L’Église au pied du mur – Ésaïe 28

par | Résister et Construire - numéros 36-37

ès ses débuts[1], le témoignage de Dieu dans ce monde s’est trouvé menacé. Adam ne reçut pas uniquement de Dieu l’ordre de cultiver le jardin, de mettre en application ce que l’on appelle aujourd’hui le mandat culturel de l’homme, mais il reçut aussi la tâche de garder la bonne création de Dieu. Et le mot garder implique des adversaires, des ennemis qui veulent la détruire. Il nous faut certes construire, mais notre devoir est également de résister. À la truelle de ceux qui rebâtissaient les murailles de Jérusalem au temps de Néhémie et d’Esdras, il convient toujours d’ajouter l’épée qui servira à défendre la cité de Dieu. L’apôtre Paul parle souvent du chrétien d’une manière qui nous paraît étrange à nous, évangéliques timorés et souvent spirituellement pacifistes de cette fin du XXᵉ siècle. Pour l’apôtre, le chrétien est ouvrier avec Dieu, ambassadeur du ciel sur terre, mais aussi soldat de son Roi, du Roi des rois, du Seigneur des armées, soldat de Jésus-Christ. Il lui faut revêtir toute l’armure de Dieu et prendre en main cette épée de l’Esprit qu’est la Parole de Dieu. Nous devons nous saisir de toutes les armes offensives et défensives de la foi afin de pouvoir combattre victorieusement pour le Royaume de Dieu (Éphésiens 6:10-20). C’est bien ce que voyait si clairement le prédicateur réformé baptiste du XVIIᵉ siècle, John Bunyan, en écrivant ce chef-d’œuvre (complément du Voyage du Pèlerin), La guerre sainte[2], qui est une puissante allégorie du combat de tous les siècles entre la lumière et les ténèbres, entre l’Église du Dieu vivant et vrai, le Seigneur des armées, et Satan et ses acolytes spirituels et humains.

Depuis dès avant la chute, l’humanité se trouve ainsi en état de guerre. Bien souvent, la bataille de la foi a été perdue parce que les chrétiens se sont endormis dans le sentiment d’une paix trompeuse. Dans cette guerre, il n’y a pas de détente. Il ne peut s’y établir d’entente cordiale entre les adversaires. Ici le désarmement n’est guère de mise, et il est impossible car notre adversaire ne se détend jamais. C’est pourquoi, avec lui aucune entente n’est envisageable. Les paroles doucereuses et sentimentales du pacifisme religieux ne sont que de dangereuses tromperies. La protection que nous accorderait une ligne Maginot, où la paix que produirait la chute d’un mur de Berlin, d’un rideau de fer, ne seraient que graves illusions. Car l’Écriture nous avertit à tout moment de la réalité de cette guerre spirituelle permanente livrée par les puissances de ce monde à la Cité sainte de Dieu qu’est l’Église.

REMARQUES PRÉLIMINAIRES

Nous n’allons pas nous livrer, dans les trois études que nous consacrerons au thème L’Église au pied du mur, à un examen théorique des dangers intérieurs et extérieurs qui menacent l’Église de Jésus-Christ aujourd’hui. Nous nous y étions déjà employés il y a quelques années (Cette étude est toujours disponible dans le numéro d’avril-juin 1993 de la revue Résister et Construire[3]. Plutôt que de la reprendre, il m’a semblé plus utile de suivre une autre démarche. Ayant repris il y a quelque temps l’étude du livre du prophète Ésaïe, je voudrais méditer un certain nombre de passages tirés des chapitres 28-37, qui me paraissent particulièrement propice à conduire notre réflexion sur le thème qui nous a été proposé.

Le verset 21 du chapitre 28 d’Ésaïe nous donne ce qui peut être considéré comme l’axe central du message de ce chapitre. Écoutons-le :

Car l’Éternel se lèvera comme à la montagne de Peratsim,
Il se mettra à frémir comme dans la vallée de Gabaon,
Pour faire son œuvre,
Son œuvre étrange,
Pour exécuter son travail,
Son travail extraordinaire.

Il est question ici d’une œuvre étrange de Dieu, d’un travail extraordinaire. Par ce travail, Dieu se met apparemment à détruire l’Alliance qu’Il avait Lui-même établie avec son propre peuple. Pour Dieu, pour celui qui établit une Alliance perpétuelle avec le peuple qu’il s’est choisi d’entre toutes les nations, l’idée de le détruire volontairement, par des jugements répétés et d’une sévérité croissante, était une œuvre qui pouvait paraître aux yeux d’Ésaïe (et aux nôtres lorsque nous contemplons ses jugements sur son Église actuelle), une œuvre bien étrange, hors du commun, exceptionnelle, extraordinaire, disons-le clairement, à nos yeux incompréhensible car apparemment en contradiction avec les promesses et la fidélité de Dieu.

Tout cela sera d’autant plus incompréhensible si nous méconnaissons le contexte historique dans lequel la terrible prophétie d’Ésaïe à l’encontre d’Israël et de Juda fut prononcée. Car la Parole de Dieu n’est jamais une parole abstraite, une parole existant hors de son contexte spatial et temporel. Le fait de situer les textes de la Bible dans leur contexte, de les situer dans les circonstances où elles furent prononcées nous permet d’en comprendre le sens divin et d’en discerner la portée véritable. C’est pourquoi nous commencerons par une leçon d’histoire.

INTRODUCTION HISTORIQUE

Notre texte s’adresse à Israël d’abord (versets 1 à 4), puis à Juda (dans le reste du chapitre). Quelle est la situation du Royaume du Nord durant cette deuxième partie du VIIIᵉ siècle avant Jésus-Christ, période pendant laquelle Ésaïe exerce la grande partie de son ministère de prophète de l’Éternel ? Malgré les difficultés que présente la chronologie de cette époque si troublée de l’histoire d’Israël et de Juda, nous pouvons affirmer ce qui suit.

Israël

Prenons tout d’abord Israël. Le royaume du Nord s’en va avec précipitation vers sa destruction définitive. Sa fin viendra de la main puissante de l’Empire Assyrien en 722. Nous voyons au travers de l’histoire des dernières années de la monarchie, l’anarchie grandir à Samarie.

  • Zacharie est le dernier roi de la dynastie des Jéhuides, des descendants de ce Jéhu qui avait été l’instrument de la vengeance divine sur Ahab et Jézabel. Il succède à son père Jéroboam II en 751. Six mois plus tard il est assassiné par l’un de ses officiers, Schallum.
  • Schallum, lui, ne règne qu’un mois. Il est à son tour assassiné par Menahem.
  • Menahem règne dix ans de 751 à 741.
  • Il est succédé par son fils, Peqohya, lui-même assassiné après deux ans de règne, en 730 environ.
  • Son écuyer Pegah prend le pouvoir et meurt assassiné par son successeur, Osée.
  • Osée (environ 730 à 722), assassiné en 722 lors de la prise de Samarie par les Assyriens.

En une période d’à peine trente ans, nous n’avons pas moins de sept rois différents siégeant sur le trône d’Israël. Ces sept rois représentent quatre dynasties. Et parmi eux, cinq meurent de mort violente. Ces faits sanguinaires démontrent clairement l’état d’anarchie politique qui s’est emparé du royaume de Samarie et la décomposition morale, spirituelle et sociale qui y règne.

Juda

La même période voit trois rois s’asseoir sur le trône de Juda.

  • En 751 Jotham devient roi à la place de son père Ozias.
  • Jotham meurt en 736 et est succédé par Achaz qui règne jusqu’en 727 environ.
  • Il est succédé par le roi réformateur Ezéchias, ami d’Ésaïe, qui règne vingt-neuf ans, jusqu’en 698 avant Jésus-Christ. Son fils Manassé qui aura un règne de cinquante-cinq ans (698-643), succède à Ezéchias.

Tous appartiennent à la famille de David et aucun d’eux ne meurt de mort violente. Le roi Ozias avait dû abdiquer en 751 car, par un jugement précis de Dieu suite à sa tentative impie d’assumer le rôle du sacrificateur dans le temple à Jérusalem, il était devenu lépreux. Ces prétentions de la monarchie à usurper les privilèges exclusifs de la prêtrise provoquèrent la rivalité, puis une violente opposition, entre le roi et les prêtres à Jérusalem. Jotham (751-736), le fils d’Ozias, parvint à se réconcilier la classe des prêtres en poursuivant une politique de respect et d’appui des lévites et en travaillant très activement à la restauration du Temple. Mais ce rétablissement de la religion à Jérusalem dans le Royaume de Juda avait en réalité un caractère formel, essentiellement extérieur. Il ne parvint pas à débarrasser le pays des cultes syncrétistes.

En 736 Jothan est succédé part son fils Achaz (environ 736-720). L’unité du pays rétablie par son père permet à Achaz de faire basculer la nation de Juda tout entière dans les cultes syncrétistes, dans cette idolâtrie, piège qui guettait constamment la nation juive. Le clergé maintenant soudé derrière une royauté qui respecte ses privilèges, n’offre aucune espèce de résistance à l’invasion des faux cultes les plus extravagants, de quelque origine qu’ils puissent être. Le Royaume de Juda sous le règne d’Achaz fut marqué par une flagrante infraction des exigences de la loi divine, l’alliance que le roi avait établi avec la puissance dominante du moment, l’Assyrie, pour se protéger de ses voisins menaçants. Juda cherchait à se prémunir contre les attaques répétées du Royaume du Nord, Israël, et de son voisin la Syrie. La contrepartie inévitable de cette puissante protection fut la vassalisation étroite de Juda à l’Assyrie et l’adoption par le vassal des cultes de son suzerain. Ici Juda se livra aux dieux des Assyriens. Il faut se souvenir qu’alors, comme aujourd’hui, on ne devenait pas le vassal d’une grande puissance impunément. La proximité verbale des mots culte et culture n’est aucunement fortuite. La vassalisation politique d’une grande partie du monde envers les États-Unis va de pair avec l’adoption de plus en plus générale de la culture américaine, véritable culte matérialiste et hédoniste ; et, avec le Nouvel Âge ésotérique qui nous vient d’Amérique, vient l’invasion d’un occultisme de masse, une forme de magie banalisée. Voyez à notre époque la prolifération dans le monde entier des signes publicitaires pour Coca Cola et MacDonalds, de la musique rock, de la bénédiction de Toronto, des sectes américaines de toutes sortes et tutti quanti, au point qu’un auteur anglais n’a pu s’empêcher d’appeler cette fin du vingtième siècle l’heure américaine, titre qu’il donne à son dernier ouvrage[4]. Il en était de même pour l’alliance Assyrienne au VIIIᵉ siècle avant Jésus-Christ.

Voici comment André Neher, dans son admirable Histoire Biblique du Peuple d’Israël, décrit l’état spirituel et moral de Juda pendant le règne d’Achaz, période qui est celle que traite le texte d’Ésaïe que nous allons étudier :

Les seize années du règne d’Achaz furent un véritable désastre moral et religieux pour le Royaume de Juda. Le syncrétisme fait irruption à Jérusalem comme jamais auparavant. Tout se passe comme si, à cette époque où le Royaume du Nord allait s’écrouler, le Royaume du Sud s’ingéniait à en assumer la succession spirituelle. Les cultes de Baal réapparaissent dans leurs nuances les plus diverses : les rues de Jérusalem se peuplent d’autels, et les hauts lieux retrouvent, dans la campagne de Judée, leur clientèle habituelle. Le Temple de Jérusalem n’est pas à l’abri de la contamination. De retour de Damas (732), où le roi de Juda a fait acte de soumission au roi d’Assyrie, Achaz fait édifier, dans la cour même du Temple de Jérusalem, un autel nouveau, réalisé sur le modèle de l’autel de Baal qu’il avait vu et admiré à Damas. L’autel d’airain, construit par Salomon, est relégué dans un coin du parvis, et c’est désormais sur le nouvel autel d’inspiration idolâtre que se font les sacrifices prescrits par la Thora. Pire encore : au pied du Temple, dans la vallée de Hinnom, Achaz réintroduit le culte cananéen de Moloch : on y passe les enfants par le feu, en guise de sacrifice. Le roi lui-même donne l’exemple et deux de ses enfants sont ainsi sacrifiés à l’idole sanguinaire. […] les prêtres de Jérusalem sont contaminés par cette psychose générale. Loin d’être révoltés par les infidélités flagrantes d’Achaz et son introduction du syncrétisme jusque dans l’enceinte même du Temple, ils approuvent le roi et l’encouragent. […] Cette servile obéissance tient à l’esprit de docilité que Jotham avait inculqué au sacerdoce, mais aussi à l’ambiance générale d’une veille de catastrophe, qui faisait perdre aux prêtres tout ressort et toute énergie.

