Monsieur et cher frère,
Avant de vous soumettre quelques considérations de caractère plutôt théologique et philosophique, permettez-moi un bref préambule. Il est parfois nécessaire, par amour pour son prochain, de lui tenir des propos qui lui causeront de la peine. Le plus grand amour, nous dit notre Seigneur, est de donner sa vie pour ses frères. Il est une forme d’amour qui lui est proche (et qui peut nous conduire à perdre notre réputation, voire parfois notre vie elle-même), c’est celui de dire franchement la vérité, telle que nous la comprenons, à nos frères. Il s’agit ici d’un devoir chrétien péremptoire, devoir que reconnaissaient même les païens grecs pour qui l’obligation d’aimer le vrai allait au-delà même de l’amour des amis. Jésus-Christ nous le rappelle lui aussi, mettant dans la balance, non pas nos amis, mais nos proches les plus intimes, nos familles elles-mêmes. Mais l’obligation de manifester des égards envers nos frères n’en demeure pas moins et c’est pour cette raison qu’avant d’aller plus loin, je voudrais en toute simplicité vous demander par avance pardon pour toute la peine que pourraient vous causer les propos qui vont suivre.
Je vous suis particulièrement reconnaissant d’avoir si amplement exprimé votre point de vue concernant une question qui me semble se situer au coeur même de tout le débat actuel sur ce qu’il nous faut faire pour défendre la foi chrétienne authentique battue en brèche de tous côtés. Déblayons d’abord votre objection majeure : la méthode d’“équivalence dynamique” (ou “fonctionnelle”) ne serait que l’application à l’heure actuelle des principes d’une saine traduction appliqués de tout temps par les plus heureux traducteurs de la Bible, Jérôme, Luther, Lefebvre, Olivétan et j ’en passe. Que l’opposition serait entre une méthode “littérale” du mot à mot qui méprise les données grammaticales et linguistiques de la langue dans laquelle l’on traduit, et celle de l’“équivalence dynamique” de Nida qui les respecteraient. Que je vous rassure d’emblée. Ni pour moi, ni pour nos amis Dubois ou Heldenbrand, le problème ne se situe à ce niveau. Il est évident que nous sommes d’accord avec les principes traditionnels de traduction fidèle qui se doivent de respecter le réceptacle linguistique dans lequel ils effectuent leur traduction. Mais rappelons d’emblée que, par le passé (je crains qu’ avec les nouvelles méthodes cela ne soit plus guère le cas), la traduction de la Bible dans une langue donnée a toujours profondément modifié le caractère et la structure de cette langue en la sanctifiant, c’est- à-dire en la soumettant aux normes grammaticales et syntaxiques propres à la Bible. Car vous n’ignorez sans doute pas que le péché a endommagé, falsifié, les langues elles- mêmes et qu’une des tâches de la prédication de l’Evangile est de les restaurer. C’est d’ailleurs une telle œuvre de sanctification linguistique qu’effectuèrent des chefs-d’œuvre grammaticaux, syntaxiques et littéraires tels que là Bible allemande de Luther, la Authorized Version anglaise, ou même la fameuse Bible de Genève de Calvin. Cette dernière a survécu dans nos pays sous diverses formes jusqu’au milieu du XIXe siècle. Nous reviendrons ultérieurement sur ce point.
Les réactions de nos frères Heldenbrand et Dubois se situent dans la droite ligne des travaux de feu Francis Schaeffer. Pour eux la méthode de traduction que 1 ’ on appelle celle de “l’équivalence dynamique” est une nouveauté liée aux problèmes que soulève Schaeffer dans sa trilogie apologétique {Démission de la raison, Dieu ni silencieux ni lointain, Dieu illusion ou réalité ?). Il s’agit d’une prolongation linguistique de l’attaque idéaliste (Kant et Descartes) et nominaliste (Ockham) dirigée par le subjectivisme moderne contre l’usage réaliste du langage par l’Ecriture. Ainsi il ne s’agit aucunement ici simplement d’un effort parfaitement louable de traduire un texte en respectant à la fois son sens précis et le génie de la langue dans laquelle il doit être transposé. Comme vous le faites fort bien remarquer, de tout temps les bons traducteurs ont refusé le mot à mot stupide et mécanique. Et les bons traducteurs actuels ne manquent pas de le faire eux aussi sans avoir à recourir aux théories de l’équivalence dynamique. Il s’agit donc ici de tout autre chose.
