Le fondement mythique de l’aventure techniciste

Jean BRUN : Le rêve et la machine. Technique et Existence, La Table Ronde, Paris, 1992, 367 pages

Nous sommes habitués de la part du philosophe de Dijon, à des essais-études fouillés, la plupart ayant la modernité et ses aspects comme objets. L’admirable chez Jean Brun est le point de rencontre de vertus d’écrivain qui ne sont plus à la mode : une documentation embrassant toute l’histoire de son sujet, un approfondissement consciencieux des aspects cachés, et la démonstration de la signification philosophique d’un sujet devenu ainsi inattaquable. Une quatrième vertu, et pas la moindre, est l’honnêteté de notre penseur, car le scalpel qu’il manie ne laisse rien dans l’ombre, ce qui équivaut à la réfutation des thèses modernistes et superficielles. L’adversaire, en confrontant Jean Brun, n’a guère de chance de critiquer ses postulats et ses conclusions : l’édifice se défend contre les sièges les plus acharnés.

Jean Brun suit la mécanisation de notre monde dans tous ses recoins, en traçant à la fois l’histoire du machinisme et la philosophie qui sous-tend l’application de la machine et de la pensée mécaniste à tous les aspects du monde contemporain, y compris chaque instant de la vie quotidienne. Ce n’est plus Prométhée, ce n’est plus Faust, qui prenaient du moins des risques : l’un attaché à son rocher, l’autre vendant son âme au diable. L’homme moderne est d’abord bêtifié, ensuite envoûté par le côté jouet de la machine, et ne se réveille point quand on a déjà fait de lui un robot, un écervelé, un sujet obéissant à ses maîtres technocrates et qui leur baise la main avec gratitude. D’ailleurs, j’observe ce phénomène de près : entouré de gadgets qu’il faut mettre à la porte, autrement ils vous dominent, je trouve plus dangereux encore la transformation de la vie intérieure en un mécanisme. Car tout devient machine : les lois, la pédagogie, l’art, et bien sûr le commerce. La vie de famille y passe, la politique aussi.

La machine est engendrée par le rêve ou, si vous voulez, par les excès de l’imagination, dit Jean Brun, et elle garde avec ses origines des rapports permanents. La conséquence en est la mécanisation des rêves, des systèmes tel celui de Freud, qui nous prive, en vous « l’expliquant », de notre être intérieur.

Thomas Molnar
Tiré de Monde et Vie, 25.2.1993

De l’actualité de la désinformation

Daniel TRINQUET : Une presse sous influence. Comment la Gauche manipule l’opinion, Albin Michel, Paris, 1992, 369 pages.

« Les journalistes, exception faite de quelques agents d’influence, ne sont généralement pas les concepteurs d’une opération de désinformation. Mais, même s’ils n’en constituent que les vecteurs, leur responsabilité est indéniable. La lutte contre la désinformation, loin de constituer une atteinte à la liberté de la presse, en est finalement la garante » Daniel Trinquet

Pour qu’il pût survivre pendant des décennies, le système communiste – présenté comme étant l’avenir de l’humanité – devait forcément cacher sa nature criminelle. Bénéficiant trop souvent de la complicité des Occidentaux ignares, les révolutionnaires professionnels devinrent rapidement les champions incontestés de la terreur et du mensonge. Ainsi la falsification de l’information fut-elle pratiquée systématiquement, dans tous les domaines d’activité, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du paradis rouge.

L’inculture, la bêtise ou la couardise d’une grande partie des journalistes occidentaux favorisa grandement la tâche des faussaires de l’information. Dans son excellent ouvrage Une presse sous influence, Daniel Trinquet – président de l’Institut d’Études de la Désinformation (18, avenue des Champs Élysées, 75008 Paris) – analyse d’une manière très approfondie les techniques de conditionnement utilisées par les médias français principalement. Après une introduction (Les cas d’école) où il insiste sur la fameuse révolution roumaine de décembre 1989, l’auteur aborde le premier chapitre, – « L’état des lieux » – qu’il divise en cinq sections : 1.– La politique médiatisée ; 2.– Les piliers de la société contestée ; 3.– Le capitalisme cible privilégiée ; 4.– La culture arme négligée ; 5.– Israël victime désignée. Le second chapitre de l’ouvrage – « Les techniques et les responsables de la manipulation » – comprend quatre autres sections : 6.– La désinformation : une invention soviétique Les compagnons de route toujours en activité ; 8.– Les mécanismes : réflexes conditionnés ; 9.– La presse : déontologie négligée. Une « conclusion »« Un contre-pouvoir au contre-pouvoir » – met entre autres en exergue le fait que présentement les hommes politiques sont conduits à se « définir, non pas en fonction de leurs sentiments profonds […] ou en fonction du souhait de leurs électeurs, mais dans l’optique des réactions supposé de la presse ». Ce qui est, reconnaissons-le, extrêmement grave.

