Le ministère de l’Esprit

par | Résister et Construire - numéros 34-35

J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez les porter maintenant. Quand le consolateur sera venu, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans toute la vérité ; car il ne par-lera pas de lui-même, mais il dira tout ce qu’il aura entendu, et il vous annoncera les choses à venir. Il me glorifiera, parce qu’il prendra de ce qui est à moi, et vous l’annoncera. (Jean 16:12-14)

Maintenant le Seigneur Jésus admoneste que l’Esprit ne viendra point pour dresser un nouveau royaume, mais plutôt pour établir la gloire qui lui a été donnée de son Père. Car plusieurs imaginent que Jésus-Christ a seulement enseigné pour donner des rudiments et petits commencements, et pour envoyer ensuite ses disciples en une plus haute école. Par ce moyen ils n’estiment pas plus l’Évangile que la Loi, dont il est dit qu’elle était le pédagogue du peuple ancien (Gal. 3:24).

Il y a encore une autre erreur qui procède de celle-ci, et qui n’est pas plus tolérable ; c’est que laissant le Christ derrière, comme si son règne ayant pris fin il n’était rien maintenant, ils substituent le Saint-Esprit à sa place. Les sacrilèges du pape et de Mahomet ont été puisés de cette fontaine. Car bien que ces deux antéchrists soient différents entre eux en plusieurs choses, toutefois ils ont un principe commun : c’est que nous avons bien en l’Évangile les premières instructions pour être amenés à la droite foi, mais qu’il faut chercher ailleurs la perfection de doctrine, qui nous polisse totalement. Si on objecte l’Écriture au pape, il dit qu’il ne faut pas s’y arrêter : d’autant que le Saint-Esprit survenant, nous a élevés par-dessus celle-ci par plusieurs admonitions. Mahomet dit que sans son Alcoran les hommes demeurent toujours enfants. Le monde a donc été ensorcelé par une fausse apparence du Saint-Esprit à se détourner de la simple pureté du Christ. Car aussitôt que l’Esprit est séparé de la Parole de Jésus-Christ, la porte est ouverte à toutes rêveries et tromperies. Plusieurs esprits fantastiques ont de ce temps essayé un semblable moyen de tromper. Ils ont pensé que la doctrine qui est écrite est littérale ; par conséquent il leur a semblé bon de forger une nouvelle théologie, qui consistât en révélations.

Nous voyons maintenant que l’admonition du Seigneur Jésus n’a point été superflue ni inutile ; c’est qu’il devait être glorifié par l’Esprit qu’il devait envoyer ; afin que nous entendissions que l’office de l’Esprit n’est point autre que d’établir et de confirmer le Royaume de Jésus-Christ, et de maintenir à perpétuité tout ce qui lui été donné par son Père. À quel propos nous est-il donc parlé de la maîtrise de l’Esprit ? Ce n’est pas afin qu’il nous retire de l’école du Fils de Dieu ; mais plutôt afin que cette parole soit ratifiée, par laquelle il nous est commandé de l’écouter ; autrement il diminuerait la gloire du Christ.

Ensuite la raison est ajoutée ; « Parce qu’il prendra de ce qui est à moi », dit le Seigneur Jésus ; par ces mots il signifie que nous recevons l’Esprit afin que nous jouissions de ses bienfaits. Car que nous confère-t-il ? Que nous soyons lavés par le sang de Jésus-Christ, que le péché soit ôté et aboli en nous par sa mort et passion, que notre vieil homme soit crucifié, que sa résurrection ait efficace à nous réformer en nou-veauté de vie ; bref, que nous soyons faits participants de ses biens. L’Esprit ne nous confère donc rien qui ne soit hors de Jésus-Christ ; mais il prend de Jésus-Christ pour mettre en nous. Il faut en penser autant de la doctrine ; car il ne nous illumine pas pour nous détourner tant peu que ce soit du Fils de Dieu, mais pour accomplir ce que dit Saint-Paul : Que Jésus-Christ a été fait sagesse (I Cor. 1:30). Car il nous déploie et ouvre les trésors qui sont cachés en Jésus-Christ. En somme, le Saint-Esprit ne nous enrichit point d’autres richesses que les richesses du Fils de Dieu, afin qu’il magnifie en tout et par tout, et éclaircisse la gloire de celui-ci.

Jean Calvin, Genève, ce premier jour de janvier 1553.

Jean Calvin, Évangile selon saint Jean (Commentaire du chapitre 16, verset 14) in Commentaires du Nouveau Testament, Tome 2, Kerygma, Aix-en-Provence, 1978.