Arnaud-Aaron UPINSKY : La tête coupée ou la parole coupée Paris, 1991, 526 p.

Il paraît de temps à autre un ouvrage d’une importance décisive, un ouvrage qui ouvre de nouvelles perspectives, qui permet de nous dégager des clichés dans lesquels nous pataugeons et nous permet de saisir la réalité d’une manière nouvelle et vraie. Telle fut la Cité de Dieu de Saint Augustin. De cette lignée d’ouvrages clefs furent La démocratie en Amérique d’Alexandre de Tocqueville ou Du Pouvoir de Bertrand de Jouvenel. La tête coupée d’Upinsky est de cette race. Il opère pour la démocratie libérale d’Occident le même décapage intellectuel, le même nettoyage des pensées de ce mensonge qui les envahit de toutes parts, qu’effectua Alexandre Soljenitsyne dans l’Archipel du Goulag pour les nations sous le joug communiste. Upinsky s’attaque à la désinformation endémique, constante, de notre civilisation. Il démonte ce mensonge permanent, non pas au niveau assez simple des médias ou de la politique, mais à celui, autrement plus profond et plus dangereux, du langage, de la destruction du sens véritable des mots. Il nous montre que le monde moderne, depuis la fin du XVII siècle, vit selon un modèle faux dont l’emprise sur les esprits et sur la société ne va qu’en s’amplifiant. Le modèle de l’homme moderne n’est plus le chevalier ou l’honnête homme, mais le personnage de l’hypocrite mondain épinglé par Molière, Tartuffe. Tous, ou presque, avancent aujourd’hui masqués, non des oripeaux de la religion chrétienne – ce temps est révolu – mais de ceux de l’amour de l’homme. Tous se prévalent de l’humanitarisme. Mais derrière ce paravent sentimental se cachent les ambitions et les désirs les plus crapuleux. Cette analyse fulgurante se situe au niveau de l’usage même des mots : elle est illustrée par des exemples tirés de la grande littérature : elle est fondée sur une analyse philosophique de premier ordre et s’exprime dans une belle langue vivante, énergique et claire. C’est un ouvrage qui développe une très forte pensée dans une langue accessible à quiconque veut se donner la peine de réfléchir. Ce qu’attaque Upinsky c’est une civilisation fondée sur le culte des apparences, le paraître (la T.V.) et qui refuse la vérité, l’Être. Pour Upinsky, il faut revenir à Celui qui est l’Être, au Dieu de Jésus-Christ, à sa Parole inspirée qui seule révèle le sens de toute réalité et qui seule peut fonder sur la justice l’exercice du pouvoir. Un livre à lire à tout prix.