Nous nous trouvons ici devant un problème épistémologique et philosophique fondamental qui touche de très près notre manière de lire la Bible. Ce problème est posé dès les trois premiers chapitres de la Bible. Le mot (dans une langue quelconque) a-t-il un rapport réel et exact avec la chose, avec la réalité qu’ il nomme ? Si oui, nous avons ce qu’on appelle la position réaliste. Si non, nous tombons dans le subjectivisme nominaliste. La première position est celle de Dieu donnant des ordres précis à Adam. Cette attitude réaliste fut reprise par Adam lui-même, nommant correctement dans le jardin d’Eden les animaux chacun selon sa nature. La deuxième se trouve dans les questions perfides du serpent à Eve. Cette dernière se retrouve chez les évolutionnistes théistes modernes qui mettent en doute le rapport exacte du mot jour employé par Dieu, et la réalité que nous connaissons quotidiennement (et toute la Bible avec nous) sous ce terme. Il en est de même en ce qui concerne l’ordre précis de la création face à la géologie nominaliste (de Lyell), ainsi que de la stabilité des espèces, se reproduisant chacune selon son espèce, face au nominalisme biologique de Darwin. Pour reprendre un débat déjà ancien, en optant pour l’évolutionnisme théiste de Jean Humbert, le professeur Henri Blocher optait du même coup pour une lecture partiellement nominaliste des deux premiers chapitres de la Genèse.
Ajoutons, pour prévenir tout malentendu, qu’un mot peut parfaitement avoir des sens variés, significations qui doivent être décelées par l’étude du contexte. Mais ajoutons aussitôt que le fait que le même mot ait divers sens fait partie intégrale des résonnances du sens qu’il peut avoir dans tel et tel contexte. Prenons un exemple. Que le mot grec sarx ait, entre autres significations, celles de chair physique (corps) et de chair morale (mauvais penchants) fait partie intégrante de sa signification globale. Ce qui explique l’usage spécial du seul mot français chair pour les deux sens du mot grec dans nos traductions usuelles. Ici la séparation des deux notions par deux mots français différents est une régression syntaxique. Une telle dislocation d’un mot – loi, justice, chair, etc. – en d’innombrables distinctions et nuances exprimées par des mots ou des expressions différents est typique de la mentalité nominaliste qui ne sait pas saisir les universaux, les concepts unificateurs stables de la pensée, à partir desquels peuvent utilement s’articuler les véritables nuances. Cette atomisation de la pensée est également caractéristique de presque toute lalinguistique moderne. Il faudrait s’en rendre compte et ainsi se prémunir contre les erreurs qu’ entraîne inévitablement un tel état d’esprit. Est-il nécessaire de rappeler que toutes les disciplines universitaires ne peuvent être utiles au travail intellectuel du chrétien que dans la mesure où elles auront été systématiquement RE-FORMÉES par la Parole de Dieu ? La prévalence dans le monde francophone de cet esprit nominaliste, “cartésien « , n’expliquerait-il pas, (du moins en partie), pourquoi les intellectuels évangéliques de langue française sont si réfracaires à toute pensée théologique systématique et, par conséquent, à F utilité ecclésiastique de Confessions de Foi détaillées, précises et normatives.
Car le nominalisme affirme que le rapport du mot et de la chose qu’il nomme est purement arbitraire. Il s’agirait là d’un acte volontaire de l’homme — une simple formulation de mots — sans rapport réel ni avec la pensée immuable de Dieu (exprimée pour nous dans la Bible), ni avec l’ordre de la création maintenue stable par la Parole divine, Jésus-Christ. Une expression courante particulièrement révélatrice — et à mon sens effrayante — définit fort bien cette coupure nominaliste entre le mot et la chose nommée : on dit souvent d’une expression dite à la légère, “Ce ne sont là que des paroles, que des mots !” Ce manque d’intégrité morale face à l’usage du langage, c’est cela le nominalisme. La Bible condamne une telle attitude de la manière la plus catégorique. D’un homme intègre il est dit “Qu’il n’a qu’une parole. » Que votre oui soit oui, que votre non soit non. Tout ce qu’ on y ajoute vient du Malin. C’est sous cette condamnation linguistique de notre Maître que tombe le nominalisme épistémologique et les méthodes de traduction qui en découlent.
