Sainte race du Ciel, fille du Tout-Puissant,
De son unique fils épouse bien aimée :
Étanche de tes yeux la source accoutumée,
Et mets fin aux soupirs de ton cœur gémissant.
Comme de son époux trop longtemps absent,
Seulette, en sa maison de douleur consommée,
L’épouse se lamente et se tient enfermée,
Craignant qu’un autre amour ne l’ait pris en passant.
Mais si tôt que sa voix lui vient frapper l’oreille,
Sa couleur se repeint d’un rose vermeille,
Sa crainte et son ennui s’écartent loin de sol.
Ainsi réjouis-toi, pauvre chrétienne Église.
Crains-tu que ton Époux en oubli ne t’ait mise
Vu que si doucement il vient parler à toi ?
II
Innocentes brebis, que la rage cruelle
Des lions et des loups, ne cesse d’outrager,
Tâchants par leurs efforts de vous décourager,
Et vous faire quitter la pâture éternelle.
Tremblerez-vous toujours sous leur patte mortelle ?
Languirez-vous de faim par crainte du danger ?
Ah ! timide troupeau ! laisses-tu le berger
Pour te donner aux loups et vivre en leur tutelle ?
Pasteur souverain, vois tes agneaux épars !
Charge-les sur ton dos et les ramène aux parcs,
Ta houlette sans plus leur serve de conduite.
Et quand il te plaira lâcher sur eux les loups,
Fais qu’ils aiment plutôt d’un cœur paisible et doux,
Mourir auprès de toi que de prendre la fuite.
Pierre Poupo (1552-1591)
Ces sonnets (Nos. XIX et XX) de Pierre Poupo sont tirés du recueil de ses vers, La muse chrétienne, Genève, 1586, p. 10-11.