Mais si vous ne vous repentez pas, vous périrez tous pareillement. (Luc 13:4)
Aujourd’hui[1], troisième dimanche de septembre, on fête dans tout le pays ce qu’on est venu à appeler le « Jeûne fédéral ». Déjà à la fin du Moyen Âge des jours ponctuels étaient consacrés au jeûne et à la pénitence publics lors de calamités telles que la guerre ou la peste, malheurs qui frappaient la communauté tout entière. Cette coutume fut maintenue à la Réforme et, à maintes reprises, les cantons protestants de la Confédération eurent l’occasion de consacrer des journées de jeûne et de prière publics en faveur, par exemple, de leurs frères persécutés en France ou dans les vallées vaudoises du Piémont. C’est le 2 novembre 1619, que pour la première fois, les cantons protestants se sont associés pour un jeûne commun afin de célébrer ensemble, d’un même cœur, l’heureux aboutissement du fameux Synode de Dordrecht aux Pays-Bas[2]. Mais c’est seulement le 1ᵉʳ août 1832 que la Diète (ou parlement) helvétique décréta le troisième dimanche de septembre jour officiel de jeûne pour tous les cantons suisses.
C’est une journée où le Pays tout entier est appelé à examiner ses voies, à reconnaître son péché, à revenir à Dieu. Et combien notre pays n’a-t-il pas besoin d’un tel exercice, combien chacun de nous n’a-t-il pas besoin d’un pareil examen de conscience !
Car notre pays, quoi donc, le monde entier, est comme cette voiture folle qui, la nuit du 30 août dernier, se précipitait à une vitesse vertigineuse sous les quais de la Seine vers son destin inéluctable. Oui, combien cette puissante machine allemande, orgueil de la technique moderne, occupée par un couple faisant fi et des lois de Dieu[3] et des lois humaines[4], conduite par un chauffeur ivre et sous amphétamines[5], et poursuivie par une meute de motards, marchands d’illusions et de mensonges, combien cette voiture se projetant vers la mort ressemble à notre civilisation aujourd’hui devenue folle ! Dans son orgueil et sa suffisance, notre monde, tourné résolument contre Dieu, se croit apte à survivre, et même retrouver la prospérité, en se moquant éperdument tant des lois civiles, que nos gouvernants se refusent souvent à appliquer, que des lois morales, dont il se moque.
Ne sommes-nous pas placés ici devant une puissante parabole dessinée par la Providence dans la réalité des faits qui, à travers le destin de cette voiture et de ses occupants, nous parle d’un monde devenu immoral et criminel et de ses gouvernants, enivrés par le pouvoir, qui conduisent les nations que Dieu leur a confiées à la destruction ?
Les occupants de cette voiture ont tous une valeur hautement symbolique. L’est, par l’Égypte islamique et l’ouest, avec l’Angleterre chrétienne, s’y trouvent réunis. Les valeurs pourries d’une ploutocratie placées au-dessus de toutes les lois y sont associées à celles d’une noblesse décadente. Sur cette scène, le conducteur ivre y figure nos gouvernants qui ne sont plus capables de reconnaître la différence entre leur main droite et leur main gauche[6]. Le seul à réchapper de l’horrible hécatombe est l’unique innocent dans cette affaire, le garde du corps qui, par obligation professionnelle était assis à côté du chauffeur dans le siège du mort, fut lui. Comme si Dieu voulait figurer en lui ce reste du peuple fidèle de Dieu qui échappera, comme au travers du feu, à la destruction du jugement qui va venir sur le monde. Ainsi chacun des personnages présent sur cette scène tragique à des leçons à nous donner.
Par cette parabole divine, là où dans le silence des chaires les Églises ne font plus retentir une Parole divine adressée avec puissance et vérité à la nation tout entière, c’est maintenant Dieu qui, à cette treizième colonne du tunnel du pont de l’Alma sur les bords de la Seine, s’est Lui-même mis à parler haut et clair au monde entier. Et quand Dieu parle ainsi les hommes doivent commencer à trembler. Pour se faire entendre par tous, afin que devant Lui tous soient inexcusables, Dieu, dans sa souveraine Providence, avait propulsé cette Princesse – guère plus fautive que nous tous – au sommet d’une gloire bien éphémère qui avait fait d’elle le point de mire de tous les regards. C’est ainsi que tous ont pu, comme de leurs propres yeux, contempler l’intervention puissante de Sa main souveraine. Mais qui donc a compris que ce Dieu miséricordieux, qui par ses jugements cherche encore à nous avertir, nous invitait ici tous à la repentance ?[7]
Cette intervention manifeste de Dieu, qui nous a rempli de stupeur dès que nous en avons pris connaissance, nous dit aujourd’hui, comme naguère notre Seigneur le disait aux Juifs de son temps, de prendre garde qu’il ne nous arrive pas à tous la même chose, si nous aussi nous refusons de nous repentir, individuellement et communautairement, de nos péchés innombrables.