Le syncrétisme a constamment, dans l’histoire biblique, favorisé l’immoralité. Les cultes cananéens appelaient la débauche et la cruauté. Comme par ailleurs, les Judéens les plus riches passaient le plus clair de leur temps à festoyer, avant que ne surgisse la débâcle qu’ils attendaient avec autant de certitude que de terreur, la situation morale du pays fut sous Achaz de plus en plus déplorable. Orgies et débauches, violence et meurtres constituaient le rythme quotidien de la vie de la société. Jérusalem évoquait un repaire d’assassins et la population rappelait celle de Sodome et de Gomorrhe. (Voyez Ésaïe 1:9-10)[5]

Ceci nous amène à considérer la situation géopolitique du Moyen-Orient en cette deuxième moitié du VIIIᵉ siècle avant Jésus-Christ.

LA SITUATION GÉOPOLITIQUE DU MOYEN-ORIENT AU TEMPS D’ÉSAÏE

La Palestine, en cette fin du VIIIᵉ siècle, comme à toute époque, se trouve au carrefour des ambitions contraires des grandes puissances du moment, de l’Égypte d’une part et de l’Assyrie de l’autre.

L’Égypte et l’Assyrie

L’Égypte passe par une période troublée, dominée par des forces de l’extérieur, la Libye et l’Éthiopie. En fin de compte, c’est Piankhi, prince d’Éthiopie, qui se défait en 721 du roi légitime d’Égypte, Taknekht, et se trouve ainsi seul maître de toute l’Égypte. Il redonne à l’Égypte une influence importante dans les affaires du Moyen-Orient du huitième siècle.

Mais la puissance dominante est alors celle de l’Assyrie avec sa capitale Ninive située sur le Tigre, dans ce que l’on appelle aujourd’hui le Haut-Iraq. Déjà au IXᵉ siècle avant Jésus-Christ, l’Assyrie jouait un rôle capital dans l’histoire de tout le Moyen-Orient. Mais le début du VIIIᵉ siècle voit les dirigeants de Ninive traverser une passe difficile. Son autorité et sa domination sont battues en brèche de tous côtés. C’est seulement dans la deuxième partie du siècle – la période qui nous préoccupe –, sous le règne d’un roi puissant, Tiglath-Pileser III (746-727), que l’Assyrie retrouve sa domination ancienne. Elle s’impose d’abord vers le nord et l’est, puis son attention se porte vers la Syrie et le sud, l’Arabie (734), et en 729 vers sa rivale de toujours, Babylone. À la fin du règne de Tiglath-Pileser, l’Assyrie retrouve sa domination sur tout le Moyen-Orient, de la Perse jusqu’en Égypte, du Caucase jusqu’au Golfe Persique.

Tiglath-Pileser III inaugure au Moyen-Orient une politique nouvelle, celle de la déportation massive des populations conquises, les déplaçant d’une partie de son immense Empire à une autre. En déracinant et en décimant ainsi les peuples qui lui sont soumis l’Assyrie, rend pour une longue période, pratiquement impossible toute velléité de résistance des nations réduites à l’état de vassaux. Cette politique nouvelle de déportations des peuples sera poursuivie par les Assyriens tout au long du VIIᵉ siècle. Plus tard, elle sera reprise par les Babyloniens pour leur propre compte. C’est ainsi que la Providence dirigeait les événements de l’histoire du Moyen-Orient afin que les acteurs de cette histoire en viennent, à leur insu, à accomplir très exactement les prophéties bibliques concernant la façon dont se manifesteraient les jugements par lesquels Dieu frapperait son peuple devenu infidèle. Écoutons ce qu’annonce le Deutéronome près de sept siècles auparavant :

De même que l’Éternel prenait plaisir à vous faire du bien et à vous multiplier, de même l’Éternel prendra plaisir à vous faire périr et à vous détruire ; et vous serez arrachés du sol dont tu vas entrer en possession. L’Éternel te dispersera parmi tous les peuples, d’un bout à l’autre de la terre ; et là tu rendras un culte à d’autres dieux que n’ont connus ni toi, ni tes pères : du bois et de la pierre. (Deutéronome 28:63-64)

Avant le développement de la politique de déportation systématique des peuples inaugurée par Tiglath-Pileser III, l’accomplissement exact de cette prophétie aurait été impossible. Mais le temps de la patience de Dieu à l’égard de son peuple arrivait à son terme, d’abord pour Israël en 722, puis pour Juda en 586. Dieu mettait ainsi soigneusement en place sur l’échiquier de l’histoire les éléments nécessaires à l’accomplissement rigoureux de ses desseins éternels, desseins annoncés avec précision longtemps à l’avance dans sa Parole.

C’est cela l’œuvre étrange de Dieu, œuvre par laquelle lui, le Dieu des bénédictions de l’Alliance, se met enfin, après une si longue patience, à en manifester les terribles jugements. Ce sont ces jugements à l’égard du peuple de son Alliance qui font en partie l’objet des chapitres de la prophétie d’Ésaïe que nous étudions.

DESTRUCTION DE SAMARIE ET DU ROYAUME D’ISRAËL (Ésaïe 28:1-4)

Pour bien comprendre un texte quel qu’il soit, à plus forte raison un texte biblique qui est toujours historique (nous y voyons des réponses divines à des situations précises dans l’histoire des hommes), il faut pouvoir le situer selon les deux axes de toute l’œuvre créatrice, providentielle et salutaire de Dieu : l’espace et le temps. Ceci d’autant plus que la Bible est non seulement un livre pétri d’histoire, mais un livre dont l’histoire est le sujet même : je veux dire l’histoire de la Rédemption qui débute dans la Genèse et qui culmine dans ces fresques grandioses de l’Apocalypse. Là nous sommes dépeints la disparition finale du monde ancien et son remplacement par une nouvelle terre et de nouveaux cieux où la justice habitera. Ainsi il nous faut savoir avec précision quel est le lieu dont nous parle notre texte et en quels temps se sont produits les événements qu’il évoque. Lisons ces versets ensemble.

Malheur à la couronne orgueilleuse des ivrognes d’Ephraïm,
À la fleur fanée, ornement de sa parure,
En haut de la vallée fertile,
À ceux qui sont assommés par le vin.
Voici venir de la part du Seigneur, un homme fort et courageux,
Comme une averse de grêlons, un ouragan destructeur
Comme une pluie qui précipite des torrents d’eaux :
Il la fait tomber à terre avec violence.
Elle sera foulée aux pieds,
La couronne orgueilleuse des ivrognes d’Éphraïm ;
Et la fleur fanée, ornement de sa parure,
En haut de la vallée fertile,
Sera comme une figue hâtive qu’on aperçoit avant la récolte,
Et qui, à peine dans la main, est aussitôt avalée. (Ésaïe 28:1-4)

Quelles sont dans ces versets les expressions indiquant un lieu ? Ephraïm, sa couronne orgueilleuse, couronne qui se trouve en haut d’une vallée fertile. De quoi s’agit-il ? Par de nombreux usages bibliques, nous savons que le nom de la demi-tribu d’Ephraïm (Manassé et Ephraïm étaient les deux fils de Joseph) était souvent employé pour représenter le royaume de Samarie, les dix tribus du royaume du Nord, Israël. La ville de Samarie était elle-même construite sur une colline surplombant une vallée riante et fertile. Ainsi la ville de Samarie, capitale du royaume du Nord, est ici comparée à une couronne, mais une couronne orgueilleuse qui ne connaît, et ne veut plus rien connaître de cette véritable humilité qui doit être une des marques du caractère véritablement pieux du peuple de Dieu. Il n’y a plus la crainte de l’Éternel, la confiance en Dieu, en celui qu’Ésaïe aime appeler le saint d’Israël, ni la foi dont l’authenticité est marquée par une volonté soutenue d’obéissance à ses commandements. Cette couronne est devenue orgueilleuse. Elle rejette la gloire Dieu pour tirer sa gloire d’elle-même. Ce rejet de Dieu est accompagné chez les Samaritains d’ivrognerie, de dissolution morale. Il nous parle à deux reprises des ivrognes d’Ephraïm (v. 1 et 3) et aussi de ceux qui sont assommés par le vin (v. 1). La ville de Samarie était bien connue à l’époque pour ses beuveries et ses débauches. Notre texte ajoute une touche délicate : il nous parle de cette fleur fanée, ornement de sa parure (v. 1 et 4), joignant à la couronne d’orgueil encerclant la tête de la ville, une guirlande de fleurs, une décoration de fête entourant le cou des festoyeurs. Mais le prophète donne à sa description une note de tristesse, car il s’agit d’un règne allant vers son déclin, de la dernière fête d’une nation qui ressent la vieillesse de ce monde qu’il cherche à célébrer, et qui pressent sa fin prochaine. Car le Royaume d’Israël marche certainement dans cette direction, il est lui-même fané, flétri, près de mourir. À ces jouisseurs – mangeons, buvons, forniquons, car demain nous mourrons – à ces noceurs titubant sous les effets du vin, le prophète annonce le malheur.

La structure de ce passage est intéressante. Le premier verset est repris presque exactement par les versets 3 à 4. Cet écho sonne comme une litanie, une évocation poétique triste, lugubre. Et entre ces deux passages : un coup de tonnerre. On voit apparaître cet homme fort et courageux, homme qui ne vient pas sur la scène de l’histoire d’Israël de sa propre initiative, de lui-même, mais qui est – même s’il ne le sait pas – le serviteur d’un Autre, venu pour accomplir des desseins établis bien longtemps à l’avance. Cet homme fort et courageux vient de la part du Seigneur lui-même afin de mettre en marche le plan éternel de Dieu. Et quels sont donc ces desseins, quel est ce plan ? C’est le malheur !

Mais ce malheur n’est pas le simple effet de causes secondes, de causes historiques qui auraient, par le jeu des circonstances de l’histoire, propulsé sur le devant de la scène le royaume d’Assyrie et ses rois sanguinaires. Il ne s’agit pas ici, comme l’incrédulité de notre éducation humaniste foncièrement païenne nous le fait volontiers croire, du seul résultat des événements en cours dans le déroulement des manœuvres de la géopolitique du Moyen-Orient en cette fin du VIIIᵉ siècle. Nous n’avons pas à faire ici aux seuls effets d’un prétendu hasard historique. Car l’histoire, nous dit le prophète, n’est pas autonome. Elle ne saurait se passer de Dieu, de Celui que J. H. Merle d’Aubigné (historien évangélique du XIXᵉ siècle qui écrivait l’histoire de la Réforme du XVIᵉ siècle dans l’esprit des prophètes bibliques) appelait le Maître de l’histoire. Selon cette vision biblique de l’histoire – qui doit redevenir la nôtre si nous voulons demeurer fidèles à l’esprit de la Bible – il ne nous faut pas opposer les causes historiques secondes, les événements que nous observons au travers des témoignages du passé et dont nous pouvons, dans une certaine mesure, démêler rationnellement les causes (ce que nous trouvons, par exemple, chez un des maîtres de l’historiographie moderne, Henri Pirenne) –, et la direction souveraine donnée par Dieu à tous les événements qui se produisent en ce monde. En suivant Kant, Karl Barth, le grand hérétique helvétique, avait pris une toute autre direction. Il opposait cette histoire rationnelle qu’il appelait geschichte, à une autre histoire, une histoire purement religieuse nommée par lui Historie. La première, l’histoire profane, était selon Barth accessible à la raison historique mais imperméable à tout sens révélé. La seconde, l’histoire biblique, était inaccessible à toute vérification et avait ainsi un caractère complètement irrationnelle, étant uniquement atteignable par la foi. La première pouvait être soumise à une vérification, la seconde étant réservée au domaine invérifiable de la mystique, du noumène de Kant, du domaine proprement religieux de la révélation biblique. En conséquence, une telle histoire religieuse était totalement coupée des réalités accessibles à la raison. Dans une telle perspective, les causes divines et les causes terrestres n’ont plus le moindre rapport entre elles – Le seul lien entre le Dieu des cieux et les réalités de ce bas monde devient purement mystique, c’est-à-dire, dans la perspective de Barth, entièrement irrationnel, totalement incompréhensible intellectuellement.

