans la discipline personnelle. Voilà l’indépendance véritable de l’homme dans l’obéissance responsable aux lois de Dieu. Détruisez la capacité de l’homme à se gouverner lui-même et vous rendez socialement inévitable l’établissement d’une autorité totalitaire qui le domine. Le développement de l’anarchie morale précède toujours l’apparition du totalitarisme. Ceux qui cherchent des pouvoirs tyranniques sur l’homme travaillent d’abord à le rabaisser. Ils le réduisent à une position de dépendance en sapant son sens des responsabilités ainsi que sa capacité morale à se gouverner lui-même. L’apparition et le triomphe de la pornographie sont le prélude à la tyrannie monolithique. L’anarchie morale est le terreau du totalitarisme. Ceci manifeste notre cinquième point, le lien intime entre pornographie et totalitarisme. Les défenseurs de la pornographie parlent beaucoup de liberté. Toute législation visant à réprimer la pornographie suscite des protestations véhémentes comme étant une atteinte à la liberté de la presse ainsi qu’aux droits des citoyens en général. Mais ces mêmes gens sont curieusement silencieux quand il s’agit de s’opposer à l’emprise croissante du totalitarisme marxiste sur notre planète. Si la défense de la liberté était leur véritable souci pourquoi ne la défendraient-ils pas contre la tyrannie marxiste ? En fait, ils sont hostiles à toute vraie liberté qui ne peut que s’exercer dans le cadre créationnel de la loi divine. L’apologie de la pornographie n’est rien d’autre que la défense d’un moyen par lequel l’on cherche à évacuer de tout contenu et à détruire la liberté morale de l’homme. L’esclavage au péché prélude toujours à l’esclavage politique.

Le père de l’anti-christianisme pornographique : le Marquis de Sade

Notre sixième point nous amène à une conclusion évidente. Une anarchie morale dont le but révolutionnaire est la destruction de la civilisation chrétienne est clairement la dimension politique de toute l’entreprise pornographique. Le père des pornographes modernes, grand révolutionnaire par surcroît, était le Marquis de Sade. Le Marquis réclamait l’entière liberté pour toute perversion sexuelle. La « sagesse véritable » impliquait pour lui « ne pas réprimer nos vices puisque ces vices constituent presque runique bonheur de nos vies et qu’une telle répression morale ferait de nous nos propres bourreaux ». Il réclamait l’abolition de la peine de mort, des lois contre le vol, le meurtre, la prostitution, l’adultère, l’inceste, le viol, la sodomie et tout le reste des vices humains. L’exigence d’égalité impliquait pour lui que tous les actes, quels qu’ils soient, aient un statut légal équivalent devant la loi, à l’exception, bien sûr, de ces lois morales chrétiennes « iniques » qui, entre autres choses, défendaient le mariage et protégeaient la propriété. Pour Sade, le Christianisme et toutes les lois qu’il avait inspirées devraient être abolis par acte législatif. Il se fit ainsi l’apologue de toutes sortes de perversions et de crimes comme étant des actions « naturelles » et « bonnes » de l’homme. Écoutons-le plutôt : « Pouvons-nous imaginer que la Nature puisse nous donner la capacité de commettre une action criminelle capable de l’offenser ? (…) Les hommes les plus indépendants et les plus proches de la Nature sont les sauvages ; ils se consacrent chaque jour impunément au meurtre[4]». Le Marquis de Sade s’exprime avec une certaine franchise. Dans ses ouvrages, la dimension politique est évidente. Nos pornographes modernes sont moins ouverts dans l’affirmation de leurs buts révolutionnaires. Mais pour l’observateur attentif ces buts ne sont pas moins évidents. La dimension politique de la pornographie n’est rien d’autre que la politique de la révolution. L’aspect social de la pornographie est ce qui nous frappe avec le plus de force. Il s’agit d’un excellent attrape-nigaud pour les gens stupides et immatures qui la pratiquent. Mais la finalité sous-jacente à ce phénomène est infiniment plus vaste. Il s’agit de la révolution, la réorganisation de toute la vie sociale selon les normes de l’anarchie morale.

Conclusion

Nous pourrions ici ajouter bien des choses[5]. Il ne fait aucun doute qu’une législation nouvelle sur ces questions, législation à la fois plus claire et mieux adaptée aux nouveaux moyens techniques, ainsi que la volonté résolue de rappliquer sont des nécessités urgentes[6]. En plus, il nous faut résolument prendre conscience des implications politiques, de ce phénomène, il nous faut agir publiquement dans ce sens et dans bien d’autres directions encore. Mais de telles mesures sont en elles-mêmes insuffisantes. Il nous faut aussi une action plus positive. Il nous faut réordonner nos vies ainsi que l’orientation actuelle de la société en fonction de la Foi chrétienne et de ses normes bibliques. Il nous faut des lois saines et des magistrats courageux pour les appliquer, mais il nous faut avant tout restaurer ces fondements théologiques et moraux et vrais sans lesquels rien de durable ne peut se faire. Car si les fondements sont détruits l’édifice ne pourra tenir.

« Si l’Éternel ne bâtit la maison, ceux qui la bâtissent travaillent en vain. » Psaume 127:1

Rousas John Rushdoony[7]

[1]      R. J. Rushdoony : Law and Liberty. The Criag Press (Nutley N. J., USA). 1971.

[2]      Le Manichésime : Hérésie du 3ᵉ Siècle quo a essayé de combiner avec le christianisme le dualisme traditionnel de l’ancienne religion de Zoroastre. Est manichéiste toute conception qui admet deux principes cosmiques coéternels et égaux, l’un du bien, l’autre du mal. Le retour de mouvements contemporains adorant le chaos comme source d’ordre et de vie a été remarquablement étudié par Jean Brun dans son ouvrage « Le retour de Dionysos », Desclée, Paris 1969.

[3]      Human Events, 24.9.1966.

[4]      L’actualité des remarques de R. J. Rushdoony et de la mentalité de Sade est frappante quand nous constatons que chaque Jour tant de« parents » et de « médecins » se consacrent impunément au meurtre d’innombrables petits enfants non-nés. Ne parlons pas du développement de la mentalité eugénique, de l’euthanasie active et passive pratiquée dans de nombreux « hôpitaux ». Plus de 18 000 cas pour la seule Hollande en 1986 (réd.). Le Marquis de Sade fut heureusement emprisonné comme fou par Napoléon 1ᵉʳ.

[5]      Cette réflexion a été développée de façon très Instructive par le pasteur Rushdoony dans son ouvrage, The Politics of Pornography, Arllngton House, New Rochelle NY, 1974.

[6]      Les de dix ans après la publication des études de Rushdoony, les chrétiens américains ont commencé à lutter sérieusement contre ce fléau de la pornographie. Voyez l’excellent ouvrage collectif, Tom Minnery, Editor, Pornography. A. Human Tragedy, Tyndale House, Wheaton III, 1986.

[7]      Le Dr Rousas John Rushdoony de la Fondation Chalcedon en Californie, auteur d’un grand nombre d’ouvrages, édite un bulletin en anglais qui peut s’ obtenir gratuitement, sur simple demande, en écrivant à Chalcedon, P.O. Box 158, Vallecito, 95251, Cal. USA.