Faisant une fois de plus preuve d’honnêteté et d’érudition, le journaliste Daniel Trinquet dissèque minutieusement une immense quantité d’informations nocives véhiculées quotidiennement par un grand nombre de ses confrères. Tous ces messages délétères contribuent finalement « à créer un climat particulièrement malsain ». La cible principale est évidemment le capitalisme et les piliers de cette société contestée : armée, police, institution judiciaire, école, etc. D’autre part, la mauvaise foi, le manque de formation et de culture d’une grande partie des journalistes représentent autant de facteurs décisifs qui, à défaut d’un « contre-pouvoir au contre-pouvoir », favorisent la manipulation de l’opinion.

Le facteur « temps » – qu’il s’agisse du rétablissement de la vérité qui interviendra toujours trop tard, du temps consacré à une information ou du moment choisi pour la diffuser – l’est habilement mis à profit par « les désinformés désinformateurs ». Une pression médiatique constante peut dans certains cas précis aboutir à l’une des plus abjectes formes de terrorisme, le terrorisme intellectuel. On y parvient également en discréditant et en ridiculisant systématiquement une hypothèse ou/et un personnage politique de même qu’en faisant usage continuellement de la technique des « deux poids, deux mesures » et de la désinformation par occultation. Le livre de Daniel Trinquet est actuellement l’un des rares « antigènes » qui puissent engendrer (chez les honnêtes gens !) des « anticorps » pour la défense efficace des esprits.

Suzanne LABIN : Des menteurs masochistes vous trompent. Pourquoi et comment, fonctionne la plus grande machine à mensonges ? Autoédition, (Chez l’auteur, 3, rue de Thiers, F-75116 Paris), 1992, 142 pages.

Aujourd’hui comme hier, on continue à ignorer volontairement les honnêtes gens qui dans les démocraties occidentales ont démasqué les réalités atroces du système communiste. Tous ces combattants de la vérité et de la liberté durent subir les affres de la propagande et de la désinformation véhiculées par les communistes et leurs très nombreux sympathisants et compagnons de route. D’autre part, la couardise voire la traîtrise de certains dirigeants occidentaux, tout comme l’existence d’une immense armada d’intellectuels débiles et malhonnêtes qui voyaient en Lénine leur guide, en Staline leur dieu, en Khrouchtchev leur protecteur, en Brejnev leur inspirateur et en Gorbatchev leur grand sauveur, contribua décisivement à la propagation du mensonge éhonté sous tous les méridiens. Et, comme le dit si bien un proverbe malgache : « Le mensonge est comme le sable : il paraît doux quand on s’y couche, mais dur quand on se lève ». Dans son dernier livre, la grande dame du combat anticommuniste qu’est Suzanne Labin s’insurge une fois de plus contre ce fléau qui depuis un bon moment paralyse les réactions de défense des Occidentaux et, qui plus est, l’utilisent comme arme de guerre contre. eux-mêmes.

En 1965, dans sa brochure « The Techniques of Soviet Propaganda », Suzanne Labin mettait en évidence un élément essentiel pour la sauvegarde de la civilisation occidentale : les moyens militaires, si sophistiqués soient-ils, s’avéreront finalement insuffisants si on continue à ignorer les buts réels des dirigeants communistes et les techniques de la guerre politique qui en fin de compte décidera du sort des nations libres.

Malheureusement, cette sage recommandation ne fut pas prise en considération et les professionnels de la propagande et de la désinformation communistes trouvèrent un terrain particulièrement favorable pour leurs agissements criminels. La plupart des Occidentaux succombèrent ainsi aux « charmes » irrésistibles des phrases à effet soporifique. De surcroît, ils commencèrent eux-mêmes à débiter les mensonges des communistes !

