Une religion sans dieu

par | Résister et Construire - numéros 26-27

Des Actes de l’Église

Le christianisme en Suisse Romande

(L’Âge d’Homme, Lausanne, 1993).

Qu’il est bon et réconfortant de tenir dans ses mains en cette fin de siècle un ouvrage roboratif, alors que le christianisme est attaqué de toutes parts par des mouvements religieux ou laïcs plus proches du paganisme que de la religion chrétienne.

C’est ce que vient de faire Jean-Marc Berthoud en publiant aux Éditions de l’Âge d’Homme, à Lausanne, « Des Actes de l’Église » ou « Le christianisme en Suisse Romande ».

Cet ouvrage est préfacé par Pierre Courthial, doyen honoraire de la Faculté libre de théologie réformée d’Aix-en-Provence, qui rappelle avec raison que « tout chrétien fidèle a vocation d’historien ».

Faisant suite à la préface de Pierre Courthial, Dominique-Jean Pelou, membre de l’Association « Pour des conférences chrétiennes », relève dans une brève introduction « Que chaque jour un peu plus, les ténèbres s’épaississent dans le monde et la confusion s’étend dans la chrétienté ».

De son côté, Jean-Marc Berthoud affirme que ce n’est pas par « nostalgie mais par nécessité, que nous devons nous souvenir des antiques sentiers » et que c’est le « Maître de l’histoire lui-même qui nous y exhorte dans sa Parole divine et infaillible ».

En rappelant la belle et tragique histoire du « Martyre de la Légion thébaine », vers la fin du IIIᵉ siècle de notre ère, l’auteur montre qu’avec saint Maurice, le combat contre le paganisme a déjà commencé chez nous.

Après saint Maurice martyr, c’est le moine Bernard de Clairvaux qui retient l’attention de l’auteur citant cette appréciation de son ami Guillaume de Saint-Thierry :

« Quel homme soumit jamais à sa volonté avec plus d’empire et courba sous le poids de ses conseils avec plus d’autorité non seulement les puissances de la terre mais celles de l’Église elle-même. »

Le troisième chapitre de ce livre passionnant est consacré à Louis Olivier, dit Pierre-Robert Olivétan, ou le « Retour à la Bible et la fidélité des Vaudois du Piémont ».

La quatrième partie rejoint l’époque moderne avec Pierre Viret et le refus de l’Église de plier devant la puissance de l’État. Nous sommes en 1558, à la veille de Noël et les trois pasteurs de la cathédrale de Lausanne, devant le Conseil communal des Deux-Cents, demandent le déplacement de la célébration de la cène de Noël au premier jour de la nouvelle année. Changement qui fut interdit par LL. EE. de Berne voulant garder la haute main sur la direction de l’Église du Pays de Vaud.

De Pierre Viret, l’auteur passe à Claude Brousson et le secours chrétien à l’Église persécutée par Louis XIV. Réfugié dans les Cévennes couvertes de neige (1689), entouré de quelques fidèles, il cède à leurs supplications et accepte de leur prêcher l’Évangile et de leur administrer la sainte cène. Ainsi débuta l’un des ministères les plus étonnants que l’Église de Jésus-Christ ait connus.

La vie et le ministère de réveil d’Antoine Court – au début du XVIIIe siècle – pourraient être résumés par l’inscription qu’on peut voir sur le modeste bâtiment abritant de nos jours les séances du Conseil synodal, bureau exécutif de l’Église évangélique réformée du Canton de Vaud :

« En souvenir du séminaire français de Lausanne (1729-1812) fondé par le zèle d’Antoine Court et de Benjamin Duplan. Cette école a donné aux églises réformées de France persécutées environ quatre cents pasteurs dont beaucoup sont morts pour leur foi. »

Quant au Major Jean-Daniel Abraham Davel (1670-1723), « homme de Dieu et patriote rejeté par sa patrie », comme l’appelle avec raison Jean-Marc Berthoud, il a été le précurseur de l’indépendance vaudoise de 1798. Personnellement, cela nous remet en mémoire qu’au début du siècle, l’instituteur n’omettait jamais de rappeler l’anniversaire du sacrifice de Davel, mort sur l’échafaud le 24 avril 1723. De nos jours, on ne parle plus du Major Davel, mais on apprend aux écoliers à penser à l’utopie de l’Europe unie et à un gouvernement mondial encore plus utopique, parce qu’antichrétien (la Tour de Babel).