Ainsi, pour la Bible il n’y a aucun doute possible. Les mots qu’utilise (dans leurs contextes propres) le Saint-Esprit—mots transposables dans d’autres langues car tous les hommes sont créés à l’image de Dieu et donc, (sauf exception), capables de langage — expriment la pensée exacte et juste de Dieu sur les choses qu’il nomme. Pour prendre un autre exemple précis, le rapport exprimé par Dieu à Adam entre la désobéissance et la mort est un rapport exact, réaliste, absolu. Les doutes que le serpent inspira à Eve sur ce rapport sont littéralement du Malin. Ils distendent l’exactitude terrible du rapport immuable et objectif du mot et de la réalité jusqu’ à le rompre, et cela pour le malheur de la création tout entière. Imaginez alors une traduction par équivalence fonctionnelle ou dynamique de ces récits bibliques, dans la mentalité et le langage évolutionniste, égalitariste et freudien d’aujourd’hui. On tomberait, comme beaucoup l’ont fait, dans l’évolutionnisme théiste, dans le démocratisme négateur de toute loi transcendante, de toute vérité normative et de toute autorité et, enfin, dans le relativisme moral de la psychologie freudo-chrétienne.
Nous retrouvons la même relation réaliste entre la parole et la chose nommée dans l’usage des images qu’emploie le Christ pour faire comprendre à ses interlocuteurs qui il est. Les mots pain, nourriture, porte, berger, cep, etc. qu’il utilise pour nous faire comprendre la relation que nous devons entretenir avec lui sont employés, comme images, de manière parfaitement réaliste. Le rapport entre Christ et notre âme, notre vie, est rigoureusement analogique (toutes proportions gardées) avec celui qui existe entre notre corps et le pain que nous mangeons pour le faire vivre. C’est ce que les Pharisiens ne voulaient, ne pouvaient comprendre. “Pourquoi ne comprenez-vous pas mon langage ? Parce que vous ne pouvez écouter mes paroles. (…) Celui qui est de Dieu écoute les paroles de Dieu. Vous n’écoutez pas, parce que vous n’êtes pas de Dieu.” (Jean 8 :43 et 47). La question n’est pas technique mais spirituelle. Le seul espoir pour l’homme perdu est qu’il puisse avoir l’occasion d’écouter les paroles exactes de Dieu et que le Saint- Esprit agisse dans son coeur, dans son intelligence, pour qu’il les comprenne.
Tout le langage biblique est de cet ordre. Plus encore, tout langage humain sain tend à un rapport aussi serré (et très varié) entre les mots et les choses, entre le langage et la réalité. En préconisant l’usage de cette méthode d’équivalence dynamique ou fonctionnelle pour traduire la Bible, sous prétexte de se rapprocher des hommes, de mieux communiquer avec eux en s’adaptant à leur langage (ce qui est indispensable !), on cherche à distendre ce lien, au lieu de le resserrer par la réforme biblique de la langue dans laquelle on traduit la Sainte Ecriture ! La communication facilitée devient un moyen d’esquiver le problème autrement ardu de la conversion culturelle de la langue. On travaille, sous prétexte de mieux communiquer, à séparer ce que Dieu a uni : le mot inspiré de la chose créée. On travaille à dissoudre l’analogie exacte (mais pas totale !) entre Dieu et F homme créé à son image, entre la Parole divine et la parole humaine. Ainsi on cherche, avec le père du chaos, l’anomos, le sans-loi, le sans-norme, à détruire la capacité que Dieu a donnée à l’homme de nommer, après Dieu et avec exactitude, les réalités de la création divine et de 1 ’ histoire providentielle. La méthode de traduction de la Bible par équivalence dynamique ou fonctionnelle refuse de tenir ensemble ce que Dieu lui-même a uni de façon normative et absolue, le mot et la chose, dans l’Ecriture et dans F ordre de sa création. Elle donne ainsi à F homme la liberté usurpée de nommer la chose dans une autre langue, ceci selon sa fantaisie, à sa guise et selon les pensées mensongères de son coeur trompeur. Ce lien, établi dès l’origine par l’alliance créationnelle entre Dieu et ses créatures, fut rompu pour la première fois par la traduction dynamique faite par le serpent de 1 ’ ordre divin de ne pas prendre du fruit de F arbre de la connaissance du bien et du mal. Il s’agit, aujourd’hui comme alors, de déterminer arbitrairement dans une autre langue, indépendamment de Dieu et de sa Parole et par une méthode dynamique (dialectique ?), le sens que des pauvres pécheurs obscurcis dans leurs pensées (et même dans les structures et la syntaxe faussées de leur langue), peuvent maintenant imposer aux paroles divines ! Quelle trahison ! Quelle dérision !