Il n’en est pas du tout ainsi dans la vision que nous présente Ésaïe de la réalité de l’histoire. Les événements historiques sont bel et bien ceux que nous pouvons observer en contemplant la façon dont se démènent les hommes et les nations. Ces causes historiques secondes, accessibles à l’observation et aux raisonnements humains, sont bien réelles. Mais elles se trouvent englobées dans une causalité bien plus grande encore, celle dirigée dans tous ses détails par le Dieu souverain, qui conduit toutes choses aux fins qu’il a préétablies avant la création du monde, et cela pour sa seule gloire. Le cercle des causes temporelles se trouve ainsi, non en opposition ou à côté, mais à l’intérieur même d’un cercle beaucoup plus vaste, celui de la causalité universelle divine. De cette façon, lorsqu’elle est lue avec l’intelligence de la foi et à travers la vision biblique de toutes choses, l’histoire elle-même nous révèle (contrairement à ce que nous disent Barth, Kant et tous les idéalistes et néo-modernistes) certains aspects précis et absolument certains de l’action de Dieu dans les événements du monde. Car c’est au travers des événements de l’histoire que Dieu manifeste son action transcendante dans le monde. Et cette action transcendante est, avec l’aide du Saint-Esprit, suffisamment compréhensible pour l’intelligence humaine.

C’est pourquoi il nous est ici explicitement dit que cet homme fort et courageux vient de la part du Seigneur de toute la terre. C’est Lui, le Suzerain de l’Alliance, qui maintenant va mettre en œuvre ces malédictions de l’Alliance qu’il avait si longtemps, dans sa miséricorde, tenues en bride. Car dans sa compassion, dans sa grande patience envers un peuple infidèle, contredisant, durablement rebelle, Dieu avait contenu sa colère. Le peuple appelé à être l’objet de la bénédiction devient ainsi, par sa seule faute, destiné à la malédiction. Car l’Alliance de Dieu contient des promesses de bénédiction pour ceux qui gardent la gardent (ce sont entre autres les béatitudes du Sermon sur la Montagne) ; mais elle contient également, ne l’oublions pas, des promesses non moins fermes de malédiction, des jugements provenant de la main de Dieu Lui-même et qui tomberont inexorablement sur ceux qui résistent à son appel et se rebellent contre lui, tout particulièrement sur ceux qui, se réclamant d’un Dieu jaloux et saint, marchent à la manière des impies.

Avant d’aller plus loin, il nous faut préciser un point capital pour la compréhension de toute l’action de Dieu dans la Bible et dans l’histoire des hommes en général : qu’est-ce donc que cette Alliance dont nous parlons ?

Qu’est-ce que l’Alliance ?

Cette notion d’alliance, nous la retrouvons un peu partout dans la Bible. Mais elle est malheureusement trop souvent méconnue de bien des milieux chrétiens La doctrine de l’Alliance est le cadre qui gouverne toute la révélation et toute l’action divines. Elle englobe l’Ancien comme le Nouveau Testament (le mot Testament n’est par ailleurs rien d’autre qu’une différente expression utilisée pour parler de l’Alliance). Elle part de la création et aboutit à la consommation de toutes choses, au Jugement dernier, à la restauration de l’univers en Christ et par le Christ, à la Rédemption finale des élus, l’Église de Dieu, et à la réprobation éternelle des perdus. Nous retrouvons le nom d’alliance (Berith en hébreu ou Diatheke en grec), ou sa réalité dans toutes les parties de la Bible. Il me semble qu’avec la doctrine de l’Alliance, dont le cœur est la personne et l’œuvre du Messie, nous avons cette clef des Écritures dont parlait Jésus-Christ et que les Pharisiens s’efforçaient de ne pas voir :

Malheur à vous, docteurs de la Loi parce que vous avez enlevé la clef de la connaissance ; vous n’êtes pas entrés vous-mêmes, et vous avez empêché d’entrer ceux qui le voulaient. (Luc 11:52)

Quels sont les éléments constitutifs de l’Alliance de Dieu avec les hommes ?

a) Cette Alliance est une alliance de grâce, c’est Dieu qui en prend toutes les initiatives, autant lors de la Création que dans le travail qu’il opère au cours de l’histoire des Patriarches, puis dans celle d’Israël, et finalement dans la manifestation de son Fils en vue de la Rédemption de son peuple.

b) Cette Alliance est une alliance souveraine, c’est-à-dire qu’elle n’est pas un contrat entre partenaires égaux. C’est au contraire un acte unilatéral qui manifeste la souveraineté absolue de Dieu.

c) Mais l’Alliance proposée par Dieu demande la réponse de l’homme, elle ne constitue pas un décret dictatorial, elle ne s’impose pas de manière mécanique à l’homme. Cette réponse ne posait aucun problème chez Adam avant la chute mais, suite au péché et à la mort spirituelle de l’homme qui en fut la conséquence, elle requiert l’œuvre d’expiation, de propitiation et de rédemption du Messie, puis la régénération du pécheur, la recréation en lui d’une nature nouvelle dont les dispositions sont maintenant favorables à l’obéissance qu’il doit à son souverain. L’homme déchu refuse librement l’Alliance divine et se révolte contre elle. L’homme régénéré répond lui aussi librement à l’Alliance, mais cette fois favorablement, car Dieu a transformé son cœur de pierre, Il lui a donné son Saint-Esprit et a inscrit sa loi dans son cœur jusqu’alors rebelle. Ici il ne faut pas opposer la souveraineté de Dieu à la liberté de l’homme et à sa responsabilité comme on le fait trop souvent. Sinon, on en vient, ou à évacuer la souveraineté de Dieu (le monde moderne), ou la responsabilité et la réalité de la vie de l’homme (l’Islam), ou finalement à concevoir une espèce de compromis entre les deux (l’Arminianisme), ce qui est indubitablement la pire des solutions, car l’homme et Dieu sont dénaturés. Il faut plutôt considérer la souveraineté de Dieu et la liberté-responsabilité de l’homme comme deux cercles concentriques, le premier (qui n’a pas de limites) englobant l’autre (qui lui, est limité, fini). C’est-à-dire que la liberté de l’homme – en bien comme en mal – ne peut agir qu’à l’intérieur de l’action beaucoup plus vaste de la totale souveraineté de Dieu. Ainsi, la cause première englobe toutes les causes secondes sans pour autant les diminuer ou les annuler. La manière dont se constitue l’articulation de ces deux systèmes de causalité complémentaires mais inégaux est totalement incompréhensible à notre intelligence limitée. Nous ne pouvons qu’adorer le Dieu Créateur et Providentiel dont les desseins nous sont partiellement compréhensibles mais qui dépassent infiniment les capacités les plus hautes de notre intelligence.

d) La structure de l’Alliance est donnée par la loi de Dieu. C’est par rapport à leur obéissance ou leur désobéissance aux clauses de cette loi – expression du caractère et de la volonté de Dieu – que s’exprime la réponse concrète des hommes à l’Alliance de Dieu. Ce-là était déjà vrai pour l’Alliance avec Adam dans le paradis. Adam pouvait répondre favorablement ou défavorablement aux commandements que Dieu lui avait donnés. Par la suite, c’est uniquement la grâce de Dieu qui permet à l’homme de répondre favorablement à l’Alliance de rédemption. Le rejet systématique par les hommes de toute obéissance conséquente (jamais parfaite ici-bas !) à la loi de Dieu manifeste clairement qu’ils ne se trouvent pas dans l’Alliance mais qu’ils en sont encore étrangers.

e) Ceci nous amène au dernier point capital de cette structure d’Alliance : elle comporte des bénédictions – pour ceux qui y marchent – et des malédictions – pour ceux qui s’y montrent rebelles.

Nous retrouvons cette structure précise dans toutes les parties de la Bible. Certes il y a une histoire du développement de l’Alliance dans l’Écriture. Certes certains aspects y subissent des transformations, par exemple la circoncision, le Tabernacle, puis le Temple, les rites et les sacrifices, etc. C’est cette structure de l’Alliance qui ordonne le développement de l’histoire depuis son commencement pour les nations qui ne connaissent pas Dieu, comme pour son peuple fidèle, l’Église. Ainsi l’Église fidèle (l’épouse) ou l’église infidèle (la prostituée) sont sources, ou de bénédictions (le sel de la terre, la lumière du monde – Mat. 5:13-14) ou de malédictions (les rois, les habitants de la terre se sont enivrés du vin de son inconduite, Ap. 17:2). La venue du péché dans le monde l’a d’emblée placé sous la condamnation de Dieu. Tous ceux qui s’opposent à Dieu de tout les temps se trouvent placés sous cette condamnation universelle. Le peuple de Dieu fait l’objet des bénédictions divine lorsque, ayant été justifié par grâce, il marche en fidélité aux conditions de l’Alliance. Ceux qui disent faire partie de ce peuple et ne marchent pas en fidélité aux conditions de l’Alliance démontrent par là qu’ils en sont étrangers. Ils s’exposent ainsi aux jugements, à la malédiction divine.

Ces quelques remarques nous permettront de mieux comprendre la portée exacte des chapitres d’Ésaïe que nous allons étudier ensemble. Revenons maintenant à notre texte.

Après d’innombrables avertissements, après que Dieu, le Suzerain de l’Alliance avec Israël, ait manifesté une patience qui ne peut que nous étonner, nous qui sommes de nature si portés à être impatients, le Seigneur de toute la terre décide enfin à appliquer à Israël les clauses de jugements que contient l’Alliance qu’Il avait conclue avec son peuple devenu infidèle, rebelle, apostat. Et pour caractériser cette œuvre de jugement, la prophétie évoque un homme fort et puissant, irrésistible et plein de bravoure que maintenant rien ne pourra plus arrêter. C’est le roi d’Assyrie, Salmanesser V (727-722), successeur de Tiglath-Pileser III, qui imposera pendant trois années le siège à la ville de Samarie. Ce sera son successeur, Sargon II (722-705), qui prendra la ville en l’an 722 avant Jésus-Christ et appliquera au peuple d’Israël cette loi de déportation massive annoncée depuis si longtemps par Moïse et qui était devenue une règle de guerre pour les Assyriens :

L’Éternel les a arrachés de leur sol avec colère, avec fureur, avec une grande indignation, et il les a jetés sur un autre pays. (Deutéronome 29:27-28)

Trois images très fortes sont employées pour décrire cet événement terrible, (a) un orage de grêle, (b) un ouragan destructeur, et (c) une pluie torrentielle. Ainsi Dieu fera tomber, l’Éternel des armées jettera d’un revers de sa main, il foulera aux pieds cette couronne orgueilleuse des ivrognes d’Ephraïm, cette Samarie glorieuse et arrogante, si sûre d’elle-même, et cela par son instrument choisi, la puissance irrésistible des Assyriens. Et avec une nostalgie poignante, une grande peine, une détresse non feinte, le refrain du prophète revient :

[…] la fleur fanée, ornement de sa parure en haut de la vallée fertile. (v. 4)

La belle Samarie disparaîtra comme disparaît une figue précoce, engloutie en un instant, dès que cueillie. A peine prise que déjà la voilà au fond de la gorge de cette panthère venue du Nord, l’Assyrie insatiable.

