Lettre de J. G. H. Hoffmann à Émilio Castro

par | Résister et Construire - numéros 2-3

Le 2 juin 1987        

Le Dr Emilie Castro Secrétaire Général du Conseil Œcuménique des Églises

150 route de Ferney

CH – 1211 GENEVE 20

SUISSE

Monsieur le Secrétaire Général,

Dimanche 30 mai, « Présence Protestante » vous consacrait son émission télévisée, une émission que j’ai suivie avec la plus grande attention – en particulier lorsque vous parlâtes de la récente conférence de Lusaka où le COE s’est ouvertement déclaré partisan de la lutte armée contre le gouvernement d’Afrique du Sud.

Membre, à Paris, de la paroisse du Pasteur Marc Boegner depuis mon adolescence, celui-ci m’a guidé durant mes années de faculté de théologie puis, dès la fin de mes études, a tenu à ce que je fusse formé à ce qui allait devenir « l’œcuménisme ». A partir de 1930, j’ai assisté à quantité de réunions de commissions de ce qui deviendrait le COE, en particulier celles abordant l.es problèmes de « Foi et Constitution ». Dès qu’il m’estima apte à remplir une mission, Marc Boegner voulut que j’aille poursuivre la préparation de mon doctorat en théolo­gie en Suède, ce qui me procurerait la possibilité de contacts avec les divers organismes entretenant des contacts avec les Églises des pays à régime commu­niste puis, également, à régime national-socialiste. A partir de 1939 j’eus mission de l’informer de tout ce qui concernerait les unes et les autres, surtout quand l’occupation de la France par les forces hitlériennes entrava l ‘information.

En mission en Suède de 1936 à 1947, puis, à nouveau, de 1964 à 1976, avec une charge de professeur d’Histoire de l’Eglise à La Faculté de Théologie de Paris de 1947 à 1960, je n’ai cessé de consacrer une partie importante de mon acti­vité à l’œcuménisme. Pendant mon séjour en Suède, je fus membre de la commis­sion suédoise chargée des questions œcuméniques et, durant 11 ans, responsable plus spécialement des questions africaines, en particulier celles propres à l’Afrique du Sud, ce qui me donna d’entretenir des relations directes avec des responsables de diverses Eglises de ce pays. Je suis donc pleinement autorisé à dénoncer les redoutables déviations de sa mission propre où l’actuelle direc­tion du COE entraîne les Eglises qui le constituent. Actuellement, seuls les efforts de « Foi et Constitution » poursuivent avec fidélité la mission spéci­fique propre au Conseil Œcuménique, mission dont Marc Boegner voulait qu’il ne s’en écartât point.

Vous écoutant dimanche, surtout quand vous parlâtes de Lusaka et de sa soi-disante « recherche de la justice et de la paix en Afrique australe », j’ai constaté combien vous êtes incapable de saisir avec exactitude les réactions spécifiquement « africaines » et les erreurs criminelles auxquelles entraîne la vision « tiers-mondiste » des problèmes propres au continent. A Lusaka, quarante- cinq délégués des Eglises membres du SACC étaient venus. Mais que représente réellement le SACC, africainement parlant ? Quel compte avez-vous tenu de ce que croit et veut la majorité noire des Eglises Réformées Indépendantes, la R.I.C.A. et celle de Zion, majorité qui refuse au SACC toute représentativité du christianisme sud-africain ? – Quel compte ? – Aucun ! et pas plus à Lusaka qu’à diverses reprises auparavant.

Tout au contraire, vous aidez, encouragez, financez les mouvements révolution­naires et – ce qui est pire – les tenants de fausses théologies, telle celle de la libération et son tissu d’interprétations falsifiées des textes bibliques, ainsi que le démontrent les déclarations KAIROS et de Harare ! Vous faites que ce dont souffre le plus l’Afrique du Sud, ce n’est pas de mal vivre mais de mal croire. Vous faites plus encore : vous êtes à l’origine de l’agitation meurtrière des jeunes et des assassinats de noirs par d’autres noirs parce que ces derniers font confiance à la sage politique du Président Botha préparant les diverses ethnies à être un jour à même de faire face aux responsabilités qui leur incomberont.

Dr Castro, vous êtes certes un « homme de bonne volonté », mais votre ignorance de la réalité fait de vous non seulement un individu qui devrait être pour­suivi pour complicité de meurtres épouvantables, tel que le terrible supplice du collier, mais d’incitateur au meurtre !

Comme le disent et l’écrivent les Eglises Confessantes d’Allemagne Fédérale, le Conseil Œcuménique et vous-même vous êtes « au service de Satan » !

Puisse Dieu avoir pitié de vous !

 J.G.H. Hoffmann
Teol.dr. – D.D.