Car l’opposition que F on dresse si souvent, véritable épouvantail fabriqué de toutes pièces, entre traductions “littérales” et traductions d’“équivalence dynamique” est tout simplement fausse. Toute traduction doit être, dans un sens, à la fois proche de la lettre originale et apte à être comprise par celui qui la lit. L’opposition réelle se situe entre les traductions les plus exactes possibles et celles qui sont simplement fausses. Ce qui importe c ’ est que la traduction d’un texte dans une autre langue soit exacte, ce qui implique fidélité et juste adaptation. Mais une telle démarche n’est pas sans effets sur la langue dans laquelle le texte est traduit, surtout s ’ il s ’ agit d’un texte biblique. Car une telle traduction fidèle peut souvent, par ce fait même, imposer des modifications à la langue dans laquelle la traduction est faite, car cette dernière s’est souvent déformée au cours de l’histoire sous les effets cumulés du péché culturel et linguistique, de telle sorte qu’elle ne peut plus porter, sans une profonde modification régénératrice, le sens exact de vérité de la Parole de Dieu. Le français du XXe siècle souffre terriblement d’une telle corruption linguistique. Notre tâche n’est pas d’entériner une telle dégradation en adoptant l’oreiller de paresse particulièrement dangereux de la méthode d’équivalence dynamique, mais de travailler de toutes nos forces à la reconstruction biblique et réaliste de notre langue. Notre devoir n’est sûrement pas de mondaniser F Ecriture en la mettant au goût du jour – comme le fait systématiquement la méthode d’équivalence dynamique – mais de sanctifier le nom de Dieu, de sanctifier la Parole de Dieu, de maintenir nos traductions pures de toute erreur doctrinale, de les garder de la médiocrité humaine contemporaine et de la banalité culturelle ainsi que de la corruption linguistique ambiante. Je cite ici quelques lignes du théologien calviniste d’origine arménienne, Rousas John Rushdoony, remarques qui vont dans le sens des travaux de Schaeffer, de Heldenbrand et de Dubois :
“La parole du Christ a refaçonné les langues et les grammaires occidentales et, par les traductions actuelles de la Bible, refaçonne encore aujourd’hui les langues de peuples au travers du monde entier. La traduction de la Bible est une tâche particulièrement rude et exigeante, car il s’agit de retravailler une langue précise afin de la rendre plus apte à porter le sens exact de la Bible. Ceci implique pour ceux qui reçoivent cette traduction une vision nouvelle du monde, de Dieu, du temps et de la langue elle-même. Un missionnaire m’a une fois raconté qu’un indigène converti au christianisme et disposant de portions de la Bible dans une traduction faite par la Société Wycliffe lui déclara : “Nous parlons maintenant une nouvelle langue.”
Toutes nos langues occidentales manifestent clairement des traces de l’influence de la foi biblique et de la traduction de la Bible. Elles ont ainsi été transformées par elle pour devenir de plus en plus aptes à recevoir des catégories de pensée et de sens proprement bibliques. Nos idées de la grammaire et des temps grammaticaux, de la syntaxe et de la structure de la phrase, de la pensée et de la signification des mots portent manifestement toutes le sceau du Christianisme. Nos langues et nos grammaires ont un caractère très clairement relatif, mais il s’agit ici d’un “relativisme” qui marque leur relation à notre héritage de foi biblique. La nouvelle grammaire (Et la méthode moderne de traduction par équivalence dynamique ou fonctionnelle — remarque du traducteur) sont hostiles à cette foi et à cette tradition : elle est motivée par l’humanisme existentialiste. Tout compromis sur ce plan implique une capitulation sur des choses autrement plus graves que des seules formes grammaticales.” (The Philosophy of the Christian Curriculum, Ross House Books, P.O. Box 158, Vallecito, Cal. 95251, USA, 1981, p. 50)