En quelques mots Ésaïe nous dépeint la fin de cette ville flétrie et orgueilleuse. Les dix tribus d’Israël seront déportées définitivement dans les régions orientales de l’Empire assyrien, sur les bords du fleuve Gozan, à Kalah et Havor, aux confins de la Médie. Jamais ils ne reviendront, jamais ils ne retourneront dans le pays où coulait le lait et le miel, dans ce jardin de l’Éternel que le saint d’Israël avait donné à leurs pères. Ainsi se termine la longue patience de Dieu avec son peuple rebelle et infidèle. Les malédictions de l’Alliance tombent sur un peuple qui n’est plus digne d’être appelé le peuple de Dieu ; qui, par son incrédulité, par ses œuvres mauvaises, par sa persévérance dans l’impiété et dans l’iniquité, s’est détourné pour toujours de son Dieu et des bénédictions de l’Alliance. Aujourd’hui encore, l’Alliance créationnelle demeure le cadre de l’action de Dieu envers tous les hommes ; pour nous enfants de Dieu, la Nouvelle Alliance, ou, pour m’exprimer plus exactement, l’Alliance ancienne renouvelée en Jésus-Christ, demeure le cadre de l’action de Dieu envers son Église. Le Nouveau Testament nous dit clairement que le jugement de Dieu doit commencer par sa maison (I Pierre 4:17) et que l’on ne peut pas se moquer impunément de Lui (Gal. 6:6). S’Il est plein de miséricorde, Il est aussi un feu dévorant.(Héb. 12:29 ; Deut. 4:24). Nous le voyons aussi aujourd’hui, les Églises se conduisent souvent comme bon leur semble, croyant toujours demeurer au bénéfice des bénédictions de Dieu et du pardon obtenu par Jésus-Christ à la croix. Quelle erreur funeste. C’est à de telles Églises infidèles que s’adressent ces paroles de l’épître aux Hébreux :

Si quelqu’un a violé la loi de Moïse, il est mis à mort sans pitié, sur la déposition de deux ou trois témoins. Combien pire, ne pensez-vous pas, sera le châtiment mérité par celui qui aura foulé aux pieds le Fils de Dieu, tenu pour profane le sang de l’alliance par lequel il avait été sanctifié, et qui aura outragé l’Esprit de grâce ! Car nous connaissons celui qui a dit : À moi la vengeance, c’est moi qui rétribuerai (Deut. 17:6). Et encore : Le Seigneur jugera son peuple (Deut. 32:35-36). Il est terrible de tomber dans les mains du Dieu vivant ! (Hébreux 10:28-31)

En voyant l’état du Christianisme aux États-Unis où la foi chrétienne paraît bien implantée et très vigoureuse (jusqu’à avoir une influence certaine sur la vie politique du pays), trois faits récents laissent pressentir l’action de Dieu agissant en tant que juge de son Église :

a) l’immense succès de la soi-disant Bénédiction de Toronto qui n’est rien d’autre que l’invasion presque sans résistance des mauvais esprits dans les Églises qui la recherchent ;

b) la déclaration de paix signée en avril 1994 entre catholiques, évangéliques et réformés affirmant l’unité spirituelle qui existerait dans bien des domaines entre l’Évangélisme et le Catholicisme ; et

c) le scandale financier du New Era qui a éclaté l’été de 1995 et dans lequel un très grand nombre d’œuvres évangéliques importantes aux États-Unis furent impliquées. Il a abouti à les écumer de fonds importants (l’ensemble du scandale porte sur plus de 500 millions de dollars).

Un tel aveuglement dans des domaines aussi variés que la spiritualité (la confusion entre le Saint-Esprit et des esprits démoniaques), les doctrines essentielles de la foi chrétienne (la justification par la foi seule) et la responsabilité pour les finances des Églises et œuvres chrétiennes (la bienfaisance confondue avec les pires pratiques spéculatives), loin d’être un signe de la bénédiction de Dieu sur son Église, est bien plutôt un avertissement des plus solennels sur son état profondément détérioré. Certes, chacun de nous pourrait trouver dans nos milieux francophones bien des exemples, moins spectaculaires mais tout aussi probants, des jugements que Dieu déverse immanquablement sur toute Église qui persiste, malgré tous les avertissements de son divin Maître, dans l’infidélité. C’est ici ce travail étrange dont nous parle Ésaïe, où Dieu se lève.

Pour faire son œuvre,
Son œuvre étrange,
Pour exécuter son travail,
Son travail extraordinaire.

De Celui dont les bontés ne sont pas épuisées, dont les compassions ne sont pas à leur terme (Lam. 3:22-24), nous pouvons aussi dire : Il est fidèle à sa Parole et sa malédiction et ses jugements ne manqueront pas d’atteindre ceux qui demeurent rebelles à son Alliance de miséricorde.

Mais le message que proclame Ésaïe n’en reste pas là. Dieu est fidèle aux conditions de son Alliance : si l’immense majorité de son peuple – les dix tribus – doit inexorablement être emportée par l’Assyrien et disparaître à toujours, l’Alliance de Dieu demeure. Dieu ne peut être détourné de son but par l’infidélité des hommes, car

[…] les dons gratuits et l’appel de Dieu sont irrévocables. (Romains 11:29)

Dieu mènera à bien ses desseins éternels de salut, malgré l’infidélité de son peuple et la rage meurtrière, mais finalement impuissante, de Satan. Face au jugement nécessaire, Ésaïe dresse devant nous l’espérance :

En ce jour-là, l’Éternel des armées sera
Une couronne éclatante et un diadème magnifique
Pour le reste de son peuple,
Il sera l’esprit du droit pour celui qui siège au tribunal,
Et une force pour ceux qui repoussent l’ennemi jusqu’à ses portes. (Ésaïe 28:5-6)

En réponse à l’arrogance de la couronne orgueilleuse des ivrognes d’Ephraïm, face à cette guirlande fanée qui entoure la tête de Samarie, l’Éternel affirme ici qu’il sera encore Lui-même une couronne éclatante et un diadème magnifique pour le reste de son peuple. À la place de la couronne orgueilleuse que les hommes se fabriquent eux-mêmes dans leur volonté d’indépendance par rapport à Dieu, Dieu s’offre lui-même comme leur couronne, la gloire véritable de son peuple. Nous ne devons pas tirer notre gloire des hommes (Jean 5:41), ni la tirer les uns des autres (Jean 5:44), ni chercher notre propre gloire (Jean 7:18), ni aimer la gloire des hommes plus que celle de Dieu (Jean 12:43), mais nous devons donner toute gloire à Dieu et recevoir notre gloire de Jésus-Christ seul, Lui, la manifestation éclatante de la gloire du Père. Car Christ en nous est l’espérance de la gloire (Col. 1:27) et la gloire qu’il a reçue du Père, il la donne lui-même à ses enfants.

Et moi, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, afin qu’ils soient un comme nous sommes un – moi en eux, et toi en moi – et que le monde connaisse que tu m’as envoyé et que tu les as aimés, comme tu m’as aimé. (Jean 17:22-23)

Face à de telles promesses, comment l’Église de Jésus-Christ peut-elle encore rechercher l’approbation du monde, l’appui des savants et des puissants, en fait, la gloire des hommes et non celle de Dieu ?

Et comment se manifestera alors cette couronne divine ? Elle sera caractérisée par deux choses. D’abord un esprit de droiture, un jugement juste donné aux juges qui gouvernent le peuple de Dieu ; puis par un esprit de vaillance, un esprit courageux et combatif pour les soldats qui ont reçu la tâche de défendre la ville. Il ne s’agit pas ici pas d’un simple esprit défensif, mais d’un esprit de force, d’une manifestation de cette puissance militaire qui obligera ceux qui s’en prennent au peuple de Dieu à reculer, à perdre pied, à se retirer, à fuir. Les portes mêmes de l’enfer ne pourront résister aux assauts victorieux de l’Église de Dieu (Mat. 16 : 18). Ceux qui savent s’approcher de Dieu savent également résister au Diable. Ils le mettront immanquablement en fuite (Jac. 4 : 7). Et comme l’Éternel le disait à Josué au moment où il entamait la conquête du pays de Canaan, c’est la méditation et l’obéissance à la loi de Dieu (c’est-à-dire notre vraie piété et notre sanctification personnelle, familiale et en Église) qui nous donnera cette force victorieuse dans le travail que nous entreprenons pour faire avancer le Royaume de Dieu.

Seulement fortifie-toi, aie bon courage, en observant et en mettant en pratique toute la loi que t’a prescrite Moïse, mon serviteur : ne t’en détourne ni à droite ni à gauche, afin de réussir partout où tu iras. […] Ne t’effraie pas et ne t’épouvante pas, car l’Éternel, ton Dieu, est avec toi partout où tu iras. (Josué 1:8-9)

Il en est de même aujourd’hui pour l’Église qui cherche à être fidèle. Dans les temps mauvais que nous vivons, la méditation de la loi de Dieu et la pratique de ses commandements, bref, de toute la Parole, Ancien comme Nouveau Testaments, donnera à l’enfant de Dieu la force et le courage, la persévérance et la fidélité dont il a tant besoin pour mener à bien toutes les entreprises que Dieu lui confie, pour la confusion des ennemis de notre Seigneur et la gloire éternelle du seul vrai Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit. La défaite continuelle des forces du Christianisme dans nos pays, le recul de l’Évangile véritable face à des évangiles frelatés ou falsifiés, la remontée du néopaganisme des profondeurs où il avait été si longtemps refoulé, toutes ces choses ne sont pas des nécessités. La victoire reviendra à nouveau immanquablement au peuple de Dieu lorsqu’il mettra l’Éternel à l’épreuve. Et comment le fera-t-il ? En remplissant fidèlement sa part dans l’Alliance divine, en obéissant de cœur aux commandements de cette Alliance et en les mettant en pratique, en manifestant ainsi dans le monde la réalité de sa foi en l’œuvre de son Roi et Sauveur, le Suzerain de l’Alliance, Jésus-Christ notre Seigneur.

JUGEMENTS CONTRE JÉRUSALEM ET CONTRE LE ROYAUME DE JUDA (Ésaïe 28:7-22)

C’est comme en passant, d’une chiquenaude, que le prophète Ésaïe règle son compte au Royaume du Nord, Israël. Il va se donner plus de peine pour celui du Sud, pour Juda. Nous nous attarderons aussi plus longuement sur cet aspect de l’œuvre étrange de Dieu.

Ivresse des prêtres et des prophètes

Mais eux aussi, ils chancellent dans le vin,
Et les liqueurs fortes les égarent :
Sacrificateur et prophète chancellent dans les liqueurs fortes,
Ils sont engloutis par le vin,
Ils sont égarés par les boissons fortes ;
Ils chancellent en prophétisant,
Ils vacillent en rendant la décision.
Toutes les tables sont pleines de vomissements, d’ordures ;
Il n’y a plus de place nette. (Ésaïe 28:7-8)

Nous sommes dans le Royaume de Juda sous le règne syncrétique et immoral d’Achaz qui a pris l’initiative funeste de devenir le vassal politique et spirituel de l’Assyrie et de ses dieux. Par cette alliance politique et spirituelle impie il rejette l’Alliance divine, il se détourne, et détourne son peuple avec lui, du Saint d’Israël.

Ésaïe commence ici par une saisissante description de ceux qui auraient dû être les modèles du peuple et la lumière de ceux qui gouvernaient la nation : les sacrificateurs et les prêtres. Le proverbe le dit bien : Le poisson commence toujours à pourrir par la tête. Il en est pareil pour l’Église de Dieu. Si l’ennemi de l’Église peut atteindre l’intégrité doctrinale et morale des pasteurs et des docteurs, des anciens et des diacres il a largement gagné la partie. Dans le Juda de cette fin de VIIIᵉ siècle c’était chose faite. Prophètes et sacrificateurs s’étaient ensemble pervertis. Voyons la chose de plus près.