L’avant-dernier chapitre de ce beau livre est consacré à une grande figure vaudoise, Alexandre Vinet, le célèbre théologien réformé et critique littéraire connu au-delà de nos frontières (1797-1847), qui enseigna à Bâle, puis à l’Académie de Lausanne, en même temps que le célèbre critique français Sainte Beuve. Vinet fut l’adversaire intraitable des prétentions de l’État moderne à la toute-puissance, à la domination du pouvoir temporel sur le spirituel. Sur son lit de mort, Vinet s’est écrié :

« La repentance est une grâce, car tout est grâce. Nous ne pouvons pas plus, par nous-mêmes, et sans Dieu, nous repentir, que nous ne pouvons croire, que nous ne pouvons persévérer. »

L’auteur de ce livre courageux et réconfortant ne pouvait mieux conclure la présentation de quelques grandes figures chrétiennes, qu’en réservant les dernières pages de son ouvrage à un homme hors du commun : Marcel Regamey et la Vérité au sein de la Cité (1905-1982).

Il faudrait des pages et des pages pour situer le passage d’un homme de cette envergure dans le Pays de Vaud du XXᵉ siècle. Un homme d’une santé plutôt fragile, mais animé d’une foi solide et profonde, d’une fermeté incomparable dans le combat politique, loin des idées généreuses du monde actuel, qui savait qu’ « Il est nécessaire d’espérer pour entreprendre et de réussir pour persévérer ». Le professeur Henri Rieben n’a-t-il pas dit de lui, un soir, à Payerne :

« Sans Marcel Regamey, le Canton de Vaud ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui. »

Nous conclurons la présentation de l’ouvrage de Jean-Marc Berthoud en affirmant que tant qu’il y aura des hommes de foi, le monde n’est pas perdu. Mais il faut avoir une âme de chevalier pour résister au Mal qui nous submerge en cette fin de XXᵉ siècle.

Un livre à lire, absolument.

R.P.

Une religion sans dieu

Les « Droits de l’homme » contre l’Évangile

(L’Âge d’Homme, Lausanne, 1993).

« L’Église est aujourd’hui étouffée par une religion nouvelle qui est la contrefaçon du christianisme : le culte des Droits de l’homme », nous dit la couverture du petit livre de moins de cent pages que vient de publier aux éditions de l’Âge d’Homme Jean-Marc Berthoud.

En disant cela, on a presque tout dit du mal qui ronge la chrétienté, un mal qui est une religion nouvelle animée par des idées généreuses.

Or tout chrétien sérieux sait qu’il n’y a pas d’idées généreuses, mais des idées vraies et des idées fausses. La religion des Droits de l’homme est animée par une sorte de démagogie religieuse qui flatte les bas instincts de l’homme. Même le pape s’est laissé prendre au piège, puisque dans tous ses voyages à travers le monde, il défend l’idéologie révolutionnaire des Droits de l’homme.

« Or quel rapport y a-t-il entre l’enseignement chrétien de base et les Droits de l’homme » se demande encore Jean-Marc Berthoud ? En effet, en se référant aux textes essentiels des traditions orthodoxe, catholique et réformée, on constate que la conception même de ces prétendus droits est étrangère au christianisme.

D’ailleurs, à juste titre, on peut se demander aussi quel a été l’impact des Droits de l’homme imposés dans le monde entier par l’ONU, après leur introduction en 1789 par la Révolution française ? Le bilan n’est-il pas catastrophique ? On se bat partout et les Droits de l’homme, au lieu d’apporter la paix tant attendue sur la terre, n’ont provoqué que des misères sans nom, guerres entre nations, atroces guerres civiles, les plus terribles de toutes, dégringolade de la morale publique, perversion de la jeunesse, etc.

En reniant Dieu, en prêchant la divinisation de l’homme, le résultat ne s’est pas fait attendre : un chaos universel est apparu pour le plus grand malheur des habitants de la planète.

Peut-on concevoir un remède à cette situation dramatique qui a un avant-goût de fin de civilisation ? Certainement. Tout d’abord mettre les Droits de l’homme (idées généreuses mais mortelles) au rancart. Puis les remplacer par les « Devoirs de l’homme », idée juste, idée vraie, conforme à la loi divine, qui nous préservera des « idoles de notre temps tout en nous en remettant à Dieu pour qu’il manifeste sa gloire et sa force au travers de la faiblesse, du dénuement de son peuple et cela pour la gloire éternelle de Son Saint Nom et le bien véritable des hommes et des nations », affirme Jean-Marc Berthoud, lucide et courageux défenseur de ce qui fait notre raison de vivre : la foi chrétienne et notre salut.

Dans un de ses « Billets » de la Nouvelle Revue-Hebdo (25.6.93.), le pasteur Roger Barilier, en parlant justement des Droits de l’homme, concluait :

« L’église n’en doit pas moins se garder, en se prêtant à un humanitarisme douteux, de négliger sa tâche essentielle : annoncer la repentance et la foi en Jésus-Christ. »

Le livre de Jean-Marc Berthoud doit être lu par tous ceux qui veulent comprendre la tragédie du monde actuel.

R.P.