Il n’est qu’un Roi que ait titre certain,
Et tous règnes procèdent de ce Roi :
C’est un seul Dieu qui est souverain
Qui tout créa, et qui tout a en soi.
De Lui vient tout ; les autres, par ma foi,
Peut[1] déposer des règnes de la terre,
S’ils sont pervers et ne gardent sa Loi.
De tel Seigneur fait bon l’amour acquerre[2].
Son corps travaille et veut régner en vain
Qui ne le craint, sert, aime en recoy[3],
Car nul ne peut rien fors de par sa main ;
On naît par Lui. Créature, aperçoit
Que tu mourras, tes prédécesseurs voit,
Qui sont tous morts, ou en paix, Ou en guerre ;
Aime donc Dieu, sers, obéis et crois.
De tel Seigneur fait bon l’amour acquerre.
Car leurs règnes perdent par cas soudain
Rois terriens ; l’un fait à l’autre effroi,
Et par péché, n’ont rien d’hui à demain.
Leur titre n’est qu’ainsi comme la noy[4],
Qui d’hui appert, demain fond au souloy[5],
Et laissent tout, quand mort les dents leur serre.
Mais ce grand Roi a tout, foi que vous dois.
De tel Seigneur fait bon l’amour acquerre.
L’envoi
Princes et Rois, duc, chevalier mondain,
Soyez pieux, veuillez ce Roi requerre
Qu’il vous donne bien gouverner, soir et matin.
De tel Seigneur fait bon l’amour acquerre.
Eustache Deschamps (1346 – v.1406)
Œuvres complètes d’Eustache Deschamps, F. Didot, Paris, 1878, Vol. 1, pp. 89.90
[1] Dieu peut
[2] Obtenir
[3] De tout son cœur
[4] Noy = neige
[5] Souloy = soleil