  • Le sacrificateur avait, entre autres, pour fonction d’enseigner au peuple la Loi-Parole de Dieu. Le prêtre représentait plus spécialement la nation devant Dieu. C’est lui qui offrait des sacrifices en sa faveur ; il intercédait ainsi pour le peuple devant le tribunal de Dieu. La prêtrise constituait aussi la cour d’appel ultime dans le système judiciaire Israélite. Ces fonctions exigeaient de sa part sainteté, sobriété, fidélité et communion avec Dieu.
  • Le prophète, de son côté, avait pour tâche essentielle de rappeler au peuple les exigences de la loi divine. Dans une mesure secondaire il annonçait les événements à venir dans le déroulement de l’Alliance. Il était ainsi le porte-parole de Dieu auprès des hommes. Dieu mettait ses propres paroles dans sa bouche. Le prophète devait dire au peuple tout ce que l’Éternel lui révélait de sa volonté, de ses desseins.

Je leur susciterai du milieu de leurs frères un prophète comme toi (Moïse), je mettrai mes paroles dans sa bouche, et il leur dira tout ce que je lui commanderai. (Deutéronome 18:18)

Mais que sont devenus les prêtres et les prophètes de Juda ? Eux aussi, nous dit Ésaïe, comme leurs frères de Samarie, chancellent, vacillent, titubent, ne tiennent plus sur leurs pieds et cela à cause du vin, de l’ivresse, de leur ivrognerie. Eux qui devaient être la lumière de la nation ont été mis hors de sens par leur amour des sensations fortes que leur apportaient les liqueurs, l’alcool, le vin. Non seulement ils chancellent physiquement, mais, nous dit Ésaïe, ils sont carrément engloutis par le vin. Ils se sont en conséquence égarés, perdus et se sont privés de tout repère. Ceux qui avaient la vocation divine d’être les guides de la nation ne savent plus eux-mêmes où ils vont. Nous avons vu comment la figue précoce, Samarie, allait être engloutie par l’Assyrien. De la même façon les prophètes et les prêtres de Juda étaient déjà, nous dit notre texte, engloutis vivants par leur amour du vin. La loi de Dieu (qui ne condamne aucunement un usage modéré des boissons alcoolisées pour ceux pour qui ce n’est pas une occasion de chute) est cependant très explicite en ce qui concerne la sobriété exemplaire qu’elle exige des prêtres dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions.

L’Éternel parla à Aaron et dit : Tu ne boiras, ni vin, ni liqueur, toi et tes fils avec toi, lorsque vous entrerez dans la tente de la Rencontre : ainsi vous ne mourrez pas ; ce sera une prescription perpétuelle pour vos descendants, afin que vous puissiez distinguer ce qui est saint de ce qui est profane, ce qui est impur de ce qui est pur et enseigner aux Israélites toutes les prescriptions que l’Éternel leur a données par l’intermédiaire de Moïse. (Lévitique 10:8-11)

N’oublions pas que la prêtrise constituait la Cour Suprême de la nation, le Tribunal de dernière instance. La décision de ce tribunal, prise par consultation directe de Dieu dans le Temple, avait un caractère sacré des plus solennels.

Tu iras vers les sacrificateurs Lévites et vers le juge qui sera alors en fonction ; tu les consulteras et ils prononceront pour toi la sentence de jugement. Tu agiras conformément à la sentence qu’ils prononceront pour toi dans le lieu que choisira l’Éternel, et tu auras soin d’agir d’après tout ce qu’ils t’enseigneront. Tu agiras conformément à la loi qu’ils t’enseigneront et au jugement qu’ils formuleront ; tu ne t’écarteras ni à droite, ni à gauche de la sentence qu’ils prononceront pour toi. L’homme qui agira avec audace sans écouter le sacrificateur placé là au service de l’Éternel ton Dieu, ou sans écouter le juge, cet homme mourra. Tu extirperas ainsi le mal du milieu d’Israël. Tout le peuple l’apprendra, sera dans la crainte et n’aura plus tant d’audace. (Deutéronome 17:8-13)

Mais l’audace ne venait pas ici du peuple, mais des prêtres, des juges et des prophètes du peuple de Dieu. Ils ne voulaient rien de cette intégrité, de cette sobriété, de cette droiture doctrinale et morale qui étaient la garantie de la justice de leurs jugements, de la vérité de leur enseignement. Bien au contraire nous dit notre texte,

Ils chancellent en prophétisant,

Ils vacillent en rendant la décision. (v. 7)

Et ceci était vrai physiquement, moralement, doctrinalement, spirituellement, intellectuellement, juridiquement. Que penser des pasteurs et des anciens qui ne connaissent pas de manière pratique les prescriptions de la Loi de Dieu – pour les appliquer à toute la vie personnelle, publique et intellectuelle de leurs ouailles et qui limitent la vie chrétienne à un domaine privé, religieux, développant ainsi une spiritualité qui n’a rien à voir avec la vie du chrétien dans le monde ? Pire encore, que penser de ces chefs l’Église évangélique (je parle ici de mon pays) qui manifestent leur religiosité en devenant ivres spirituellement ; qui se glorifient de marcher sur les épaules, de ramper par terre, de rugir comme des lions en public et d’entraîner le troupeau sous leur garde dans de telles aberrations, de telles abominations ? Bien plus, nous dit notre texte, dans le lieu saint, le Temple de Dieu, les tables dressées pour recevoir les offrandes et les sacrifices, étaient pleines des vomissements, des ordures provenant des orgies célébrées dans la Maison de Dieu par la classe sacerdotale.

Moquerie des prêtres

Non seulement les prêtres ignorent les prescriptions les plus explicites de la loi de Dieu, mais ils se livrent à l’ivresse, à l’esprit d’extases mystiques, aux orgies spirituelles, aux états seconds d’une religion païenne – celle de Bacchus, de Dionysos, de Priape, de Moloch, des Baals – idolâtrie qui doit les conduire à toutes les perversités. Cependant on ne se livre pas à l’ivresse, celle provoquée par le vin ou celle des extases, sans en récolter le juste retour. La chair est, nous dit la Parole, ennemie de Dieu (Rom. 8:7) ; s’abandonner aux pulsions de la chair ne peut que conduire ceux qui s’y livrent à se dresser contre Dieu, contre la Parole de Dieu et à faire alliance en fin de compte avec la mort (Rom 8:3-13). Et voilà que ces prophètes, les porte-parole de la Parole divine ; voilà que ces prêtres, experts en la loi de Dieu, se dressent contre les paroles du prophète, se mettent à railler les commandements de Dieu auxquels il a la tâche de ramener l’attention du peuple et de ses chefs. Écoutons donc comment ces ecclésiastiques se moquent du porte-parole de Dieu. Voyons ce qu’ils lui disent dans l’arrogance, la suffisance, de leur fonction religieuse :

À qui veut-il enseigner la connaissance ?
À qui veut-il faire comprendre la leçon ?
Est-ce à des enfants qui viennent d’être sevrés,
Qui viennent de quitter la mamelle ?
Ordre sur ordre, ordre sur ordre,
Règle sur règle, règle sur règle,
Un peu ici, un peu là. (Ésaïe 28:9-10)

Toi, lui disent-ils du haut de leur morgue, toi donc à qui prétends-tu enseigner la connaissance ? A qui donc veux-tu donner des leçons ? Sommes-nous, nous les détenteurs de la sagesse religieuse de notre peuple, de petits enfants à peine sevrés pour que tu nous instruises de tes leçons de morale élémentaire ? Qu’est qui te pousse obstinément à chercher à nous apprendre le B A BA de la foi ? Ne nous débite plus tes niaiseries ! Arrête de nous faire la morale ! Pour finir tu nous casses les pompes ! Puis, tout ce que tu nous débites n’a aucun sens. Ce n’est que,

Ordre sur ordre, ordre sur ordre,
Règle sur règle, règle sur règle,
Un peu ici, un peu là.

L’idolâtrie, le syncrétisme religieux, l’ivrognerie spirituelle – tous traits caractéristiques de l’esprit religieux de cette fin du XXᵉ siècle – produisent le mépris de la Parole de Dieu (critique biblique) et le mépris de la Loi de Dieu (antinomisme, relativisme). Et le refus de la Parole-Loi de Dieu conduit droit à l’immoralité. Et l’immoralité conduit toujours, à la longue, à l’aveuglement, à la perte de la raison. Dans leur ivresse les prophètes et les Prêtres de Juda se moquent des paroles du prophète. Leurs propres paroles en hébreu sonnent comme les bégaiements d’un homme qui ne sait parler, comme les hoquets de ces ivrognes qu’ils sont. En hébreu nous entendons,

Tsav latsav, Tsav latsav,
Qav laqav, qav laqav.

Ils sont tellement ivres spirituellement qu’ils ne comprennent plus rien au sens profond, à l’actualité et à la parfaite cohérence de la Loi de Dieu. Ils sont tombés dans ce vice intellectuel et spirituel si grave que Francis Schaeffer a si justement nommé, La démission de la raison[6]. Ils ont une pensée fracassée, devenu fragmentaire, morcelée, brisée, spécialisée. Ils ne peuvent plus comprendre, ni la beauté, ni l’importance, ni le caractère systématiquement cohérent de toutes les parties de la Bible, de toute la Parole de Dieu. Ils prennent des bribes de cette Parole ici, des bribes là. Ils la cassent en petits morceaux, comme le fait la méthode historico-critique, comme le font les méthodes de traduction dites à équivalence dynamique. Elle devient risible à leurs yeux, anachronique, parfaitement insignifiante, inutile. Et ses exigences incompréhensibles sont perçues comme constituant un insupportable fardeau.

La réponse de Dieu

La réponse de Dieu ne se fait pas attendre. C’est le jugement.

Eh bien ! c’est par des hommes aux lèvres balbutiantes
D’un autre langage
Que l’Éternel parlera à ce peuple.
Il leur avait dit : voici le repos,
Laissez reposer celui qui est fatigué :
Voici la trêve !
Mais il n’ont pas voulu écouter.
Et pour eux la parole de l’Éternel sera :
Ordre sur ordre, ordre sur ordre,
Règle sur règle, règle sur règle,
Un peu ici, un peu là,
Afin que marchant ils trébuchent à la renverse et se brisent,
Afin qu’ils soient pris au piège et capturés. (Ésaïe 28:11-13)

Vous traitez ma parole d’incompréhensible, répond Dieu à travers son prophète ? Alors je vous parlerai dans une langue qui sera en effet pour vous incompréhensible ! Car je vous parlerai par la langue de l’étranger, du conquérant, langue que vous ne comprendrez effectivement pas ! Et ce sera par la domination sur vous d’un peuple parlant cette langue incompréhensible que je vous ferai enfin comprendre le sens des paroles que vous ne vouliez pas comprendre. Car c’est ainsi que je vous exprimerai ma colère et que vous éprouverez les foudres de mes jugements, des malédictions de cette Alliance dont vous vous êtes moqués. Écoutons le texte prophétique qui annonce de loin ce malheur :

L’Éternel soulèvera contre toi de loin, des extrémités de la terre, une nation qui se précipitera comme le vautour, une nation dont tu ne comprendras pas la langue, une nation au visage farouche, et qui n’aura ni respect pour le vieillard, ni pitié pour l’adolescent. (Deutéronome 28:49-50)

Nous voilà devant l’Ennemi, l’Assyrien farouche, impitoyable, cruel. Vous ne voulez pas me comprendre quand je parle votre propre langage. Eh bien, je me ferai fort bien comprendre à vous dans une langue étrangère.

Il est saisissant de retrouver ce même texte dans le Nouveau Testament, dans la Première épître de Paul aux Corinthiens et cela pour expliquer le sens véritable du fait que le Saint-Esprit ait à nouveau parlé au peuple Juif à la Pentecôte dans des langues qui lui était étrangères.

