Dans l’épais des ombres funèbres,
Parmi l’obscure nuit, image de la mort,
Astre de nos esprits, sois l’étoile du nord,
Flambeau de nos ténèbres.

Délivre nous des vains mensonges,
Et des illusions des faibles en la foi :
Que le corps dorme en paix, que l’esprit veille à toi,
Pour ne veiller à songes.

Le cœur repose en patience,
Dorme la froide crainte et le pressant ennui :
Si l’œil est clos en paix, soit clos ainsi que lui
L’œil de la conscience.

Ne souffre pas en nos poitrines

Les sursauts des méchants sommeillants en frayeur.
Qui sont couverts de plomb, et se courbent en peur
Sur un chevet d’épines.

A ceux qui chantent tes louanges
Ton visage est leur ciel, leur chevet ton giron.
Abrités de tes mains, les rideaux d’environ
Sont le camp de tes Anges.

Agrippa d’Aubigné

Agrippa d’Aubigné : Œuvres. Collection de La Pléiade, Gallimard 1969. p. 373.