En ce temps-là, quelques personnes vinrent lui raconter ce qui était arrivé à des Galiléens dont Pilate avait mêlé le sang avec celui de leurs sacrifices. Il leur répondit : Pensez-vous que ces Galiléens aient été de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens, parce qu’ils ont souffert de la sorte ? Non, vous dis-je. Mais si vous ne vous repentez pas, vous périrez tous de même.
Ou bien, ces dix-huit sur qui est tombée la tour de Siloé, et qu’elle a tués, pensez-vous qu’ils aient été plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem ? Non, vous dis-je. Mais si vous ne vous repentez pas, vous périrez tous pareillement. (Luc 13:1-5)
En l’an septante Titus mêla bel et bien le sang du peuple Juif, rassemblé tout entier dans la ville de Jérusalem, avec le sang de ses propres sacrifices ; en cette même année ce ne fut pas la tour de Siloé mais la ville de Jérusalem tout entière qui tomba sur le peuple Juif et qui écrasa ce peuple élu apostat qui avait renié et crucifié son Messie !
Alors qu’en sera-t-il aujourd’hui de nos nations chrétiennes apostates qui font exactement de même ?
Qui donc, parmi nous, aura des oreilles pour entendre ce que, dans sa miséricorde, Dieu – dans le silence effrayant des Églises – dit encore Lui-même par l’action de sa droite toute puissante aux nations de cette terre, à notre propre nation, pour qu’Il ne soit pas à la fin obligé d’en venir à déchaîner ses jugements contre un monde irréductiblement rebelle.
Jean-Marc Berthoud
[1] Paroles prononcées lors de l’introduction d’un culte donné à Lausanne, le dimanche 21 septembre 1997.
[2] Voyez les Canons du Synode de Dordrecht disponibles aux Éditions Kerygma, Aix-en-Provence, 1988. Ces Canons de Dordrecht proclamèrent, face au synergisme arminien (Dieu et l’homme se rapprochant réciproquement l’un de l’autre), ce qui vint plus tard à être connu sous le nom des « cinq points du calvinisme » : dépravation totale ; salut inconditionnel ; expiation limitée ; grâce irrésistible ; persévérance des saints. Il est extraordinaire de penser que ces doctrines aujourd’hui si controversées, même dans des milieux attachés à la Bible, faisaient au début du XVIIᵉ siècle à ce point l’unanimité des cantons protestants suisses.
[3] Outre la conduite immorale du couple étalée au grand jour il faut signaler la passion de la Princesse de Galles pour la voyance qui, en cet instant pour elle si décisif, ne lui a manifestement servi de rien.
[4] On se permet de rouler à 196 km à l’heure en un endroit dangereux où la vitesse est limitée à 50 km/h.
[5] Une alcoolémie de 1,78 pour mille d’alcool dans le sang, là ou un taux maximal de 0,5 est toléré.
[6] Jonas 4:11. Comment ne pas penser ici au conseiller fédéral qui cette semaine exhortait le peuple à voter « contre Jeunesse sans drogue, pour une Suisse sans drogue » ! Et cet autre conseiller fédéral qui nommait comme responsable du poste si délicat de l’information du Département militaire fédéral un homme qui, dans un passé tout récent, avait été un des dirigeants de la GSSA, du Groupe pour une Suisse Sans Armée.
[7] Il est à craindre que les paroles terribles du prophète Ésaïe à Juda s’adressent aujourd’hui à nos nations : Va, tu diras à ce peuple : écoutez toujours, mais ne comprenez rien ! Regardez toujours, mais n’en apprenez rien ! Rends insensible le cœur de ce peuple, endurcis ses oreilles et bouche-lui les yeux, de peur qu’il ne voie de ses yeux, n’entende de ses oreilles, ne comprenne avec son cœur, qu’il ne se convertisse et ne soit guéri (Ésaïe 6:9-10). Ne lisons-nous pas également dans le livre de l’Apocalypse : Les autres hommes, qui ne furent pas tués par ces fléaux, ne se repentirent pas des œuvres de leurs mains ; ils ne cessèrent pas d’adorer les démons et les idoles d’or, d’argent, de bronze, de pierre et de bois, qui ne peuvent ni voir ni entendre ni marcher ; ils ne se repentirent pas de leurs meurtres, ni de leurs sortilèges, ni de leur inconduite, ni de leurs vols (Apocalypse 9:20-21). Voyez aussi Apocalypse 16:9-10.