C’est par des hommes d’une autre langue
Et par des lèvres d’étrangers
Que je parlerai à ce peuple,
Et ils ne m’écouteront pas même ainsi. (I Corinthiens 14:21)

Pourquoi ? Lors de la Pentecôte Dieu a parlé à son peuple dans des langues étrangères, montrant ainsi qu’il s’agissait à ce moment, comme du temps d’Ésaïe, de la manifestation de son jugement sur son peuple. Car, dit Paul, si les prophéties (compréhensibles) sont adressées aux croyants pour leur édification, les langues étrangères (incompréhensibles), par contre, sont des paroles qui s’adressent à ceux qui ne croient pas (I Cor. 14:22). Si la porte se refermait sur la nation d’Israël, par contre par ce signe elle s’ouvrait pour les nations qui entendaient enfin parler Dieu dans leur propre langage. Le temps d’éloignement et d’obscurité des nations païennes prenait fin. Mais aussi le rôle privilégié d’Israël dans l’œuvre du salut arrivait à son terme. Que le Suzerain de l’Alliance s’adresse ainsi à son propre peuple dans une langue qui lui est étrangère est la marque, nous dit Ésaïe, du jugement de Dieu.

Mais tout de suite Ésaïe rappelle le but véritable de l’Alliance. Il s’agit d’une Alliance de grâce, de miséricorde et non pas de jugement. Mon Alliance, dit Dieu, est une Alliance de bénédiction pour ceux qui mettent leur confiance en ma Parole, pour ceux qui mettent leur confiance en moi et qui obéissent à mes commandements. Mon joug et doux et mon fardeau léger (Mat. 11:29-30). je voulais vous donner du repos, vous accorder ma paix ; mais vous ne l’avez pas voulu. Maintenant vous aurez l’oppression de l’ennemi, des tourments et une guerre sans merci. Quelle douceur poignante, quelle patience inlassable dans cet appel de Dieu au peuple de l’Alliance, dans son plaidoyer pour qu’il revienne à son Dieu :

Il leur avait dit : voici le repos,
Laissez reposer celui qui est fatigué,
Voici la trêve !
Mais ils n’ont pas voulu écouter.

Quel écho émouvant ne trouvons-nous pas à ces paroles dans celles que le Seigneur de l’Alliance adressait lui-même à la ville de Jérusalem quelques heures seulement avant sa crucifixion :

Jérusalem, Jérusalem, qui tue les prophètes et qui lapide ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants, comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous ne l’avez pas voulu ! (Matthieu 23:37)

Ils ont rejeté l’Alliance de Dieu. Ils ne veulent plus de sa miséricorde, de sa compassion. À la place des bénédictions viennent alors, immanquablement, les malédictions. On ne se moque pas impunément de Dieu. La parole du prophète, la Parole de Dieu était pourtant fort claire. Mais le péché du peuple de l’Alliance l’avait rendue trouble et l’endurcissement de leur apostasie en faisait un langage incompréhensible. S’ils se sont rendus eux-mêmes aveugles face aux révélations de Dieu, s’ils se sont volontairement bouchés les oreilles et fermés les yeux pour ne pouvoir ni entendre ni voir, s’ils ont refusé de la comprendre et ont fini par la trouver ridicule et insignifiante, alors Dieu fera en sorte que pour eux sa Parole deviendra un charabia incompréhensible. C’est en effet ce qui est arrivé à notre Occident qui s’est, lui aussi, détourné, a méprisé la Parole de vie, la Parole du salut qui lui était adressée. Dieu ainsi renvoie à son peuple endurci ses propres paroles pleines de mépris. De cette façon il leur ferme tout accès à sa sainte Parole. Il ne donne assurément pas ses perles aux pourceaux ! Cette Parole qui est la lumière des nations est pour eux devenue ténèbres : ordre sur ordre, règle sur règle, bribes ici, bribes là. Et cela dans un but bien précis : le jugement.

Et les jugements vont aller en progressant. N’ayant plus la lumière de la Parole de Dieu en marchant ils tombent à la renverse, ils se brisent, ils sont pris au piège et capturés. S’abandonner à la chair et au péché, courir après d’autres dieux conduit à écouter le Diable, le Menteur, à mépriser la Parole de Dieu et ce mépris de la Parole divine mène droit au jugement. C’est en suivant ce chemin funeste que bien des Églises aujourd’hui tombent à la renverse, sont renversées par Dieu Lui-même.

Une alliance avec la mort

À la débauche, à la moquerie du prophète, au mépris de la Parole de Dieu s’ajoute la folie. Écoutons notre texte :

C’est pourquoi, écoutez la parole de l’Éternel, moqueurs,
Vous qui dominez sur ce peuple de Jérusalem !
Vous dites : nous avons conclu une alliance avec la mort,
Nous avons fait un pacte avec le séjour des morts ;
Quand le fléau débordant passera,
Il ne nous atteindra pas,
Car nous avons le mensonge pour refuge
Et la fausseté pour abri. (Ésaïe 28:14-15)

A l’Alliance si bienfaisante de Dieu les dirigeants du pays, auxquels le prophète s’adresse maintenant, ont préféré un pacte avec le Diable, une alliance avec la mort. Ils ont entendu le message de jugement prononcé par le prophète : ils sont condamnés à être renversés, ils tomberont à la renverse, ils seront brisés, pris au piège et capturés. Mais ils s’en moquent. Ils ont quelque chose de plus fort que Dieu. Ils ont apprivoisé la mort. Ils ont fait une alliance avec le séjour des morts, avec l’enfer ; ils ont pris le mensonge pour refuge et la fausseté pour abri. À l’esprit de vaillance et de droiture que donne l’Alliance de Dieu ils ont préféré le pacte avec le mensonge et la mort. Au lieu de faire leur paix avec Celui qui viendrait un jour vaincre la mort, ils embrassent la mort elle-même. Les chefs, ceux qui dominent sur le peuple de Jérusalem ont choisi de mettre leur confiance dans le diable, meurtrier et menteur et aussi dans leurs propres ruses et stratagèmes politiques et diplomatiques. Ils se croient assez malins pour s’en sortir par eux-mêmes. Ils n’ont manifestement aucun besoin du Saint d’Israël. N’avons-nous pas ici une image saisissante de l’attitude des dirigeants de l’Israël d’aujourd’hui qui ne comptent que sur leur ruse et sur leur force ? Et cette attitude n’est-elle pas celle des chefs de toutes les nations anciennement chrétiennes de l’Occident qui n’ont pas la moindre pensée pour le Dieu devant lequel ils devront rendre compte de l’exercice de leur mandat politique ?

Toute cette odeur de mort, cet engouement pour la mort, nous est bien connue en ce XXᵉ siècle qui, par sa folie et par la cruauté de ses régimes totalitaires, est si semblable au grand siècle de l’Empire Assyrien. Mais, plus encore, ce climat de mort, cette volonté d’autodestruction, ce nihilisme est caractéristique de toute notre civilisation présente qui n’hésite pas à sacrifier sur l’autel d’une sexualité débridé des millions de petits enfants. La mort des deux enfants du roi impie, Achaz, sacrifiés à Moloch dans la vallée de Hinnom, en comparaison de nos millions d’avortés, peut paraître une bagatelle. Si pour Dieu le crime d’Achaz était d’une gravité immense, que faut-il penser de la manière dont il jugera notre civilisation qui, elle aussi, a fait son pacte avec la mort. On comprend alors que Jean-Paul II puisse parler d’une culture de la mort, que le philosophe Genevois Jan Marejko ait intitulé l’un de ses derniers livres La cité des morts et que Francis Schaeffer ait appelé un de ses ouvrages les plus percutants Mort dans la cité. Nous devons reconnaître que la mortalité est devenue la maîtresse de ce temps.

Avec cette description de la politique de Juda nous nous trouvons en plein dans les manœuvres troubles qui caractérisèrent le règne d’Achaz où l’alliance avec l’Assyrie allait de pair avec une politique secrètement favorable à l’Égypte. Cette politique qui louchait du coté du Nil fut aussi celle de certains milieux Judéens sous le règne d’Ezéchias. Dans les chapitres qui suivent nous voyons avec quelle vigueur elle fut combattue par Ésaïe. Si l’Assyrie, la ville sanguinaire comme la nomme le prophète Nahum (Nahum 3:1) se confie en sa force brutale, Juda pense être plus habile que ce tyran et pouvoir détourner de sa tête les foudres de cette puissance militaire irrésistible par ses ruses et ses mensonges. Elle s’imagine être plus puissante que la mort elle-même. Elle a mis Dieu totalement hors de ses pensées. Ainsi Juda refuse de mettre sa confiance en Celui qui à la croix a anéanti la mort pour toujours (Ésaïe 25:8). Il ne peut y avoir aucun doute à ce sujet. Ceux qui oublient Dieu aiment la mort (Proverbes 8:36). Ils pensent qu’ils peuvent apprivoiser l’histoire et par leurs habilités échapper aux jugements de Dieu. Ainsi au mépris de la Parole de Dieu s’ajoute immanquablement la fausse confiance en soi, la présomption, l’orgueil… et une chute certaine. Ils oublient que le Seigneur de l’Alliance, notre Seigneur et Roi, Jésus-Christ, est Lui le Maître de l’histoire et que Celui qui a fait de l’Assyrien le bâton de sa colère, la massue dans sa main, l’instrument de sa fureur (Ésaïe 10:5) saura, au temps qu’il lui semblera juste, aussi juger cette nation orgueilleuse et impie.

Mais alors, quand le Seigneur aura accompli toute son œuvre
Sur la montagne de Sion et à Jérusalem,
Je punirai l’Assyrie pour le fruit de son cœur orgueilleux
Et pour l’arrogance de ses regards hautains.
Car il a dit : C’est par la force de ma main que j’ai agi,
C’est par ma sagesse, car je suis intelligent. (Ésaïe 10:12-13)

La pierre angulaire

Mais Dieu, face à un tel aveuglement, une telle présomption, une telle stupidité bornée, cherchant son salut dans un pacte avec le mal, avec le mensonge et avec la mort, Dieu annonce soudainement qu’Il est Lui le vrai appui de son peuple, son rocher immuable.

C’est pourquoi ainsi parle le Seigneur, l’Éternel :
Me voici ! J’ai mis pour fondement en Sion une pierre,
Une pierre éprouvée,
Une pierre angulaire de prix, solidement posée ;
Celui qui la prendra pour appui n’aura pas hâte de fuir.
J’ai pris le droit pour règle,
Et la justice comme niveau ;
La grêle emportera le refuge du mensonge,
Et les eaux déborderont dans l’abri de la fausseté.
Votre alliance avec la mort sera détruite,
Votre pacte avec le séjour des morts ne subsistera pas ;
Quand le fléau débordant passera,
Vous serez par lui foulés aux pieds.
Chaque fois qu’il passera, il vous saisira ;
Car il passera tous les matins, et le jour et la nuit,
Et son bruit seul donnera l’épouvante.
Le lit sera trop court pour s’y étendre,
Et la couverture trop étroite pour s’en envelopper. (Ésaïe 28:16-20) 

st Dieu, c’est son Fils unique, Jésus-Christ dont la venue est ici annoncé comme un véritable coup de trompette. C’est Lui le rocher immuable posé en Sion. C’est Lui la seule protection possible pour Juda. C’est Lui la pierre d’angle, pierre éprouvée, testée, solidement posée sur laquelle tout l’édifice du Royaume de Dieu repose en sûreté. C’est sur cette pierre que repose l’Église de Jésus-Christ. Elle ne sera jamais ébranlée, car elle est posée sur Celui qui est le rocher des siècles et son édifice est construit sur la règle divine de la loi de Dieu, ayant comme fil à plomb le droit et comme niveau la justice.