C’est la raison pour laquelle, dans son livre, Suzanne Labin intitule certains chapitres d’une manière très suggestive : « Mensonges pour dissimuler l’asservissement du Liban martyr par la Syrie colonialiste » ; « En Iran, mensonges hargneux contre le Shah, complaisances doucereuses pour les ayatollahs » ; « Mensonges à propos de l’apartheid en Afrique du Sud » ; « Mensonges en faveur du tyran Mao Tse-Tung aux dépens du libéral Tchang-Kaï-Shek » ; « Mensonges et mutismes sur les atrocités soviétiques » ; « Raz de marée de mensonges sur le Chili » ; « Quid des mensonges concernant les affaires françaises ? ».

Le mot « mensonge » est également utilisé dans plusieurs souschapitres : « Mensonges et complaisances du monde libre en faveur des terroristes iraniens », « Les menteurs procastristes », « Mensonges et mutisme en faveur des Khmers rouges au Cambodge », « Mensonges en faveur du communiste Allende », « Mensonges grotesques sur Pinochet », « Mensonges grotesques sur le « fiasco économique » de Pinochet », « Mensonges sur les disparus », « Pinochet fut un totalitaire : mensonge », « Mensonges concernant l’immigration », « Mensonges concernant les émeutiers des banlieues sauvages », « Mensonges dans l’enseignement ».

Il paraît important d’insister sur le fait que tous ces mensonges aient été débités par des Occidentaux (des « intellectuels » pour la plupart) d’où le titre du premier chapitre du livre : « Quid du mensonge masochiste ? (Mensonge au profit de l’ennemi totalitaire et aux dépens de sa patrie libérale) ».

Un lecteur peu averti et passablement intoxiqué serait vraisemblablement tenté d’accuser Madame Labin d’avoir fait une présentation partiale de la réalité. Et pour démontrer que cette interprétation est mal fondée, nous lui fournirons les arguments avancés par l’hebdomadaire soviétique d’information, Temps Nouveaux, relativement bien connu dans le monde entier. Dans un article consacré au « Journal » de Romain Rolland (Prix Nobel de littérature en 1915) écrit par le français pendant son séjour à Moscou en été 1935 et publié en 1989, l’auteur (Aléxei Zverev) manifeste son « étonnement » en apprenant que le français n’ait formulé que deux ou trois propos critiques vis-à-vis de la politique de Staline.

« Cela semble incroyable qu’un écrivain de cette réputation ait pu être trompé par le spectacle moscovite grossièrement monté, avec des appartements de six pièces à l’hôtel Savoy, des gelinottes grillées et du cognac sur les tables, des délégations qui l’encensaient, et les concerts donnés spécialement pour lui par une équipe d’artistes détenus amenés d’un camp sur l’ordre exprès de Yagoda (chef du N.K.V.D.=Commissariat du peuple aux Affaires intérieures, de 1934 à 1936). Et pourtant, la tromperie a réussi ; on a obligé la plume de Romain Rolland à écrire les lignes que le Guide voulait en obtenir. Comment cela a-t-il pu arriver ? se demande candidement A. Zverev […] on peut se rappeler aussi Bernard Shaw, Feuchtwanger, Brecht, qui ont, eux aussi, séjourné dans notre pays à cette époque et qui n’ont nullement fait preuve d’une plus grande lucidité. » (Temps Nouveaux, nᵒ 37, 12-18 septembre 1989, pages 38-40.)

Dans le chapitre « Staline encensé comme un Dieu », Suzanne Labin place Romain Rolland, Bernard Shaw, etc. dans la catégorie des « menteurs masochistes ». On a ainsi la preuve que les allégations de Madame Labin, et des autres auteurs qui depuis longtemps ont démasqué les « idiots utiles », sont aujourd’hui confirmés par les Temps Nouveaux (!), le même hebdomadaire qui, en 1961, traitait la lauréate du Prix de la Liberté et du Prix Henri Malherbe de l’Association des Écrivains Combattants de « professionnelle de la calomnie ». « Des menteurs masochistes vous trompent » est un livre qui doit être lu attentivement par tous ceux qui désirent conserver leur liberté d’esprit.

Dan Dumitrescu,
Journaliste indépendant