Mais il y a plus encore. Cette méthode se situe très exactement dans la droite ligne et dans la prolongation directe du libéralisme, de la liberté théologique et doctrinale absolutisée. Car cette nouvelle méthode de traduction, sous des apparences bienfaisantes et lumineuses, va plus loin encore que ne le font nos libéraux. Eux s’attaquaient à la théologie du Christianisme ; la traduction par équivalence formelle ou dynamique s’attaque — sans que ses promoteurs prennent souvent réellement conscience des implications de ce qu’ils font — au fondement lui-même, au contenu de sens de la Bible, à ses paroles inspirées. C’est sans doute pour cette raison que les traductions françaises de la Bible conduites selon ces nouveaux principes sont souvent bien plus infidèles au texte inspiré que ne le sont des Bibles dites libérales telles celle de Jérusalem ou la TOB, toutes deux assez traditionnelles dans leur méthode de traduction malgré les positions peu orthodoxes de la plupart de ceux qui y ont travaillé. On voit entre bien d’autres choses dans ces traductions menées selon les principes de l’équivalence dynamique, la disparition de termes aussi indispensables à la compréhension des réalités chrétiennes que ceux de justification, de charité, de repentance, de rédemption, etc. Même des mots pourtant usuels tels justice, chair, loi, piété, évêques, scribes, anciens, saints sont destinés par cette méthode à être évacués du vocabulaire biblique. L’on affirme gratuitement qu’ils seraient aujourd’hui devenus inaccessibles au lecteur moyen. La lecture de n’importe quel texte important, même s’il s’agit en l’occurrence d’un lecteur cultivé, peut conduire à recourir à un dictionnaire ! Une traduction qui considère dès le départ ses lecteurs potentiels comme des incapables peut-elle susciter notre confiance ?
Car, ce que proclament les formulations du Concile de Chalcédoine (451) sur les deux natures du Christ unies en une seule personne—sans confusion, sans mélange, sans séparation, sans division—s’applique tout aussi bien au rapport entre les mots de la Bible et les réalités qu’ils signifient, tant dans les textes originaux que dans nos traductions actuelles. L’adoption d’une telle méthode attaquant, comme elle le fait, l’intangibilité du sens précis, exact de la Bible, Parole de Dieu, (souvent à l’insu de ses partisans, dont des Evangéliques naïfs inconscients des dangers qu’ ils font courir au peuple de Dieu) aboutit en fin de compte à vider totalement de sa substance et de son sens tout ce qu’on pourrait affirmer, croire et dire en défense de son inspiration, de son infaillibilité, de son autorité souveraine et de sa pleine suffisance. Elle finit également par paralyser toute volonté d’application de la doctrine chrétienne aux situations concrètes, toute volonté de résistance au mal doctrinal ou moral dans l’Eglise et dans le monde. Car on a préalablement sapé le fondement de toute action véritable, ce lien insécable entre la Parole de Dieu et la réalité dont elle parle. Les théologiens libéraux et néo-orthodoxes, par leurs critiques, se sont attaqués de longue date à la théologie du chrétien et aux structures historiques et littéraires de la Bible. La méthode de traduction dite d’équivalence dynamique ou fonctionnelle, elle, détruit aujourd’hui, dans les versions qu’ elle propose, la substance même de la Parole divine. Car on veut apparemment à tout prix réduire cette Sainte Parole au niveau le plus bas des langues humaines pécheresses et corrompues de notre temps, avachissement de la langue manifestement inférieur à ce qu’on trouve normalement dans la littérature profane ! En refusant ainsi d’élever nos traductions de l’Ecriture jusqu’à la beauté de sa Vérité éternelle, on finit par aplatir complètement le texte de la Bible. La traduction récente des Evangiles par le père R. L. Bruckberger (Albin Michel, 1976) montre qu’un tel défi peut parfaitement être relevé aujourd’hui dans une langue qui est à la fois, contemporaine accessible, au plus grand nombre, exacte et marquée par un style d’une force, d’une précision et d’une beauté incomparables. Par l’adoption de méthodes de traduction saugrenues préconisées par ce que vous appelez l’équivalence dynamique ou fonctionnelle, (méthodes qui sont à la remorque des théories linguistiques modernes les plus discutables), on abolit la tâche éducatrice de la Parole de Dieu en l’empêchant de relever et de sanctifier, par le sel et la lumière de sa vertu divine, ces langues dans lesquelles on prétend la traduire !
En vous remerciant de votre patience à me lire, je vous prie, Monsieur et cher frère, de croire à mes sentiments les meilleurs en Jésus-Christ.
Jean-Marc BERTHOUD
Lausanne, janvier 1994