Quel contraste entre la Maison construite sur le roc du Dieu vivant et tenue ensemble par le ciment de sa justice et la maison des hommes révoltés contre leur Créateur, bâtie sur le sable du Séjour des morts et tenue ensemble par le plâtre friable du mensonge et de l’injustice. Et tout de suite Ésaïe rappelle ses auditeurs à la dure réalité. Comme pour Samarie emportée par la grêle, l’ouragan et une pluie torrentielle, de même Juda verra son refuge du mensonge dévasté par la grêle, l’abri de la fausseté balayé par le débordement des eaux. L’alliance de Juda avec la mort, (comme toutes nos assurances, toutes nos sécurités terrestres si fragiles, si peu fondées), sera totalement détruite et son pacte avec l’enfer ne pourra subsister. Le fléau débordant foulera aux pieds – comme le sel ayant perdu sa saveur – le peuple infidèle de l’Alliance. Il passera sur lui chaque matin, comme une marée qui avance, qui recule et qui revient inlassablement sur le rivage. Le jugement de Dieu ne cessera de frapper Israël infidèle. Car comme on ne peut s’étendre à son aise sur un lit trop court, ou se recouvrir d’une couverture trop étroite, de même les projets les mieux ficelés des hommes qui ne mettent pas Dieu dans leurs plans ne sauraient aboutir. Car leur réductionnisme a exclu de leurs calculs trop courts le Dieu des Armées, le Seigneur de l’Alliance, le Créateur des cieux et de la terre, le Roi des rois de la terre et le Maître Souverain de l’histoire des hommes.

Depuis que notre civilisation a pris l’option au début du XVIIᵉ siècle avec Galilée, Descartes, Hobbes, Locke, Newton et tant d’autres d’une science d’où ce Dieu vivant et vrai était méthodologiquement exclu et l’autorité normative de la Parole de Dieu remplacée par les Mathématiques et les sciences qui en découlaient, notre civilisation a été livrée à un esprit mécaniste réductionniste du réel. Depuis lors tout doit se mesurer à l’aune de cette nouvelle science et tout ce qui ne s’y conforme pas – le sens des choses, les valeurs, la beauté, la sagesse ancestrale, la révélation tant naturelle qu’écrite de Dieu, tout ce qui n’entrait pas dans le carcan des sciences dites exactes perdait toute légitimité culturelle. Car le nouveau consensus scientifique (à ne pas confondre avec la science elle-même qui peut se faire à la fois utile et modeste) qui allait devenir le modèle unique pour toute pensée acceptable (intellectuellement correcte pourrait-on dire), dans sa volonté de réduire toute la réalité au mesurable, méconnaissait l’ordre si varié de la création. Il jetait aux orties cet ordre visible dont les formes substantielles stables (les espèces par exemple) furent établies par Dieu dès l’origine et à partir desquels le monde prend un sens. Ainsi les causes matérielles et efficientes devenaient la seule préoccupation des sciences à l’exclusion des causes formelles, le plan de Dieu pour son œuvre, et la cause finale, le Dieu Créateur, le Dieu de la Providence, le Dieu auquel aboutissent toutes choses, Celui qui est en tout, par tout et pour tout, le Seigneur Jésus-Christ. C’est de là que provient cette source de tous nos maux, l’exclusion si profonde du Dieu de la Bible et de sa Parole de tous les aspects du monde dans lequel nous vivons.

Certes au temps du roi Ezéchias et d’Ésaïe, en cette fin du VIIIᵉ siècle avant Jésus-Christ, on n’en était pas là. Mais l’exclusion par certains des dirigeants du Royaume de Juda de Dieu comme la cause première de la politique et de l’histoire était une première ébauche de ce refus total de reconnaître Dieu dans les domaines naturels et culturels que nous constatons aujourd’hui partout en Occident. Il n’était ni sage ni prudent alors, comme aujourd’hui d’ailleurs, d’ainsi exclure le Dieu vivant et vrai des plans des hommes et des nations.

L’œuvre étrange de Dieu

Ce que nous avons examiné dans ce chapitre est ce qu’Ésaïe appelle l’œuvre étrange, le travail extraordinaire de Dieu. Cette œuvre étrange n’est autre chose que les jugements terribles que le Dieu de l’Alliance déclenche contre le peuple infidèle de l’Alliance. Nous avons d’abord vu la destruction d’Israël avec la chute de Samarie et la déportation des dix tribus, puis la menace des jugements divins est prononcée contre Juda qui suit sans vergogne les traces infidèles de sa sœur aînée. Ces menaces s’accompliront finalement plus de cent ans plus tard au moyen des armées Babyloniennes de Nébuchadnetzar. Pour Israël nous avons vu que l’issue fatale était imminente. C’était une question de mois ou au plus de quelques années. Pour Juda aussi dans les annales de la prédestination divine le sort est également fixé. Seule l’échéance n’est pas connue. Elle se précisera de plus en plus clairement un siècle plus tard avec les prophéties de Jérémie. Cette œuvre étrange de Dieu est présentée en ces termes :

Car l’Éternel se lèvera comme à la montagne de Peratsim,
Il se mettra à frémir comme dans la vallée de Gabaon,
Pour faire son œuvre,
Son œuvre étrange,
Son travail extraordinaire.
Maintenant, ne vous livrez pas à la moquerie
De peur que vos liens ne soient resserrés ;
Car la destruction de tout le pays est résolue ;
Je l’ai appris du Seigneur, de l’Éternel des armées. (Ésaïe 28:21-22)

Pour comprendre ce qu’est l’œuvre étrange de Dieu il serait utile de savoir en premier lieu ce qu’est son œuvre normale, son œuvre ordinaire.

Nous en avons déjà eu quelques brefs aperçus. C’est la couronne éclatante, le diadème magnifique de Dieu : l’esprit de droiture et de vaillance du verset 6. C’est le repos du peuple de Dieu, la tranquillité, la paix de l’Alliance du verset 12. C’est la pierre angulaire, éprouvée, solidement posée, rocher sur lequel on peut avec confiance s’appuyer, notre Sauveur et Seigneur Jésus-Christ, qui a le droit pour règle et la justice pour niveau des versets 16 et 17. Voici l’œuvre normale, l’œuvre ordinaire du Christ, car il est compatissant et juste et il ne se plaît pas à la mort du pécheur mais veut qu’il se repente et qu’il vive.

Est-ce que je désire avant tout la mort du méchant ? – oracle du Seigneur l’Éternel. N’est-ce pas qu’il se détourne de sa voie et qu’il vive ? (Ezéchiel 18:23)

Ou encore ce texte magnifique du même prophète :

Et toi fils d’homme, dit à la maison d’Israël : Vous dites : Nos crimes et nos péchés sont sur nous, et c’est à cause d’eux que nous sommes frappés de langueur ; comment pourrions-nous vivre ? Dis-leur : Je suis vivant ! – oracle du Seigneur l’Éternel –, ce que je désire, ce n’est pas que le méchant meure, c’est qu’il change de conduite et qu’il vive. Revenez, revenez de vos mauvaises voies. Pourquoi devriez-vous mourir, maison d’Israël. (Ezéchiel 33:10-11)

Pour illustrer cette œuvre étrange de Dieu Ésaïe prend deux batailles célèbres dans l’histoire d’Israël où Dieu est intervenu en faveur de son peuple de manière dramatique, extraordinaire, miraculeuse. À la montagne de Peratsim Dieu était intervenu en faveur de David contre les Philistins et cela d’une manière très particulière. Dans le deuxième livre de Samuel nous lisons les recommandations tactiques que Dieu donna alors à David :

Les Philistins montèrent de nouveau et s’infiltrèrent dans la vallée des Réphaïm. David consulta l’Éternel, et l’Éternel dit : Tu ne monteras pas, tourne-les par-derrière, et tu arriveras sur eux vis-à-vis des mûriers. Quand tu entendras un bruit de pas dans les cimes des mûriers, alors hâte toi, car c’est l’Éternel qui sort devant toi pour battre le camp des Philistins. David fit ce que l’Éternel lui avait ordonné et battit les Philistins depuis Gueba jusqu’à Guézer. (2 Samuel 5:22-25)

Dans la vallée de Gabaon Josué obtint une victoire éclatante contre l’alliance des cinq rois des Amoréens qui menaçaient d’attaquer les Gabaonites qui s’étaient soumis à Israël.

L’Éternel dit à Josué : Ne les crains pas, car je les livre entre tes mains, et aucun d’eux ne tiendra devant toi. Josué arriva subitement sur eux. Il avait marché toute la nuit depuis Guilgal. L’Éternel les mit en déroute devant Israël ; il leur porta un coup décisif, les poursuivit sur le chemin qui monte à Beth-Horon, et les battit jusqu’à Azéka et à Maqqéda. Dans leur fuite devant Israël, voici ce qui arriva quand ils furent dans la descente de Beth-Horon ; l’Éternel fit tomber du ciel sur eux de grosses pierres jusqu’à Azéqa, et ils périrent ; ceux qui moururent par les pierres de grêle furent plus nombreux que ceux que les Israélites tuèrent par l’épée.

Alors Josué parla à l’Éternel, le jour où l’Éternel livra les Amoréens aux Israélites, et il dit en présence d’Israël :

Soleil, tiens-toi immobile sur Gabaon,
Et toi lune, sur la vallée d’Ayalon.
Et le soleil se tint immobile, et la lune s’arrêta,
Jusqu’à ce que la nation eût tiré vengeance de ses ennemis.

Cela est écrit dans le livre du Juste :

Le soleil s’arrêta au milieu du ciel et ne se hâta point de se coucher presque tout un jour. Il n’y a pas eu de jour comme celui-là, ni avant ni après, où l’Éternel ait écouté la voix d’un homme ; car l’Éternel combattit pour Israël. Et Josué, et tout Israël avec lui, retourna au camp de Guilgal. (Josué 10 : 8-15)

Voici les interventions miraculeuses de Dieu en faveur de son peuple auxquelles se réfère Ésaïe pour nous faire comprendre ce qu’est en fait l’œuvre étrange de Dieu. Il s’agit d’une œuvre qui dépasse le cours normal des choses, une œuvre que nous appellerions miraculeuse. Mais l’étrangeté foncière de l’intervention de Dieu ne réside pas que dans le caractère anormal (par rapport aux lois scientifiques) de l’intervention de Dieu, bien que nous devions reconnaître que notre idolâtrie de la vision du monde moderne – l’idéologie scientifique – nous rende ce genre de réponse à la prière, l’affirmation que le soleil et la lune puissent s’arrêter dans leur course, difficilement croyable. Mais ce qui est étrange pour le prophète est le fait que l’Éternel ne se lève plus maintenant pour combattre en faveur d’Israël, mais qu’il se soit mis à agir contre Israël, contre le peuple de son héritage. Car il appuie à présent de sa force souveraine les ennemis du peuple de l’Alliance. Comme l’Éternel avait jadis combattu avec Josué et avec David, manifestant ainsi sa colère contre les ennemis païens du peuple élu, maintenant, sans se renier, Dieu va combattre contre Israël et contre Juda apostats. C’est-à-dire que le Saint d’Israël lutte maintenant contre son propre peuple qui, par son infidélité, son endurcissement est lui devenu l’ennemi de Dieu.

CONCLUSION

La conclusion de ce chapitre étonnant Ésaïe nous la donne sous la forme d’une série de Proverbes tirés de l’expérience ancestrale de la vie agricole.

Prêtez l’oreille, écoutez ma voix !
Soyez attentifs, écoutez ma parole !
Celui qui laboure pour semer laboure-t-il toujours ?
Ouvre-t-il et herse-t-il toujours son terrain ?
N’est-ce pas qu’après en avoir aplani la surface,
Il répand de la nigelle et jette du cumin,
Il met le froment par rangées,
L’orge à une place marquée
Et l’épeautre sur les bords ?
Son Dieu lui a enseigné la marche à suivre,
Il lui a donné ses instructions.
On ne foule pas la nigelle avec le traîneau,
Et la roue du chariot ne passe pas sur le cumin ;
Mais on bat la nigelle avec le bâton
Et le cumin avec la baguette.
On doit broyer le blé pour avoir du pain,
Aussi n’est-ce pas continuellement qu’on le bat et qu’on le rebat :
Si l’on pousse la roue de son chariot et ses chevaux,
Il n’est pas broyé.
Cela aussi vient de l’Éternel des armées ;
Admirable est son conseil,
Et grandes sont ses ressources. (Ésaïe 28:23-29)

Avec Ésaïe tirons quelques leçons que nous donne le travail des champs sur les différentes manières par lesquelles Dieu agit dans ce monde.

Notons tout d’abord que les réalités les plus ordinaires, nous dirions banales, de la vie quotidienne sont utilisées pour exprimer les idées les plus élevées sur le comportement de Dieu vis-à-vis de son peuple, de sa création. Notre civilisation, par son parti-pris pour une pensée abstraite, a de la peine à concevoir que les faits d’observation les plus simples peuvent être des moyens parfaitement adéquats – en fait souvent les plus appropriés – pour parler des réalités les plus hautes, les plus spirituelles. Le caractère abstrait de l’idéologie qui domine notre civilisation a disqualifié, dans beaucoup d’esprits, le langage concret et simple de la Bible. Mais un peu de réflexion devrait nous faire comprendre l’erreur de ce point de vue. L’ordre de la création est l’œuvre du Créateur. Cet ordre ne se manifeste pas seulement de manière cachée par les lois mathématiques que la science peut légitimement découvrir ou par les raisonnements souvent fort abstraits de la philosophie. Cet ordre créationnel constitué de formes substantielles nous est avant tout manifesté directement au travers du témoignage naïf de nos sens dans ces réalités ordinaires que nous observons chaque jour. Contrairement à ce que nous laisse entendre une science mathématique qui voue toute son étude à un ordre naturel invisible à nos yeux, abstrait des réalités sensibles, ce témoignage de nos sens quant à l’ordre de la création n’a aucunement (normalement) un caractère trompeur ou illusoire. Cet ordre créationnel qui se manifeste dans les formes visibles de la réalité naturelle et sociale reflète le sens que Dieu a donné à ses œuvres. Le langage humain ordinaire, la langue de tous les jours, est le moyen le plus adéquat pour exprimer l’analogie qui existe entre cette réalité ordinaire et les réalités spirituelles. Certes notre compréhension de ce rapport a été troublé, et souvent faussé, par les effets du péché sur le fonctionnement de notre intelligence et sur le langage que nous employons. Nous avons en conséquence un grand besoin des correctifs de la Parole révélée de Dieu pour ramener toutes nos pensées à l’obéissance du Christ. Cependant notre langage et la raison humaine sont des dons que Dieu nous a faits pour nous permettre de comprendre le sens qu’Il a donné à chaque aspect de sa création. Notre Seigneur qui était le maître absolu dans cet art d’utiliser les réalités les plus simples pour parler des choses les plus hautes, et cela à travers des images et des paraboles apparemment banales de la vie quotidienne, nous montre comment nous devons nous y prendre pour parler justement des choses de Dieu. Ne disait-il pas à Nicodème, auquel il avait expliqué la nécessité de la régénération en établissant une analogie, une comparaison (exacte mais pas exhaustive) entre la naissance physique et cette naissance spirituelle indispensable pour quiconque désire entrer dans le Royaume de Dieu :

Tu es le docteur d’Israël, et tu ne sais pas cela ! En vérité, en vérité, je te le dis, nous disons ce que nous savons, et nous rendons témoignage de ce que nous avons vu ; et vous ne recevez pas notre témoignage. Si vous ne croyez pas quand je vous parle des choses terrestres [en termes terrestres des choses spirituelles], comment croirez-vous quand je vous parlerai des choses célestes ? [C’est-à-dire qui dépassent complètement l’entendement humain, comme celles que Paul a connue dans son ravissement au troisième ciel.] (Jean 3:10-12)

Plus loin dans l’Évangile de Jean Jésus-Christ parlant aux Juifs incrédules leur dit :

Pourquoi ne comprenez-vous pas mon langage ? [Langage tout simple, des plus concrets.] Parce que vous ne pouvez pas écouter ma parole. (Jean 8:43)

Il est intéressant d’apprendre qu’un des fondateurs de la science mathématique (et de la philosophie subjective moderne), René Descartes trouvait que la Bible était un livre fermé, incompréhensible. De son côté Galilée considérait que le langage des mathématiques était nettement supérieur à celui de la Bible pour comprendre l’univers crée par Dieu. Newton pour sa part, dans le culte qu’il vouait au rationnel et dans sa haine de tout mystère, considérait les doctrines de la Trinité et de l’Incarnation du Fils de Dieu comme de véritables escroqueries spirituelles. L’aboutissement d’une telle attitude incrédule fut la critique rationaliste de la Bible telle qu’elle se manifeste dans l’exégèse allemande du XVIIIe et XIXᵉ siècles qui a infesté de son venin la plus grande partie des Facultés de Théologie et des Églises de l’Occident. Dans cette optique tout ce qui ne correspond pas au critère humain d’une raison établie en absolu ne peut qu’être faux. La pensée se fondant sur ce critère ne tient aucun compte des réalités spirituelles ou concrètes et s’exprime dans un jargon abstrait (et imbuvable) totalement déraciné des réalités de la vie ordinaire. Ainsi fut d’emblée disqualifié tant le surnaturel biblique que son langage simple et familier. Ce fut ensuite la science qui fut mis sur le piédestal du trône de Dieu avec l’exégèse démythologisante de Rudolf Bultmann de l’Université de Marbourg en Allemagne. Dans cette même ligne Darwin et l’évolutionnisme chercha à détruire la doctrine biblique de la Création. Tout ce qui pouvait entrer en contradiction avec sa vision positiviste de la science établie comme norme absolue de toute vérité était également automatiquement disqualifié. Tout le caractère miraculeux de la Bible, toute la vision de l’action souveraine et providentielle de Dieu dans sa création et dans l’histoire était en conséquence taxés de mythologie. Finalement, avec Karl Barth et ce que l’on est venu à appeler la néo-orthodoxie existentialiste on a cherché à concilier les enseignements de la Bible avec les points de vue rationalistes et scientistes. Ce fut la raison humaine qui fit cette fois les frais de nos savants théologiens-philosophes. Elle passa par la fenêtre en faveur d’une dialectique qui pouvait sans se gêner affirmer une chose et exactement, son contraire, comme étant toutes deux également vraies. Ainsi s’attaquer au nom de la raison à la Parole de Dieu – seul fondement solide du bon usage de cette même raison – conduit, nous l’avons vu, à la folie, c’est-à-dire à la destruction de la raison elle-même.

Ce que nous devons inlassablement rappeler est que le véritable fondement de la raison humaine, don si précieux de Dieu, n’est autre que la Parole de Dieu, parole à la fois divine et humaine, expression juste, mais non exhaustive, de la pensée divine elle-même. Nous pouvons maintenant constater à quel point les remarques d’Ésaïe que nous avons étudiées sont hautement pertinentes et actuelles. Car sa description de la dérive vers l’absurde et la folie des théologiens ivrognes de son époque n’est pas si différente de ce que nous trouvons aujourd’hui dans la plupart des Facultés de Théologie où l’on se moque, comme de la guigne de cette Parole infaillible, concrète et pratique de Dieu qu’est l’Écriture Sainte.

Que nous enseignent donc ces proverbes tirés de la pratique des travaux agricoles ?

  • Le paysan ne passe pas tout son temps à labourer et labourer sans relâche son champ.
  • Ayant une fois aplani les mottes du champ labouré il ne jette pas la semence n’importe où, il ne sème pas n’importe comment, au hasard de sa fantaisie. Chaque semence a sa place propre, celle qui lui convient le mieux. Tout doit se faire avec ordre, selon les règles de l’art agricole.
  • Et lorsque le récolte sera rentrée, la moisson engrangée, chaque type de graine doit être battue de la manière qui lui est appropriée. On ne traite pas le cumin comme le blé et on ne bât pas les grains indéfiniment, par pur plaisir de les battre.
  • Finalement c’est Dieu Lui-même qui a institué cette manière de faire, cet ordre que nous devons absolument respecter si nous voulons voir prospérer le travail des champs et tirer de notre travail sa juste récompense.

Mais Ésaïe ne nous dit pas tout cela pour donner une note bucolique, à la manière d’un Breughel Judéen, à sa prophétie autrement si sombre. Non ce qu’il veut nous faire comprendre c’est qu’il existe une analogie précise entre la manière de faire du bon paysan et celle de Dieu. Si les choses de la terre, les choses de la vie ordinaire que nous menons chaque jour dans ce monde sont justement entendues, comprises spirituellement, bibliquement, elles auront des leçons magnifiques à nous donner sur la manière d’agir du Créateur lui-même.

Ainsi, dans le monde de l’agriculture tout doit se faire avec ordre, une chose après l’autre, chaque chose en son temps, chaque travail ayant sa saison, sa façon juste d’être faite, sa bonne place. Rien dans le travail des champs ne doit se faire de manière fantaisiste, déraisonnable ou avec une obstination malsaine, de façon stupidement répétitive. Il ne faut pas toujours refaire indéfiniment la même action, ni manquer au discernement si nécessaire aux travaux de la campagne en traitant, par exemple, des plantes délicates comme celles qui supportent un traitement plus robuste.

La conclusion saute aux yeux. Dieu n’est pas moins intelligents ni moins sage et prudent qu’un excellent agriculteur. Dans l’œuvre de sa Providence dans l’exécution, au cours de l’histoire des hommes, de ses décrets éternels Dieu n’agit pas toujours de la même manière. Il y a une saison pour planter, une autre pour arracher ce qui a été planté. Dieu n’est pas seulement amour et miséricorde, il est aussi justice et il existe aussi un temps pour sa condamnation. Il ne manifeste pas que ses bénédictions au cours de l’histoire, mais aussi ses malédictions et ses jugements. Il combattra un temps pour Israël fidèle. Il manifestera aussi une grande patience envers le peuple de l’Alliance dans ses nombreuses désobéissances. Mais si ce peuple ne se repent pas, s’il persévère opiniâtrement dans son infidélité, sa révolte et son apostasie, la fidélité de Dieu à qui Il est, à son caractère immuable de sainteté et de justice, le conduira à exercer ses jugements – ce que Ésaïe appelle son œuvre étrange – envers son propre peuple, envers le peuple de l’Alliance. C’est ainsi que bien plus tard il menacerait les Églises d’Asie Mineur de leur ôter leur chandelier. Il armera ainsi Lui-même la main des ennemis de Dieu – de l’Assyrie de Tiglath-Pileser III, de Salmeneser, de Sargon, de Sennachérib ; puis de la Babylone de Nébucadnetzar, enfin de la Rome de Titus – contre Israël et contre Juda. Mais le temps du jugement (comme les différents travaux propre à l’agriculture) ne dure pas toujours : il viendra un temps plus favorable pour le reste du peuple de l’Alliance. Sennachérib ne parviendra pas à détruire Jérusalem et plus tard ce sera Cyrus lui-même qui prendra l’initiative de sa reconstruction et favorisera le retour des Juifs dans leur patrie. Un temps de réveil viendra, un temps où Dieu lui-même réveillera l’esprit des exilés (Esdras 1 : 5), où il travaillera au retour de son peuple dans la terre promise, au rétablissement et à la reconstruction du royaume d’Israël, un temps où Dieu donnera à Israël, type de l’Église de Dieu :

La splendeur au lieu de cendre.
Une huile de joie au lieu de deuil.
Un vêtement de louange au lieu d’un esprit abattu,
Afin qu’on les appelle térébinthes de justice,
Plantation de l’Éternel
Pour servir à sa splendeur. (Ésaïe 61:3)

Jean-Marc Berthoud

Lausanne, le 4 novembre 1995

[1]      Études sur Ésaïe préparées pour une Conférence d’Églises à Charleroi en Belgique.

[2]      John Bunyan : La guerre sainte, Association Empreinte, Arzy F-74330 Silligny, 1989. Nous signalons la parution d’une nouvelle édition du grand classique de Bunyan, Le voyage du pèlerin dans une très belle traduction aux Éditions L’Âge d’Homme.

[3]      No 24-25, Jean-Marc Berthoud, Les dangers qui menacent la foi chrétienne aujourd’hui, p. 10-40.

[4]      Os Guinness : The American Hour, The Free Press, New York, 1993.

[5]      André et Renée Neher : Histoire Biblique du Peuple d’Israël, Maisonneuve, Paris, 1962, Tome II, p. 496-498.

[6]      Francis Schaeffer, Démission de la raison, Maison de la Bible, Genève, 1990.